Lille, le 21/06/2013 / Colloque sur la transition énergétique.
Excusez-moi mais je vais essayer de faire de la philosophie à la petite semaine mais c’est sans doute moi qui ai la synthèse la plus délicate à faire… Du moins, pour moi… Avec mon état d’esprit, c’est délicat.
En effet, envisager plus de sobriété et d’efficacité énergétique, cela semble admis et le consensus est possible;
Imaginer les énergies de demain et construire un bouquet, cela semble presque incontournable et le compromis est probable.
Par contre, essayer d’expliquer comment on trouve des sous et qui doit s’exprimer, coordonner et diriger… Là, le consensus et le compromis sont beaucoup plus aléatoires. On parle argent et pouvoir… Comme dans Dallas… D’ailleurs, Dallas, c’est demain soir sur TF1.
Et on se retrouve avec le triptyque : Débats, pouvoir et argent. Débats parce qu’il faut débattre pour expliquer, sensibiliser, motiver. Pouvoir parce qu’il y a une évidence : vous pouvez avoir les plus belles idées du monde, elles ne valent rien si vous n’avez pas ce qu’on appelle « une once de pouvoir » ; je suis entouré de gens qui ont des idées !! De plus, depuis longtemps, et de façon plus aigüe depuis un demi-siècle, si vous n’avez pas l’argent, les idées restent des idées et l’utopie reste du rêve. Hélas !
Parlons d’abord des moyens financiers.
Tout le monde sait, tout le monde peut imaginer, tout le monde reconnait qu’une transition énergétique va couter en investissements, en nouveaux financements et en réorientations budgétaires.
Parce que de nouvelles options devront être prises,
Parce que de nouvelles politiques devront être mises en place,
Parce qu’à contrario, certaines politiques devront être réorientées et que paradoxalement, il y a des domaines où on réoriente, ça coûte. En disant réorienté, je suis prudent… Je ne m’engage pas sur le nucléaire…
Alors, comment appréhender ce casse-tête ?
Pour augmenter ses économies, il suffit de dépenser moins. Dépenser moins pour le citoyen… Cela veut dire réduire la consommation énergétique en aidant ou en incitant (réhabilitations, fiscalité incitative étendue à un plus grand nombre) … Alors, certes, économies pour les citoyens, mais dépenses ou manque à gagner pour la société !! Mais n’est-ce pas un passage obligatoire pour une transition ?
Pour développer les énergies renouvelables, il semble souhaitable, voire indispensable, de créer des mécanismes incitatifs pour les acteurs du territoire… Et dans le mot acteurs, ont été évoqués les coopérative citoyennes mais aussi les collectivités, qu’elles soient territoriales ou locales. Avec comme pendant, bien entendu, que l’aide aux collectivités soit éco-conditionnée à une certaine vertu écologique dans ses politiques.
Bien entendu, l’idée d’une fiscalité écologique a été évoquée : fiscalité avec ses différentes options : incitative, pénalisante ou compensatrice. Avec l’idée, bien entendu, d’attribuer le produit de cette fiscalité aux politiques énergie-climat. On dit : « L’argent de l’énergie va à l’énergie… »
Ce qui semble tout à fait logique, mais avec un bémol que je qualifierais « d’alerte » de ma part. Je suis bien placé pour dire que ce type de raisonnement, on l’a déjà tenu ailleurs ; en particulier dans le domaine de l’eau, en disant : « Les redevances sur l’eau, doivent servir à l’eau. » Belle démarche en soi, mais cela n’a jamais empêché les gouvernements, quelle que soit leur couleur, de venir taper goulument dans les caisses des Agences de l’eau quand ces gouvernements ont du mal à boucler leur budget. Et avec l’argent qu’ils nous piquent, ils ne font pas de l’eau !!
C’est une fiscalité déguisée très pratique et attention qu’on n’imagine pas la même chose avec l’énergie.
D’ailleurs l’idée d’une fiscalité obligatoire directe supplémentaire n’a pas été franchement plébiscitée, c’est le moins qu’on puisse dire.
Bref, au niveau des financements, cette transition étant par essence « argentivore », la véritable question est : comment donner au citoyen l’envie d’aller plus loin ; comment donner aux collectivités l’envie de faire plus et l’état ne doit-il pas réorienter financièrement certaines de ses politiques… Mais en parlant de l’Etat…
Aura-t-il l’audace d’aller jusque-là ?
Aura-t-il la volonté de révolutionner un ordre établi ?
Et aura-t-il les moyens d’avoir les moyens ?
Au niveau de la gouvernance…
Très naturellement, ce sujet a très peu suscité de propositions concrètes. Bien sûr, on a évoqué l’Europe, une Haute autorité de la transition Energétique, la mise en place de commissions infrarégionales…
Mais si je dis que très naturellement, il n’y a pas eu pléthore de propositions, c’est simplement que dans notre société agitée et dans le doute, « Quand on élève le totem des compétences, les collectivités adoptent une prudence de sioux … » Et c’est normal, le raisonnement et le réflexe sont trop souvent financiers avant d’être philosophiques. On a beau parler d’énergie, on n’est plus au siècle des lumières.
Et on ne pourra pas dire que cela n’a pas été évoqué… Parce que une personne en a au moins parlé : c’est moi.
En disant que le terme « Transition » est la façon plus présentable de parler de « mutation », avec en filigrane « une révolution ». Et on se retrouve devant un problème simple : cette transition-mutation ou mutation-transition ne se fera pas sans la participation de tous, du consommateur lambda au producteur gamma ; du citoyen untel à la collectivité untelle… Et les collectivités ne peuvent pas faire autrement que d’inaugurer, d’accompagner et d’amplifier ce mouvement
Parce que c’est elles qui ont la maitrise sur les documents d’urbanisme et c’est essentiel,
Parce que c’est elles qui sont au contact de la population et c’est important,
Parce que c’est elles qui représentent des territoires petits ou plus grands, territoires qui permettent d’inventer et d’innover… Et c’est indispensable.
Permettez-moi de rappeler que le pouvoir législatif, là-haut, n’a de sens que si les gens d’en bas appliquent intelligemment les lois.
Et n’oublions surtout pas certains barreaux de l’échelle… Et une échelle où il manque trop de barreaux, ça devient des barres parallèles. Et ça, ce n’est pas pratique pour monter.
En conclusion : Parler d’argent, de taxe, d’impôt, c’est très difficile et ça ne plait à personne… Même pas à moi… Mais n’est-ce pas un passage obligé ?
Parler de compétences, de droit à l’expérimentation, d’innovation, ce n’est pas forcément naturel dans un pays à forte tendance jacobine… Mais n’est-ce pas un passage obligatoire ?
Bref, le débat ne fait que commencer… Et je suis sûr qu’il sera plein d’énergie.
Et pour terminer, je voudrais remercier les services de la Région pour 2 choses :
La première, c’est pour le travail qui a été fait, avec la pression, avec l’urgence… ce n’était pas facile mais vous avez suivi.
La seconde parce que vous nous avez donné une magnifique leçon de français avec toutes les subtilités de la langue française. En effet, dans la synthèse des débats, à un certain moment, il est écrit :
« Discussion passionnée et peu propice à l’élaboration d’une perspective commune… »
Ce qui, chez moi, veut dire : « On n’est pas d’accord et on s’engueule. »
Mais c’est vrai que votre façon de le dire est beaucoup plus élégante.
Merci.
Hervé POHER