« Suite à l’interview publiée sur le site Egora.fr, trois plaintes ont été portées auprès du Conseil de l’Ordre. Un rendez-vous de conciliation a été proposé par le Conseil Départemental des médecins. Voici ma réponse. »
Hervé Poher
Madame la Présidente.
J’accuse réception de votre courrier m’informant de plaintes à mon encontre, plaintes découlant d’une interview accordée à un site d’information médicale Egora.fr.
Après avoir lu l’ensemble de mes déclarations (n’ayant pas pu les lire avant puisque le site Egora n’est accessible que sur abonnement), je me permets de vous communiquer quelques remarques.
Premièrement. J’ai été interrogé suite à un débat, au Sénat, sur le problème de la désertification médicale en milieu rural. J’ai été contacté sur ma boite mail sénatoriale et j’ai répondu téléphoniquement depuis le Sénat. Je parlais donc en tant que sénateur et un sénateur a le droit de penser et de s’exprimer comme il l’entend. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire : critiquer les élus quand ils utilisent la langue de bois et, en même temps, leur faire des reproches quand ils osent s’exprimer sur certains aspects de la société…
Sauf à admettre qu’un élu peut critiquer mais qu’il n’a pas à parler de la médecine s’il est médecin, n’a pas à parler de justice s’il est avocat ou n’a pas à parler des fonctionnaires s’il est enseignant !! Vision bizarre et légèrement corporatiste de la politique et du rôle d’un élu. Je parlais donc en tant que sénateur, c’est-à-dire en tant que législateur et le législateur que je suis, a le droit d’avoir un avis sur la médecine… Et de le dire… Même s’il ne correspond pas à la vision partagée par une grande partie de la profession.
Deuxièmement. J’assume 95% de mes déclarations, exprimant ainsi mon inquiétude sur l’avenir de la médecine et sur un certain obscurantisme, manifeste chez quelques médecins. Les 5% de mes propos qui peuvent être considérés comme une mauvaise formulation, sont représentés par une expression, à la troisième question « … et surtout le tiroir-caisse ». Je ne suis pas sûr de l’avoir prononcé comme cela… D’autant que cette formule se situe juste après l’évocation de mon épouse, de mon fils et de ma belle-fille ! Malheureusement, ce morceau de phrase a été sorti de son contexte et a servi de titre à l’article : pratique journalistique fâcheuse mais très courante.
La journaliste m’ayant demandé l’autorisation d’enregistrer la conversation, je pense que vous seriez en droit d’en obtenir une copie. Ce que je fais, moi aussi, de mon côté. Si je l’ai formulée telle quelle, c’est une maladresse mais, plus loin, je précise ma pensée sur l’attitude de certains médecins et de certains syndicats.
Troisièmement. Dans mon interview, je dis que « la médecine est un art », que c’est un beau métier et qu’elle fait partie d’un pôle d’excellence française. On ne peut pas faire plus…
Mais, par mes propos, je veux aussi souligner que la société a changé, que des angoisses sont apparues, que les citoyens sont plus exigeants et que tout le monde doit faire son introspection… Les médecins aussi et peut-être plus que d’autres ! Si les médecins (pas tous, heureusement) ne veulent pas réfléchir à cette évolution et prendre conscience qu’il faut revoir le système, les mentalités et le fonctionnement dans son ensemble, je suis désolé pour eux et l’avenir sera peuplé de désenchantements… Quels que soient les responsables politiques. Et c’est cette attitude que je dénonce : le blocage obscurantiste d’un certain corporatisme alors que les médecins ont une image à part, un ressenti à part… Et qu’ils sont en train de le perdre !
Je me suis investi en politique depuis 27 ans… Et depuis 27 ans, en tant que politique, je suis trainé dans la boue, traité de profiteur, d’incompétent, etc, etc… Même si cela ne me fait pas plaisir, je l’accepte et j’essaie de m’en accommoder. C’est la rançon d’un choix personnel, de l’évolution de la société et de la montée en puissance de certaines pratiques médiatiques. Mais dans le cas présent, je considère que je ne suis pas fautif, que j’ai le droit de dire à mes anciens confrères et aux futurs médecins : « Attention !»… Et un élu de la nation a le devoir de dire honnêtement ce qu’il pense des problèmes sociétaux.
Vous comprendrez donc, Madame La Présidente, que je ne viendrai pas le 8 juillet, à Béthune. Me déplacer, serait reconnaitre que j’ai fait une faute. Ce qui n’est pas le cas car défendre ce que l’on aime, ce n’est pas une faute. Et la conception que j’ai de la médecine n’est, sans doute, pas la même que certains. Je veux bien reconnaitre que j’ai probablement une vision démodée de l’exercice médical, mais ai-je tort ?
Si sanction il y a, j’assumerai et en ferai communication à mes pairs.
Deux choses pour terminer, Madame La Présidente.
Dans les plaintes que vous m’avez transmises, il est fait référence à l’article 56 du code de déontologie. Je suppose que cet article s’applique à tous les médecins… Ma question n’est pas innocente car je pourrai vous transmettre copies des « tombereaux d’injures » que j’ai reçus, suite à cette interview, par internet, injures et diffamations s’attaquant à ma personnalité, mon engagement et ma fonction. La quantité de ces propos et leur qualité, à la limite ordurière, m’ont obligé à fermer une de mes boites mail. C’est très instructif sur la définition du corporatisme et cela mériterait publication. NB : ils sont tous signés par des médecins.
Seconde remarque. Deux des trois plaintes que vous m’avez transmises sont à l’encontre de Monsieur Alain Poher. Mon prénom est Hervé.
Recevez, Madame la Présidente l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Hervé Poher