C’est bon pour le bidon.
Un conte pour Mathilde.
Tout le monde se souvient de Mathilde, la petite fée blonde aux yeux bleus, Mathilde et ses deux amies Cloé et Roxane, ces 3 petites fées qui avaient aidé Maître Lotard et son chien Claquemur à redonner des couleurs à notre monde. Mais savez-vous que la vie d’une fée n’est pas toujours calme et sereine et qu’il arrive, parfois, que les forces maléfiques viennent contrarier le bonheur de ces petits êtres. Ecoutez bien : voici l’histoire des « malheurs de Mathilde », histoire vraie, véritable et véridique, confirmée par l’Académie et attestée par huissier (on n’est jamais assez prudent !)
Par un beau jour de printemps, Cloé, Roxane et Mathilde étaient parties à la cueillette aux champignons. Vous pourriez trouver qu’il est étonnant de voir 3 fées aller chercher des champignons mais c’était uniquement pour faire plaisir à Papy Guînes. En effet, depuis sa mésaventure au pays des dinosaures, le papy de Mathilde avait attrapé mal au ventre… La peur sans doute ou les excès de charcuterie dont il abusait, croyant noyer son angoisse dans le saucisson. Certains calment leur malheur dans l’alcool ; Papy noyait son chagrin dans le saucisson sec ou le pâté de campagne. Du coup, il avait mal au bidon. Il avait donc décrété que pour guérir son bidon, il ne devait manger que des champignons. Mamy, elle, refusait de se plier à ce caprice de vieux radoteux et voulait le forcer à manger de la salade, des haricots verts ou des épinards, le tout avec une quantité impossible de persil ! Mais Papy refusait obstinément, disant « Tout ça, c’est de la bouffe à mouton ! Moi, je veux des champignons. C’est écrit dans les livres et c’est un vieux dicton : les champignons, c’est bon pour le bidon. » De guerre lasse, Mamy avait demandé à Mathilde de lui trouver des champignons.
" Oui mais tu n’y connais rien en champignon, avait objecté Cloé.
- Ça ne doit pas être si difficile que ça, avait répondu Mathilde.
- Détrompe-toi, avait terminé Roxane. Les champignons, ça peut être dangereux. Il y en a qui sont remplis de poison et tu peux mourir. Moi, je suis d’accord avec Cloé : on ne cueille pas si on ne sait pas (on n’est jamais assez prudent !).
En désespoir de cause, Mathilde décida d’aller demander conseil à Maître Lotard. Lui qui connaissait tout, devait savoir comment distinguer les bons et les mauvais champignons.
" Voilà une question… Comme elle est bonne ! Je suis bien embêté pour te répondre. Je n’y connais rien en mycologie. C’est une science très compliquée et il faut avoir de l’expérience. Honnêtement, je suis bien incapable de t’aider…
- Mais Maître Lotard, il faut bien que je trouve un moyen de ramasser des champignons sans prendre de risques.
- Tu n’as qu’à en acheter au supermarché… C’est plus simple.
- Non, on ne peut pas. Mon Papy exige des champignons frais, de production locale et en circuit court. Il est un peu écolo sur les bords… Donc un peu fada !
- Ton Papy, il nous fait suer… Pour ne pas dire autre chose !
- C’est exactement ce que dit ma grand-mère … mais elle, elle dit « Il nous fait chier ! »
- Je n’avais pas osé le dire. Mais j’ai peut-être une solution. Je connais une personne qui pourrait t’aider car elle a une certaine connaissance de la vie à ras de terre, donc des insectes, des végétaux et des champignons, en particulier.
- Et c’est ?
- C’est Claquemur… mon chien !
- Votre chien ! Mais comment peut-il reconnaitre un bon ou un mauvais champignon ?
- Le flair, ma petite ! Le flair ! Les chiens ont un odorat 100 fois plus développé que celui de l’homme. Alors, ils sentent tout : le bon, le mauvais, les mauvaises choses ou les bonnes choses… Ils sentent tout et sont des spécialistes du dépistage du poison. Et Claquemur est le super-spécialiste des spécialistes des champignons… Enfin, c’est ce que m’a dit Sylvie, la dame qui me l’a donné. Et il parait qu’elle s’y connait."
Ne voyant pas d’autre solution, Mathilde repartit, accompagnée de Claquemur. Ayant rejoint ses 2 amies, elles décidèrent d’emmener le chien en forêt de Guînes afin de trouver de quoi satisfaire les lubies de Papy.
La période était bonne pour les champignons : il avait beaucoup plu et entre chaque averse, il faisait relativement chaud. Si bien que les bolets, les cèpes, les chanterelles poussaient à profusion ; on en avait des prairies complètes. Mais, hélas, au milieu de ces délices poussaient aussi des amanites, des cortinaires ou des gyromitres, champignons très dangereux voire mortels. Mais nos 3 fées commencèrent leur cueillette en confiance. Claquemur était là pour les renseigner. Quand il jugeait qu’un champignon était bon, il remuait la queue et jappait ; quand il sentait qu’il était mauvais, il aboyait furieusement. Donc aucun risque de se tromper (on n’est jamais assez prudent !).
Ils étaient à quatre dans une clairière ensoleillée. Plaqué sur le sol, un petit nuage de brume déposait, par ci par là, quelques gouttes de rosée sur le chapeau des champignons. Avec les rayons du soleil qui créaient des mini arc-en-ciel, on aurait pu se croire presque dans un dessin animé. Sauf, qu’à l’orée de la clairière, un homme surveillait les agissements de nos fées. Je dis bien agissements car pour cet homme, cueillir des champignons à cet endroit était un agissement illicite, un vol, une spoliation de son capital. Il s’appelait Maître Méchantome et était propriétaire de tous les champignons de la forêt. C’était le maître-gardien des champignons. En ramasser sans autorisation était donc un vol qualifié « extrêmement grave » et cela méritait une punition sévère, atrocement sévère. Méchantome décida de donner une leçon à ces petites effrontées et, en particulier, en leur faisant ramasser des champignons dangereux. Mais pour cela, il fallait d’abord éloigner le clébard ! Car ce chien semblait bougrement efficace. Devant des bons champignons, il remuait la queue et de temps en temps, il aboyait pour signaler un danger potentiel.
Méchantome était un être pervers, vicieux, méchant, fourbe et enrhumé. Le rhume n’a rien à voir avec son caractère tordu mais il est quand même bon de le signaler. Il avait conçu, au fil des années, des machines machiavéliques qui lui permettaient d’appréhender toutes les situations problématiques. Et là, il sortit de sa gibecière un lapin mécanique. Il remonta le mécanisme et le posa au sol. La bête se mit à avancer en faisant, pour attirer l’attention, le bruit d’un éléphant suisse parcourant la savane dans la banlieue de Bruxelles. C’est-à-dire un bruit cosmopolite. Claquemur, qui était de par ses ancêtres un chien de chasse à courre, se dressa immédiatement et repéra d’où venait cet étrange son. L’instinct fut le plus fort : il s’élança à la poursuite du lapin, laissant nos 3 fées seules pour choisir les champignons.
" Claquemur, reviens ici !"
Mathilde avait beau rappeler le chien, celui-ci était obnubilé par le lapin qui traversait la prairie.
" Ce n’est pas grave petite fée, je vais vous aider…"
Méchantome venait de s’approcher de nos 3 gazelles. Il avait pris son air aimable (comme un inspecteur des impôts qui sait qu’il va vous redresser), son air doucereux (comme quand un enfant a fait une grosse bêtise), son air amical (comme quand votre meilleur ami veut vous piquer votre voiture), son air serviable (comme quand un commerçant veut vous faire croire qu’un sandwich usiné en Chine a été emballé à Vesoul). Bref, il avait pris son air « sale-gosse pas clair ».
" Qui êtes-vous, demanda Cloè
- Je suis Gentilhomme, le gentil garde forestier et je suis un gentil spécialiste en champignons. Et je vais gentiment vous conseiller."
Roxane trouva bizarre cette façon de mettre le mot gentil à toutes les sauces.
" Vous ne seriez pas un homme politique par hasard… A vouloir nous faire croire que vous êtes tellement gentil ? (On n’est jamais assez prudent !).
- Non, gentille damoiselle. Je suis gentil de naissance, gentil de nature, gentil par envie et gentil par besoin. Ça ne se discute pas ! C’est comme ça !
Claquemur étant parti dans la forêt à la poursuite du lapin mécanique, nos 3 fées n’avaient plus le choix : elles devaient accepter l’aide de ce gentil garde forestier. Et elles se mirent à ramasser de nouveau les champignons. Elles les montraient à Méchantome qui leur disait : « Oui, c’est un bon ! » « Non, c’est un mauvais ! ». En fait, il attendait la bonne occasion pour entrainer les 3 fées dans le chemin de l’erreur et du désespoir. Non mais ! Quand on a l’audace de piquer des champignons qui ne vous appartiennent pas, la punition doit être exemplaire.
Après 1 heure de cueillette, elles arrivèrent au bord de la clairière. Mathilde présenta à Méchantome un grand champignon, avec de petites pointes et un large anneau blanc floconneux. Son odeur était douce, un peu comme une amande amère. C’était un Agaric Auguste. Immédiatement, Méchantome comprit le mal qu’il pouvait infliger à nos 3 voleuses.
" Très bon, mentit-il. Ça, avec un peu d’huile, une pincée de sel, un soupçon de coriandre ; le tout avec un bon verre d’Orangina… Rien de tel pour donner de la dynamique et du tonus. Pour les fées comme vous, c’est un trésor.
- Mais pour mon papy ?
- Non, surtout pas ! Ça ne marche pas sur les vieux ; ça leur donne des crampes d’estomac.
- D’accord ! dit Mathilde. En plus, comme il a déjà mal au bidon, on ne va pas lui donner celui-là. On va le garder pour nous. (On n’est jamais assez prudent !).
Ayant rempli leurs 3 paniers, Cloè, Roxane et Mathilde remercièrent Méchantome et s’en retournèrent près de Guînes afin de commencer à cuisiner les champignons. Elles espéraient que Claquemur les rejoindrait sur la route. En les voyant partir, Méchantome exultait. « Je leur ai joué un sale tour ! riait-il dans ses méchantes moustaches… Elles vont être malades comme des bêtes. J’adore rendre les gens malades, je déteste les gens, je déteste les bêtes… Donc j’adore les gens malades comme des bêtes l »
Claquemur avait rejoint nos 3 fées juste avant d’arriver à Guînes. Il était très déçu. En effet, il avait réussi à attraper le lapin mais quand il avait voulu le manger, il n’avait trouvé dans sa gueule qu’un ensemble de rouages, de roues dentées, de morceaux d’acier, le tout avec un goût d’huile et de graisse minérale. Une horreur ! Ce lapin avait vraiment un goût de chiotte et, en plus, Claquemur s’était cassé une dent. On ne le reprendrait pas à poursuivre des lapins qui font le bruit d’un éléphant suisse parcourant la savane dans la banlieue de Bruxelles. (On n’est jamais assez prudent !).
Nos 3 amies s’étaient, elles, mises à la cuisine. Il fallait que Papy Guînes puisse se régaler tout en soignant son bidon. Elles avaient donc fait 2 casseroles : une pour papy, l’autre avec l’Agaric Auguste pour Mathilde. Après une heure devant les fourneaux, Mathilde décida enfin de goûter quelques champignons. Ça sentait fichtrement bon. Avec sa cuillère en bois, elle prit un gros morceau d’Agaric Auguste. Ce qu’elle avait dans sa cuillère était doré, luisant, sentait le soleil, l’herbe humide et la rosée. Un délice en perspective. En fait, dès qu’elle avala un petit morceau de ce champignon, elle fut prise d’un trouble inexplicable. Un violent vertige, une nausée, un éblouissement et, d’un seul coup, une perte de connaissance. Cloè et Roxane étaient affolées. Elles n’avaient jamais vu leur copine Mathilde dans cet état.
" Claquemur ! Va vite cher Maître Lotard. Dis-lui que Mathilde est malade. Il faut qu’il vienne tout de suite avec ses potions. Elle est dans le coma. On ne peut pas la laisser comme ça."
A la vitesse d’un enfant affamé voyant au loin un pot de Nutella, Claquemur partit chercher le plus grand, le plus intelligent, le plus savant, le seul sauveur et surtout le plus modeste… Maître Lotard.
Après avoir écouté Claquemur, Lotard s’écria
" Mathilde, malade ! Ce n’est pas possible ; cela doit être grave. Vite ! Claquemur, prépare ma monture. Moi, je vais chercher mes remèdes et mes potions et on va aller la sauver. Je lui dois bien ça. »
Claquemur prépara le chameau à 3 bosses, chameau de course spécial réservé aux maitres (et accessoirement aux maitresses), en vente dans toutes les bonnes animaleries, à condition de présenter sa carte de Maitre magicien et son permis de conduire les chameaux. (On n’est jamais assez prudent !). Et il partit au secours de sa petite amie.
Arrivé sur place, il s’isola dans la grotte numéro 33 où il avait fait transporter Mathilde. Elle était toujours endormie et rien ne semblait pouvoir la réveiller. Après un examen approfondi des oreilles, du nombril et des doigts de pieds, Lotard réunit la communauté et donna enfin son diagnostic :
" Mes enfants. L’heure est grave et le danger est aigu. Mathilde a été empoisonnée par un champignon !
- Oh mon dieu ! s’écrièrent Cloè et Roxane. Elle va mourir !
- Non, bien sûr. Une fée, ça ne meurt jamais. Mais, si mon diagnostic est bon, comme elle a dû absorber de l’Agaric Auguste, elle va se réveiller mais, à son réveil, elle aura perdu tous ses pouvoirs.
- Elle ne sera plus fée ?
- Hélas non ! Cette saleté de champignon a la particularité d’enlever tout ce qui fait la force d’un être vivant : les fées perdent leurs pouvoirs ; les chiens perdent leur flair ( Claquemur se précipita derrière un rocher et ferma les yeux) ; les footballeurs perdent leurs chaussures et les hommes politiques leur dictionnaire des âneries.
- C’est terrible, Maître Lotard ! Mathilde est notre amie, notre sœur et notre complément. Nous existons à trois ou nous n’existons plus. Et nous ne pourrons plus rien faire si elle n’est plus avec nous.
Après quelques instants de réflexion, Lotard ajouta :
" Il y a peut-être une solution. Je crois savoir qu’il existe un centre de rééducation pour les fées, un centre où on leur réapprend les pouvoirs magiques. "
Eh oui ! On peut réapprendre à redevenir une fée ? Car, contrairement à ce que tout le monde croit, on n’est pas fée dès sa naissance ; on ne redevient pas fée automatiquement quand on l’a déjà été… Être fée, ça s’apprend, ça se réapprend et ça peut prendre du temps. Et pour cela, il faut entrer dans un centre spécialisé : le centre Bourtabeuf Doryphore, seul centre reconnu en France pour la rééducation des fées.
C’est une sorte d’école située là-bas sur la côte. D’un côté, on peut voir la mer ; de l’autre, les collines verdoyantes de la Picardie. Mais cet établissement est secret. Personne ne sait que c’est un centre de rééducation réservée aux fées. Même les voisins ignorent ce qui se passe dans cette propriété isolée. Tout le monde est persuadé qu’il n’y a là qu’un simple élevage de bovins (on n’est jamais assez prudent !). D’ailleurs, autour du bâtiment, on peut voir quelques vaches… Mais, en fait, ce sont des vaches en plastique. Perfectionnées avec une machinerie interne qui leur fait faire des pets et des renvois mais, de loin, on se laisse berner par la vue et par l’odeur.
Le professeur de fééries s’appelle Maître Tétrobouré, grand maître de la féérie, de la magie et des combines. A l’entrée du centre, il y a une plaque énumérant tous les diplômes du maître : Maître Restapiè Tétrobouré, diplômé de la faculté d’Argoupil-lez-Casebures, fondateur du Grobasouk Kissan, référent pour le Radogris américain. C’est donc un homme important. Il est le seul capable de vous transformer en fée n’importe quel enfant (à condition, bien entendu, que l’enfant soit une fille car les fées garçons, ça n’existe pas).
Lotard, Cloè, Roxane et Claquemur avaient accompagné Mathilde jusqu’au centre de rééducation. Rapidement, Maître Tétrobouré avait confirmé le diagnostic et rassuré nos héros :
" Ce n’est pas si grave que cela. Elle a, en effet, perdu tous ses pouvoirs mais avec un peu de travail, elle va récupérer en quelques jours. Laissez-moi faire… J’enverrai la note chez Lotard… Comme il est un peu radin, ça me fera plaisir de le taquiner."
Tous, sauf Lotard, éclatèrent de rire. Et ils reprirent le chemin de Guînes. Mathilde, quant à elle, les voyant partir, se désolait et pleurait toutes les larmes de son corps.
Maître Tétrobouré avait décidé, le premier jour, d’aider Mathilde à revoler. « Je n’y arriverai jamais » se lamentait Mathilde.
" Mathilde, lui expliqua le maître. Depuis des années, on t’explique que tu dois coller tes coudes au corps pour manger à table correctement. Et pourtant, quand tu manges, tu continues à écarter tes bras à l’horizontale, surtout quand tu coupes de la viande. On dirait un avion qui décolle. Aujourd’hui, ce vilain défaut va te servir. Alors, pour que tu réapprennes à voler, je vais mettre dans ton assiette un beefsteak et tu verras le résultat."
Tétrobouré déposa dans l’assiette de Mathilde un morceau de viande dur comme la pierre. Et Mathilde s’escrima à couper cette barbaque pour cannibale. Mais elle était dure, trop dure. En plus, Tétrobouré lui avait donné, exprès, un couteau qui ne coupait plus. Et elle essayait et elle essayait… Ecartant les bras… En agitant les bras à l’horizontale… Même en se mettant debout. Et au bout de 5 minutes, sans s’en rendre compte, elle décolla du sol.
" Voilà Mathilde. Tu voles à nouveau. Comme dit un vieux proverbe : « Manger ou voler, il faut choisir. »
- Ta viande est horrible ! Je préfère voler, répondit la petite fille redevenue fée."
Pour les couleurs, le processus était beaucoup plus simple. Tétrobouré sortit plein de bouteilles remplies de sirop et plein de verres. Et il expliqua :
" Voilà, tu vas verser dans chacun des verres que je t’ai donnés, un peu de liquide de chaque bouteille. Tu y ajouteras quelques gouttes d’eau. Tu gouteras et tu devras me dire quel goût ça a et quelle est la couleur que tu vois. Quand tu auras gouté à toutes les bouteilles, tu connaitras, à nouveau, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et les autres aussi d’ailleurs."
Mathilde se plia aux ordres du maître. Puis elle trempa ses lèvres dans chacun des verres et commença à égrener : « La violette… C’est violet ; la menthe… c’est vert ; l’orange… c’est orange ; la grenadine… c’est rouge » et ainsi de suite pour des tas de couleurs. A la fin de la journée, la petite fée avait retrouvé la notion des couleurs et savait mettre du bleu dans le ciel, du vert dans la forêt et du rose sur les cœurs.
" Demain, je t’apprendrai comment tu peux transformer les cailloux en pommes-de-terre (pour faire les frites, c’est bien utile), comment récompenser le pigeon qui a fait caca sur la tête du voisin qui t’embête et comment faire apparaitre le soleil et démontrer ainsi que la météo se trompe tout le temps. Et enfin, après-demain, je t’apprendrai le plus important : comment provoquer le sourire chez les gens tristes. Quand tu sauras faire tout cela, tu seras redevenue une petite fée."
Et le troisième jour, Mathilde était redevenue comme avant : une belle petite fée. Oublié les malheurs de Mathilde ; oublié l’Agaric Auguste et son poison anti-fée ; oublié Méchantome et ses vilainies… Quoique… Comme dit le proverbe « La vengeance est un plat qui se mange froid. »
Après avoir remercié chaleureusement Maître Tetrobouré, Mathilde s’envola pour retrouver ses amies qui l’attendaient chez Maître Lotard. Le magicien avait, avec l’aide de Cloé et Roxane, reconstitué le scénario de la mésaventure et des ennuis de Mathilde. Il en profita pour enguirlander Claquemur :
" Espèce de chien à puces ! A ton âge… Courir après des lapins en métal… Tu es un bon à rien, un rat d’égouts, un sac à crottins. Tu n’es pas digne d’être le chien d’un homme remarquable comme moi !"
Le pauvre Claquemur s’était réfugié sous un canapé et pour ne plus entendre son maître, il avait réussi à mettre une croquette de viande dans chacune de ses oreilles. Mais la colère de Lotard n’était pas là de se calmer et elle se reporta, très naturellement, sur le fourbe, l’horrible Méchantome.
Et quelques jours après, nos 3 petites fées se glissèrent dans la cuisine de Méchantome. Celui-ci était en train de préparer une soupe d’araignées avec des queues de scorpions. Discrètement, elles versèrent dans le chaudron, quelques gouttes d’un élixir que Lotard avait préparé. C’était un concentré d’Agaric Auguste mélangé avec un purin d’amanite. Et pour accentuer l’effet, Lotard avait ajouté une dose de Ricard (On n’est jamais assez prudent !).… Sur les méchants, le Ricard a un effet désastreux. Sur les gentils aussi d’ailleurs : ça peut les rendre méchants.
A peine avait-il bu son premier bol de soupe qu’il fut pris de tremblements, de vomissements et eut des hallucinations. En deux temps trois mouvements, il se transforma en crapaud pustuleux et bavant. La vengeance de Lotard était terrible mais momentanée. En effet, Méchantome retrouverait son apparence après 2 jours de souffrance. L’élixir de Lotard avait une action limitée dans le temps. Mais ça lui faisait une bonne leçon.
Mathilde put préparer des plâtrée de champignons pour son grand-père. Celui-ci se régala mais, malgré ce repas de prince, il avait toujours mal au bidon.
Quelques jours après, Cloè arriva affolée chez Mathilde :
" Mathilde ! Viens vite ! Maître Lotard est tombé dans le coma. C’est terrible.
- Dans le coma ? Ce n’est pas possible. Maître Lotard est plus fort que les virus, les microbes et même que les hommes. Que s’est-il passé ?
- Il a ouvert son courrier et il est tombé dans les pommes. Viens voir, j’ai peur.
Et les 2 fées se précipitèrent chez Lotard. Elles le trouvèrent allongé, inconscient et très pâle. Mathilde s’aperçut qu’il avait dans la main un papier. Elle le prit et comprit tout de suite la cause du malaise de Lotard.
Ce papier, c’était la facture, envoyée par Tétrobouré, pour la rééducation de Mathilde. En voyant la somme demandée, Maître Lotard avait eu un choc terrible. Et pourtant, connaissant l’avarice de Lotard, Tétrobouré avait fait une ristourne (On n’est jamais assez prudent !). Mais la ristourne n’était pas assez forte et Lotard avait eu un gros malaise
Note de l’éditeur : J.M.Barrie est l’écrivain anglais qui a créé Peter Pan, en vente dans les bonnes librairies.