Lille le 15 mai 2013.
« Ce que peut nous apporter Rifkin, à nous, Conseil général du Pas-de-Calais ? »
C’est bien simple : nous venons consulter un endocrinologue.
Je m’explique. La société ou la région, c’est comme un organisme vivant, avec ses changements, ses évolutions et ses révolutions.
Un être vivant a d’abord une naissance… Et bien souvent la naissance est la pire des épreuves, la plus grande révolution de sa vie. Puis, il va changer, évoluer, se modifier et un enfant de 5 ans n’a rien à voir avec un nouveau-né. Puis il va changer, à nouveau, comme cela jusqu’à une première révolution : la puberté qui est une révolution physique et intellectuelle. Et puis après la puberté, l’être vivant va encore changer pour arriver, après un long moment, à l’andropause… je dis volontairement andropause sinon on m’aurait qualifié de sexiste. Et pour continuer ainsi jusqu’à la fin de sa vie…
Eh bien notre société est en pleine période de puberté… Je dis puberté car l’andropause à une connotation plus triste : la société est en train de changer, d’évoluer, de se révolutionner… Nous le savons, nous le sentons, nous le voyons… Et parfois, devant une puberté qui peut être agitée, il faut demander l’avis de spécialistes. Et en particulier d’endocrinologues. Bref, nous demandons l’avis de monsieur Rifkin. Mais on sait déjà la réponse qu’il va nous faire. Il va nous dire simplement: « C’est vous qui êtes à côté de l’organisme en pleine puberté ; c’est vous qui le connaissez le mieux ; c’est vous qui devez l’accompagner dans ce moment très spécifique et parfois difficile. Bref, c’est vous qui devez trouver les solutions. » Monsieur Rifkin va nous dire que c’est à nous de trouver les solutions pour notre région. Et nous savons qu’il a raison.
Et ces solutions-là, je l’ai déjà dit, nous devrons les trouver tous ensemble : la dynamique sera collective ou ne sera pas. Industriels, économistes, collectivités locales et territoriales, citoyens. Tout le monde.
Et pour ce qui est de nos collectivités, permettez-moi de dire certaines choses… Même si cela ne fera pas plaisir à certains. De par la loi, de par leur fonctionnement, de par l’histoire, nos collectivités territoriales sont de grosses machines, un peu lourdes, avec une force d’inertie importante. Et il faut bien l’avouer, et j’en assume la responsabilité comme les autres, ce n’est pas chez nous que nous sommes le plus inventifs ; nos structures ne sont pas habituées à l’innovation ; nous n’avons pas l’habitude de manier le rêve et de côtoyer l’utopie. C’est peut-être dur, mais c’est une réalité.
Alors, il faut, sans arrêt, être stimulé, titillé et poussé au mouvement.
Je vais prendre le cas du département du Pas-de-Calais. Quand les mots de « Développement durable » sont arrivés, le réflexe naturel a été de dire : « C’est quoi ce truc-là ? ». Mais certains ont dit alors : « On ne sait pas, mais nous allons en mettre dans nos politiques. » Nous l’avons fait et petit à petit, le développement durable, l’idée de développement durable, l’inscription du développement durable s’est installée dans nos politiques. Nous avons même fait un Agenda 21 et le développement durable fait partie de nos réflexes car à force d’utiliser les mots, on finit par changer les esprits.
Quand il y a eu le lancement du débat sur le changement climatique, certains, chez nous, on dit : « On ne s’occupe pas de ça ! Ce n’est pas de notre compétence et ça va nous emmener on ne sait où ». Nous avons dit : « On y va quand même ! » et nous sommes autour de la table pour discuter du changement climatique. Et dans ce dossier comme dans d’autres, je tiens à remercier la région qui nous associe à certaines dynamiques. Elle n’était pas obligée de le faire.
Quand la notion de « Trame verte et bleue » est apparue, on a entendu : « C’est quoi, encore ce nouveau truc ? ». Et puis, au fil du temps, en donnant des avis sur les SCOT et sur les PLU, nous avons commencé à parler de trames vertes et bleues… C’était devenu une évidence. Très naturellement.
Une dernière chose : n’oubliez pas d’utiliser les intercommunalités comme territoire d’expérience. Elles sont à taille humaine. Dans l’intercommunalité que j’ai présidée, nous avons inventé plein de choses qui ont été reprises par le département.
Tout cela pour dire que la révolution est proche pour notre société et notre région, mais qu’elle doit s’accompagner d’une révolution intellectuelle pour nos collectivités. C’est inévitable ; c’est incontournable ; c’est indispensable.
Et nous n’avons pas le choix : nous devons être tous ensemble les acteurs de cette révolution. Je le répète : la dynamique sera collective ou elle ne sera pas !
Et c’est tous ensemble que nous pourrons réussir cette révolution industrielle, économique, sociale et surtout, comme l’a dit tout à l’heure monsieur Langlet, cette révolution qui doit être avant tout une révolution pour l’humain.
Hervé Poher