2013.07.04 Intervention eau CG 62.CG59
Arras le 4/07/2013 Convention Deux départements
Intervention sur l’eau
Avant de vous immerger dans la problématique de l’eau, je voudrais d’abord vous faire un petit rappel sur le système hormonal de l’être humain
Vous le savez sans doute, les endorphines sont souvent les hormones du plaisir et du bien-être. Par contre, l’adrénaline est, entre autre, l’hormone du stress et du mal-être.
Eh bien, force est de constater que dans le Nord-Pas-de-Calais, quand on parle de l’eau, on oscille toujours entre l’endorphine du plaisir et l’adrénaline du stress. Quelques exemples
Endorphine du plaisir quand les uns prennent conscience de la quantité d’eau qu’ils ont sous leurs pieds et que cela peut représenter un avantage inestimable quand on parle de développement humain et d’aménagement du territoire.
Adrénaline de l’inquiétude quand les autres constatent, avec fatalisme, qu’ils n’ont pas beaucoup d’eau, qu’il n’est pas possible de vivre sans et qu’ils vont devoir s’en procurer; or comme dans notre société, rien n’est gratuit...
Endorphine du plaisir quand on voit que la nature a su trouver un juste équilibre : Certes, nous n’avons pas de grands cours d’eau, mais de l’eau, la terre nous en donne et de l’eau, le ciel nous en envoie ;
Adrénaline du stress quand on découvre que l’activité humaine, depuis quelques siècles, a laissé beaucoup de traces dans l’eau de la terre et que parfois, de plus en plus souvent d’ailleurs, le ciel a tendance à nous envoyer un peu trop d’eau
Endorphine enfin, quand nous sommes fiers d’avoir une façade littorale mais Adrénaline quand on regarde, impuissants, la montée du niveau de la mer et le recul du trait de côte
Tout cela pour dire que nos rapports avec l’eau, nos comportements avec l’eau, notre vie avec l’eau sont bien souvent ambivalents. Et cette ambivalence est d’autant plus forte quand on réalise que certains habitent sur un vrai trésor, ce qui n’était pas une évidence il y a un demi-siècle, et que, bien entendu, les voisins voudraient bien partager ce trésor.
Et entre nous, pour être tout à fait honnête, le partage ne fait pas forcément partie de la nature humaine… Du moins, ce n’est pas une qualité innée… Pas plus mais pas moins chez les habitants du Pas-de-Calais que chez les autres...
Et pourtant !! Depuis 40 ans, les 2 départements collaborent pour pouvoir amener un peu d’eau dans le Nord. Ce qui est devenu le SMAEL permet d’alimenter, le dunkerquois, le réseau Noréade et l’agglomération lilloise. Le SMAEL, ce n’est pas loin de 20 millions de m3 transvasés, tous les ans, dans le Nord. Et 20 millions, ce n’est pas une goutte d’eau !
Et pourtant, à partir de 1999, c’est la création d’un contrat de ressources, sur Houlle-Moulle, où les dunkerquois acceptent de participer au financement de la protection des champs captant, dossier dans lequel le département est intervenu. Et c’était essentiel… Michel Delebarre a très vite compris que pour fabriquer du coca-cola chez lui, il devait d’abord protéger le genièvre, chez nous. Sinon, c’était la guerre ! Et nous étions sûrs de gagner car pour stimuler les combattants, le coca-cola, ça ne marche pas
Et pourtant, depuis 35 ans, c’est l’Institution des Wateringues dont le Président Schaepman vous a déjà parlé. Permettez-moi de répondre d’emblée à certaines questions déjà posées : Nous sommes, pour les wateringues, en phase de refondation. Interrogations sur la place de l’Etat, sur la taxe, qui en fait est une redevance… Oui, nous posons les questions ; nous posons, nous imposons et nous serons vigilants sur les réponses.
Et pourtant, depuis plus de 25 ans, nous travaillons, main dans la main, dans la vallée de la Sensée… Pour étudier, améliorer, aménager… La Sensée, c’est 37 communes du Nord, 97 communes du Pas-de-Calais et c’est 100 000 habitants. L’institution de la Sensée, c’est un bel outil que nos 2 départements ont eu l’intelligence de créer.
Bien sûr, pour la Sensée, des questions se posent sur l’avenir, sur le rôle de chacun, des questions sur les financements, des questions sur l’évolution de la structure… Comme pour les wateringues… Ce n’est pas le lieu ni le moment d’entamer ce chantier, mais n’ayons pas de craintes pour l’institution, quelle que soit sa forme à venir: Quand on défend une noble cause ; quand l’outil a fait ses preuves; quand on a des élus motivés et quand on a un président d’institution qui n’a peur de rien, on trouve toujours des solutions.
Alors certains empêcheurs de nager en rond, obsédés par les équilibres financiers ou timorés par le barbelé des compétences, pourraient dire : « Le SMAEL, le genièvre, la Sensée, les wateringues… C’est déjà pas mal… La coopération a des limites ! Chacun ses problèmes !
Erreur mes chers collègues, car même si l’eau ne fait pas partie des compétences du Conseil Général, nous avons encore, dans le domaine de l’eau, beaucoup à faire, ensemble. 5 pistes de travail, par exemple…
Beaucoup à faire ensemble car plus de la moitié des SAGE de la région est à cheval sur nos 2 départements. D’ailleurs beaucoup de conseillers généraux sont impliqués dans cette démarche et les départements ont tout à gagner à coordonner leur vision aquatique du territoire. Vous pourriez me répondre : « Tout cela, c’est le travail de l’Agence de l’Eau »… Bien sûr, mais l’Agence est preneuse d’une coopération et de la dynamique départementale.
Beaucoup à faire ensemble car nous pouvons échanger nos expériences dans le cadre des inondations. Nos deux départements ont malheureusement le record des CATNAT, c’est-à-dire des catastrophes naturelles… Et 98% de nos déclarations de CATNAT concernent des retraits ou gonflements d’argile, le débordement des cours d’eau ou le ruissellement et les coulées de boue. Tout cela en rapport avec l’eau.
Beaucoup à faire ensemble car il faut penser à l’avenir et à l’éventuelle catastrophe écologique localisée à un point de notre territoire. Et on ne peut pas faire autrement que d’augmenter les interconnexions de réseaux, internes au Pas-de-Calais et entre les départements. C’est une assurance pour l’avenir mais comme toutes les assurances, il vaut mieux la souscrire avant.
Beaucoup à faire ensemble parce que nous sommes tous fiers d’avoir les pieds dans la mer. Mais la mer, c’est, pour ne parler que d’environnement, « la qualité des eaux de baignade », c’est « les mouvements du trait de côte », c’est « le risque de submersion marine ». Et pour tout cela, on ne peut pas poser des problèmes et imaginer des solutions sans travailler avec son voisin.
Beaucoup à faire ensemble car, dans le domaine de l’eau, vos inquiétudes sont nos alertes et nos préoccupations appellent votre attention… Car nous avons des problèmes communs. Problèmes communs parce notre histoire est commune, nos souffrances sont communes et notre vie intérieure est la même.
En commun, les stigmates de la guerre qui sont partout dans notre sol ;
En commun, les friches industrielles avec leurs résidus ;
En commun, des concentrations humaines fortes;
En commun, une agriculture omniprésente et qui, directement ou indirectement, marque le territoire.
En commun, une artificialisation des sols qui a été exponentielle durant les dernières décennies.
C’est-à-dire, nous avons en commun, mesdames et messieurs du Nord, des nitrates, des phosphates, des perchlorates, des produits phytosanitaires, des dérivés de médicaments, des solvants chlorés et j’en passe… J’arrête là sinon cela vous fera passer le goût de l’eau. Et quand on a les mêmes handicaps, on s’entraide !
Mesdames et messieurs, je viens de vous faire un constat des politiques, un état des lieux et un diagnostic du territoire.
Permettez au Président du Comité de bassin de l’Agence de l’eau que je suis, de vous faire une ordonnance avec quelques recommandations.
Nos deux départements ont des liens historiques, passionnels, fusionnels… L’un d’eux a été, pendant un siècle et demi, le charbon. Et vous savez pertinemment que l’eau peut être à nouveau ce lien qui soude des populations, qui mobilise des collectivités et qui forge des avenirs.
Nous sommes dans un bassin qui a accumulé, au fil des siècles, certains stigmates environnementaux… Mais ces stigmates, nous les assumons
- parce que c’est notre passé,
- parce que c’est notre histoire
- et parce que, comme on dit chez moi, « On peut toujours être moins pire. ».
Et c’est ensemble que nous trouverons les solutions. Rien n’est inéluctable et tout est respectable. Respectable car l’Europe peut condamner autant qu’elle veut, nous essayons, nous dans le Nord-Pas-de-Calais, d’être vertueux, nous essayons de bien faire et nous essayons d’avancer.
Voilà, Mesdames et Messieurs ; en résumé, dans le domaine de l’eau : continuer ce que nous avons déjà mis en place, se mobiliser autour d’un trésor commun et 5 nouvelles pistes de travail… Sincèrement, pour des gens comme vous : 5 pistes, ce n’est pas la mer à boire.
HERVE POHER