Dans le bréviaire des candidats aux responsabilités politiques ou dans l’abécédaire des élus locaux, (vous savez, ces petits livres comme « La gestion publique expliquée aux nuls. »), il est probablement écrit que pour faire un discours,
- Il faut d’abord opter pour un thème si possible intéressant,
- Ensuite, il faut trouver le ton le plus adapté à l’événement
- et finalement, il faut choisir l’humeur que l’on veut laisser transparaitre.
En relisant toutes mes interventions, à l’occasion des vœux, et cela depuis l’an 2000, je me suis rendu compte que les thèmes sont presque obligatoirement les mêmes ; que le ton peut évidemment subir quelques modifications, mais ce qui présente des variations assez notables, c’est bien l’humeur, très différente d’une année sur l’autre. Et je dois reconnaître que je vous ai infligé :
- Une humeur zen pour certaines années sereines où tout allait simplement bien…
- Une humeur « à la Salvator Dali » pour certaines années où immodestement nous avions décrété que nous étions les meilleurs…
- Une humeur de dogues pour certaines années belliqueuses où je me plaisais à en découdre avec tout le monde et en particulier avec certains services de l’Etat…Il faut bien, de temps en temps assumer sa réputation.
Et bien figurez-vous que cette année, je serais plutôt d’humeur mélancolique…
Et si je suis d’humeur mélancolique, c’est pour une raison très simple : nous venons de clôturer notre dixième année d’existence et le hasard du calendrier fait que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle. Dans 5 semaines, auront lieu des élections municipales et cantonales. Beaucoup d’entre nous vont passer à la toise !
- Et nous savons que certains d’entre nous ont décidé, pour diverses raisons, d’arrêter la vie publique …
- Et nous savons que certains d’entre nous ne seront peut-être pas réélus (La démocratie réserve parfois des surprises…)
- Et nous savons que les délégués, désignés par les communes, ne seront peut-être plus les mêmes…
- Bref, nous savons que le prochain conseil communautaire sera différent, avec des têtes différentes et peut-être, même, des options différentes… Et c’est en pensant à tous ceux qu’on ne verra plus dans nos réunions que je me sens pencher vers la mélancolie. Quand on est trop sentimental, on s’habitue à travailler avec certaines personnes.
Alors, à toutes ces personnes, à ceux qui arrêtent, à ceux qui continuent et ceux qui reviendront ou ne reviendront pas, je dis simplement :
« Depuis 10 ans, nous avons… vous avez bien travaillé. »
On pourrait rappeler tout ce que nous avons fait et tout ce que nous avons osé faire… Mais cela nous prendrait beaucoup d’heures et quelquefois, il vaut mieux ne garder que l’essentiel. Et si je devais vous offrir, pour décorer la boite aux souvenirs, que les choses importantes, moi, le Président, je vous offrirais 3 gestes, 3 instants, 3 moments… Mesdames et Messieurs, ces 3 moments là, prenez-les pour vous car ils sont vôtres et ils sont un résumé de votre investissement et de votre action. Et expliquez bien aux gens qui, quelquefois, sont un peu perdus devant la bêtise débilitante de certains roitelets, expliquez bien que ces 3 moments là, c’est aussi, c’est avant tout, c’est surtout l’intercommunalité.
· Premier moment fort à retenir, c’est quand nous avons su tendre l’oreille. Comme beaucoup d’entre vous, je suis allé à un concert au mois de décembre. Ce concert avait lieu en l’église de Guînes et, le lendemain, dans la salle omnisport de Licques.
Vous le savez, certains élus se posent des questions sur l’enseignement musical, sur notre école de musique, sur notre démarche culturelle, sur le coût financier d’une telle ambition… Moi, qui ne pratique pas la musique, (même si on me traite parfois de maître chanteur) mais qui suis président de la CCTP, mon devoir c’est d’écouter les remarques, d’entendre les doléances, de trouver des réponses et de faire des propositions.
Eh bien, figurez-vous que la réponse au questionnement légitime de certains, je l’ai trouvé en tendant l’oreille, à l’église de Guînes, un samedi soir de décembre 2007. Il y avait là réunis tous les musiciens des Trois-Pays, avec un chœur associant plusieurs chorales et avec plusieurs chefs plus talentueux les uns que les autres. Le concert a été d’une haute tenue et à la fin de ce concert, après que des enfants aient chanté « Petit papa Noël », j’ai demandé à un musicien quel était son âge : il m’a répondu « J’ai 80 ans ! ».
Mesdames et Messieurs, j’avais ma réponse.
Et ma réponse au sein du Conseil Communautaire sera désormais celle-ci :
- La musique est la seule discipline au monde où il existe un langage universel, connu et pratiqué par certains, mais compris et apprécié par tout le monde…
- La musique est la seule discipline au monde où l’on oublie d’où l’on vient… on n’est plus du pays de Guînes ou du pays de licques… On n’est plus des Trois-Pays ou de l’Ouest du Calaisis… On n’est plus d’Europe ou d’Afrique … On est du pays des musiciens.
- La musique est la seule discipline au monde où vous pouvez faire jouer une petite fille de 10 ans à coté d’un pépé de 80 ans, et en plus, à 70 ans de différence, ils ont la même passion…
Et c’est quand même formidable quand une collectivité peut, avec de l’argent public, favoriser le développement d’une telle activité… Même si ça coûte un peu…
Alors, certains avaient des doutes sur notre engagement dans l’éducation musicale… Moi, un soir, j’ai bien tendu l’oreille et j’ai bien regardé… Et je me suis dit : « Nous pouvons être très fiers de ce qu’a fait Eric Buy, Françis, Ludovic, Delphin et tous les autres, les grands Beethoven et les petits Mozart… » Et très sincèrement, nous n’avons pas de doute à avoir !
· Deuxième moment fort à retenir, c’est quand nous avons su tendre le cœur. Et quand je dis cela, je pense naturellement aux enfants.
Et c’est vrai, Mesdames et Messieurs, qu’on s’est fait plaisir quand nous avons décidé de créer des haltes garderies ; nous n’étions pas trop sûrs de notre coup…
- Tout le monde nous prédisait l’échec… Maintenant, tout le monde nous a copiés!
- On nous disait que ça ne pouvait pas marcher en milieu rural ou semi-rural … Nous sommes débordés !
- On nous annonçait une guerre sanglante avec les nounous locales, nous faisant craindre un génocide… Tout le monde travaille main dans la main !
Et quel bonheur que de visiter ces haltes garderies, de voir tout ce personnel qui s’agite autour des bambins, dans une atmosphère de gaité, atmosphère bien souvent troublée par un bébé râleur…Quel plaisir, de voir les parents ou les grands-parents, qui connaissent bien nos maisons de pays car c’est là qu’ils viennent récupérer leurs petits trésors…
Oui, Mesdames et Messieurs, quand nous avons décidé, en 1998, de lancer une politique de la petite enfance, nous avons bien fait. Et merci à Eric Maille et à Valérie, avec toute son équipe de gazelles, sans oublier le ou les boucs… merci pour ce résultat remarquable. Et merci à nos partenaires. Là aussi, ça coûte de l’argent ; là aussi, ça coûte de l’argent public, mais c’est devenu tellement évident, tellement utile et tellement indispensable que la CCTP peut être très fière de ce qui a été fait.
· Troisième moment fort à retenir, c’est quand nous avons tendu la main.
Et ce ne fut pas le moment le plus facile… On peut bien l’avouer. Quand un jour, nous avons osé dire :
« Il faut que la solidarité s’exerce à l’échelle du territoire !
Il faut qu’on puisse aider les gens dans leurs moments de peine et dans leur recherche d’espoir, où qu’ils soient dans les Trois-Pays.
Il faut que l’Epicerie sociale soit accessible à tous ceux qui sont dans le besoin, quelle que soit leur commune de résidence parce que, des gens dans la difficulté, il y en a partout.
En fait, il faut aider et savoir tendre la main
- Parce que c’est le rôle des collectivités
- Parce que c’est le devoir des élus
- Parce que c’est l’essence même, tout simplement, de l’action publique
- et parce que le mot Solidarité est un des mots les plus nobles de la langue française. »
Et nous avons créé le CIAS, le premier Centre Intercommunal D’Action Sociale, au nord de Paris. Bien sûr, je vous le concède, c’est plus facile et plus valorisant de construire une maison ou de faire de l’aménagement du territoire… Mais est-on élu pour se glorifier ou pour être utile ? La question vous donne la réponse !
Et là aussi, je me dois de remercier Yves Lefebvre, qui avec une obstination « bulldoguienne » nous a monté ce dossier… Merci aussi à Virginie et à toute son équipe ; vous faites un travail irremplaçable, un travail de terrain, un travail de patience et un travail bien souvent obscur. Merci aussi aux nombreux partenaires du CIAS. Là aussi, soyons honnêtes, cette démarche coûte des sous… Mais qui oserait nous dire que nous avons eu tort ?
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Voilà, Mesdames et Messieurs, j’en ai presque terminé. J’ai décidé cette année, sans doute touché plus par la fainéantise que par une fausse mélancolie, (parce que, en réalité, je ne suis pas mélancolique), j’ai décidé de faire plus court que d’habitude. D’habitude, je fais 10 pages… Là, il n’y en a que 6 ! Mais, avant de conclure, permettez-moi simplement d’évoquer la mémoire de Monsieur Jacques Lefebvre, maire de Licques et de notre ami Bernard Dewet, que même à la CC, nous appelions Zorro. Monsieur Lefebvre et Zorro ont fait partie, tous les 2, de cette belle aventure qu’est la CCTP. Qu’ils en soient très simplement remerciés.
Mesdames et Messieurs. En tant que président de la CC, j’aurais pu ou j’aurais dû vous parler de plein de choses…
Bien sûr, j’aurais pu ou j’aurais dû vous parler de la lutte contre les inondations, de notre partenariat avec OPUR, des perspectives économiques, des maisons de pays, des cyberpoints, des ludothèques, du taxi vert, de nos amis de Maréna Djoumbougou, du réseau des bibliothèques et de tout ce que l’on fait pour soulager la vie de vos communes et de nos concitoyens (les ordures ménagères, l’assainissement non collectif, la prise en charge des cotisations… j’en passe et des meilleurs…).
Bien sûr, j’aurais pu ou j’aurais dû vous parler d’un territoire de projets et d’un territoire d’expérimentation qui veut être un laboratoire d’idées, avec comme grand frère et comme partenaire un département qui sait nous écouter, nous aider, voire nous protéger. Et contrairement à ce que disent certains intellectuels, imprégnés de parisianisme et de fatuité, les départements ne sont pas là de disparaître !
Bien sûr, j’aurais pu ou j’aurais dû évoquer l’avenir, avec des bruits, des murmures ou des rumeurs quant à la réorganisation des intercommunalités. Dans ce dossier, vous comprendrez qu’étant donné l’histoire et mes antécédents, je reste discret… On verra bien!
Mais je n’ai pas voulu vous parler de tout cela car je voudrais que de mon intervention de ce soir, vous ne reteniez qu’un slogan… parce que c’est le plus important :
Trois-Pays, trois symboles : Un air de musique, le rire d’un enfant et une main tendue.
Rien que ces trois symboles là peuvent nous rendre fiers de notre passé et nous donnent des espoirs de conquêtes pour l’avenir… parce que je suis sûr que nous aurons encore de drôles d’ idées !
Et en plus de ces 3 symboles, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, tout simplement, de vous offrir des vœux que je qualifierais « emprunts de syntaxe ». A tous et à toutes, pour l’année 2008, je souhaite :
- Un bonheur sans virgule
- Un tonus sans point de suspension
- Une santé sans point d’exclamation
- De l’amour sans point d’interrogation…
- Bref, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite un avenir sans ponctuation.
Hervé Poher