(Enregistrement de l'intervention)
Sénat: Projet de loi sur le fonctionnement des intercommunalités.
"Permettez-que j’aborde le sujet d’une façon un peu spécifique, sans me focaliser vraiment sur le problème de la représentativité ni sur l’aspect formel de la loi, d’autant que d’autres le feront bien mieux que je ne pourrais le faire.
Par contre, je voudrais m’attacher à la symbolique de cette démarche PPL et le contexte dans lequel elle survient.
Ce qui m’amène à cette attitude, c’est une discussion que j’ai eue la semaine dernière.
J’ai soumis le texte de cette PPL et de ses amendements à des élus intercommunaux, élus d’une petite CC qui s’est mariée 2 fois en 3 ans.
Et ces élus m’ont répondu en souriant, un tantinet moqueurs : « On est ravis de voir que les sénateurs s’intéressent à notre représentativité… Cela veut peut-être dire qu’après ils vont enfin s’intéresser à nos finances… Cela veut peut-être dire aussi qu’on va arrêter, pour un moment, cette cascade de réformes territoriales ! Vous, vous réformez ; nous, on assume ! ».
Pour être franc avec vous, je n’étais pas très à l’aise.
Et sur le projet de loi déposé aujourd’hui… Projet qui, après son passage en commission a, très intelligemment, changé de titre…
Quand on se renseigne un peu sur le sujet, on tombe immanquablement sur des notions très juridiques, notion de critères, notion de représentativité, notion de distorsion, notion de conformité à la constitution, le tout mâtiné de notions indigestes de mathématiques…
Or, une intercommunalité, ce n’est pas que cela ; ce n’est surtout pas que cela.
Et j’oserai vous parler de ce que je connais le mieux : les Communautés de Communes, ces structures qui sont souvent restées à taille humaine et qui représentent la grande majorité des EPCI.
Force est de constater que dans ces CC, on ne fait pas souvent de juridisme et on n’a pas toujours l’obsession de la règle à calcul.
Non, pour les élus de ces intercommunalités, être dans un EPCI, c’est avant tout un état d’esprit, une envie de construire et un besoin de solidarité territoriale. Et, comme je me plais à le rappeler, une CC ce n’est pas uniquement un trait de stabilo sur une carte au 50 000ème !
Et dans beaucoup de ces EPCI, vous le savez bien, le rapport de force n’a que peu d’intérêt : parce que pour bâtir une dynamique collective, il faut avant tout de la discussion, de l’explication, de la persuasion et puis parfois de la concession.
« L’adhésion à un projet ne s’acquiert pas à coup de menton mais à coup de clin d’œil. ». On n’est pas en communauté d’ agglo, en communauté urbaine ou en métropole. On est en Communauté de communes.
Et pourtant, malgré des décennies d’évolution, de lois multiples et variées, malgré les efforts des gouvernements quels qu’ils soient, la plupart du temps, la population ne s’approprie pas l’intercommunalité. Les gens restent viscéralement attachés à leur commune et à leur maire.
Les intercommunalités…Au pire des cas, les gens ne savent pas ce que c’est ; au mieux ils évoquent un truc informe, un bidule administratif ou une invention machiavélique pour pomper encore plus d’impôts.
Ce non-amour vis-à-vis des intercommunalités est dû, sans doute à de nombreuses raisons qu’il serait trop long de développer, mais les responsabilités sont multiples… Et le législateur n’en est pas exempt.
Or nous sommes nombreux à subodorer que la loi NOTRE n’est qu’une étape… Ce qui veut dire, implicitement, qu’il y aura d’autres étapes.
Mais avant d’aller plus loin, il faut savoir faire le bilan de nos fautes de frappe… Pour redonner du sens à ces réformes et pour redonner confiance aux collectivités. Et, avouons-le, pour les laisser souffler un petit peu… Car quand on est trop dans le juridisme et le réglementaire, on finit par oublier d’inventer… Et c’est bien dommage car un EPCI, ce n’est pas qu’une structure de gestion !
En ce moment, les EPCI sont en train de se préparer à l’application de la loi NOTRE, pour le 1er janvier 2017.
Et on le voit dans les journaux : les recompositions des conseils communautaires se font dans la douleur… Souvent avec de la rancœur… « Un représentant, ce n’est qu’un représentant », certes !! Mais souvent pour les petites communes, c’est symboliquement très important.
Si on veut que les EPCI ne soient plus, pour les gens, des trucs informes, il faut redonner aux élus une envie de construire et non pas l’impression de subir. Et c’est à nous législateurs, d’effacer, dans nos textes, les erreurs de frappe et dans nos têtes la tentation de trop et de tout cadrer.
Ce projet de loi oublie sans doute certaines choses mais il tend à réparer quelques erreurs… Et c’est déjà cela.
Et il faudra, sans doute encore remettre l’ouvrage sur le métier, à l’aulne des expériences locales.
Car, mes chers collègues, mais je me trompe sans doute, j’ai la faiblesse de croire que « La force de la loi, c’est aussi de savoir s’adapter au vécu. » Alors, personne ne nous reprochera d’instiller un peu de vécu."
Hervé Poher