Guînes, le 15 janvier 2015.
Je serai bref… Oui, ne souriez pas ! Je serai bref pour trois raisons : la première, c’est que trop de discours tue les discours ; la seconde, c’est que les discours font plaisir à ceux qui les font et non à ceux qui les écoutent ; la troisième, c’est qu’aujourd’hui, comme l’a dit Eric, c’est une soirée un peu spéciale pour moi.
Alors, des vœux sans Marc Médine, des vœux sans notre maire… Pas courant ; inhabituel… Mais c’est aussi de sa faute ! Rappelez-vous, l’an passé, il avait commencé son discours en disant qu’il avait des démangeaisons. Madame la député aussi, d’ailleurs, avait des démangeaisons. Et moi, de suite, j’avais fait le diagnostic : c’était des poux ou la gale… Et je leur avais proposé une consultation gratuite pour les soulager. Eh bien, ils ne sont pas venus me voir… Du coup, Médine s’est gratté, sans arrêt, a fait un faux mouvement, a été opéré… Et il est absent ce soir…
Mais je vous rassure : il va bien. Je suis passé le voir, il y a trois jours… Il va bien. Il grossit beaucoup mais il va bien… Il faudrait peut-être arrêter le chocolat… Alors, Caroline, tu peux lui transmettre toute notre amitié. Tu n’es pas obligée de dire que son discours lu par Laurence était bien mieux que quand c’est lui qui le fait… Mais je sais que nous le reverrons bientôt.
Alors… Que restera-t-il de 2014… Les élections municipales, bien entendu. Ce petit frisson démocratique que nous avons tous les 6 ans. Et le résultat des élections municipales est ce qu’il devait être. De toute façon, quel que soit le résultat d’un vote, vous ne m’entendrez jamais contester le résultat d’une élection. Il y a des résultats qui ne me font pas plaisir ; il y a des endroits où cela ne me plait pas, mais c’est l’électeur qui a choisi. J’ai l’habitude de dire : « On a les élus qu’on mérite ». C’est quand même les gens qui décident ; c’est ça la force de la démocratie ; c’est ça la force de notre système ; c’est ça la force de la république… Ce que certains pays n’ont pas ou ne veulent pas avoir.
Alors, cette élection est passée : Marc et son équipe ont été réélus. Localement, le résultat correspond à un mélange d’ambiance locale et d’ambiance nationale… Vous avez vu que dans certains coins, il y a eu des chamboulements. Ici, il n’y a pas eu de chamboulements. Mais les élections se sont passées de façon sereine…
Je dis sereine car j’ai entendu dire que ces élections avaient été un peu dures… Moi qui commence à avoir une certaine expérience de la vie politique locale, je peux vous dire que ce n’est pas étonnant : C’est toujours plus dur quand on fait un renouvellement parce que l’équipe sortante doit présenter un programme mais doit présenter aussi un bilan. Par contre, ceux qui sont en face n’ont qu’à présenter un programme, c’est-à-dire qu’ils peuvent dire tout et n’importe quoi … quand on n’a pas de bilan ! Mais pour les sortants, c’est difficile de présenter un programme car les gens disent : « Ils ont fait un programme, mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant puisqu’ils étaient en place ? ». C’est vrai et c’est cela qui était plus difficile.
C’était difficile pour l’équipe à Médine… Comme c’était difficile pour l’équipe à Poher, en 2001. En 2001, j’ai attrapé 5 tracts dans la même journée… Au début, on avait commencé à répondre et après j’ai dit : « On ne peut pas répondre à 5 tracts dans la même journée !! ».
Comme ça a été dur pour monsieur Warnault en 1989… C’était moi en face. C’était un renouvellement et je l’ai attaqué sur son bilan.
Et c’était dur aussi en 1983… C’était le renouvellement de monsieur Chevalier. Et figurez-vous que cela a été tellement dur qu’au dernier moment, monsieur Chevalier s’est retiré et a mis en place monsieur Warnault.
C’est normal ; c’est la vie démocratique ; c’est le combat démocratique et c’est la forme d’une certaine liberté d’expression. Les élections sont passées ; c’est bien et maintenant, il faut que l’équipe travaille et très honnêtement, je lui souhaite beaucoup de courage parce que l’environnement et les conditions ne sont pas très positifs.
Au Sénat, en ce moment, on est en train de discuter de la réforme des collectivités et la plus grande réforme, c’est bien « On se serre la ceinture ! ». Et je le dis très honnêtement, Mesdames et Messieurs : J’ai eu la chance d’être maire à une période qui était un peu plus joyeuse. Moi et mon équipe, on a fait plein de choses : on a refait tout l’assainissement à Guînes ; on a lancé l’assainissement au marais ; on a fait une maison de l’enfant ; on a refait la mairie ; on a fait des écoles ; on a refait une grande partie des rues de Guînes ; on a refait les entrées de la ville. On a refait tout cela… Pourquoi ? Parce que, à cette époque, il suffisait d’être bien introduit et on avait de l’argent de l’Europe, de la Région, du Département… On avait de l’argent d’un peu partout et c’est ainsi qu’on a fait plein de choses.
Maintenant, on a fait comprendre qu’il fallait être plus « sérieux », un peu moins dépensiers… Et que l’argent devenait cher. Et je souhaite à l’équipe de Guînes, aux maires ici présents et à leurs équipes, je souhaite beaucoup de courage… Parce que gérer, en se disant qu’il faut faire attention à tout, c’est difficile ; ça empêche l’imagination ; ça empêche le rêve ; ça empêche d’avancer.
Permettez-moi de dire juste un mot sur la zone d’éducation prioritaire. C’était moi qui étais maire quand a été installée la Zone d’Education Prioritaire ou Réseau d’Education Prioritaire ou Réseau Réussite., comme vous voulez. Pourquoi une ZEP ? Simplement parce qu’on s’était aperçu que localement, il y avait un problème dans l’apprentissage du langage, dans l’apprentissage de la lecture… et qu’il y avait moins de diplômes chez nous. Un problème qui était le résultat d’un contexte économique, d’un contexte social, d’un contexte historique… En disant cela, on ne cherche pas de coupable, on constate simplement : il y avait un problème et il était important d’essayer de résoudre ce problème. Il n’y a pas de honte à être en ZEP ou en REP ; c’est simplement reconnaitre qu’il existe un problème et qu’il faut trouver des solutions.
Et en 97 ou 98, nous avons été déclarés en ZEP et les élus se sont mobilisés ; les enseignants se sont mobilisés ; les parents se sont mobilisés. Et tout le monde a dit : « Il faut qu’on sorte de ce cercle vicieux. »… Et on était en train d’en sortir et on commençait à avoir de bons signes… Patatras !! On nous retire le statut… uniquement pour des raisons financières. Parce que, Mesdames et Messieurs, ce ne sont pas des pédagogues qui ont décidé ; ce ne sont pas des élus qui ont décidé ; ce n’est même pas la ministre qui a décidé… Ce sont des ordinateurs qui ont décidé qu’il fallait trouver du « pognon » pour en mettre ailleurs et qu’il fallait travailler à moyens constants. Ils ne sont pas venus sur place.
Alors, moi je suis intervenu et je reconnais que j’ai peut-être été un peu violent dans ma lettre à Madame la Ministre… Mais je lui ai expliqué que je suis aussi médecin et qu’il y a une chose fondamentale : ce n’est pas parce qu’on va mieux qu’il faut arrêter le traitement ! Quand on est convalescent, on n’est pas guéri !! En plus, être en ZEP ou en REP, c’est symboliquement fort : ça veut dire qu’on a fait une mobilisation de toute la société. Et je regrette que le rectorat, l’inspection ou le ministère n’aient pas entendu notre message… Et je dirais simplement pour terminer que je suis un élu de la nation et que, quand j’écris à quelqu’un, j’aimerais qu’on me réponde. Je n’ai toujours pas de réponse depuis un mois…
Autre point. Le mercredi 7 janvier, c’était l’ouverture des soldes. Et figurez-vous que ce jour-là, 2 abrutis sans cerveau ont soldé leur seul capital : c’est-à-dire qu’ils ont soldé leur connerie… Et ils l’ont soldé à coup de kalachnikov… Si je parle d’abrutis et de connerie, c’est simplement parce que j’utilise le langage de Charlie-Hebdo. Charlie-Hebdo, c’est ma jeunesse…
Et j’ai vu sur internet : « 17 morts et 66 millions de blessés ». Je ne pense pas qu’il y ait 66 millions de blessés d’après ce que je vois mais une grande majorité de la France était blessée. Et je vous le dis : comme vous tous, dimanche dernier, j’étais fier d’être français ; j’étais fier de voir ce type embrasser un CRS ; j’étais fier de voir un juif embrasser un musulman ; j’étais fier de tout cela ; j’étais fier de dire : « J’appartiens moi aussi à cette nation où Liberté, Egalité, Fraternité… Ça veut dire quelque chose. »
Et je veux être franc avec vous : j’étais un peu plus blessé que la plupart d’entre vous et je vais vous expliquer pourquoi. J’ai 62 ans, c’est-à-dire que si vous calculez, j’avais 10 ans lors de la création du journal Pilote… Où a commencé Cabu… Et j’ai été élevé avec Pilote. Et en 69, j’avais 17 ans lorsqu’a été créé Hara-Kiri Hebdo qui est devenu plus tard, Hara-Kiri et Charlie-Hebdo… Et c’était ma lecture. Quand certains lisaient Victor Hugo ou Voltaire, moi je lisais le Professeur Choron, Cavanna, les dessins de Reiser, de Wolinski ou de Cabu. C’est ma jeunesse et je peux vous avouer une chose : j’ai la plus belle collection de Hara-Kiri qui existe en France. Parce que, pendant des années, ma femme peut en témoigner, la première chose que je faisais le mercredi matin, c’était d’aller chercher mon Hara-Kiri… Avec des photos… dégueulasses… mais qui me faisaient rire… J’ai même des Hara-Kiri retirés de la circulation… Parce que comme j’allais le chercher à 9 heures et que Giscard l’interdisait à 10 heures… Moi, j’avais déjà mon Hara-Kiri.
Et j’ai une collection de Hara-Kiri qui, quand elle tombe entre les mains de mes enfants… Pour l’instant, mes petits-enfants ne regardent pas… C’est inimaginable, les Hara-Kiri et Charlie-Hebdo de cette époque-là !
Je vais même vous faire un dernier aveu. Quand on était à Lille, je m’étais fait une bibliothèque pour mettre tous mes Hara-Kiri et mes Charlie-Hebdo. Et cette bibliothèque, je l’avais faite… dans nos toilettes. Si bien que quand des amis venaient, ils passaient 2 heures aux toilettes… J’étais fort inquiet pour leur santé mais, en fait, ils restaient enfermés pour lire les Hara-Kiri. Alors, je vous ai avoué que j’avais un trésor : j’espère simplement que je ne vais pas être cambriolé dans les jours qui viennent.
Tout cela pour dire, Mesdames et Messieurs, que des flics sont morts… Je dis des flics parce que dans Charlie, on dit « des flics »… Est-ce qu’il y a des enfants dans la salle ? Tant pis, je le dirai quand même devant eux. Mais franchement, quand on connait bien Charlie-Hebdo ou Hara-Kiri, le langage des gens, le langage de ceux qui écrivaient dans ces journaux… Wolinski, c’était « Bite, couilles, cul… » et Cabu, c’était « Mort aux vaches » en parlant des flics ou « Mort aux cons »… C’est pour cela que quand je vois la France unanime pour défendre la liberté d’expression, j’ai des doutes. Sur le fond, tout le monde veut défendre la liberté d’expression. Sur la forme, je ne suis pas sûr que tout le monde soit d’accord… Parce que le langage de Wolinski et de Cabu, vous ne pouvez pas l’utiliser partout. On est trop dans une société où il faut faire attention à ce que l’on dit, une société où on est formaté, une société où on est polissé…
Et je vais terminer, Mesdames et Messieurs, en vous disant que c’est une journée un peu spéciale pour moi : Il y a 21 ans, j’ai été élu conseiller général du canton de Guînes. J’étais fier ; les guînois étaient fiers : pour la première fois de leur vie, ils avaient un conseiller général. Je succédais en cela à Maitre Henri Collette. J’y ai mis tout mon cœur, tout mon temps, toute ma passion… A ma façon. Et je vous avouerais, franchement, que la première des choses que j’ai faite en arrivant au Conseil Général, c’est de me créer une image. C’est important, en politique, de se créer une image. Ce n’était pas trop difficile, j’ai pris l’image du Guînois : râleur, jamais content et acceptant de discuter d’une certaine façon… C’est-à-dire que je mets un grand coup de hache dans la tête de la personne en face de moi et on discute après.
Cela n’a pas trop mal réussi à la commune de Guînes ; Cela n’a pas trop mal réussi au canton; Cela n’a pas trop mal réussi à la communauté de communes. J’ai essayé de faire cela de façon honnête, sans poujadisme local, pas tout pour Guînes… Car je suis avant tout un élu départemental… Mais si je peux aider les gens que je connais, je les aide. Mais c’est vrai que la commune a eu beaucoup… Beaucoup… Parce que ma façon de faire n’était pas trop mauvaise. La meilleure preuve, c’est que je suis devenu vice-président du Conseil Général au bout de seulement 3 ans : ce n’est pas très courant.
Nouveau découpage, nouvelle façon de voter parce que maintenant, vous allez devoir voter pour un couple… C’est peut-être cela qui me pousse à partir ? Là-dessus, je suis un peu Hara-Kiri : je suis un peu macho…
Nouveau découpage, nouvelle façon de voter, plein de choses qui font que, vous le savez sans doute, je vais tourner la page. Je vais laisser la place, je vais arrêter d’être conseiller général, je vais arrêter de courir à Arras même si je continue à aller à Paris parce que je suis sénateur.
Mais je voulais simplement vous dire, parce que vous êtes des guinois, ici présents, que je vous remercie de la confiance que vous m’avez faite. Je vous remercie de m’avoir soutenu depuis 1994… Puisqu’en 2001 je suis passé au premier tour… Et qu’en 2008, je suis passé au premier tour… Et qu’en 2012, lorsque j’ai voulu être dissident, que j’ai remué un peu trop, que j’ai fait le guinois, le vote de la ville de Guînes a été un plébiscite. S’il n’y avait eu que le vote de la ville de Guînes pour désigner un député, j’étais sûr d’être président de la république.
Alors, Mesdames et Messieurs. C’est pour tout cela que ce soir, c’est un moment un peu spécial pour moi. Je voulais simplement vous dire que c’était un honneur d’être votre conseiller général, que j’étais fier de vous représenter à Arras. Merci pour ces 21 ans. Je pense vous avoir servi : 12 ans maire, 21 ans conseiller général… Bien sûr, je reste sénateur mais je sais que dans le cœur des gens, le sénat, ce n’est pas la même chose. J’ai été à votre service ; vous avez été mes concitoyens et je vous en remercie de tout mon cœur. Et je vous souhaite pour l’année 2015 un moral d’acier, une santé de fer et de l’optimisme à revendre. Et n’oubliez pas que le plus important, c’est quand même le bisou.
Hervé Poher