Je devais offrir le tome II des Contes de Grand-père à tous mes petits-enfants, en juin prochain. Mais tout le monde est confiné et les journées peuvent paraitre longues. Alors, je mets les histoires en ligne. Ça leur fera passer un peu de temps… Bisous aux 9.
Papy Guînes
Mademoiselle Sourire,
madame Grinchon
ou Grand-mère Braillou
Histoire pour Apolline
Dans un village d’Italie, il y avait une petite fille qui s’appelait Enillopa… Aimable, souriante, toujours gentille, toujours serviable. Elle se tenait bien à table, rangeait toutes ses affaires, travaillait bien à l’école et aidait beaucoup ses parents dans la petite maison. C’était un cas unique en Italie… Même un cas unique au monde. Jamais de cris, jamais de pleurs et elle était tellement agréable que tout le quartier avait donné à Enillopa le surnom de Mademoiselle Sourire. Bref, c’était un ange, une perfection et un rêve pour tous les parents.
Mais par une chaude soirée d’août, alors que l’orage approchait, Enillopa, alors âgée de 6 ans, décida d’aller jouer dehors. « Ne sors pas ! Tu vas être trempée » cria sa mère. Mais, allez savoir pourquoi, Enillopa fit semblant de ne pas entendre. Il arrive souvent que des enfants deviennent sourds quand ils ne veulent pas obéir…
Mais de la part d’Enillopa, cela était très étonnant. Quelque chose la poussait au dehors, une envie presque irrésistible, un besoin plus fort que la recommandation de Maman. Elle sortit discrètement, sans que Maria, la maman, ne la voit. Une fois dehors, sous la pluie, elle regarda dans la rue et vit, juste devant la maison, une ombre, une ombre qui bougeait. Enillopa s’approcha et découvrit, d’un seul coup, une vieille dame avec de longs cheveux gris, une robe en loque, un chapeau pointu et des mains bizarres… C’était la dame aux doigts crochus.
« Bonjour Enillopa. Comment vas-tu ? » demanda la vieille dame.
« Je vais bien Madame. Mais qui êtes-vous ? » répondit la petite fille.
« Je suis la dame aux doigts crochus… Je travaille chez Amazon et je m’occupe des petits bébés… C’est-à-dire que c’est moi qui livre les bébés quand ils sont commandés sur Internet. »
« Mais je croyais que les bébés naissaient dans le jardin… Dans les choux pour les garçons et dans les roses pour les filles ! »
« Eh bien, c’est faux… Le jardin, c’est Amazon… C’est ça le modernisme ! »
« Mais que venez-vous faire ici ? » demanda Eniloppa.
« Je dois t’avouer que je suis bien embêtée… Vois-tu, il y a quelques années, il y a 6 ans exactement, le jour de mon anniversaire, j’ai fait la fête… Un peu trop la fête… J’avais bu beaucoup de vin, de champagne, de bière, de vodka… Et j’en passe. Du coup, j’étais un peu saoule et je ne savais plus ce que je faisais. Or, le soir de cette fameuse journée, je devais livrer une petite fille à la princesse d’Italie, là-bas, à Rome. Et je me suis trompée de maison ! »
« Oh, mon dieu ! » s’écria Enillopa « C’est terrible ! Vous vous êtes trompée de maison ? »
« Et oui, ma pauvre fillette… Au lieu de mettre le bébé devant la porte du château, je l’ai déposé devant une petite maison… J’étais trop saoule et je ne voyais plus très clair. »
« Et alors ? » demanda Enillopa qui commençait à être inquiète.
« Alors, mon patron vient de découvrir ma bêtise et je dois réparer. Et Amazon m’a dit : « Si tu ne retrouves pas ce bébé, tu es mise au chômage et avec tes doigts crochus, tu auras du mal à retrouver du boulot… Alors, je dois réparer mon erreur… Or le bébé livré par erreur, c’est toi Enillopa et c’est pour cela que je suis là. »
« Oh ! s’écria la petite fille. Mais qu’allez-vous faire ? »
« Eh bien, je vais t’emmener pour te rendre à la princesse. »
« Mais je ne veux pas aller chez la princesse. Je veux rester avec ma maman. »
Et Enillopa partit en courant. La dame aux doigts crochus était très en colère et d’un seul coup, elle brandit son bâton… « Puisque c’est comme cela, je te jette un sort : à chaque fois que tu seras contrariée, tu ne pourras pas t’empêcher de faire le museau, de bouder et de ronchonner. Et tous les gens t’appelleront désormais Madame Grinchon ! ». Un éclair sortit du bâton de la vieille sorcière et frappa Enillopa sur la tête. La petite fille s’arrêta, s’assit sur une marche devant la maison et se mit à bouder. Maria, qui avait entendu du bruit sortit.
« Alors Enillopa… Que fais-tu dehors… Tiens, tu boudes ?... Tu ne vas pas devenir une mémère Grinchon quand même ? »
Et plus Maria parlait, plus Enillopa boudait. Au bout d’un moment, Maria décida de ne plus faire attention au mauvais caractère de sa petite fille, d’autant que c’était bien la première fois que cela se produisait. Et comme Maria ne faisait plus attention à Enillopa, celle-ci boudait de plus en plus.
Et elle prit l’habitude de bouder pour tout et n’importe quoi : On mangeait du jambon, Enillopa se mettait à bouder ; on jouait aux cartes, Enillopa boudait à nouveau ; on allait promener, elle boudait ; on faisait plein de choses, elle boudait ; on ne faisait rien, elle boudait. Et tout le monde dans le village commençait à l’appeler Madame Grinchon. Bref, elle boudait sans arrêt. Mais à force de bouder, elle attrapa de grosses rides sur le front… Et ce n’était vraiment pas beau.
Après quelques semaines, alors qu’elle partait à l’école, Enillopa tomba nez-à-nez avec la dame aux doigts crochus. « Alors, Enillopa, es-tu contente d’être devenue une grosse boudeuse ? » « Non » s’écria Enillopa et elle se mit à bouder. « Alors, as-tu changé d’avis ? Veux-tu que je t’emmène voir la Princesse ? ». « Non » s’écria à nouveau Enillopa et elle bouda encore plus. « Tant pis pour toi, déclara la vieille dame. Tu étais devenue Madame Grinchon… Maintenant, je vais te transformer en Grand-mère Braillou. » Et la Dame aux doigts crochus tapa, avec son bâton, sur la tête de la petite fille qui se mit aussitôt à pleurer.
Et elle prit l’habitude de pleurer pour tout et n’importe quoi : On mangeait du jambon, Enillopa se mettait à pleurer ; on jouait aux cartes, Enillopa pleurait à nouveau ; on allait promener, elle pleurait ; on faisait plein de choses, elle pleurait ; on ne faisait rien, elle pleurait. Et tout le monde dans le village commençait à l’appeler grand-mère Braillou. Bref, elle pleurait sans arrêt. Mais à force de pleurer, elle attrapa de gros yeux … Et, en plus des grosses rides, ce n’était vraiment pas beau.
Au bout de quelques mois, tout le monde dans le village commençait à dire : « Vous avez vu Enillopa ? Avec ses gros yeux et ses grosses rides, elle attrape une drôle de tête. » Et c’est vrai qu’elle avait une drôle de tête. En plus, comme elle pleurait en permanence et en grande quantité, l’eau des larmes coulait dans la rue et le conseil municipal avait dû faire une réunion en urgence pour parler du risque d’inondation.
D’ailleurs, un jour, Monsieur Locadi, le maire, vint voir Maria et Enillopa afin de parler de ce problème des inondations. Et comme on parlait des inondations, Enillopa se mit à pleurer. Au détour de la conversation, monsieur le maire révéla une chose : « Tiens, au fait. J’ai eu la visite d’une vieille femme à la mairie. Elle travaillait, soi-disant pour Amazon et elle voulait savoir si Enillopa était bien inscrite sur le registre d’état civil et si elle était bien la fille de Maria. J’ai bien sûr confirmé. » En entendant cela, Enillopa se mit à pleurer encore plus.
Trouvant que tout cela commençait à bien faire, Maria piqua un coup de colère, décrocha son téléphone et appela Amazon. Après 2 longues heures d’explication au téléphone, Amazon reconnut que l’erreur de livraison était bien de leur faute et que la dame aux doigts crochus avait été un peu loin en punissant Enillopa et en la transformant en Grand-mére Braillou.
Le lendemain, la dame aux doigts crochus sonna à la porte de la maison de Maria. « Bonjour Madame. Je suis le service après-vente d’Amazon… Pourrais-je voir mademoiselle Enillopa ». Maria se méfiait. « Qu’allez-vous faire encore à ma petite fille ? Vilaine sorcière … » « Je viens m’excuser madame. Je viens réparer mes erreurs… J’ai été trop sévère avec la petite Enillopa. Et Amazon m’a dit qu’ils allaient me licencier. Alors, je n’ai pas le choix. »
Malgré sa méfiance, Maria appela Enillopa. Mais en voyant la vieille sorcière, Enillopa se mit évidemment à pleurer. Mais la dame aux doigts crochus se fit toute douce et dit : « Ne pleure pas petite fille. Les enfants qui pleurent sans arrêt ne deviennent pas beaux. Mais les enfants qui sourient éclairent toujours le monde… Tu es la fille d’une princesse, tu es donc, toi-même une princesse… Mais tu veux rester ici, auprès de Maria qui est, sans doute une autre princesse… Eh bien, c’est d’accord et je veux que tu redeviennes une Mademoiselle sourire ».
Et la dame aux doigts crochus tapa avec sa baguette, une fois sur la tête d’Enillopa qui d’un seul coup retrouva le sourire. « Cela fera une bonne leçon pour vous deux, s’écria Maria. Pour vous madame aux doigts crochus. Simplement pour vous rappeler qu’on ne doit pas boire trop d’alcool… Sinon on fait des bêtises… Et pour toi Enillopa… Pour te démontrer qu’une petite fille qui pleure toujours attrape des rides, des gros yeux et n’est plus très jolie… Avez-vous compris la leçon ? ».
Toutes les deux hochèrent la tête et ainsi se termina cette drôle d’aventure. La dame aux doigts crochus repartit travailler chez Amazon et Enillopa redevint une petite fille souriante. Mais, allez savoir pourquoi, il y eut une indiscrétion et tout le village apprit la véritable histoire d’Enillopa. Même Gaston, son petit copain qui a des croûtes sur le bidon, eut pitié d’elle et lui pardonna sa période de mauvaise humeur…
A partir de ce jour, dans tout le village, les gens l’appelaient non pas Mademoiselle sourire mais Mademoiselle La Princesse sourire…
Surtout ne cherchez pas l’adresse de la dame aux doigts crochus …
Elle n’existe que dans nos cœurs…
Fin de l'histoire
Papy Guînes