Douai, aprés un comité de bassin/ Hervé Poher
Mesdames et Messieurs. On m’a fait comprendre que, si je voulais avoir une maigre pitance à manger ce midi, je devais impérativement, en tant que président du comité de bassin Artois-Picardie, parler de Monsieur STREBELLE.
Vous me connaissez : je suis quelqu’un de discipliné, d’obéissant, timide de nature et en plus, je commence à avoir une petite faim.
Je vais donc tenter de dire du bien d’un joyeux retraité.
D’ailleurs, pour être franc avec vous, je n’ai pas eu le choix.
Monsieur DELOBELLE m’a susurré, d’une voix acerbe : « Vous devez dire du bien de Monsieur STREBELLE. » Il a même rajouté, avec un soupçon de cyanure : « Vous devez dire beaucoup de bien de Monsieur STREBELLE. »
Quant à Monsieur GRANDMOUGIN, il m’a fait observer que les wateringues étaient en sursis et il m’a fait, gentiment comprendre que si nous voulions encore toucher des subventions, j’avais intérêt à trouver du positif chez Monsieur STREBELLE. Il a bien reconnu que ce serait difficile, mais que le principal, c’était d’essayer…
Quant à Madame DRAPIER, elle m’a menacé de me harceler au téléphone, jour et nuit, jusqu’à ce que je sois un minimum élogieux vis-à-vis de son ancien directeur. Et elle en a profité, d’ailleurs, pour dire du mal de son nouveau directeur…
Même la chambre d’agriculture m’a menacé de bloquer l’agence avec des tracteurs si je ne procédais pas à une sorte de canonisation de Monsieur STREBELLE. Je ne sais pas ce qu’il leur a fait… Mais j’ai des doutes… Vous voyez, je suis comme Emmanuel CAU: excusez l’expression : j’adore foutre le bordel !
Etant quand même d’un naturel docile, je le répète, je vais donc essayer de trouver un maximum de qualités à Monsieur STREBELLE. Et maximum, dans son cas, c’est une ou deux !
Mais même pour en trouver une ou deux, je l’avoue, Monsieur STREBELLE, vous me voyez bien embêté…
1) En effet, je ne peux pas dire que vous êtes le meilleur des directeurs de l’agence… Je n’ai connu que vous et la comparaison est donc très limitée. Vous me direz : « Etre le meilleur, quand on est tout seul, c’est bien pratique… » Et je sais qu’avec votre esprit pervers, vous pourriez même rajouter : "En tous cas, ça arrangerait bien certains politiques… »
2) Je ne peux même pas dire que vous pourriez être un exemple pour chacun d’entre nous : vous fumez comme un pompier… Et quand vous montez sur une balance, on sait qu’il y a déjà 10 kilos de nicotine !... Et quand vous pensez qu’un paquet de cigarettes, ça vaut plus cher qu’un mètre cube d’eau… mais ça pèse moins lourd, je veux bien le reconnaitre !
3) Enfin, je ne peux même pas dire que vous avez un effet relaxant sur votre entourage car, depuis que nous sommes à vos cotés :
- Paul RAOULT a perdu 60% de son champ visuel et il a changé 3 fois de lunettes,
- Patrick LEMAY vole, de façon compulsive, des paquets d’amidon, à l’usine Roquette, pour pouvoir calmer ses nerfs, le soir, en les malaxant.
- Charles Beauchamp suit une formation spécifique pour devenir terroriste.
- Quant à moi, je ne sais pas s’il faut y voir un lien, mais c’est depuis 2004, depuis que je suis à l’Agence que je perds mes cheveux…
Non, Monsieur STREBELLE ! Je suis bien ennuyé pour parler de vous. Apparemment, vous n’avez que des défauts… Ou presque…
Permettez que je vous trouve quand même 2 qualités :
La première, c’est que vous aimez bien le Pas-de-Calais. C'est-à-dire que vous avez bon goût, que vous êtes raffiné, que vous êtes un esthète… Personne ici n’oserait dire le contraire… sauf éventuellement Monsieur SCHAEPMAN qui ne trouve rien de plus beau qu’une maison flamande au milieu des Moëres.
La seconde qualité que vous avez et à mes yeux, c’est une véritable qualité : c’est que vous êtes un vrai serviteur de l’Etat.
Permettez que je m’explique sur un plan strictement personnel… Et en ne faisant plus le clown.
Vous le savez, Monsieur STREBELLE, et cela est valable pour beaucoup d’entre nous, je n’ai pas la même formation que vous ; je n’ai pas le même parcours que vous ; je n’ai pas la même fonction que vous et je suis loin d’être un spécialiste comme vous. Je suis simplement un élu ; humblement un élu, alors que vous, vous êtes un serviteur de l’Etat.
L’histoire et l’actualité montrent que la « cohabitation » entre les 2 statuts peut être parfois difficile. Je le dis en toute quiétude devant monsieur le Préfet de Région et je le dis en toute quiétude car vous ne pouvez pas trouver plus jacobin que moi dans toute cette région.
De par vos fonctions et vos responsabilités, vous aviez un devoir de réserve. Et, Monsieur STREBELLE, parce que vous aviez le sens de votre devoir et parce que moi, j’avais une certaine conception de votre devoir, je pouvais, parfois, vous comprendre à demi mot… Même quand je faisais « le bébête »
Si vous n’aviez pas été comme cela, c'est-à-dire compétent, sérieux et réservé, le comité de bassin aurait fonctionné de façon anormale et moi, personnellement, j’aurais été frustré, voire déçu. Notre société politique et administrative fonctionne avec des rites, avec des règles, avec des constantes. Vous avez su les assimiler et les appliquer. Nous, de notre coté, il nous fallait les assimiler et les respecter.
Votre seul objectif, c’était l’Agence, le fonctionnement de l’Agence, l’efficacité de l’Agence, l’image de l’Agence. L’état et l’Agence avait, en votre personne, un très bon serviteur. Et en dehors de toutes les blagues que je me suis permis de faire, que vous ayez été un bon directeur de l’Agence, c’est quand même cela le principal.
Classiquement, on devrait dire : « Monsieur STREBELLE, vous allez prendre une retraite bien méritée. »
Je ne sais pas si vous l’avez méritée votre retraite, mais je suis sûr que vous n’allez pas rester inactif. J’ai du mal à vous imaginer ne faisant que du potager…
D’ailleurs dans votre coin, l’eau est bourrée de produits chimiques et vos légumes sont dégénérés. J’ai d’ailleurs demandé au Ministre BORLOO de créer un territoire d’exception et j’ai le plaisir de vous annoncer, Monsieur STREBELLE que votre jardin est exclu de la Directive Cadre sur l’Eau… Du moins, jusqu’en 2185 ! Votre jardin est au dessus de toute ressource thérapeutique.
Voilà, Monsieur STREBELLE. J’ai cherché une conclusion pouvant rappeler tout le bien que nous pensons de vous, tout en gardant une pointe d’humour. Alors, je dirai, pour terminer : « Quand on vous connait un peu, Monsieur STREBELLE, on est tenté de repousser l’âge de la retraite à 75 ans. » Mais ce que je viens de dire là, vous ne le répétez à personne sinon mon avenir politique est compromis !
Très simplement. Monsieur STREBELLE, que les années qui viennent soient remplies
- de tout ce dont vous rêvez,
- de tout ce que vous voulez,
- et simplement de tout ce que vous aimez.
Hervé Poher