Séance plénière du CG Arras
Monsieur le Président, mes chers collègues.
Dans la série « l’Etat se désengage », permettez-moi de résumer les épisodes précédents :
Episode 1 : Il y a 30 ans, sous la haute autorité de Roland Huguet, les 2 départements décident de créer l’Institution Interdépartementale des Wateringues. Un « gentleman Agreement » est passé entre les collectivités et l’Etat : La sécurité des biens et des personnes est bien de la compétence de l’Etat, mais par l’intermédiaire de l’Institution, nous acceptons de gérer les ouvrages d’évacuation à la mer à condition que l’Etat mette à disposition du personnel et qu’il s’occupe financièrement des investissements… C’était un minimum, car je la répète, c’était une compétence pleine et entière de l’Etat.
Episode 2 : Tout va bien jusqu’en 2002/2003, années où l’Etat nous fait comprendre qu’il ne voit pas pourquoi il continuerait à nous prêter des fonctionnaires, pour un problème qui est très locorégional. Nous acceptons de revoir nos financements et d’avoir notre propre personnel. Mais, je le répète, c’était toujours une compétence de l’Etat….
Episode 3 : Dans le cadre du contrat de plan Etat-Région et de l’avenant intempéries, nous avons programmé et procédé à l’amélioration et la réparation de certaines pompes, voire même l’installation de pompes nouvelles. En l’été 2005, nous apprenons que l’Etat n’honorera pas ses engagements et le Ministère de l’Agriculture nous laisse une ardoise d’1 million d’Euros alors que les travaux ont été faits. Post-scriptum : C’est toujours une compétence de l’Etat.
Episode 4 : Comme vous avez pu le voir, nous avons protesté, râlé, dénoncé et vociféré. A titre personnel, en tant que Président du Comité de Bassin, j’ai demandé à Monsieur Le Ministre LEPELTIER et à Madame le Ministre Nelly OHLIN de s’intéresser ne serait-ce qu’un minimum au problème des wateringues… Rien n’y a fait et je me permets de caricaturer la réponse de l’Etat en disant: « Tenez ! Voila 3 francs et 6 sous… Institution, sections de wateringues et collectivités ? Vous êtes assez nombreux pour trouver des solutions » Et je me permets de rappeler : c’était toujours la compétence de l’Etat.
Episode 5 : Une évidence s’est imposée à nous et c’est le point de vue que je défends : Nous avons beau râler, dénoncer et protester… le jour où il se produira une catastrophe, c’est vers l’Institution et vers les départements que la population va se retourner. Ce n’est pas vers l’Etat !!! Il faut donc, pour le bien et la sécurité de nos populations et parce que nous sommes conscients de nos responsabilités, il nous faut trouver une solution et sortir par le haut de cette source de conflit… Conflit qui n’aura plus de sens le jour où la catastrophe se produira.
C’est pourquoi, nous vous avons proposé, dans le budget 2008, un engagement du CG. Nous vous avons proposé, comme le CG du Nord, une fiche spécifique, dans le contrat de projets, fiche que je résume ainsi : Sur 7 ans, 7 millions d’investissement, pour les réparations, les ouvrages d’art et de nouvelles pompes… Pour ces 7 millions, 40% de crédits européens ; nous essayerons aussi d’avoir 40% de l’Agence de l’Eau qui suppléerait ainsi à la défaillance de l’Etat ; et les départements mettraient chacun 10% sur 7 ans…. Et permettez-moi de rajouter, comme le canard de Robert LAMOUREUX, canard qui est toujours vivant : C’était et c’est toujours la compétence de l’Etat.
Pour en terminer avec ma réponse, permettez-moi de rassurer mon collègue Bertrand PETIT : Il n’a jamais été question de transformer le marais audomarois en bassin de rétention… Pas plus que le marais de Guînes d’ailleurs… Mais les spécialistes se gargarisent avec une évidence : Dans les marais, il y a de l’eau et les marais sont les zones les mieux appropriées pour servir de zones tampons… Vous et moi, n’avons besoin d’avoir fait de hautes études pour confirmer cette évidence….
Je me dois de terminer par l’épisode 6… que, très sincèrement, j’espère ne jamais voir. Comme vous l’avez signalé, mon cher collègue, les 8 et 9 novembre dernier, nous avons frôlé la catastrophe. Aussi, permettez-moi de rappeler ce que j’ai dit au Préfet de Région, le 15 novembre dernier : « Monsieur le Préfet, je vous soumets un problème très simple dont je vous fournis les éléments de la matrice :
1) Sachant que la pluviométrie annuelle a augmenté d’environ 30% sur les 10 dernières années et que le type de pluie a changé, puisque maintenant, nous qui sommes habitués au crachin breton, nous observons des épisodes de pluies tropicales, difficilement gérables.… Je vous rappelle, un exemple parmi d’autres, que les 12 et 13 août 2006, il est tombé sur certaines communes de la zone des wateringues 230 mm d’eau en 28 heures, ce qui représente le quart de la pluviométrie annuelle.
2) Sachant qu’un épisode cataclysmique catalogué, il y a quelques temps encore, comme centennal, est devenu, de façon très naturelle, décennal et que ce qui est décennal a une fâcheuse tendance à devenir annuel, voire pluriannuel.
3) Sachant que les 8 et 9 novembre 2007, il y a eu une tempête et que l’on a observé, à la station Tixier une surcote du niveau de la mer de 2,10 mètres…. C'est-à-dire que l’eau était à 2 mètres au dessus du niveau prévu. En 1953, la surcote n’avait été que de 2,40 mètres .Dunkerque avait été entièrement inondé et la dune a été éventrée à Sangatte. La seule différence, c’est qu’en 1953, la surcote a été observée lors d’une marée haute, alors qu’en novembre 2007, par chance, c’était au moment d’une marée basse.
4) Sachant que le niveau de la mer augmente inexorablement et que toute augmentation de ce niveau diminue nos possibilités d’évacuation gravitaire, qui est, jusqu’à preuve du contraire, la plus efficace.
5) Sachant que grosso modo, il y a sur une année pleine, environ 25 marées importantes avec un coefficient supérieur à 105 dont une douzaine avec un coefficient supérieur à 110. En 1953, le coefficient n’était que de 83 ; en novembre dernier, par chance, il n’était que de 76…
6) Sachant, enfin, que nos pompes ont un certain âge, qu’en période de pluviométrie forte, certaines travaillent 24 heures sur 24 et qu’il nous est déjà arrivé, et cela se reproduira, d’avoir une pompe en panne…
En résumé, qu’elle est la probabilité qu’il y ait une conjonction de tous ces éléments à un même moment, c'est-à-dire , pendant une période de grandes marées, une tempête avec une pluviométrie importante et une pompe qui tombe en panne…
Bref, qu’elle est la probabilité qu’il y ait une catastrophe, comme dans la Somme, dans les 10 ans qui viennent…
Sans être professeur de mathématiques mais étant un élu de terrain, élu qui a des bottes en permanence dans le coffre de sa voiture, voyant comment les choses évoluent, et sachant que nous n’avons plus de marge de manœuvre, je me permets de vous dire que la probabilité est forte, très forte et qu’elle augmente chaque jour.
Mes chers collègues. Pour faire un bon diagnostic, il y a 3 éléments essentiels : L’enseignement, l’expérience et l’intuition … Permettez-moi de vous dire que sur l’avenir des zones de wateringues, et cela comprend l’arrière calaisis et la Flandre jusque Saint-Omer, pour les 10 ans qui viennent, je suis, à titre personnel, très pessimiste… mais, une fois n’est pas coutume, j’espère de tout cœur me tromper.
Hervé Poher