Arras, le 3 juin 2013.
Je me dois de donner un avis sur 2 domaines pour lesquels j’ai une délégation : l’environnement et le climat
Aussi, permettez-moi de vous poser une simple question : quelle différence évidente il y a-t-il entre le SRADT 1ère version et l’actualisation présentée aujourd’hui. La différence qui saute aux yeux, comme l’a remarqué Alain Wacheux, c’est d’abord l’orthographe. Avant, on écrivait SRADT ; maintenant, on dit SRADDT. Il y a un D en plus. C’est ce qu’on appelle la « Grenellisation ».
Et pour être rapide, permettez que je ne fasse que 9 remarques, en déclinant le D.
D comme dépassé
Si je dis cela, n’y voyez surtout pas une critique. C’est une simple constatation et vous n’y êtes pour rien. Mais dans le domaine de l’environnement et dans le domaine du climat, le jour où vous actualisez vos connaissances et vos intentions, vous êtes déjà dépassé et vous êtes bon pour tout recommencer.
Car ce qui était des questions en 2006 est devenu des certitudes en 2013 ; et nous savons que nos pressentiments de 2013 seront nos inquiétudes de demain. Dans le cadre de la détérioration de l’environnement et dans celui de la modification du climat, nous assistons à une formidable accélération du temps. Et pour ça, personne ne peut anticiper à outrance. Hélas !
D comme Dialogue
Devant ces urgences environnementales, il était important que s’instaure un dialogue local, locorégional, régional et national. Et à ce sujet, permettez-moi, très sincèrement, de remercier la Région qui nous a toujours associé à ces démarches et à ses réflexions : dialogue et participation dans le cadre du Climat, dans le cadre de la transition énergétique, dans le cadre de ses politiques environnementales, sans oublier le dialogue permanent dans le cadre de la gestion du Parc Naturel des Caps et Marais d’Opale.
Dans toutes ses démarches, la Région nous a toujours associés et elle n’était pas obligée de le faire. Cela montre une certaine notion du pragmatisme… notion qui n’est pas forcément partagée par les services de l’Etat.
D comme Débat
Parce que le sujet est d’importance et que ce n’est pas uniquement des courbes qui évoluent sur un papier… L’évolution du climat et l’environnement sont des sujets essentiels pour la région Nord-Pas-de-Calais. Et portent forcément à débat !
Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas débat quand on sait qu’on a mesuré la production des gaz à effet de serre pour toute la région Nord-Pas-de-Calais ; qu’on a découvert que la moitié de ces gaz est produite par l’industrie ; et que dans cette moitié, la moitié est produite par une seule usine. C’est-à-dire qu’une seule usine produit à elle-seule un quart des gaz à effet de serre de toute la région… Là-haut, au nord du Nord !
Oui, c’est problématique… Mais cette usine, c’est de l’industrie, de l’activité, des richesses locales, du travail pour des hommes et la vie pour des familles.
Alors, il doit y avoir débat. On ne peut pas faire autrement.
D comme Département
J’oserai reprendre une réflexion d’un vice-président du Conseil régional avec lequel je travaille souvent. Il me disait, l’autre jour : « Nous, Région, nous avons avec l’Etat des obligations de schémas d’où découlent des programmes… mais dans bien des domaines, c’est vous, les départements, qui avez les compétences. » Et oui, nous sommes les éléments indispensables pour certaines politiques. Même si ce n’est pas, forcément, par ce volet-là que nous sommes le plus connus et reconnus. Mais tant que les compétences et nos volontés seront ce qu’elles sont, nous serons incontournables :
L’aménagement foncier rural, avec tout ce que ça comporte, c’est nous.
Les espaces naturels sensibles, c’est nous ;
La gestion des terrains du Conservatoire du Littoral et des réserves nationales, c’est nous ;
la réglementation boisement, avec toutes ses composantes, c’est nous ;
les périmètres de protection agricole et des espaces naturels périurbains, c’est nous ;
les politiques de l’eau en accompagnement de l’Agence de l’Eau, c’est nous ;
La gestion des wateringues, c’est nous ;
et je me permets d’ajouter toutes les politiques à visée environnementale, rurale et agricole intégrées dans notre Agenda 21… sans oublier l’opération Grand Site des deux Caps dont nous sommes les leaders.
Et j’arrête là la liste de nos domaines d’intervention ; certains pourraient en être encore plus jaloux
Mais, quand on parle de Trame Verte et Bleue, on est obligé de prendre en compte les politiques départementales.
Quand on parle aménagement du territoire, dans un département de 6671 km², dont 70% de l’espace est composé de ruralité, vous ne pouvez pas vous passer des politiques départementales.
Comment voulez-vous pratiquer une gestion économe du foncier sans passer par la case département ?
Comment voulez-vous appréhender le problème de la périurbanisation sans faire appel aux compétences départementales ?
D comme Déception voire Désespoir
Et la tentation est grande de tomber dans la sinistrose…
Quand on voit qu’à Daho, comme à Copenhague, les égoïsmes nationaux ont dominé les débats ;
Quand on sait que nous avons déjà perdu 99,9% de notre patrimoine naturel ; et que d’ici 2050, nous aurons perdu encore 50% du 0,1% qui nous reste ;
Quand on voit que le prix du gaz a augmenté de 80% depuis 2005 ;
Quand on regarde la liste de tous les produits qu’on retrouve dans l’eau dite « potable »… Et je parle en tant que Président de l’Agence de l’Eau ;
Quand on voit que dans notre région, le nombre de déclarations de catastrophes naturelles a été multiplié annuellement par 3 en 10 ans ;
Quand on sait que niveau de la mer augmente, inexorablement, de 2 à 4 millimètres par an, à l’écluse Tixier, là-bas près de Dunkerque.
Il y a de quoi être inquiet, voire plus…
Alors « D comme Dynamique »
Car pour ne pas tomber dans le catastrophisme, il faut réagir, essayer d’avancer et de modifier la marche des choses. Parce que les choses ne peuvent pas être inexorables…
Et comme je l’ai dit, lors des réunions Rifkin : « Cette dynamique sera collective ou ne sera pas ». En disant collective, je désigne : l’Etat, toutes les collectivités territoriales, les collectivités locales, les forces vives de notre économie et le citoyen, urbain ou rural.
Et c’est parce que cette dynamique ne peut être que collective que nous vous proposons autant de chef de file qu’il y a d’acteur. Chacun a sa pierre à apporter dans le cadre de cette mobilisation. Région, Départements, communes et EPCI, associations, industriels ou simples citoyens.
Vous n’avez pas le choix et nous n’avons pas le choix. Le diagnostic est partagé ; l’urgence devra être assumée par tous.
D comme Distillation
Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de la fabrication du genièvre de Houlle. Non, je parle de la distillation des idées et des mots.
En 20 ans, notre lexique s’est fortement enrichi de mots et de locutions qui n’étaient pas dans nos formats : Développement Durable ; Trame verte ; Transition énergétique ; Obsolescence programmée… Toutes ces notions distillées de façon quotidienne finissent par s’inscrire dans les esprits, puis dans la pensée, et enfin dans les programmes.
Dans ce domaine-là, plus qu’ailleurs, les mots finissent par forger les idées.
D comme Demain
S’il y a bien un domaine où nous avons tous un même devoir, nous élus, décideurs et citoyens, c’est bien de préparer l’avenir, de préparer ou réparer la maison de demain et de former les maçons de demain parce que, comme vous l’avez écrit, « la biodiversité est un bien commun. »
Avec une évidence : dans le domaine de l’environnement, de l’impact de l’humain sur la nature et sur les futurs possibles, les nouvelles générations apprennent et comprennent beaucoup plus vite que nous.
D’où les clubs Eden, d’où la sensibilisation à l’environnement, d’où la notion de développement durable…
Et je terminerai par « D comme Durable »
Parce que les enjeux environnementaux sont peut-être plus aigus, chez nous, dans le Nord-Pas-de-Calais, qu’ailleurs… il nous faut simplement adopter 4 règles essentielles :
Il nous faut reconnaitre un état des lieux, fruit d’une histoire que nous assumons tous ; et il n’est pas brillant, notre état des lieux, mais c’est le nôtre.
Il nous faut afficher clairement la fragilité de nos écosystèmes ;
Il nous faut participer de façon volontariste à la lutte contre le changement climatique ;
Et il nous faut partir à la reconquête de notre biodiversité.
En conclusion, après ces 9 D, permettez-moi de rappeler
Que le département n’est pas uniquement une collectivité qui fait du social ou de la randonnée. Nous faisons, nous aussi, de la prospective, de l’aménagement et du bien-être
Rappeler que dans le cadre des SRADDT, SRCAE et SRCE, les départements sont incontournables… Parce que, pour certaines choses, les départements représentent le bon niveau de subsidiarité. Pour être franc, nous avions même certains pouvoirs ou compétences qui n’étaient pas mis en œuvre et qui pouvaient être utiles… Dans le cadre d’une certaine idée du Développement Durable, nous avons comblé cette lacune.
Et pour terminer, sachez que, dans le domaine de l’environnement, du développement durable, de la trame verte, de la lutte contre le changement climatique, nous serons toujours, à vos côtés, des partenaires attentifs, sérieux et volontaristes. Et quand nous ne serons pas à vos côtés, c’est simplement parce que nous serons devant.
Car nous savons que « La dynamique sera collective pour que, nous l’espérons, la victoire soit, un jour, aussi collective. »
Hervé Poher