Rassurez-vous, je serai plus court que Marc et Bernard. Eux devaient être des messagers de la commune ; moi, je peux me permettre de faire l’imprécateur.
Si on me demandait de qualifier l’année 2008, j’aurais choisi le qualificatif de « Surréaliste »… Parce que, durant cette année, j’ai vécu des moments et des instants surréalistes.
Instant surréaliste, le 2 décembre dernier. Le 2 décembre, c’est normalement l’anniversaire d’Austerlitz, du couronnement de Napoléon 1er et du coup d’état de Napoléon 3. En fait, le 2 décembre dernier ce fut un Waterloo. En effet, j’étais à l’inauguration d’une agence bancaire et nous avons entendu un monsieur important de cet organisme qui disait « que dans la crise financière et économique mondiale, les banques n’avaient rien à se reprocher, qu’elles avaient sauvé la société et qu’heureusement, elles avaient été là… C’est à croire que ceux qui avaient spéculé, c’était vous et moi… Et que les bonus avaient été empochés par les RMIstes… Franchement, il y a quelque chose que je n’ai pas compris… Mais j’ai réalisé une chose : c’est que cette crise devait servir de leçon aux banquiers et aux spéculateurs et qu’ils n’ont rien compris ; ils recommenceront et recommencent déjà les mêmes bêtises…
Moments surréalistes quand nous avons eu confirmation de la suppression des départements. Car ce n’est pas uniquement la disparition de la clause générale des compétences, comme vous l’a dit Marc… c’est la disparition des départements.
Soyons clairs. Le Président est président et il a toutes légitimités pour faire ce qu’il veut. Il a, en plus, une majorité au parlement. Si cela ne nous plait pas, il nous fallait d’abord gagner les élections.
Non, ce qui est surréaliste, c’est l’indifférence de la population qui accompagne cette annonce. Les gens disent : « Oui, c’est normal de supprimer les départements… Il y a un étage de trop… Il y a trop de politiques… » Et ils disent cela, boulevard Delannoy, devant le collège où va leur enfant, collège construit par le département ; l’enfant y vient en bus (département), sur des routes (département). Et ces gens oublient que leurs parents sont rue de Guizelin, à la maison de retraite (département), qu’ils ont une allocation personnes âgées (département) avec des mesures de maintien à domicile (département) ; que leur voisin est un handicapé (département) ; que leurs amis sont au RSA, ancien RMI (département) et que comme vous l’a dit Marc, le département intervient aussi dans la culture, le sport, l’aide aux communes…. Et on va supprimer les départements ? Du moins, tout sera regroupé en une seule instance… Et on va créer des conseillers territoriaux… Je vous signale qu’ils n’ont pas fini d’être attaqués, ceux-là, car ils seront des professionnels de la politique… puisqu’ils n’auront pas le droit de faire autre chose… Là aussi, il y a quelque chose que je n’ai pas compris.
Seconde surréaliste quand le Président a annoncé la suppression de la taxe professionnelle. Depuis que je suis engagé dans la vie publique, j’entends toujours le même discours : « Regroupez-vous, changez votre façon de fonctionner, ne prenez plus sur les impôts des gens (taxe d’habitation et taxes foncières) , passez en Taxe Professionnelle Unique… » c’est à dire que nous prenons la TP, nous la rendons aux communes, et quand il y a un différentiel, cela nous permet de payer nos haltes garderies, notre CIAS et notre école de musique… Et du jour au lendemain, on nous dit qu’on va supprimer la TP , qu’on va la remplacer par une somme équivalente sans augmenter les impositions des gens… A pression fiscale constante… J’ai fait un peu de mathématiques et là, franchement, je ne comprends pas…
Semaines surréalistes quand on a vu ce qu’il est tombé du ciel en pluie et en neige… Mais que fait Médine ? C’est quand même lui le maire ! Il devrait empêcher de pleuvoir ! Mais je subodore un coup monté : A qui profite le crime ? Je vais m’expliquer : tout le monde sait que l’eau et la neige, en cette période, c’est ce qu’il y a de mieux pour recharger les nappes phréatiques… Et qui revend l’eau après ? Et où travaille Médine ? Si ça tombe, il a beaucoup plu et Médine l’a fait exprès… De toutes façons, je paye des impôts… il ne devrait plus pleuvoir !
J’espère que les gens qui ont sorti ce genre d’âneries ont un peu honte maintenant, quand on voit ce qui se passe en Haïti. Ou s’ils ne l’ont pas, je me fais fort de commander à Madame Bachelot des vaccins contre la connerie humaine… Quoique je sois sûr qu’il n’existe pas d’immunité contre la connerie.
Semaine surréaliste, enfin, quand on a la chance, comme moi, d’aller quelques jours à Copenhague.
Savez-vous, qu’entre nous, on ne dit pas Copenhague, mais Flopenhague…
Parce que là-bas, ce fut un échec, que certains n’ont pas osé prendre leurs responsabilités, que les intérêts nationaux ont été supérieurs aux intérêts planétaires et, permettez-moi d’être irrévérencieux, que certains ont oublié d’être intelligents.
Rassurez-vous, je ne vous ferai pas un cours sur l’Agenda 21 et le développement durable. Yann Arthus Bertrand, All Gore, Nicolas Hulot et Jacques Perrin sont de meilleurs professeurs que moi.
De même, je ne rentrerai pas dans la polémique sur le réchauffement de la terre. On dit qu’il y a une nouvelle phase solaire qui entraine ce réchauffement. C’est vrai mais l’homme est quand même un peu responsable. On dit que la part de l’homme dans ce réchauffement, ne serait pas de 80% mais seulement de 20 à 30 %. Mais si c’est vrai, c’est quand même 20 ou 30% de trop !
Mais permettez-moi, de vous rappeler certaines certitudes :
· Depuis quelques années, certains organismes régionaux mesurent l’augmentation du niveau de la mer, à Calais. Il y a 5 ans, on parlait d’un millimètre par an… Maintenant, on mesure ½ centimètre par an et les experts assurent que pour 2050, nous aurons une montée de 40 centimètres… Pour ceux qui habitent au Marais, ou dans la plaine de Flandres, qui est sous le niveau de la mer, vous pouvez imaginer les conséquences.
· On a, sur plusieurs années, une augmentation de la pluviométrie, plus 20 % en 10 ans et surtout, une modification du type de pluie. Le Nord-Pas-de-Calais était habitué au crachin breton. Maintenant, nous avons souvent des pluies tropicales. Et notre territoire, notre aménagement du territoire n’est pas préparé à cela.
· La température moyenne augmente. Et on parle de 4 à 5 degrés sur un siècle… Mais savez-vous pourquoi on voudrait limiter à 2 degrés pour 2050 ? Parce que jusque 2 degrés, les choses sont rattrapables. Au dessus de 2 degrés, il y aura un changement radical de type d’agriculture ; donc un changement économique et un changement de l’alimentation et du type de vie des habitants.
Avec pour nous, un paradoxe. En effet, nous avons au large de la côte un courant marin qui s’appelle le Gulf Stream… Qui fait que notre climat est tempéré et qu’on peut trouver des palmiers au sud de l’Angleterre. Avec le réchauffement de la terre, ce courant risque de disparaitre et nos été seront beaucoup plus chauds et nos hivers beaucoup plus froids.
· Savez-vous que les scientifiques ont prouvé que par rapport à il y a 600 millions d’années, et 600 millions, pour la terre, ce n’est rien, nous avons perdu 99,9% de nos espèces végétales, animales et insectes. C'est-à-dire que quand nous parlons de protéger la biodiversité, ce qu’il a dans votre jardin, ce qu’il y a dans nos forêts, tout notre environnement, nous ne raisonnons alors que sur 0.1% de ce qu’il y avait au départ. Et que nous allons en perdre encore 50% d’ici 2050. Cela représente, pour information, entre 50 000 et 100 000 espèces qui disparaissent chaque année.
· Savez-vous, enfin, que les experts américains ont déjà fait une étude sur les conséquences d’un pétrole dont le prix serait multiplié par 10 ou 20. Vous voyez ce que cela peut donner…
Alors, soyons francs, je sais qu’il y a beaucoup de scepticisme par rapport à tout ce que je viens de dire, scepticisme devant moi et même derrière moi.
Quand on parle d’augmentation du niveau de la mer, certains répondent que ça ne les empêche pas de dormir… Mais moi, en tant qu’élu, je trouve cela gênant. J’ai peur qu’un jour je sois obligé de dire que je n’ai pas fait ce qu’il fallait.
Quand on parle de pluviométrie, beaucoup répondent qu’ils s’en foutent, tant qu’ils ne sont pas inondés… Mais moi, en tant que citoyen, je trouve cela gênant. J’ai peur qu’un jour je sois obligé de dire que je n’ai pas fait ce qu’il fallait.
Quand on parle de réchauffement climatique, certains répondent que ça va couter cher de prendre des mesures. Mais moi, en tant que décideur, je trouve cela gênant. J’ai peur qu’un jour je sois obligé de dire que je n’ai pas fait ce qu’il fallait.
Et enfin, quand on parle de disparition de la biodiversité, certains répondent que ça ne sert à rien de se mobiliser. Mais pour moi, c’est gênant et j’ai peur qu’un jour, un petit bout de chou vienne me voir en disant : « Dis, Papy, c’et quoi cette grosse bête ? Pourquoi ça n’existe plus ? Qu’est-ce-que tu as fais pour le sauver ? »
Tout cela, pour vous dire que je ne veux pas, que nous ne voulons pas avoir de remords.
Et ce que nous voulons, c’est pouvoir assumer pleinement notre responsabilité de citoyen et d’élu, en disant « Un jour, j’ai pris conscience. »
C’est pouvoir assumer notre responsabilité de décideur, respectant des engagements, en disant « Un jour, j’ai décidé. »
C’est pouvoir assumer une conception simple : c’est que l’intérêt public et planétaire est supérieur à l’intérêt privé et qu’à un moment, nous avons osé nous battre contre la timidité, l’immobilisme et certains blocages intellectuels.
C’est pour cela qu’à Flopenhague, il y a quelque chose que je n’ai pas compris.
Alors, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous rappeler que notre devoir à nous, élus et décideurs, c’est de tout faire pour que nous et vous n’ayez pas de remords… et votre devoir, c’est qu’à aucun moment, vous n’ayez, face à vos enfants, des remords.
Alors, nous acceptons d’être utopistes, volontaristes et même rêveurs, pour vous et avec vous. Mais, je vous l’avoue, c’est très fatiguant de vouloir changer les choses.
Quelqu’un a dit : « Le pouvoir est une lutte permanente contre l’impuissance. Mais c’est parfois éreintant de vouloir changer les choses. » La personne qui a dit cela s’appelait Philippe SEGUIN.
En conclusion, Mesdames et Messieurs : Je commence à être un vieil élu. Marc et Bernard doivent vous faire passer des messages ; moi, je peux me permettre de vous communiquer mes humeurs, mes états d’âme et même de créer des polémiques. Mais, vous le savez, j’ai le dos large et le cuir qui est dur.
Cela ne m’empêche pas de vous souhaiter des vœux. Je vous ai parlé de surréalisme…. Alors, je vous dis :
« Que votre avenir ne soit pas survolté ;
Que vos espoirs ne soient pas surestimés ;
Que votre santé ne soit pas surnaturelle ;
Mais que vos amours soient quand même un peu surréalistes…
Pourquoi pas ! »
Hervé Poher