Séance plénière.
Faisant suite au Grenelle de l’environnement, la loi de juillet 2010 oblige les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre à présenter, chaque année, un rapport sur le développement durable dans les politiques de la collectivité. Ce rapport doit, bien entendu, évoquer les initiatives, actions et réalisations des années passées, mais il doit, évidemment préciser les orientations et les principaux objectifs, étiquetés « développement durable », pour les mois et années à venir.
Bien sûr, ce nouvel exercice annuel peut ressembler à une contrainte : contrainte supplémentaire en séance plénière, redite de certaines options départementales maintes fois répétées dans cette enceinte, réaffirmation de grands principes qui ne peuvent qu’entrainer votre accord, mais qui, vous le savez bien sont relativement difficiles à appliquer sur le terrain.
Relativement difficiles à appliquer pour 2 raisons majeures :
· La première, c’est la propension très naturelle et en disant cela, croyez bien que ce n’est pas une critique de ma part mais que ce n’est qu’une constatation compréhensive, propension très naturelle à un conservatisme rassurant, surtout pour une vieille et grande structure, comme la notre. Déjà, à titre personnel, nous avons, chacun d’entre nous, et l’âge aggrave cette tendance, nous avons tendance, dis-je, à tomber dans un certain immobilisme… Personne ne peut dire le contraire : C’est naturel et c’est humain… Quand on ne veut pas être éclaboussé, on ne remue pas l’eau. Alors imaginez pour une structure qui a des milliers d’employés et des centaines de politiques… même si nous n’avons pas à avoir honte de ce que nous avons fait.
· Seconde raison qui rend, cet exercice plus difficile : c’est cette fameuse crise. Rappelez-vous : nous avons approuvé notre agenda 21 en juin 2008 et le premier crack boursier est survenu en automne 2008. Alors, il est évident que quand on évoque de nouvelles politiques, de nouvelles attitudes et une nouvelle façon d’être, une question s’impose systématiquement : « Combien ça va coûter ? » et naturellement on se dit qu’avant le développement durable, qui peut être considéré comme de l’accessoire, il vaut mieux s’occuper de l’essentiel et des choses obligatoires.
Cette réalité étant réaffirmée, vous le savez, il y a 2 façons d’analyser le résultat de 3 années d’Agenda 21 : Ou être compréhensif de ce verre qu’on a réussi à remplir à moitié… Ou râler parce que nous n’avons pas réussi à le remplir totalement…
Et pourtant l’urgence écologique est là ! Et pourtant, nous nous devons d’être exemplaires et nous ne le sommes pas tout à fait…. Mais malgré tout, et je vais vous étonner, je vais me satisfaire du verre à moitié plein… En étant très honnête, je dois avouer, mes chers collègues, que malgré une légère tendance au surplace, à la prudence pour ne pas dire à la frilosité, nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait. Dans le cadre de l’Agenda 21, nous n’avons pas tout fait, loin s’en faut, mais nous avons fait, nous sommes en train de faire et nous nous sommes préparés à faire. Et j’ai l’habitude de dire qu’en juin 2008, nous n’avons pas voté un catalogue d’actions : nous avons voté un état d’esprit… Et c’est parfois plus important, dans le Nord-Pas-de-Calais peut-être plus qu’ailleurs. L’état d’esprit étant dans cette maison, reste à y peaufiner une vraie prise de conscience, plus visible donc plus lisible.
Permettez que je fasse un rapide survol de certains points importants de notre Agenda 21 version 2008, en rappelant quelques exemples de ce qui a été fait, ce qui est en court et ce que seront nos priorités pour 2012. .. Sachant que ceci pourra correspondre à un premier travail de toilettage pour élaborer notre Agenda 21 version II. Pour que les explications soient relativement claires, permettez-moi de réunir ces politiques en 4 groupes d’actions.
Premier Groupe, ce qu’on pourrait rattacher au Plan Climat Régional Nord-Pas-de-Calais.
Depuis 4 ans, nous travaillons avec la Région, La Dreal, l’Adéme et le CG du Nord, sur un plan climat régional Nord-Pas-de-Calais. Cette démarche a pour but, vous le savez, d’aller vers les objectifs du protocole de Kyoto et, en limitant l’émission des gaz à effet de serre, de lutter contre le réchauffement climatique. Notre présence n’est pas totalement désintéressée puisque une remontée du niveau de la mer pourrait avoir chez nous, un certain impact pour ne pas dire un impact certain.
Point 1 : Dans le cadre de cet objectif, pour nos travaux routiers, nous travaillons, depuis quelques années, et plus encore maintenant, avec des entreprises qui appliquent des techniques ou utilisent des matériaux économes en énergie (enrobés tièdes, matériaux recyclés, liant hydraulique…). Parfois même, nous demandons aux entreprises de n’utiliser que des matériaux novateurs et moins polluants, cette demande étant presque obligatoire sur la Site des Caps. Cette façon de faire sera maintenue.
Point 2 : La 6ème commission et les services du CG sont en train de finaliser la démarche des Certificats d’Economie d’Energie, système analogue à celui des entreprises et qui permet, à terme, de récupérer des finances après des investissements pour économiser l’énergie.
Point 3 : La moins coûteuse et la moins polluante des énergies, c’est celle qu’on ne consomme pas. A partir de cette philosophie, le CG a entamé des audits pour les collèges et d’emblée, des travaux ont été effectués dans les 10 collèges les plus énergivores. Cette démarche doit rester une de nos priorités pour les années à venir. Parallèlement à cela, notre collectivité a développé son référentiel QEEB (Qualité Energétique et Environnementale du Bâtiment), référentiel appliqué désormais dans la construction des bâtiments départementaux. Et cette ambition aura une démonstration extrême et exemplaire, dans la construction du centre technique environnemental d’Audinghen, c'est-à-dire au Cap Gris-Nez. Tout cela en 2012. En plus, je vous signale que le référentiel QEEB intègre aussi le problème du handicap.
Point 4 : Bien entendu, dans toutes nos réalisations, nous essayons désormais d’intégrer des énergies renouvelables, solaires et photovoltaïques et je tiens à rappeler le travail de réflexion et de proposition que mène notre collègue Jean Wallon au sujet des énergies renouvelables.
Deuxième Groupe : Tout ce qui a rapport avec la biodiversité, maintien et préservation de la biodiversité.
Point 1 : Je ne peux pas faire autrement que de parler, en premier, de la politique ENS du département et de l’intervention d’Eden 62 : plus de 5000 hectares gérés, propriétés du département, du Conservatoire du Littoral ou, pour une faible partie, propriétés privées. 5000 hectares où sont appliqués des plans de gestion favorisant, bien entendu, la biodiversité.
Je vous rappelle aussi, qu’Eden étant un instrument du département, il a semblé judicieux qu’Eden imagine une vitrine départementale. C’est pourquoi, le syndicat mixte s’est engagé sur une démarche d’éco-certification EMAS (Eco- Management and Audit Scheme) qui sera principalement illustrée au Bois de Maroeuil où les aménagements seront, à petite échelle, un exemple de tout ce qui peut représenter le développement durable. Travaux courant 2012.
Point 2 : Qui peut sembler anecdotique mais qui est extrêmement positif pour l’image du département : le traitement différencié des routes.
Moins de fauchage, techniques alternatives pour le désherbage, suppression complète en 3 ans de tous les pesticides… Bref, après un bilan scientifique : 20% de biodiversité gagnée, une récompense nationale que nous avons reçue à Paris et, finalement, une certaine fierté du personnel de la voirie.
Au niveau conception de nos routes, désormais, nous intégrons, bien entendu, certaines réalisations spécifiques pour la faune ou pour le respect des paysages.
Point 3 : Juste un mot rapide sur les abeilles : Nous nous sommes investis dans l’opération « Abeille sentinelle de l’environnement », et nous avons été critiqués car notre miel serait le plus cher de France. Effectivement, nous avons aidé l’apiculture mais nous n’avons pas voulu, uniquement produire du miel sur le toit du CG. Et si on veut être honnête, il faut calculer le prix de revient du miel du Pas-de-Calais, en y intégrant tout le miel produit par les centaines de ruches installés sur tous les terrains départementaux depuis 3 ans. Mais, pour éviter les critiques de ceux qui ne mangent que de la confiture, nous adapterons notre soutien à l’apiculture avec les conseils éclairés de notre collègue Robert Therry. Comme l’a suggéré le Président, ce n’est pas une histoire de sensiblerie vis-à-vis des petites bêtes, c’est un problème d’avenir pour l’humanité.
Point 4 : L’engagement dans une démarche trame verte et la notion de corridors biologiques.
Vous le savez, mes chers collègues, nous avons essayé d’orienter la politique Oxygène 62 vers cette noble finalité, c'est-à-dire une démarche Trame verte. Mais il faut bien avouer que cette politique n’est pas tout à fait adaptée et que les collectivités tiennent à un Oxygéne 62 classique… C’est presqu’une institution comme le Farda. C’est pourquoi, parallèlement à nos politiques traditionnelles, il a semblé utile de s’intéresser à une compétence du Conseil Général : la réglementation boisement. Le boisement a beaucoup d’atouts : lutte contre les inondations, protection des champs captants, alternance des paysages, biodiversité… La trame verte a donc beaucoup d’intérêts… mais à condition que nous puissions la réaliser en concertation complète avec le monde agricole. Or nous, Conseil Général, nous sommes les seuls à avoir véritablement les outils pour agir : le règlement boisement et la PAENP (Protection Agricole et Espaces Naturels Périurbains)… Cette volonté doit être concrétisée dés cette année ; nos partenaires comptent sur nous.
Point 5 : Repenser les modes de déplacement… Ce sera un des grands enjeux du schéma de la mobilité qui vous sera proposé bientôt : Aménagements cyclables avec des vélo-routes voies vertes, transport interurbain accessible à tous, expérimentation plus large du transport à la demande, véritable inter modalité… Tout cela devra être finalisé cette année et même dans les semaines qui viennent.
Troisième Groupe : De l’exemplarité du Conseil Général :
Tout d’abord dans son fonctionnement propre : charte de l’éco-agent, plan de déplacement entreprise, recyclage des déchets, dématérialisation au maximum… Autant de dossiers où nous avons avancé mais où certains progrès sont encore nécessaires, il faut bien l’avouer.
Exemplarité dans les appels d’offres où des critères environnementaux et sociaux ont été introduits. Cotoyant ce sujet, permettez-moi de vous signaler la remarquable réussite de l’insertion au sein de l’équipe travaux d’Eden 62 et des remarquables chantiers d’insertion dans le cadre de l’opération Grand Site. Tout cela aussi, c’est du développement durable et de l’Agenda 21.
Exemplarité encore dans l’adaptation de nos politiques touristiques pour façonner un tourisme éco-responsable.
Exemplarité enfin quand il faut modifier les processus alimentaire dans les collèges, même si ce n’est pas toujours une évidence ; exemplarité quand il faut sensibiliser à l’importance de l’alimentation et du sport pour un bon état de santé et qu’il faut introduire la notion d’éco-responsabilité dans toutes les manifestations culturelles ou sportives. Là aussi, encore du travail sur la planche…
Quatrième Groupe: Et pour terminer, quelques grands dossiers qui vont rythmer la vie du Conseil Général pour les années à venir :
Point 1 : Une Opération Grand Site qui continue, sachant que le site des caps ayant obtenu le label, le niveau de qualité se devra d’être encore plus élevé. En cours.
Point 2 : l’implication du conseil Général dans la gestion du foncier pour le canal Seine-Nord-Europe et l’expérimentation de la politique PAENP, compétence du CG mais appliquée en dynamique avec les EPCI et le monde agricole. En cours.
Point 3 : Le schéma départemental pour le traitement des déchets ménagers, obligation et engagement du département : ce schéma était terminé et devait être validé. Le législateur est passé par là, a modifié les contours de cette compétence et du coup, nous devons prolonger notre étude pour 18 mois à 2 ans. Mais c’est en cours.
Point 4 : point essentiel pour notre département, nous avons terminé le schéma de ressource et de distribution de l’eau potable. Ce schéma vous sera bientôt présenté et montrera, si le besoin s’en faisait sentir, qu’une de nos véritables richesses, c’est maintenant l’eau. Et nous sommes responsables de ce schéma… Et nous nous impliquons dans les Sage… et nous veillons à la protection des champs captants. Bref, on n’a pas voulu nous donner la compétence eau mais nous montrons que nous sommes, dans ce domaine là, incontournables.
Permettez-moi d’en arrêter là et d’énoncer 6 têtes de chapitre pour l’avenir :
· Gestion des sols et trame verte
· Adaptation et économie d’énergie
· Transport et multimodalité
· Education et communication
· Insertion et solidarité
· Eau et biodiversité
Et de redéfinir les outils pour aller vers cette nouvelle ambition :
· Exemplarité et contractualisation
· Territorialisation
· Accompagnement et expérimentation
Nos engagements financiers dépendront de la déclinaison de ces 6 têtes de chapitres au sein de nos politiques départementales.
Faisant le bilan, certains d’entre vous doivent se dire qu’on se contente de peu… Seulement d’un demi-verre et pourtant ce bâtiment résonne encore des colères homériques d’Alain Wacheux, de Raymond Gaquère, d’Alain Méquignon ou d’autres... Dont je fais partie. Mais ce demi-verre, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas de la bibine, c’est un bon cru… Et c’est un buveur de bière qui vous dit cela.
Mais permettez-moi de confirmer que, pour une fois, je serai indulgent car je dois vous faire deux aveux :
1) en juin 2008, nous avions passablement trituré les politiques départementales parce que nous voulions impérativement arriver à 62 actions… Si bien que tout n’est pas réalisé. C’est normal, c’était presque inéluctable et c’était prévisible.
2) La révolution culturelle n’est pas, forcément, une époque facile à vivre, pour les techniciens, pour le personnel et même pour les élus. Mais on peut considérer que la période d’adaptation est maintenant terminée et nous avons, quand même, avancé sur certains grands dossiers.
Alors, je vous propose une démarche forgée à l’ambition mais teintée de réalisme
à En juin, présentation de l’Agenda 21 version II, version épurée et allégée de certaines actions non réalistes ou non réalisables. Mais une version II où le réalisme devra cohabiter avec le courage, comme l’a réclamé Monsieur le Président.
à Dans la foulée, et en accompagnement : approbation d’un tableau de bord qui nous permettra à nous, élus, personnel et partenaires, de suivre nos efforts, de signaler nos points faibles et de mettre en valeur nos points forts.
En conclusion, mes chers collègues, dans le cadre d’un débat d’orientation budgétaire, l’esprit développement durable ne devrait pas amener de mauvaises surprises pour 2012. L’année 2012 sera une année de confirmation de certaines options, une année de validation de certains schémas essentiels et une année de reformatage de notre Agenda 21, corrigeant ainsi certaines incohérences et certains oublis qu’il faudra bien avouer.
Seul domaine qui pourrait amener des impacts budgétaires, mais plus en 2013 qu’en 2012, c’est notre schéma de la mobilité et des transports, que ce soit sur l’adaptation au handicap, la carte des lignes, le problème des RPI, le ramassage des collégiens, le transport à la demande… Autant de sujets, dont certains évoqués par notre collègue Cousein, où là, certains arbitrages seront nécessaires car l’impact financier ne sera pas anodin. Ce dossier sera d’ailleurs évoqué le 16 janvier dans une séance exceptionnelle spéciale mobilité.
Voilà ce qui me semblait important de vous rappeler dans le cadre de cette obligation de faire un rapport sur le développement durable.
Hervé Poher