Arras, séance plénière
Monsieur le Préfet.
A la lecture du document que vous nous avez transmis, je dois vous avouer que je suis resté particulièrement dubitatif devant une phrase que certains estampilleraient de « très diplomatique », que d’autres rangeraient dans la catégorie des propos qui n’engagent à rien, et que moi je qualifierais de d’écrits à caractère sibyllin.
En effet, page 50, il est noté : « La démarche de rapprochement des établissements de santé publics et privés. Il s’agit d’une mission particulièrement complexe qui nécessite de la patience et de la disponibilité ».Point
Avouez, Monsieur le Préfet, que cette phrase n’amène aucuns renseignements sur les objectifs et la stratégie de l’Etat. Or il est noté le mot mission ! Et je me permettrai de dire que cette phrase est incomplète. Vous auriez dû écrire « De la patience, de la disponibilité et de la transparence ».
Permettez que je rapproche cela de votre intervention lors de la Commission Permanente du 11 Juillet dernier. Le Président Dupilet vous avait demandé de faire le point sur le Plan HOPITAL 2007. Votre réponse, sans doute préparée par l’ARH, n’évoquait que le problème des relations tumultueuses entre l’Hôpital public d’Arras et un grand groupe financier, et quand je dis financier, soyez assuré, Monsieur le Préfet que c’est bien de façon volontaire que j’utilise ce mot.
Vous nous avez affirmé que :
Premièrement : Les subventions dans le cadre du plan Hôpital 2007 n’étaient pas assujetties à une coopération public-privé.
Deuxièmement : Que la COMEX, commission exécutive de l’ARH, avait voté, à l’unanimité, pour le projet de l’hôpital d’Arras, créant ainsi un campus sanitaire public–privé.
Je dois vous avouer, Monsieur le Préfet, que ces 2 affirmations sont, pour nous, très surprenantes et démontrent, soit un changement d’orientation évident, soit, de la part de l’ARH, une propension à la navigation à vue.
Je m’explique. Pour la première affirmation disant que les subventions ne sont pas assujetties à une démarche de coopération……..C’est un changement de cap qu’il est important de souligner. Nous participons à toutes les instances décisionnelles régionales et beaucoup de mes collègues font partie des conseils d’administration des hôpitaux. Nous avons donc une certaine pratique des stratégies de l’ARH. Et l’ARH ne faisait jamais de cadeaux. C’était toujours donnant/donnant.
Ici, je t’aide à combler le déficit, si tu raisonnes en bassin de vie. Là, je t’aide à t’équiper si tu remplies un contrat d’objectifs. Là-bas, je t’aide à construire un nouvel hôpital si tu entames une démarche de coopération public-privé.
Cette façon de faire a toujours été appliquée par l’ARH et n’est pas critiquable en soi. La pression financière étant, bien souvent, un argument pour faire évoluer les choses.
Or, vous nous annoncez que la règle du donnant/ donnant ne s’applique plus. C’est une évolution sensible qu’il faudra notifier à tous les hôpitaux…..Au sujet d’Arras, cela signifie que La Générale de Santé gardera sa subvention de 4 millions d’euros …. Même si elle a rompu les discussions avec l’hôpital, même si elle veut faire une OPA sur une clinique, même si elle prolonge cette OPA par une autre OPA sur le groupe Mercier. Quand on est fortement subventionné par l’Etat, ça aide pour faire une OPA….
Pour en terminer sur ce premier point, Monsieur le préfet, permettez-moi de dire que de ne plus conditionner les subventions à certaines obligations, est très louable en soi … Encore faudrait-il avoir le courage de l’afficher et je n’ose imaginer que les financements sans conditions ne soient réservés qu’aux structures privées .
Ensuite, vous nous avez annoncé que la COMEX avait donné un avis favorable au projet de l’hôpital d’Arras…. Là, Monsieur le Préfet, je ne comprends plus. Un avis favorable au mois de juin ne peut que nous satisfaire…Mais alors expliquez-nous pourquoi, lors du CROSS du 4 Mai, la DRASS, L’ARH, les représentants des Caisses d’Assurance Maladie….Bref, tous les services de l’état ont voté contre ce même projet !....Respectant ainsi les consignes de l’ARH et affichant ouvertement qu’elle soutenait la sécession et le coup le force de la Générale de Santé. Que s’est-il passé vers la fin du printemps ? Pourquoi l’ARH a-t-elle changé, complètement d’avis ?
Je n’ose croire, Monsieur le Préfet, que cette volte-face n’ait été provoquée par l’intervention de certains élus, par la mobilisation du Conseil Général et de la tempête médiatique qui en fut la conséquence.
Pour en terminer avec ce second point, permettez-moi de dire que favoriser l’hospitalisation privée est une philosophie en soi, parfaitement défendable, même si ce n’est pas la notre ; encore faudrait-il avoir le courage de l’afficher et je n’ose imaginer que l’ARH soit une alliée inconditionnelle et secrète des grands groupes financiers qui boursicotent avec la santé des gens.
En résumé, Monsieur le Préfet, l’offre de soins et le système de santé sont des dossiers majeurs pour la Région Nord/Pas de Calais. Et si nous voulons continuer à essayer de mettre en place ce rattrapage sanitaire indispensable, en y intégrant la notion de service public et en conservant une certaine éthique qui dit que la santé n’est pas uniquement un secteur marchand, il faut que l’Etat joue cartes sur table.
Tous les autres partenaires sont clairs :
Les élus et les collectivités demandent le maintien d’un service public fort et performant, qui peut et doit cohabiter et coopérer avec le secteur privé.
La Générale de Santé est claire, puisqu’ elle vient de révéler ses objectifs: être propriétaire de 25% des établissements de soins d’ici quelques temps. Et les moyens financiers, ils les ont et, en plus, on leur en donne !
Il faudrait que la position de l’Etat soit claire. Cela vous éviterait des phrases sibyllines ; cela ne nous ferait, sans doute pas plaisir mais, au moins, nous aurions une idée de ce qui nous attend.
Monsieur le Préfet, tout à l’heure, vous avez parlé de la qualité du dialogue entre l’état et les collectivités. Pour qu’il y ait dialogue, il faut être deux minimums et pour que ce dialogue soit de qualité, il faut que chacun soit honnête vis à vis de l’autre. Dans le N/PDC, la santé de nos concitoyens ne peut se permettre des non-dits….. La clarté des orientations des politiques publiques et la transparence des décisions ont été et seront toujours un devoir pour tout gouvernement.
Il serait sain, Monsieur le Préfet, l’appliquer dans le domaine de la santé
Hervé Poher