Réunion de commission: Avis sur la loi Santé
Si je me permets de donner mon avis, c’est que je fais partie de la mafia des médecins ; que pour des raisons familiales, je suis entouré de médecins et qu’étant élu dans la Région Nord-Pas-de-Calais, j’ai eu à travailler, depuis longtemps, sur les déserts médicaux.
Tout d’abord une chose qui n’est pas le sujet de notre discussion mais qu’il faut rappeler.
La médecine, en France, souffre d'un mal originel : depuis des décennies, on recrute les médecins en fonction de leur savoir scientifique, alors que la médecine est avant tout affaire de philosophes. La médecine a été créée par des philosophes et pas par des scientifiques et c'est tout un système qu'il faudrait revoir.
Au sujet de la médecine générale, il faut rappeler que cette médecine est encore considérée comme une sous-médecine… Ce qu’il reste quand on n’a pas fait de spécialité !! Ce n’était pas le cas dans les années 1950, lorsque la médecine générale jouissait encore d'une certaine considération. A partir des années 1970, elle a été dévalorisée et réservée à ceux qui ne pouvaient pas se spécialiser. C'est pourtant ça, la vraie médecine. Celle du médecin aux mains nues qui sait soigner les gens en rase campagne, avec son stéthoscope et son marteau, son savoir et surtout son expérience.
Autre erreur, on privilégie en France le curatif sur le préventif. Le préventif n'est pas enseigné, pas rétribué. Il est grand temps que la médecine comprenne qu'il faut inverser la tendance. Je m’amuse beaucoup de voir, actuellement, une publicité pour une compagnie d’assurances qui met l'accent sur la prévention… Avant de parler de prévention dans les compagnies d’assurances, on ferait mieux de l’enseigner aux médecins.
Au sujet des effectifs médicaux, j'ai longtemps dénoncé l'imbécillité du numerus clausus qui favorise la réduction des effectifs. Si le CHU de Lille est très prisé par les internes, ils préfèrent, une fois diplômés, s'installer à Paris ou sur la Côte d'Azur… Question de soleil ? Les médecins concernés par le numerus clausus, et le numérus clausus a été mis en place dans les années 1970, commencent à prendre leur retraite - quand ils ne sont pas sénateurs… Les jeunes médecins n'ont pas la même mentalité que leurs aînés : ils n'acceptent plus de travailler 18 heures par jour. Qui pourrait le leur reprocher ?
Quitte à faire réagir et excusez-moi de faire réagir mais il faut dire que la féminisation de la profession pose aussi un vrai problème.
Pour ce qui est des primes à l'installation, cela ne fonctionne pas. De plus, dans les déserts médicaux, les médecins n’ont pas besoin de primes : ils savent qu’ils vont travailler.
Enfin, en tant que praticien, je ne peux que soutenir l'idée d'imposer au lobby des médecins la suppression de la liberté d'installation. C’est la nation qui a payé leurs études et si les médecins gagnent bien leur vie, c’est grâce à la sécurité sociale… Donc la nation. Donc, on devrait pouvoir les obliger à s'installer dans tel ou tel endroit.
Hervé Poher