L’ancien sénateur et maire de Guînes Hervé Poher, aujourd’hui à la retraite, se confie sur les municipales et sa vision de la politique.
Il n’a jamais eu la langue dans sa poche. La retraite ne l’a pas changé. Hervé Poher porte toujours un regard critique sur la politique qu’il regarde désormais de l’extérieur, depuis son jardin où il passe le plus clair de son temps. À quelques jours du premier tour des municipales, l’ancien maire socialiste de Guînes se dit « un peu catastrophé » par la politique. Mais moins au niveau local qu’au niveau national.
L’une de ses plus grandes fiertés ? L’épicerie sociale de Guînes
Et pour cause, le mandat de maire, reste l’un des derniers où l’on peut avoir une politique volontariste, allant dans le sens des idées et du progrès, estime-t-il, être force de propositions en dégageant des marges de manœuvre, mais sans tomber dans les travers du monde économique. Car plus haut, « la France, pays des philosophes des lumières, est aujourd’hui gérée par des comptables. On ne peut plus rien dépenser sans que l’on dise attention… Avec un tel raisonnement, on n’aurait jamais créé la sécurité sociale. » Pour le médecin guînois, derrière cela, il y a Bruxelles et son fameux 3 % de déficit à ne pas dépasser. « L’Europe nous fait chier avec ce chiffre », lâche-t-il, avant d’ajouter « ou vous décidez de faire de la politique, ou vous faites de la comptabilité ! Mais ce n’est pas la même chose. La politique, ce n’est pas juste gérer un budget. »
Des mots qui font écho à ce jour de juin 2016, quand il a pris la parole au Sénat avec le groupe écologiste pour parler des nouvelles organisations intercommunales et de l’harmonisation de la fiscalité locale : « Notre société (…) est dépersonnalisée : les stéréotypes y ont tué les idées, les chiffres y ont tué les mots et, malheureusement, les comptables y ont tué les philosophes », regrettant que la politique se soit autant éloignée de l’utopie. « Il faut être utopiste », pour avancer. Alors « quand (un maire) a une idée, il doit trouver le moyen de la mettre en place. » Et trouver de la force dans sa commune. Parce que « quand une personne insuffle une dynamique, généralement tout le monde suit. »
Un autre critère doit guider l’édile selon l’ancien sénateur : la solidarité. C’est du moins ce qui l’a guidé lui, quand il était maire. Il n’est dès lors pas étonnant de le voir citer la création de l’épicerie sociale de Guînes comme l’une de ses plus grandes fiertés en politique. Inaugurée fin 2002, elle accueille plus de 90 familles deux ans plus tard et participe à hauteur de 10 % à leurs achats au sein de l’épicerie. Il évoque également le Centre Intercommunal d’Action Sociale, le premier de la région, le taxi-vert, un service de transport à la demande, le premier au Nord de Paris, créé en 2006 pour décloisonner les petites communes du territoire rural, ou encore l’opération Ararat qui a permis de mettre en place des ouvrages de lutte contre les inondations « qui commence aujourd’hui à porter ses fruits », estime l’ancien sénateur. Des projets créés sans que l’investissement soit supporté uniquement par la ville de Guînes. « Si un maire se débrouille bien, il peut avoir des aides du Département, de la Région, de l’État, de l’Europe ou d’autres organismes. C’était déjà le cas à mon époque (les Trois-Pays avait alors signé un Contrat de développement rural avec l’État notamment, ndlr) et c’est encore le cas maintenant. Au final, le projet peut ne pas coûter grand-chose à la commune. » Pour peu qu’il soit pertinent et utile, bien entendu. À l’échelle de l’intercommunalité ? C’est ce qui s’est passé avec les trois projets cités par Hervé Poher.
Une grande intercommunauté rurale
Aurait-il aimé les élargir à une grande intercommunalité rurale ? Car c’est aussi à cette échelle qu’une politique locale doit être pensée. « Au départ, en 1996, j’avais souhaité qu’elle soit un peu plus grande pour pouvoir peser face à Calais qui n’avait pas encore d’agglo. Mais je m’y suis mal pris. Je me suis planté. C’est de ma faute, reconnaît-il aujourd’hui. Le préfet de l’époque avait affirmé que jamais l’État n’obligerait une commune à rejoindre une agglo contre son gré. » Une autre époque.