Représentant le CG. Lille
Mesdames et messieurs.
Permettez-moi, tout d’abord, de souhaiter la bienvenue, à tous ceux qui n’ont pas la chance, voire le privilège, d’habiter dans la région Nord/Pas-de-Calais.
Contrairement à certaines idées reçues, cette région est belle ; elle est riche de ses hommes et elle est fière de son histoire.
Vous êtes réunis pour un congrès de sénologie et de pathologie mammaire. Etant un élu du Pas-de-calais, je me dois d’évoquer les problèmes spécifiques de notre région. J’espère que dans toutes les régions de France, la prise de conscience est la même qu’ici.
Il n’est pas très courant qu’un élu vienne parler dans un congrès de spécialistes, réservé à des spécialistes qui ont cette faculté très particulière et parfois très étonnante : c’est celle de parler avec des mots incompréhensibles pour le vulgus pécum et de discourir dans un dialecte abscons. J’oserai dire qu’avoir des élus, dans une telle réunion de famille, c’est une performance. Et je me permettrai d’ajouter que c’est d’autant plus une performance, que les élus, quels que soient leur rang ou leur responsabilité,
- rechigne à parler de la maladie,
- ont peur de parler de la souffrance,
- et ne savent pas aborder, sereinement, tout ce qui touche à la médecine.
Il ne faut pas leur en vouloir ! Ils ne sont pas formés à cela et, vous le savez, parler de la maladie, pour des non professionnels, touche souvent à des sentiments cachés, qu’il est difficile d’assumer. C’est valable pour les élus comme pour les autres. Mais si nous élus du Nord/Pas-de-Calais, sommes, aujourd’hui, parmi vous, c’est pour bien faire passer un message nouveau ; et ce message est simple :
Il dit : « Même si la maladie, le diagnostic et le traitement sont des affaires de spécialistes, la société et les élus, qui en sont les représentants, ne peuvent pas, ne doivent pas rester autistes sous prétexte que c’est une affaire de spécialistes. »
Les collectivités territoriales et l’état l’ont affirmé : La prévention, le dépistage et le traitement des cancers doivent être une priorité pour tous.
Bien sûr, vous pourriez me rétorquer que ce sont de belles paroles et que chacun attend les actes forts montrant notre volonté et notre engagement. Mais, vous le savez, dans notre société, les actes dépendent souvent de la finance et, dans ce domaine là, nous ne faisons pas ce que nous voulons. Mais, dans le Nord/Pas-de-Calais, la machine est en marche, je peux vous l’assurer.
La preuve : cet engagement des collectivités territoriales (Conseil Régional et Conseils généraux) dès 1999, pour leur implication dans les PRS (programmes Régionaux de santé). Nous n’étions pas obligés de le faire ; ce n’était pas dans nos compétences et, pourtant, nous avons voulu nous investir dans le domaine sanitaire, à notre mesure et avec nos moyens.
La preuve : cette charte sanitaire qui vient d’être signée par les 3 collectivités pour continuer a œuvrer ensemble, dans cinq grands champs d’action sanitaire : le cancer en fait, bien entendu, partie.
La preuve : cette volonté, hautement symbolique, du Conseil Régional qui voulait siéger au sein de l’ARH. Cela ne s’est pas fait pour des raisons obscures et j’en suis désolé…. A croire que pour certains, la santé est encore une chasse gardée.
La preuve enfin, c’est la mise en place, dans les 2 départements qui composent cette région, de structures pour inciter les femmes à se faire dépister. Permettez-moi de prendre en exemple Opaline 62, structure chargée du dépistage du cancer du sein, dans le département du Pas-de-Calais. Je prends cet exemple parce que c’est la structure que je connais le mieux.
Lors des discussions pour la participation au contrat de plan 2000-2006, l’Observatoire Régional de la Santé nous a communiqué les chiffres de l’état sanitaire de notre région. Je pense utile de vous en faire une esquisse :
- Nous avons l’espérance de vie la plus faible de France.
- Nous sommes les premiers pour le taux de morbidité et pour le taux de
mortalité prématuré.
Nous avons le privilège d’être les champions de France pour
- Le K des voies aérodigestives supérieures
- Le K du poumon
- Le K du sein
- Le K de l’intestin
- Le K de l’utérus
- Les maladies cardiovasculaires
- Les maladies dues à l’alcool
- Les suicides…
Et quand, dans d’autres pathologies, nous ne sommes pas premiers, nous sommes seconds.
Et paradoxalement, tout en étant plus malade que les autres, nous avons, proportionnellement à notre population, moins de moyens médicaux que les autres.
Devant un tel bilan, les collectivités, les élus, les décideurs pouvaient-ils rester neutres, en disant : « Ce n’est pas de notre compétence ; c’est celle de l’état… Donc, nous, on ne bouge pas. » Certains nous poussaient à rester en dehors de ce champ d’action, mais nous avons osé franchir le pas.
D’où l’engagement des collectivités dans les PRS, d’où la création, en 2003, d’Opaline 62. Opaline a été créée grâce à l’union de l’URCAM et du conseil général du PDC. Et cette structure a été imaginée et mise en place, avec le concours des professionnels, médecins libéraux, médecins hospitaliers et radiologues, les associations de lutte contre le cancer et les associations d’usagers et de malades. Je ne veux pas vous abreuver de chiffres, mais laissez-moi vous en citer seulement 3 : Pour 2006, c’est plus de 96.000 invitations qui seront envoyées ; c’est plus de 40% de démarches positives avec mammographies (le taux de réponse était de 31% en 2004) ; c’est, malheureusement, 6,6/ mille de cancers dépistés (ce taux était de près de 11/ mille en 2004). Les taux de réponses montrent que nous sommes sur la bonne voie et que nous devons continuer notre effort.
Mesdames et messieurs. Notre région Nord/Pas-de-Calais a plusieurs handicaps :
- Une histoire guerrière et industrielle qui a laissé des traces ;
- Une image, à l’extérieur, qui n’est pas trop positive… Et cette image nous colle à la peau
- Des indices sanitaires qui sont mauvais et eux, nous collent à l’affectif.
Si nous voulons sortir de ce cercle infernal, il faut une dynamique collective associant
- le savoir des hommes de l’art,
- la volonté de la puissance publique
- et une prise de conscience de nos populations.
Dans le destin d’une population et d’une région, rien n’est inéluctable. J’en suis intimement persuadé.
Bien sûr, les collectivités seront parfois maladroites,
Bien sûr, nous ne pourrons pas toujours répondre à vos attentes ;
Bien sûr, nous ne sommes pas plus magiciens que d’autres…
Bien sûr, la santé est, avant tout, une compétence de l’état…
Mais laissez-nous le crédit de la bonne volonté et le désir de bien faire. Désormais, rien de ce qui touche nos populations ne nous est étranger.
Permettez-moi de terminer par une anecdote personnelle. Avant de m’égarer dans les sombres labyrinthes de la politique, j’ai exercé, pendant 20 ans, la coupable profession de médecin généraliste, en milieu semi rural. En 1998, accablé par trop de responsabilités politiques, j’ai dû arrêter mon métier de médecin et le jour de ma dernière consultation, j’ai vu arriver une cliente, presque une amie. Amie parce que pendant des années, j’avais soigné tous les membres de la famille et certaines épreuves communes nous avaient liés. Elle m’a dit : « Avant que vous arrêtiez, je voulais vous montrer quelque chose… J’ai quelque chose au sein… » Et elle m’a montré un placard énorme, infiltré, induré avec un chapelet de ganglions… Elle avait senti ce quelque chose depuis plus de 6 mois et n’avais pas osé en parler, par pudeur ou par peur de la vérité…
Elle est morte l’année suivante à l’age de 57 ans.
Et je dois vous avouer qu’en tant que médecin, j’étais révolté ; en tant qu’homme, j’avais de la peine et en tant qu’élu, je me sentais un peu coupable…
Mesdames et Messieurs, soyez performants, soyez inventifs et soyez combatifs… Ce combat là mérite d’être livré et moi, qui ai vu l’évolution de la médecine depuis 30 ans, je suis sûr que ce combat là, on peut le gagner. J’espère que tous les décideurs de France, que tous les responsables, que tous les élus sauront être à vos cotés. Le combat pour la santé, le combat pour la vie est l’affaire de tous. Je sais que, dans ce domaine là, les professionnels et les élus seront d’accord.
Merci de ce que vous ferez et merci de m’avoir écouté.
Hervé Poher