Escoeuilles, le 20 janvier 2014
Il y a 19 mois, le comité syndical me confiait la présidence du Parc des Caps et Marais d’Opale avec, je l’ai dit tout à l’heure une seule et noble mission : la Charte, toute la Charte, rien que la Charte. Et à l’époque, j’avais même dit que nous devions tous partir en croisade pour aller chercher le Graal.
Maintenant que le renouvellement est fait et que le label est à nouveau des nôtres, je vais me permettre de vous faire 2 aveux.
Le premier aveu, c’est que peu après mon investiture, après avoir fait le point sur ce qu’il fallait faire et mesuré l’ampleur de la tâche, je me suis dit : « Mais qu’est-ce-que j’ai été faire dans cette galère ? »
Oui, j’ai pensé égoïstement « une galère… ». Imaginez un peu :
Défendre un document dont une des mesures phares, c’est de diviser par 4 la consommation annuelle de terres agricoles en disant aux élus locaux: « Vous aviez de l’espace ; vous avez construit… C’est bien ! Mais maintenant on change les règles du jeu. Vous avez encore le droit de construire, mais vous construirez moins et vous construirez différemment. ». En ce moment, c’est le genre de discours qui n’est pas évident à tenir…
Défendre un document qui, tout de go, annonce une augmentation des cotisations et de façon exponentielle et relativement importante… En ce moment, c’est le genre de discours qui n’est pas très porteur…
Aller affronter 156 communes, 13 EPCI, 4 chambres consulaires, 2 départements et 1 région… Alors que beaucoup de collectivités ont des crises existentielles, qu’elles ont du mal à se coordonner avec leurs voisins et qu’elles tirent à boulets rouges sur tout ce qui est règlements, lois et contraintes… En ce moment, c’est le genre de discours qui n’est pas très sécurisant…
Bref, je me suis aperçu que la mission qui m’était confiée n’était pas une mission, c’était un défi… Mais que passé la prise de conscience, nous n’avions pas beaucoup de choix : ce défi, il fallait le relever.
Alors maintenant que les choses sont passées, maintenant que nous sommes à nouveau Parc, maintenant que le taux d’adrénaline est retombé à la normale, je peux me permettre de vous faire un deuxième aveu.
Cette période, entre mai 2012 et juin 2013, entre le début de l’enquête publique et le passage devant le Conseil National de Protection de la Nature, pouvait être une galère… A posteriori, ce fut, pour beaucoup d’entre nous, une période faste, un grand moment de démocratie politique, de combat intellectuel et même parfois d’émotions insoupçonnées.
Je dis combat car tout s’est agencé, tout s’est organisé, tout s’est déroulé comme une vraie bataille. Laissez-moi vous raconter cette période assez unique dans la vie d’une collectivité. Cette période qu’on pourrait appeler « La belle aventure ».
La veillée d’arme se situe vers mai 2012. Avec une enquête publique indispensable, essentielle et pouvant déterminer toute la stratégie future. Car cette enquête devait nous montrer où étaient les points faibles de cette charte et où étaient les idées et les projets que nous devions étayer. Merci à ceux qui ont pris le temps de participer à l’enquête car ils nous ont apporté de formidables renseignements.
Une fois l’enquête terminée, on en a fait le bilan et on a tous phosphoré. On a analysé toutes les remarques de l’enquête publique ; on a modifié ce qui était modifiable ; on a reformulé ce qui était adaptable ; Et on a assumé, comme on le pouvait, ce qui devait rester en l’état.
Connaissant parfaitement les défauts de notre document, parce qu’il y en a toujours, nous étions prêts à partir en campagne. Avec un seul but : obtenir le maximum d’adhésion et ne pas se retrouver finalement avec un fromage de gruyère.
Volontairement et parce que nous savions que la fin d’année 2012 serait difficile, nous avons observé une trêve durant l’été …
Et, brusquement, à partir du tout début septembre 2012, nous nous sommes tous mis en campagne, le vote des collectivités devant avoir lieu entre novembre 2012 et février 2013.
Et quand je dis tous, c’est tous : élus du parc, élus de la région et du département, techniciens du parc et d’autres collectivités. Nous avons vu une armée de militants se mettre en marche. Chacun y est allé, dans son coin, à sa manière, avec ses atouts ; de façon ostentatoire ou de façon discrète mais tous dans le même sens…
Chacun avait compris que pour gagner 156 communes, 13 EPCI, 4 chambres consulaires, 2 départements et une région, il fallait une dynamique qui dépasse les égoïsmes et les intérêts locaux.
Et que chaque commune comptait, chaque voix comptait, chaque mot pouvait compter.
Et, pendant 4 mois, nous avons sillonné ce grand parc d’est en ouest, du nord au sud, dans des recoins de ruralité nordique parfaitement inconnus et où j’entendais parler flamand, et jusqu’au cœur des agglomérations.
Seul point noir pendant cette période : j’ai dû annuler, pour cause d’intempérie, la cérémonie des vœux 2013. Cela aurait pu être un signe de mauvais augure… Alors nous avons sublimé notre appréhension.
Et, pendant cette campagne, je peux vous l’avouer, nous avions notre service de renseignement, notre NSA, qui nous informait de l’état psychologique du territoire.
Dès qu’on savait qu’il y avait un problème à un endroit, on y allait, on parlait, on essayait de persuader.
Tous les EPCI ont été rencontrés ; toutes les communes ayant des états d’âme ont été rencontrées ; tous les maires ou les élus se posant des questions ont été contactés, approchés et concertés.
Bref, pendant 4 mois, nous avons assisté à l’action d’une formidable machine de guerre… Machine de guerre qui s’est créée presque naturellement parce que chacun avait réalisé que nous devions aller chercher la victoire avec les dents.
Et à partir de novembre, nous avons surveillé les résultats. En regardant chaque jour et plusieurs fois par jour, sur le site Internet du Parc, la carte se remplir petit à petit. Avec le stress permanent de voir une commune apparaitre en rouge… Et le rouge n’a rien de politique !
Et nous étions nombreux, dans la région, à surveiller cette formidable carte.
Et le 1er mars, nous avons fait le bilan : Résultat 154 communes sur 156 ont approuvé la charte ; 13 EPCI sur 13 ont approuvé la charte et 10 ont adhéré ; les 4 chambres consulaires valident et adhérent ; les 2 départements valident et le Pas-de-Calais et la Région adhèrent.
Ce n’est pas un grand schlem, mais ça y ressemble.
Et ce jour-là, le 1er mars 2013, nous savions que le combat était gagné car le Parc était beaucoup plus fort maintenant qu’il ne l’était avant.
Avec de tels résultats, nous étions prêts à affronter n’importe quel sbire parisien…
En effet, comment voulez-vous que le CNPN réfute une telle dynamique. D’ailleurs le président du CNPN nous l’a dit : « Même s’il y a des points à clarifier dans votre charte, le plus impressionnant, c’est le résultat du vote des collectivités. Car depuis quelques années, et encore plus maintenant, ce n’est plus à la mode de voter pour un Parc. Du coup, beaucoup de parcs ont des problèmes de renouvellement.»
Et le 12 juin 2013, passage devant le CNPN qui, avec quelques remarques mineures, nous donne un avis positif avec mention très bien.
Alors, cette victoire, c’est la victoire de tous : Tous ceux qui ont imaginé, travaillé et trituré ce document pendant 5 ans ; Tous ceux qui l’ont lu, relu, appris, simplement pour montrer que ce document pouvait coller au terrain et correspondait à un esprit des lieux; Tous ceux qui ont expliqué, défendu et valorisé l’action passée et l’action future du parc ;
Et puisque c’est la première fois que nous sommes tous réunis, permettez-moi de vous remercier toutes et tous. J’avais pensé citer chacun d’entre vous mais la soirée n’aurait pas été assez longue parce que l’armée était imposante et j’en aurais forcément oublié quelques-uns… Et quand on oublie, ça créé toujours des malentendus et des rancœurs.
Mais j’espère que vous garderez, comme moi, le souvenir d’une belle aventure. Et le 12 juin, à 12H30, au pied de la défense, après le passage devant le CNPN, on était quelques-uns à être soulagés, très fatigués mais un petit peu fiers quand même… Et, bon dieu, qu’il était bon le demi de bière que nous avons bu tous ensemble!!
Alors, simplement, merci à tous.
Et l’avenir me direz-vous ? Il est simple : c’est la déclinaison de notre charte et nous avons quelques semaines pour nous remettre en route et quelques années pour imaginer, créer et inventer. Mais nous en reparlerons très bientôt.
Un dernier aveu, enfin, pour terminer.
Pendant cette campagne électorale un peu spéciale, savez-vous quel était l’argument qui marchait le mieux ? Ce n’est pas qu’on s’arrangera avec l’urbanisme… Ce n’est pas qu’on adaptera les règlements … Ce n’est pas qu’on aidera à trouver des financements…
Non, l’argument permanent et le plus efficace était tout autre. L’argument décisif, c’était de dire :
Que c’est un bonheur d’être dans un parc,
Que c’est un privilège de vivre dans un Parc
Que c’est une chance fantastique d’habiter dans un territoire d’expérience, d’exception et d’excellence,
Qu’on doit être fier d’être regardés et jalousés… Tout le monde n’habite pas un parc où il y a, à la fois, un grand site national classé et un territoire Men and Biosphère.
Que le bonheur de nos paysages, de nos lumières et des hommes qui vivent près de nous est parfois unique mais que ce bonheur-là peut se partager,
Et que ce type de bonheur-là, si simple, si vrai, ça se désire, ça se construit et ça se protège.
Alors, mesdames et messieurs, dans un Parc renouvelé, dans un Parc reparti pour 12 ans, dans un Parc plus fort que jamais,
Je vous souhaite, très simplement et très sincèrement, en mon nom et au nom de toute l’équipe du parc, une année pleine de trésors, de bonheurs et d’amour… En le disant comme cela, j’ai ouvert tous les champs du possible.
Merci à vous tous.
Hervé Poher