Guines, salle des fêtes. Voeux de la commune
« Pouvez-vous baisser les spots, s’il vous plait ? Je n’ai pas besoin d’être éclairé… De toute façon, je suis déjà assez lumineux !
Chers amis. Vous le savez bien, quand un élu doit faire un discours, il doit le préparer, trouver un fil conducteur, mettre en valeur un thème ou essayer de passer des messages dans un certain cadre. Même si on a l’impression que c’est facile et que ça coule de source, quand on parle, quand on doit intervenir, on se doit de faire cette démarche là.
Mais vous vous en doutez, pour Bernard, Marc et moi-même, cette année, cela a été beaucoup plus difficile que d’habitude….
L’an passé, je vous avais parlé d’une de mes journées… Aujourd’hui, je vais vous raconter une année, l’année passée, l’année 2011. Alors j’ai pris mon agenda et j’ai choisi des dates, 12 dates qui me permettront d’évoquer des dossiers et des sujets qui nous occupent, nous élus, décideurs et responsables, mais des sujets qui vous concernent, vous citoyens.
Vous voyez, je suis moins coquet que Marc. Moi, j’ose sortir mes lunettes
Jeudi 13 janvier. J’ai mis mon costume du dimanche, je suis tout propre sur moi, je sens bon… Tout cela parce que je dois aller à Paris, avec Dominique Dupilet et Daniel Percheron pour essayer d’obtenir le label Grand Site de France pour le site des caps. Et nous partons avec une armada d’élus et de techniciens à Paris, au ministère de l’environnement. C’est impressionnant, vous savez ! Des tas de personnes, inspecteurs de l’environnement et élus qui vous écoutent et qui vont vous dire, à la fin, si oui ou non nous méritons ce label. Et comme je devais faire l’intervention principale, puisque je suis depuis 1999 responsable de l’opération Grand Site, j’ai pensé que le meilleur moyen de toucher ces personnes là, c’est que je parle simplement avec mon cœur.
Alors, je leur ai dit que j’étais un enfant de la plage ; j’ai parlé de la couleur opale de la mer, du cri des mouettes, de l’odeur de l’iode, du vent et du soleil couchant sur la baie de Wissant. Bref, j’ai fait comprendre que j’étais amoureux de mon pays et que le Pas-de-Calais n’était pas forcément ce que les gens imaginaient.
Et nous avons finalement obtenu ce fameux label et ce n’est pas rien. En France, il y a 35 grands sites et sur 35 sites, seulement 10 ont le label… Nous faisons partie, dans ce domaine là, du nec plus ultra des meilleurs…
Tout cela pour dire, Mesdames et Messieurs, que vous habitez une belle région, région qui n’est pas seulement un pays noir, sous un ciel noir avec des « gueules noires »… Même si nous sommes fiers de notre passé et de notre histoire… Non, le Pas-de-Calais, c’est aussi un pays de couleurs, de forêts et de grands espaces et personne ne doit avoir honte d’habiter le « grand nord ». Et je vous rappelle, en passant, que les véritables ambassadeurs de la côte d’Opale, c’est vous. Alors, montrez que vous en êtes fiers.
Samedi 5 février : Eh oui, un samedi ! Ca nous arrive de travailler même le samedi. Nous sommes enfermés, à Campagne-les-Guînes, pour une journée de travail avec tous les membres de la Communauté de Communes : pour réfléchir, cogiter, parfois je dis « faire de la masturbation intellectuelle »… Rassurez-vous, le midi, on s’arrête pour manger et boire un coup.
Et ce jour là, nous avons parlé de plein de choses : la contractualisation avec le Conseil Général, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, les documents d’urbanisme sachant que nous sommes en train de travailler sur un PLU intercommunal. Et une notion s’impose à nous : Nous nous appelons les Trois-Pays et en dessous de notre logo, il est écrit « Le Vert, le Vrai, la Vie ».
Et je me suis rendu compte, comme d’autres, récemment, je l’avoue, que ce logo et ce slogan n’avaient pas été choisis par hasard : Le Vert, le Vrai, la Vie, c’est un choix de vie et un choix d’environnement ; en disant cela, nous avons affirmé que nous étions des ruraux ou semi-ruraux et que nous voulions le rester ; que nous voulions garder nos paysages, notre verdure, nos forêts et notre eau… Bref, nous avons choisi notre façon de vivre et nous avons confirmé que si nous sommes venus dans les Trois-Pays, c’est parce que nous savions que la ruralité est un plus. Si nous avions voulu être des urbains, nous serions allés habiter en ville, à Calais, à Boulogne ou à Saint-Omer. Non, nous sommes venus vivre ici.
Et c’est cette volonté de préservation de notre environnement que nous devons traduire dans nos documents d’urbanisme. Ce ne sera pas facile mais nous devons, nous élus et décideurs, à certains moments, avoir un minimum de courage et, dans cette démarche, nous serons un territoire expérimental pour le Parc Naturel et pour le département.
Léguer un environnement vivable et agréable, c’est ce que nous devons faire pour nos enfants.
Samedi 23 avril : Et oui, encore un samedi ! Je suis à Arras pour l’une des premières réunions pour la réorganisation des intercommunalités. Vous avez, sans doute, suivi les événements dans la presse.
Vous savez que le préfet avait reçu l’ordre de diminuer le nombre d’intercommunalités d’un tiers… Il a réussi d’ailleurs. Alors, Monsieur le Préfet a modelé, changé, fusionné, détricoté les intercommunalités. Il mariait et démariait les structures. Un jour, en réunion, j’ai même dit « Mettre ensemble 2 intercommunalités ou villes, c’était un mariage forcé ; en mettre plusieurs ensembles, c’était une partouze ! » Monsieur le Préfet, qui a beaucoup d’humour, a quand même ri.
Et nous avons découvert que ce qui était impossible en 96, était faisable maintenant. Parce que je vous rappelle qu’en 1996, j’avais proposé la création d’une grande intercommunalité rurale pour faire le pendant de Calais et qu’on m’avait dit, à l’époque, que c’était impossible et qu’on ne forcerait jamais une commune à adhérer à une structure contre son gré… Maintenant, c’est possible. Et lorsque j’ai dit à Monsieur le Préfet que j’avais proposé une telle démarche, il y a 15 ans, il m’a répondu… Qu’on avait perdu 15 ans !
Alors, on va nous marier avec le pays d’Ardres. Pourquoi pas ! C’est faire un pied de nez à l’histoire. Depuis 5 siècles, nous étions brouillés ; depuis 1520, depuis qu’Henry VIII est venu à Guînes et que François 1er est venu à Ardres. La frontière était à Campagne-les-Guînes où il y a encore une rue française et une rue anglaise. Et depuis cette période là, les guînois ne regardent pas les ardrésiens et les ardrésiens ne regardent pas les guînois.
On va donc effacer tout cela. C’est logique et c’est normal. Nous avons les mêmes préoccupations, les mêmes ambitions, le même bassin de vie et nous pouvons bâtir l’avenir ensemble.
J’ai bien vu, dans la presse, que certains avaient des inquiétudes, du coté d’Ardres comme dans les Trois-Pays. Mais moi, je suis serein et rassurez-vous : quand on est entre gens de bonne volonté, on trouve toujours le moyen de s’arranger.
Jeudi 1er septembre : Je suis en vacances mais je dois téléphoner à Guînes ; je dois téléphoner à un ami… Je téléphone donc à Claude. Et il me dit : « Tu sais, je crois que c’est la fin. » Je lui dis alors : « Claude, je ne suis pas là ! Attends au moins que je revienne. » Il m’a répondu : « Je vais essayer, Hervé, mais je ne suis pas sûr de réussir… » C’est bien la première fois que Claude Junique ne remplit pas un de ses engagements…
Dimanche 25 septembre : Les élections sénatoriales. Je sais que cela ne vous concerne pas directement puisque ceux qui sont allés voter, ce sont les grands électeurs, désignés par les conseils municipaux. Mais vous avez suivi l’actualité ; vous avez vu que le Sénat a changé de majorité ; il a basculé à gauche… Pour être franc avec vous, ce vote n’était pas un vrai vote politique ; c’était un vote de ras-le-bol des élus locaux. Les élus locaux sont, eux aussi 3A : Apeurés, angoissés et anxieux. Car ce n’est pas facile d’être élu ; c’est un métier ou une fonction difficile. Bien sûr, il y en a qui disent que la place doit « être bonne à prendre » puisqu’on se bat pour y arriver ! Mais ceux qui disent cela, sont ceux qui ont toujours été battus et qui n’arrivent pas à être élus.
Oui la fonction d’élu n’est pas facile : car ce n’est pas facile de faire de la solidarité ; ce n’est pas facile d’imaginer l’avenir ; ce n’est pas facile de toujours se faire engueuler… Mais pour pouvoir faire tout cela, pour accepter tout cela, il faut des cadres, des règles, des certitudes… Alors comment voulez-vous travailler sereinement quand on change, sans arrêt les règles et les certitudes : quand on vous supprime brutalement la Taxe professionnelle sans vous dire ce qui va la remplacer ; quand on fait une réforme de l’intercommunalité sans vous dire exactement ce qui va arriver : quand on nous annonce que le Conseil Général va être supprimé, Conseil Général partenaire de toutes les communes ; quand, enfin, les élus locaux sont montrés du doigt…. « C’est de leur faute si la France est en déficit ! » On embauche trop !! Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs. Quand monsieur Médine embauche, ce n’est pas par plaisir ! C’est qu’il en a besoin ! Quand moi j’embauche, à la Communauté de Communes, c’est que j’ai besoin de monde dans les haltes-garderies, au CIAS ou à l’école de musique… Pour faire du service public, pour rendre service à ma population.
Et c’est parce que nos certitudes et nos cadres sont ébranlés que les élus locaux ont voté un ras-le-bol !
Dimanche 2 octobre : Monsieur André Flahaut nous quitte… On aimait ou on n’aimait pas André, mais personne ne peut nier que c’était un vrai guînois, qu’il aimait Guînes et les guînois, qu’il aimait, par-dessus tout le sport et le football en particulier. Et ce jour là, j’ai perdu une de mes racines. C’était dur… D’autant plus durque 7 jours après, Monsieur Gilbert Denez partait lui aussi. On aimait ou on n’aimait pas Gilbert mais personne ne peut nier qu’il était devenu un vrai guînois, qu’il aimait Guînes et qu’il était passionné par plein de choses, dont la politique. Et là, j’ai perdu une deuxième racine. Et je n’ai qu’un seul regret : c’est que c’est moi qui ai découvert que Gilbert était malade…
André et Gilbert, c’était important pour moi. Ils sont venus me chercher, en 1989, pour faire de la politique… Pour se lancer aux élections municipales. Nous n’avons pas gagné les élections… Mais je peux vous l’avouer maintenant, c’est aussi bien comme ça. C’est bien d’être dans l’opposition pour apprendre le métier et, franchement, Monsieur Warnault ne méritait pas de perdre dans les urnes.
Mais nous avons été au Conseil Municipal. J’étais assis en face du maire et André était à ma droite, Gilbert était à ma gauche. Ils étaient mes deux tuteurs, mes deux grands-pères.
Et c’est de cette période là que j’ai appris, avec eux, un langage très spécial, un langage qu’on a avec peu de personnes : le langage des yeux. Au fil du temps, j’ai appris à les connaitre et en réunion, réunion de groupe, de conseil ou politique, je les regardais, tous les deux et, rien qu’à leurs yeux, je savais si j’avais bien fait, si j’avais tapé juste ou si je m’étais trompé. Ils ne disaient jamais rien mais je sais que bien souvent, André est rentré rue Narcisse Boulanger et a dit à Yvonne : « Il a exagéré, le grand, aujourd’hui ! » et Gilbert retournait au marais et disait à Marcelle : « Hervé a été un peu fort aujourd’hui ! » Voilà, c’était André et Gilbert… Ils vont me manquer ; ils vont nous manquer.
Vendredi 14 octobre : J’annonce officiellement que je suis candidat aux prochaines législatives de juin 2012, Jack ou pas Jack, parité ou pas parité. Et je le confirme ici, ce soir.
Ce n’est pas mon habitude de parler politique avec vous et encore moins dans une cérémonie de vœux, mais aujourd’hui, je ne pouvais pas faire autrement. Et cela pour 2 raisons.
La première raison, c’est que si j’ai fait tout ce que j’ai fait en politique… si je suis devenu conseiller général, maire et président de plein de structures, c’est parce que les guînois l’ont voulu un jour. C’est eux qui m’ont élu ; c’est eux qui m’ont porté. Alors, si j’ai des comptes à rendre, c’est aux guînois, à eux seuls et à personne d’autre !
La seconde raison, c’est que la politique est un milieu dur, rude et que ce n’est pas facile de toujours attraper des coups ; ce n’est pas facile de toujours faire le viking et ce n’est pas facile de toujours se méfier de son environnement. Aussi, permettez-moi d’être franc : je vais avoir besoin de vous, du petit monde de Guînes, de ceux qui m’ont toujours aidé. .. J’y associe, bien entendu, tous mes compagnons de la communauté de communes.
Mais, ce soir je suis chez moi, dans mon terroir, dans ma ville, au milieu de mes amis et si je vous parle ainsi, c’est que je vais avoir besoin d’aide… Et que, de toute façon, je vous devais bien ça ! Alors, je le redis : je suis candidat… Pour vous, pour Guînes, pour les Trois-Pays et pour tout un coin de notre département… et parce que André et Gilbert l’auraient voulu !
Samedi 5 novembre : Je suis à Calais pour la manifestation des poussettes… Oui, nous manifestons avec des enfants, dans des poussettes…. J’y suis pour raison familiale, pour aider mon épouse qui est médecin, pour le personnel, pour aider des parents, pour aider le CAMSP à avoir des financements… Mais je suis surtout là pour le symbole : symbole de l’enfance, des petits, de notre avenir. Symbole du rôle d’un élu… Pour vous rappeler simplement que, et je l’ai souvent dit que « L’action d’un élu n’a de sens que si elle est dirigée vers l’avenir : et l’avenir, c’est toujours l’enfant ! »
Voilà, j’en ai terminé avec mon agenda. Mais si vous avez bien compté, je n’ai donné que 10 dates… J’en ai gardé 2 pour moi… Le 12 juin et le 29 septembre. Le 12 juin, c’est la naissance de Totor et le 29 septembre, c’est la naissance de Loulou… Victor et Louise, ce sont mes 2 nouveaux petits enfants…. Et ça, ça change tout pour moi, croyez-le… Mais je dois quand même vous avouer que j’ai un énorme problème et que c’est pour cela que je parle rarement de ma famille. Figurez-vous que mes petits-enfants naissent tous très beaux… Et suprêmement intelligents… Alors, ça pourrait vous rendre un peu jaloux !
Alors, Mesdames et Messieurs, en pensant aux enfants et sans oublier ce qui s’est passé cette année, je vous souhaite tout plein de câlins sur le cœur, des bisous par milliers, du bonheur à revendre, des rêves à en être saturés… Bref, que du bonheur, sachant que c’est bien l’un des seuls domaines où les agences de notation ne peuvent pas enlever un A. Il en reste toujours 3 : Amour, Amour, Amour !!! »
Hervé Poher