Je devais offrir le tome II des Contes de Grand-père à tous mes petits-enfants, en juin prochain. Mais tout le monde est confiné et les journées peuvent paraitre longues. Alors, je mets les histoires en ligne. Ça leur fera passer un peu de temps… Bisous aux 9.
Papy Guînes
Le secret
du Schmorl-Bezeff
Conte pour Margaux
Paris, le samedi 24 novembre, au restaurant « Le petit cuisinier ». Comme tous les samedis, le restaurant était plein : des étrangers anglais, indiens, africains, des chinois, des russes et même quelques provinciaux. Bref, la foule des grands jours et le personnel était débordé, le chef cuisinier ne sachant plus où donner de la tête.
« Et ces messieurs dames… Ils ont choisi leur repas ? ». Georges, le serveur du restaurant était venu prendre la commande d’une petite famille grenobloise montée à Paris pour le week-end. Il y avait là Papa, Maman, louise, Margaux et la petite dernière Charlotte. Tour Eiffel, Arc de Triomphe, bateau-mouche, musée de l’Homme… La journée avait été chargée et, du coup, tout le monde était, un tantinet, fatigué. Un bon repas et un peu de repos ne feraient pas de mal.
Paris, le samedi 24 novembre, au restaurant « Le petit cuisinier ». Comme tous les samedis, le restaurant était plein : des étrangers anglais, indiens, africains, des chinois, des russes et même quelques provinciaux. Bref, la foule des grands jours et le personnel était débordé, le chef cuisinier ne sachant plus où donner de la tête.
« Et ces messieurs dames… Ils ont choisi leur repas ? ». Georges, le serveur du restaurant était venu prendre la commande d’une petite famille grenobloise montée à Paris pour le week-end. Il y avait là Papa, Maman, louise, Margaux et la petite dernière Charlotte. Tour Eiffel, Arc de Triomphe, bateau-mouche, musée de l’Homme… La journée avait été chargée et, du coup, tout le monde était, un tantinet, fatigué. Un bon repas et un peu de repos ne feraient pas de mal.
« Oui monsieur. Ce sera un steak-frites pour tout le monde. Une bière, un verre de rouge et, exceptionnellement trois cocas ». Georges était bien content d’enregistrer une commande aussi simple mais il ne s’attendait pas à vivre un des épisodes les plus difficiles de sa vie.
Car immédiatement après que le père ait parlé, les trois filles levèrent timidement le doigt. « Qu’est-ce qu’il y a encore, les filles ? » demanda le chef de famille. « On ne peut pas avoir autre chose que du steak ? » demanda Louise. Georges, sentant les complications arriver, proposa d’emblée : « Oui, on a des saucisses, du poulet ou du jambon… Tout cela avec des frites ».
Louise opta pour la saucisse ; Charlotte, quant à elle, demanda du jambon. Seule Margaux restait muette, la tête baissée, l’air buté. « Alors Margaux, s’écria Papa. Tu veux quoi avec tes frites ? ». Margaux ne répondit pas, semblant bouder de plus en plus. « Alors Margaux, décide-toi ! » Papa commençait à s’énerver ; Georges à s’impatienter et Maman, sentant la tension monter demanda : « Alors, Margaux… Tu te décides ? » « Je voudrais avoir du schmorl-bezeff ». Et comme un silence pesant s’était installé, elle rajouta « Avec de la sauce pankotti ».
Ne voulant pas paraitre dépassé, Papa dit à Georges « OK, monsieur. Mettez donc une saucisse-frites, un jambon-frites et du schmorl-bezeff avec de la sauce pankotti. »
Georges, un peu étonné, partit vers la cuisine, pensant que le chef saurait, lui, ce qu’est le schmorl-bezeff. Au bout de quinze minutes, Georges revint avec tous les plats... Sauf un.
« Et où est le schmorl-bezeff de ma fille ? »
- Pardon, monsieur, dit timidement le serveur. Je m’excuse nous ne savons pas ce que c’est que le schmorl-bezeff ».
- Comment ça ! Vous ne connaissez pas le schmorl-bezeff ?!!
- Non… Désolé… Nous ne connaissons pas ce plat-là.
Mais d’où sortez-vous ? Tout le monde connait le schmorl-bezezff
- Et bien moi, je ne connais pas le schmorl-bezezff …
Et Margaux commenca à pleurer « Je veux du schmorl-bezeff… Je veux du schmorl-bezeff »
- Tais-toi s’écria papa.
- Oui, tais-toi rajouta le serveur qui commençait à devenir tout rouge.
- De quel droit vous parlez ainsi à ma fille ! Je vous interdis de parler comme cela à ma fille ! Mais je vais vous éclater le nez, espèce de vieille taupe bigleuse et mal lavée ! »
C’est vrai que Georges avait de très grosses lunettes et était particulièrement mal rasé. Mais était-ce une raison pour le traiter de vieille taupe bigleuse ?
N’y tenant plus et sentant la colère le déborder, Papa s’écria « Appelez-moi le patron ! » « C’est ça rajouta Margaux. Appelez le patron ». Tous les clients du restaurant regardaient et écoutaient, avec curiosité, la scène opposant la tribu Poher à ce serveur ignorant et énervé.
Le patron Gérôme Anfut, originaire de la Martinique, arriva de suite, essayant de calmer les esprits. « Schmorl-bezeff… Nous allons chercher. Ne vous impatientez pas, messieurs dames… Nous allons trouver … Ou quelque chose qui y ressemble. »
« Pas question s’écria Margaux. On veut du vrai schmorl-bezeff ! » Et elle prit à pleine main la saucisse posée devant Louise, saucisse qu’elle envoya au travers de la figure du patron. Celui-ci, dans un mauvais réflexe prit le plat de radis et l’envoya vers Louise mais les radis atterrirent sur la tête de Constance qui, ni une ni deux, prit le tas de frites et l’envoya sur Georges. Mais, au passage, quelques frites, mal intentionnées sans doute, tombèrent sur le chapeau d’une brave dame qui déjeunait à la table d’à côté…
Madame la vicomtesse de Sadégratte de la Chatouille, offusquée qu’on ose arroser son si beau chapeau avec des frites envoya son plat de champignons en l’air et le tout retombât sur la tête d’un milliardaire russe venu incognito à Paris. Bref, ce fut la mêlée générale et au bout d’un quart d’heure tous les clients se battaient et le restaurant n’était plus qu’un champ de ruines…
Constance arrachait avec rage les cheveux d’une vielle anglaise qui était venue manger du veau mariné au Pastis, accompagné de pommes pourries, spécialité du restaurant ; Vincent tapait avec une bouteille de vin sur les fesses de la Vicomtesse de Sadégratte de la Chatouille… Qui semblait aimer cela ; Margot mordait, à pleines dents, dans le mollet du patron qui hurlait de douleur ; Louise était grimpée sur les épaules du serveur et lui enfonçait des frites dans les narines en criant « Espèce de crapaud mal-foutu… » ; quant à Charlotte, debout sur la table, elle tirait sur les oreilles du milliardaire russe. C’était un combat fantastique, homérique, pire que la seconde guerre mondiale.
Au bout d’un quart d’heure, la police arriva et essaya de séparer les belligérants. « Que ce passe-t-il ici ? s’écria le lieutenant Duneumin ». « Lieutenant ! On me reproche de ne pas savoir ce que c’est que le Schmorl-bezeff ! » « Quoi !!! Vous ne savez pas ce qu’est du schmorl-bezeff, s’écria le policier… Puis se tournant vers Vincent… C’est quoi du schmorl-bezeff ? »… On n’était pas sortis de l’auberge.
Et au bout d’un quart d’heure, Le lieutenant Duneumin décida d’embarquer tout le monde au commissariat… Commissariat du 5ème arrondissement où, ce n’était un secret pour personne, on employait des méthodes d’interrogatoire un peu spéciales.
Dans la première salle, en entrant à droite, les personnes qui y étaient enfermées devaient supporter le bruit d’un robinet qui coule goutte à goutte…
Et cela pendant des heures. Evidemment, au bout d’un moment, ces personnes ont une furieuse envie de faire pipi et on les en empêche… Sauf si elles avouent leur forfaiture. Dans la salle de gauche, on oblige les gens à écouter tout un opéra enregistré par la fameuse chanteuse Martina Poherola, chanteuse hyperconnue car elle chante faux, archifaux ; certains osent même affirmer qu’une casserole chante mieux qu’elle. La salle du fond est occupée par un grand matelas sur lequel les suspects sont attachés.
Ensuite, un nain, avec de grandes oreilles, un nez tordu, des boutons plein la figure et des canines de vampire, chatouille la plante des pieds de ces pauvres gens avec une plume d’oie du Canada. Pourquoi un nez tordu et des canines de vampires ? Parce que dans toute histoire, il faut un peu de monstrueux… Et qu’il faut toujours faire peur aux prisonniers. Bref, dans ce fameux commissariat, les méthodes d’interrogatoire sont très peu conventionnelles.
Toute la famille Poher fut enfermée avec le robinet du goutte à goutte. Mais tous les membres de la famille restaient unis dans l’épreuve et chantaient d’une même voix : « Allons enfants de la patrie, le schmorl-bezeff est arrivé… ».
Le personnel du restaurant fut enfermé, quant à lui, dans la salle d’opéra et au bout de 10 minutes, ils avaient l’impression de devenir tous fous. Gilbert criait « La torture, le bucher, la mort plutôt que d’écouter Martina Poherola ! ».
Quant aux autres clients, c’est dans la salle du nain qu’ils furent rassemblés. Et c’est de là que vint la solution. En effet, au bout d’une heure de chatouillis à la plume, le milliardaire russe s’écria : « Mais qu’est-ce-que vous voulez enfin ! »
On lui expliqua le problème du Schmorl-bezeff. Il éclata de rire et ajouta : « Il suffisait de le demander… Moi, je vais vous donner la recette… C’est un plat de chez moi, là-bas en Sibérie. »
Tout le monde fut réuni dans la grande salle du commissariat et Wladimir Chépasquilfoulaba commença ses explications : « Le schmorl-bezeff est un plat sibérien que l’on donne à manger aux travailleurs quand il fait fort froid. On prend deux voltramiques bien dodus que l’on fait revenir avec du Jinoufard bien glacé. Quelques rondelles de matiplafortin qu’on aura laissées imprégner dans du koldamer. Une pincée de boulok, une cuillère de zobimak. Le tout au four pendant deux heures. Et vous obtenez un Schmorl-bezeff délicieux… Encore meilleur si vous ajoutez de la sauce pankotti ».
« Alors, voilà ! s’écria Margaux. Ce n’est quand même pas si compliqué que cela ! ». Tout le monde se regardait ; Wladimir, content de lui, se disait que la Russie, qui avait inventé le Schmorl-bezeff, était un grand pays et le chef cuisinier se demandait s’il n’était pas tombé dans un asile de fous.
Sur ce, tout le monde fut renvoyé et Constante, marquée par cet épisode douloureux car elle avait perdu beaucoup de cheveux dans la bataille, décida que le Schmorl-bezeff serait, désormais, le plat dominical de la famille… Seul problème, à Grenoble elle n’arrivait pas à trouver du zobimak… Ce qui était quand même bien embêtant car le Schmorl-bezeff manquait d’un peu de fumet… Mais Margaux était ravie.
Surtout ne cherchez pas
la recette
du Schmorl-bezeff,
Elle n’existe que dans nos cœurs…
Fin de l'histoire
Papy Guînes