Marais de Guînes, le 19 janvier 2017.
« Si je regarde derrière moi, il y a une période qui m’a beaucoup marqué… Et certains d’entre vous doivent s’en rappeler : c’est quand la Communauté de Communes était jumelée avec une commune du Mali… Maréna Diombougou. Les maliens sont venus ici ; ils sont venus à la fête du Parc ; ils ont dansé à l’entrée de la forêt…
Et j’ai eu la chance, en 2004, d’aller avec une délégation au Mali, dans la région de Kaye pour visiter les villages de Maréna Diombougou. Maréna Diombougou est une intercommunalité composée de 10 communes, 10 villages en plein désert, mais sous une seule administration. Evidemment, comme nous étions en délégation, nous avons dû visiter chacune des communes. Et dans chacune des communes, je devais, en tant que représentant des Trois-Pays aller saluer le marabout… Sorcier, guérisseur… D’ailleurs, on se parlait et on se faisait des ordonnances… J’ai manqué de mourir là-bas… On a voulu me transporter en hélicoptère…
Après le marabout, j’allais saluer le chef du village… Ensuite, je devais aller saluer la présidente de l’association des femmes… Et à chaque fois, on devait faire des cadeaux. Et puis, pour terminer, je devais surtout aller saluer le plus ancien du village, le vieux sage.
Alors ce soir, le marabout Rivenet a parlé ; le chef Médine a parlé ; la présidente des femmes Bourguignon a parlé et le vieux sage va parler… J’ai dit le vieux sage ; je n’ai pas dit le vieux singe !!!
C’est vrai, je vais parler et vous dire quelques trucs… Mais vous savez, avec l’âge, la mémoire baisse un peu. Alors j’ai pris quelques notes mais en vous écoutant, tout à l’heure, j’ai dit « qu’est-ce-que je vais bien pouvoir raconter ? ». Marc et Bernard ont parlé de la commune ; Ludovic a parlé de l’intercommunalité et du département ; Brigitte vous a parlé de la France… Et le Sous-Préfet va vous parler de l’Etat. De quoi vais-je pouvoir parler ?
Alors je vais vous parler de quelque chose qui est essentiel, incontournable, que je connais bien : je vais vous parler de moi… Je vais vous parler de moi parce que cela me permettra de parler un peu des guînois et de Guînes. Parce qu’on a quand même des choses en commun…
Mesdames et Messieurs. Cela fait la 18ème fois (nb : erreur dans le discours car 23 fois) que je prends la parole devant vous, à des vœux. 18 fois, mais probablement la dernière.
La dernière parce que le calendrier électoral est ainsi fait : normalement je suis sénateur jusqu’au mois de septembre et qu’un jour ou l’autre, il faut décider de se retirer… Laisser la place aux autres… Il faut savoir s’effacer… De toutes façons, si on ne s’efface pas, d’autres vous effacent.
La deuxième chose, c’est que je me suis rendu compte que j’attrapais une nouvelle façon de faire. Figurez-vous que je classe les photos… Ça, c’est un signe… C’est un signe et je vous assure, qu’avec la femme que j’ai, classer des photos, c’est un rude travail. Elle prend des photos avec son téléphone, avec sa tablette… Evidemment, il n’y a pas de date… Alors je passe des soirées, des journées à classer les photos…
Mais classer des photos, faire sa photothèque, ça veut dire que dans votre tête, vous êtes passé à un stade supérieur…
Et c’est aussi le fait que j’éprouve le sentiment du vieux jardinier : c’est-à-dire qu’après m’être occupé longtemps des racines, je préfère regarder les bourgeons.
Alors 18 fois, c’est beaucoup et la première fois que j’ai pris la parole à des vœux, c’est en 1995. Je venais d’être élu conseiller général et, rappelez-vous, j’étais dans l’opposition de monsieur Warnault. Et puisque c’est la dernière fois que je parle devant vous, je vais vous le dire : j’ai été un peu dur avec Monsieur Warnault. Je lui ai écrit ; je lui envoyé un petit mot en 2007 en disant que je regrettais ce que j’avais fait mais que quand on est un « jeune chien fou », on ne se rend pas compte.
Alors, permettez-moi, ce soir de lui adresser un salut très respectueux.
Ensuite, j’ai pris la parole 12 fois en tant que maire.
Pourquoi 12 fois ? 12 fois parce que j’avais dit, en 1995, que je n’allais faire que 12 ans. Et au bout de 12 ans, j’ai démissionné… C’est tellement rare les hommes politiques qui respectent leurs engagements. Je l’ai fait sachant en plus, que je mettais la commune dans de bonnes mains. Et je crois, avec le temps, que je ne me suis pas trop trompé… Même s’il est moins bon que moi… Je l’ai quand même un peu poussé.
Et les 12 fois où j’ai pris la parole pour donner mes vœux à la commune et aux guînois, il y avait une tradition : j’inventais des dictons, des proverbes… Et les gens venaient spécialement pour écouter mes proverbes… Alors j’inventais des proverbes au nom de Confusius, Erasme, Nostradamus…
Et du coup, j’en ai retrouvé quelques uns… Ceux que je trouve les meilleurs :
« Si l’homme descend du singe, je ne peux contester
Que certains ont tendance parfois à remonter. »
« Passer sous une échelle ne m’effraye jamais,
Sauf quand elle est à plat et que je suis bourré. »
Bien sûr, je me permettais de taquiner les employés de mairie en disant…
« Le seul médicament utile au fonctionnaire
C’est bien la caféine et pas le somnifère »
Je me moquais un peu de moi aussi… Excuse-moi Brigitte…
« Les politiques connaissent tout le kamasoutra :
Changer de position ne les dérange pas. »
Et enfin, je l’ai vue tout à l’heure… Maryse… Maryse, où es-tu… Maryse ancienne secrétaire de mairie… Et le jour du départ de Maryse, j’avais dit :
« Maryse ne peut pas faire plus d’une chose à la fois :
Quand elle mâche un chewing-gum, elle travaille déjà. »
C’est vrai que cela a émaillé nos cérémonies de vœux… Avec une seconde tradition : à la cérémonie de vœux, je tapais sur l’Etat. C’est une tradition que je partage avec beaucoup d’élus et je le faisais à la guînoise : c’est-à-dire que je mettais un grand coup de hache dans la tête et on discutait après.
Si je vous signale cela, monsieur le Sous-Préfet, c’est parce que c’est un des paradoxes de la vie. Il y a 8 jours, au Sénat, nous avons eu un débat, débat sur les rapports entre les collectivités et l’Etat déconcentré territorialisé… Et sur les 10 intervenants, je suis le seul à avoir dit du bien de l’Etat.
Reconnaitre que l’Etat sur le terrain… L’Etat doit être là ; qu’on ne peut pas faire, nous les collectivités, sans une présence de l’Etat très forte et j’ai simplement dit que j’étais un peu jacobin et que je croyais à la puissance de l’Etat et au bien de l’Etat.
Et plusieurs sénateurs sont venus, après, me remercier d’avoir osé dire cela car dire cela, ce n’est pas à la mode… D’autant que c’était dans le cadre de la remise d’un rapport sur une consultation des élus locaux… Il est évident que les élus locaux ont une fâcheuse tendance à taper sur l’Etat… Mais c’est tellement pratique ! C’est tellement pratique !
Cela dit, Monsieur le Sous-Préfet, il a fallu que j’arrive en fin de carrière pour dire que, globalement, j’ai bien travaillé avec l’Etat et que, cela a fait plaisir au ministre de l’intérieur, j’ai dit que nous avions un corps préfectoral de haute tenue.
Je vous signale que dans les cérémonies de vœux, il y en a une qui m’est restée marquée : au marais de Guînes ; c’était en 2004 juste après le tsunami. J’avais lancé un appel en disant qu’il faut que la mairie de Guînes se mobilise ; il faut que tout le monde fasse un effort ; il faut que les associations fassent un effort pour récolter des sous pour SOS Village d’Enfants. Cette année-là, nous avons récolté 24000 euros que nous avons donné à SOS Village d’Enfants et en récompense, nous avons eu, ce qui se trouve en vitrine, en mairie de Guînes, un petit papier signé Annie Duperey… Qui nous remercie d’avoir donné autant d’argent pour les enfants.
Après avoir démissionné, je me suis trouvé parmi vous en tant que président de la Communauté de Communes, vice-président du Conseil général, puis finalement en tant que sénateur… Ce n’est pas le même métier, vous savez !
Je vous ai dit que c’est la dernière fois parce qu’il faut un temps à tout… Et je tiens à dire, à tous mes amis des autres communes : ne m’en veuillez pas si, cette année, je ne suis pas allé à aucune cérémonie de vœux. C’est la première et c’est la seule à laquelle je viendrai. Parce que la politique, c’est un peu une drogue… Il faut se désintoxiquer. Donc j’ai dit « cette année, je n’irai pas à des cérémonies de vœux… Je vais venir à Guînes quand même pour dire du mal de Médine. Il faut se désintoxiquer et il faut partir… »
Je voudrais simplement vous remercier pour les années que j’ai passées à vos côtés ; quand on fera le bilan, il ne sera pas trop mauvais ; on aura fait bouger les choses ; on aura créé des choses. Et indéniablement, Guînes et la communauté de communes des Trois-Pays, maintenant Pays d’Opale… Tout cela, c’est intimement lié…
Et puis, je vous demande la permission de piquer un dernier coup de gueule… vous me la donnez… Je la prends !
Tout simplement pour dire que la bêtise humaine est omniprésente dans notre société. Je vais prendre 2 exemples.
Vous l’avez peut-être vu dans la presse puisque cela a fait la une des journaux pendant un moment : au mois de mars dernier, j’ai changé de groupe au sénat.
Je vais vous expliquer pourquoi.
Pour avoir un groupe, au sénat, il faut avoir 10 personnes. Les écologistes étaient 10 et un des écologistes, monsieur Jean-Vincent Placé est devenu ministre. Donc ils se sont retrouvés à 9 ; le groupe allait donc disparaitre. Et quand vous avez un groupe, vous avez des moyens, du secrétariat et du temps de parole. Et si vous n’avez plus de groupe, vous n’avez plus de temps de parole. Les choses allaient se faire comme cela, mais je pensais naïvement qu’ils allaient trouver quelqu’un…
Mais la veille de la disparition du groupe, je me suis dit « On ne peut pas laisser faire cela ! On ne peut pas, dans une société où on parle de transition énergétique, de biodiversité et de réchauffement climatique, on ne peut pas ne pas donner la parole aux écolos !! Même s’ils sont un peu « frappadingues », même s’ils sont un peu bizarres, ils ont le droit à la parole ; ils sont porteurs de certaines choses. J’ai donc demandé à être inscrit administrativement au groupe écolo… Comme cela, ils continuaient à exister.
Je l’ai fait très sincèrement parce que je suis en fin de carrière, parce que cela ne me coûte rien et qu’il m’était moralement insupportable que les écologistes n’aient plus le droit à la parole.
Je l’ai fait ; ils ont été sauvés ; ils ont gardé leur temps de parole ; ils ont gardé leur personnel…
8 jours après, j’ai l’occasion d’aller manger, dans un repas avec un ministre. Le ministre me dit : « Ah, c’est toi le mutant ? Qu’est-ce-que tu as eu en échange ? »
Franchement, j’ai eu la chair de poule… et j’ai répondu : « J’ai fait cela pour le geste… Dans votre monde, ça n’existe pas de faire pour le geste ? ». Et là, je me suis dit « Même en étant ministre, on peut être un peu imbécile ! »
Deuxième chose. L’imbécilité locale… Je l’ai dit : je suis en train de partir en douceur ; je me fais absent ; je me fais transparent …« Vla t’y pas », comme on dirait à Guînes, que l’autre jour, dans un tract, on parlait de moi… Et j’étais caricaturé en coq !! Vous l’avez vu cela ??? Poher le coq… Remarquez, ça fait plaisir : Cette année, l’année 2017, en chine, c’est l’année du coq ! Me caricaturer en coq…
Je me suis dit : je leur manque déjà ; ils veulent que je revienne ; ils veulent que je reste !! Qu’ils continuent comme cela et je reviens. Parce que pour embêter le monde, je sais encore le faire malgré mon grand âge.
Mesdames et messieurs. Je vais m’arrêter là ; J’ai été trop long, une fois de plus, mais c’est la dernière fois que je m’adresse à vous.
J’aurai sans doute l’occasion de recevoir encore des gens au Sénat avant que j’arrête. Et je vous signale simplement que le petit voyage au Sénat, cette année, a laissé des traces dans les mémoires. On n’a jamais vu des gens s’asseoir sur les marches au Sénat !!! Les guînois occupaient les marches et devaient s’écarter pour laisser passer les sénateurs !!
Je vais en arrêter là et comme d’habitude je vais terminer en vous souhaitant des vœux à ma manière.
« Mesdames et messieurs. Je vous souhaite une année 2017 pleine de tout, vide de rien, oubliant l’inutile, remplie d’indispensable. Mais surtout je vous souhaite tous ces petits riens qui rendent l’inutile indispensable. »
Bonne année à vous.
Hervé Poher