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AVERTISSEMENT:




Nous vous proposons différentes photographies qui n'ont qu'un seul but: vous livrer de belles images du Pas-de-Calais, quelques images du monde et quelques clins d'oeil humoristiques. Ces photos ont été copiées sur le web et restent la propriété des gens de talent qui les ont faites.

ITINERAIRE...

1989

- Election au Conseil Municipal de Guines

1992

- Membre de la liste régionale

1994

- Elu Conseiller Général du Canton de Guînes

1995

- Elu Maire de Guînes

1997

- Elu Président de la Communauté de Communes des Trois-Pays (CCTP)

 - Suppléant du député Dominique Dupilet

1998

- Vice-Président du Conseil Général

- Président d'Eden 62

2000

- Nommé élu référent pour l'Opération Grands Sites des Caps

2001 Réélu

- Maire de Guînes

- Conseiller Général

- Président CCTP

2002

- Suppléant du député Jack Lang

2004

- Membre de la liste régionale

- Elu président du Comité de Bassin de l'Agence de l'eau Artois-Picardie (--> 2014)

2004

- Elu président du Pays de Calais (-->2006)

2005

- Elu président de la Conférence Sanitaire du Littoral (-->2009)

2007

- Suppléant du député Jack Lang

- Démission du poste de maire

2008 Réélu

- Conseiller Général

- Adjoint à Guînes

- Président de CCTP

- Président Agence Eau

2011 Réélu

- VP du Conseil Général

- Président du Comité de Bassin de l’Agence de l’eau

- Membre de la liste sénatoriale

2012 :

- Candidat aux législatives

- Elu Président du Parc Naturel

2013

- Sénateur du Pas-de-Calais 

- Démission de la CCTP

- Démission du CM de Guînes

2014 Réélu

- VP du Conseil général

- Président du Parc

2015

- Arrêt du Conseil Général

- Arrêt  Eden

-Arrêt Parc Naturel

2017

- Arrêt du Sénat

 

PHOTOS

 

Poher (19)      

Poher (7)

Poher (18)     

Andre-et-Gilbert     

Contrat-avenir.jpg   

En-assembl-e.jpg

GB     

Inauguration-Petit-Prince.jpg      

Langelin-maire-honoraire.jpg

election 2007    

Ardres     

Conservatoire 2

Poher herve (6)     

2004 fete de la randonnee    

Bouquehault     

Kluisbergen     

Poher (14)     

tour     

99 Inauguration ADSL

MDR             

repas vieux      

jardin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 septembre 2022 2 06 /09 /septembre /2022 12:10

Le tyran est derrière la moustache.

Un conte pour Héloïse.

Par Hervé Poher

04.09.2022: Histoire pour petits/ Le tyran est derrière la moustache/ Pour Héloïse

   La principauté de Ralacasquette était en fête. Une fête car cela faisait 3 ans exactement que le bon peuple avait été libéré de la dictature infâme et ignoble de l’ignoble et infâme Marcel Duvieubourg. Superpulco, grâce à son courage et son instinct animal, avait libéré la nation et l’infâme et ignoble MD avait disparu de la circulation. Il avait, d’après ce qui avait été dit, probablement émigré dans une des contrées limitrophes, le Grodurkistan ou le Malotimpan.  Probablement, d’après des sources bien informées, il était dans la capitale du Malotimpan.

    Ces 2 pays avaient pris la fâcheuse habitude d’accepter sur leur territoire tous les ignobles et infâmes dictateurs qui avaient été déchus, bien souvent après une révolution populaire. Au Grodurkistan, on pouvait retrouver Robert Machinchose, ancien dictateur du Tougrapardevan, infâme et ignoble tyran qui obligeait les enfants à débarrasser la table. Il y avait aussi Joseph Talépiéquisan, infâme et ignoble autocrate du Tendorpamadan, qui lui forçait le peuple à manger du fromage le matin et en particulier du maroilles. Dans la capitale du Malotimpan, habitait aussi Auguste Taféduflan, ignoble et infâme parvenu, qui avait décrété que les habitants du Cozepaleflaman devaient impérativement se nettoyer les oreilles avec des bâtonnets faits avec du saucisson de cheval. Le saucisson de cheval était une spécialité de son pays et, étant donné la crise économique, il avait eu l’idée géniale de remplacer les bâtonnets pour oreille, classiquement en bois ou en plastique, par des bâtonnets en saucisson de cheval, sans doute moins résistants et plus odorants, mais cela avait relancé l’élevage du cheval et la charcuterie locale. Et non loin de chez Taféduflan, on pouvait retrouver l’ignoble et infâme Marcel Duvieubourg, ancien dictateur de Ralacasquette qui lui, horreur des horreurs, obligeait les habitants de la principauté à regarder du football 24 heures sur 24. Bref, la principauté de Ralacasquette était entourée de dictateurs déchus.

   Et ces ignobles et infâmes personnages avaient pris l’habitude de se rencontrer une fois par mois pour comploter, imaginer des contre-révolutions, fomenter des attentats ignobles et infâmes. Et chaque dictateur proposait, chacun à son tour, une vilénie. Quand vint le tour de MD, celui-ci proposa :

" J’aimerais qu’on attaque, qu’on violente et qu’on détruise à tout jamais mon ennemie héréditaire… L’horrible et monstrueuse Héloïse, plus connue sous le nom de Superpulco. C’est elle qui a provoqué ma chute et ma déchéance et je souhaite, plus que tout, me venger de façon ignoble et infâme.

- Mais on la dit invincible, répliqua Taféduflan.

- Personne n’est invincible s’énerva MD. Comme tout être humain, elle doit avoir ses faiblesses et des points vulnérables. Moi, si je ne vois pas de football, je convulse ! Elle, elle a forcément un point faible. Je le répète, personne n’est parfait et invincible. On doit trouver le moyen de l’atteindre."

   C’est vrai que MD affichait une évidente rancœur, teintée d’une certaine hargne, voire une indicible haine. Sa vie avait été brisée, son avenir fracassée et ses rêves anéantis par Superpulco. Lui qui ne vivait qu’avec le foot, que par le foot, que pour le foot… Il en était privé et son quotidien était devenu un enfer. Sans foot et sans revenu. Il avait même dû emprunter 2 milliards de Groseks pour pouvoir vivre et il devait rembourser 10 Groseks par mois. La honte pour lui et il n’aspirait qu’à une vengeance légitime. Superpulco devait être châtiée et expier de façon ignoble et infâme. Son atroce souffrance compenserait peut-être toutes les demi-finales de la coupe d’Europe qu’il avait ratées. 

   Les autres dictateurs, ayant entendu les motivations de MD, finirent par accepter sa proposition et il fut décidé d’envoyer un espion afin de découvrir le mode de vie de Superpulco. C’est là qu’on trouverait la solution. Grace à une petite annonce parue dans « L’oreille de Malotimpan », un espion fut recruté. Il était d’origine écossaise. Bien entendu, il était petit, le teint gris, bossu, chauve et portait, évidemment, un kilt et des lunettes noires. Bref, il était ignoble et infâme comme tous les espions écossais. Son nom était Mac Quiavélique. Et dans sa famille, depuis des générations, on avait pris l’habitude d’espionner et de faire du chantage avec les gens du village : Untel parce qu’il avait fait pipi sur le rosier de madame Husson ; unetelle parce qu’elle avait mis une crotte de pigeon sur la tête du curé en train de faire la sieste. Tout était bon pour le chantage et l’espionnage était devenu comme une seconde nature… Nature infâme et ignoble, bien entendu.

   Mac Quiavélique fut donc envoyé dans la bourgade où habitait Héloïse. Et nuit et jour, il l’observait, écoutait, photographiait… A son travail, au restaurant, chez elle… Partout où elle allait, Mac Quiavélique suivait et notait. Au bout de 8 jours, il savait tout d’elle et avait déjà échafaudé un scénario pour attaquer Superpulco.

    De retour à Paracintéz, capitale du Malotimpan, l’ignoble et infâme Mac Quiavélique se posta sur la terrasse de son hôtel et joua « God save the dog », air de cornemuse bien connu des espions au nord du 49e parallèle. La cornemuse de Mac Quiavélique était un instrument spécial, entièrement imaginé et fabriqué par les services secrets écossais : c’était bien entendu un instrument de musique mais il pouvait servir aussi de grille-pain, de mitraillette, de photocopieuse, de sèche-cheveux et, enfin, de poire à lavement pour les espions constipés.   Soufflant dans sa cornemuse comme un damné, l’écossais lança son appel aux quatre vents de la capitale. Et comme on pouvait entendre cette mélodie à 35 lieues à la ronde, les dictateurs commanditaires surent que l’infâme et ignoble espion était revenu. Avec, probablement une solution. Solution infâme et ignoble, bien entendu.

   Ils se retrouvèrent à l’hôtel Efone. Mac Quiavélique présenta d’abord sa note de frais. Il avait très peu confiance dans cette bande de dictateurs en perdition. En bon écossais, il savait ce que voulait dire le mot avarice. Après avoir empoché son dû, il fit un rapport complet de son travail de surveillance.

" La dénommée Héloïse est une jeune fille qui ne semble pas avoir une vie très compliquée. Elle travaille beaucoup ; dors très mal ; va quelquefois au cinéma ; mange sans gluten ; elle adore lire les revues People et à une addiction au chocolat qu’elle consomme en grande quantité.

- Mais on ne vous a pas payé pour que vous nous sortiez des banalités, hurla MD.

- Attendez un peu… J’arrive au plus important car j’ai découvert 3 choses qui pourraient vous intéresser vous permettant ainsi d’élaborer une stratégie infâme et ignoble.

- Quoi donc ! s’écrièrent d’une seule voix les dictateurs.

- Première chose remarquable : La susnommée Héloïse n’a des pouvoirs spéciaux qu’après avoir avalé quelques gouttes de concentré de citron… Oui, je dis bien du citron ! Le plus connu, c’est le Pulco qu’elle achète en grande quantité au supermarché. Dès qu’elle pose 3 gouttes de ce précieux breuvage sur sa langue, elle se transforme, ses habits changent automatiquement, sa chevelure pousse, elle peut voler et je l’ai vue avoir une force herculéenne assez impressionnante.

- Ah s’écria MD dont les narines fumaient de rage. C’est pour cela qu’on l’appelle Superpulco ! La chienne, la carogne, l’horrible vampire…

- Deuxième caractéristique de la demoiselle : elle ne peut pas dormir sans un doudou… Un vieux doudou tout sale et qui sent le vomi mais qui lui est indispensable. Si elle n’a pas son doudou, elle tombe malade et dépérit.

- Ça ne m’étonne pas d’elle ! continua MD dont les oreilles fumaient de rage. J’ai toujours dit que malgré son âge, elle ressemble à un enfant retardé.

- Enfin, dernier point faible : elle ne peut pas vivre sans son téléphone portable. Elle l’a toujours à la main et le consulte dès que vous lui dites quelque chose.

- Pourquoi consulte-t-elle son téléphone à tout bout de champs ?

- C’est une manie sans doute. Si vous lui dites « Marcel Duvieubourg est parti en train pour Paracintéz », immédiatement, elle va chercher sur son smartphone l’âge de Marcel Duvieubourg, le nombre d’habitants à Paracintéz, l’horaire du train, le nom du chef de gare, le temps qu’il fait à Paracintéz, la pointure de la contrôleuse et l’histoire de la vie du frère de la tante du cousin du mec qui était assis à côté de Marcel dans le train.

- Ça sert à quoi de savoir tout ça ? s’étonna MD dont le crane fumait de rage.

- A rien mais ça occupe le temps et après, en société, on peut faire savant."

   Taféduflan, qui était sans doute le plus infâme et ignoble de tous les dictateurs ignobles et infâmes, se leva et décréta :

" Ca y est ! on a notre stratégie de guerre. On va l’attaquer sur un triple front ! D’abord, on va lui voler son doudou… Ensuite, on va bloquer la production de citrons et, finalement, on va empêcher le téléphone de fonctionner.

- Si bien qu’elle n’aura plus de super-pouvoirs… Qu’elle ne pourra plus dormir et ne pourra plus faire la femme savante… compléta MD. Cette triple attaque est géniale, ignoble et infâme. Mais qui peut nous faire tout cela ?

- Ne t’inquiète pas ! rajouta Talépiéquisan qui connaissait beaucoup de monde dans le milieu de la mafia du football. On va bien trouver les gens qu’il faut pour procéder à ces actes infâmes et ignobles. Pour ça, il y a toujours des volontaires."

   Après avoir renvoyé Mac Quiavélique, nos dictateurs organisèrent une réunion secrète, cachée et pas autorisée. Le but : trouver une équipe de crapules qui pourrait attaquer et neutraliser Superpulco le plus rapidement possible en kidnappant les objets indispensables à son pouvoir.

   Talépiéquisan connaissait quelques personnes qui pouvaient convenir car elles présentaient tous les critères indispensables pour être de bons voleurs : elles adoraient le foot, étaient de mauvaise foi, jouant la comédie sans arrêt et devenant, quand on se permettait de critiquer le ballon rond, fous furieux, capables des pires méfaits. Bref, tous ces malfrats étaient ignobles et infâmes.

   Le premier qui fut contacté s’appelait Kahel Mhautpé, frère ainé du célébre Mbappé. Devant le succès de son petit frère au PSG, Kahel était devenu extrêmement jaloux et était tombé dans une dérive condamnable : la débauche, les excès de vitesse, le vol dans les troncs d’église et l’assassinat de coccinelles… Il faut avouer que son niveau intellectuel n’était pas très élevé.  Le deuxième vilain n’était pas mieux. Il s’appelait Mainon, cousin éloigné de Messi. Lui aussi, jaloux du succès de son parent, avait mal viré et était devenu un individu peu fréquentable : il dérobait les fauteuils roulants des personnes handicapées et les transformait en ouvre-boites. Le dernier des larrons se prénommait Jean Néralebol, lui aussi parent éloigné d’un footballeur connu : le redouté Neymar, Jean de son prénom. Bref, Talépiéquisan avait réuni la fine fleur des gens jaloux, envieux et irrécupérables.

" Es-tu sûr de tes bonshommes ? s’était interrogé MD. Ils m’ont tout l’air de 3 glandeux.

- Tu rigoles ! On ne peut pas trouver plus crapule que ces trois-là ! C’est la crème de l’infâmie et de l’ignominie. D’ailleurs, viens avec moi. On va les interroger."

   Mhaupé allait être chargé de couper l’approvisionnement de citron, sous toutes ses formes. Quand on lui avait dit « Tu t’occupes des citrons ! », étant habitué à dévaliser les églises, il demanda où il pouvait trouver une église avec 6 troncs. Talépiéquisan, ayant réalisé que le cerveau de Mhaupé n’était pas plus gros qu’un demi petit pois, dut lui expliquer que le citron est un agrume ; qu’on l’utilise pour beaucoup de choses, pour fabriquer les jus en particulier ; qu’il est cultivé dans les pays ensoleillés mais qu’il est importé dans la région grâce à d’énormes tuyaux traversant plusieurs pays. Ces tuyaux qu’on appelle des citronoducs sont le cordon ombilical des usines de Pulco de tout le pays. Mhaupé, après avoir écouté sagement l’ignoble et infâme tyran, fit marcher ses 2756 neurones et décréta qu’il suffisait de bloquer le citronoduc pour paralyser toutes l’industrie du citron. Ce en quoi, il n’avait pas tort. Il exposa son plan à Talépiéquisan et expliqua qu’il allait faire sauter la conduite de citron.

" Vas, je te fais confiance… Mais dis-moi, comment vas-tu faire exploser le citronoduc ?

- Facile, mec ! Quand j’étais petit, répondit en souriant Mhaupé, j’ai entendu mon grand-père qui disait régulièrement : « A l’école, quand je devais faire des mathématiques, ça m’explosait la tête ». Et mon grand-père avait la tête dure… Alors, si ça explose la tête de mon grand-père, ça doit bien exploser un simple citronoduc.                                                                      

- Alors… Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda le dictateur un peu interloqué.

- Je vais recopier des formules mathématiques sur le tuyau et au bout d’un moment, si j’en crois mon grand-père, ça va tout faire sauter… C’est diabolique, hein ? Je dirais même plus, c’est ignoble et infâme."

   Talépiéquisan leva les yeux au ciel et se tournant vers MD constata : « Je crois qu’on est mal barrés ! »

   Mainon était chargé, quant à lui, de dérober le doudou d’Héloïse. Ce fameux doudou était un vieux chat en chiffon, tout raccommodé, tout sale et qui sentait le vieux cochon à poil raide. Précision : le cochon à poil raide est tout à fait différent du cochon à poil court, parce qu’il n’est pas pareil ! Le seul point commun, c’est qu’ils sentent tous les deux très mauvais, d’une odeur terrifique et paralysante qu’on pourrait qualifier d’ignoble et infâme. Donc, le doudou d’Héloïse était comme tous les doudous : il sentait mauvais. Et pour savoir où Superpulco cachait son doudou, il fallait un être à l’odorat développé, au nez inquisiteur et au flair infaillible. Il fallait donc le seul être connu pour toutes ces qualités : Salma, chien mondialement connu, excellent renifleur, dénicheur spectaculaire mais surtout connu comme étant « un grand chien péteur ». Mainon téléphona donc au propriétaire de ce célèbre chien :

" Voilà Monsieur. J’aimerais vous emprunter votre chien.

- Emprunter mon chien… Pourquoi faire ?

- Pour conclure une enquête très délicate… Et nous avons besoin d’un flair exceptionnel. Votre chien est connu justement pour son flair.

- Mais non !

- Mais si !

- Messi, c’est le footballeur…

- Et Mainon, c’est mon nom.

- Votre nom ? Pas possible !

- Mais si !

- C’est Messi ou Mainon, votre nom ! Faudrait savoir ! Moi, je ne prête pas mon chien à quelqu’un qui ne sait même pas son nom !

- Mais si ! Moi, mon nom, c’est Mainon !

- Mainon ?

- Mais si !"

   De rage et devant les propos incohérents de son interlocuteur, le propriétaire de Salma raccrocha. Mainon se trouvait bien embêté car sans le champion des chiens, il lui serait très difficile de mettre la main sur le fameux doudou. Quand il expliqua son problème à Talépiéquisan, celui-ci regarda à nouveau MD et ajouta, d’un air catastrophé : « Je crois vraiment qu’on est très mal barré ! ».

   Le dernier de nos voyous donc le dernier espoir, le fameux Jean Néralebol, devait s’occuper du téléphone de Superpulco. Plusieurs options se présentaient à lui : soit empoisonner Salvator Ehatraverre, grand directeur de Wikipédia ; soit faire sauter le pylône téléphonique pour empêcher la transmission des ondes ; soit trouver le moyen de mélanger du chlorure de nitrato -tomato -sulfato -grocaco de sodium aux composants métallique avec lequel on fabrique les touches de téléphone. Un tel mélange entrainait des réactions chimiques redoutables sur l’utilisateur du téléphone : les doigts, qui avaient tapé les touches, se paralysaient et étaient rongés par une sorte de lèpre caprine (maladie des chèvres de Malte) et tout cela dans d’atroces souffrances. Cette dernière pratique était la plus infâme et la plus ignoble des tortures occidentales actuellement connues.

   Néralebol expliqua à Talépiéquisan qu’il avait opté pour la première solution. En effet, il avait appris que Salvatore Ehatraverre était très, très, très sensible de l’estomac. Il décida donc de crever les pneus du vélo de madame Ciboulette.

" Je ne vois pas le rapport entre le directeur de Wikipédia et cette madame Ciboulette, s’étonna Marcel Duvieubourg.

- Le rapport est évident, riposta Jean Néralebol. Le vélo de madame Ciboulette étant inutilisable, elle devra prendre la voiture pour aller travailler.

- Et alors ?

- Alors son mari Arnold Ciboulette devra aller travailler à pied… Génial hein ?

- Et alors?

- Alors, il va attraper froid…

- Et alors ?

- Alors, il va tomber malade et va devoir rester au lit… Tortueux hein ?

- Et alors ?

- Alors… C’est simple : Arnold Ciboulette est le cuisinier de la cantine de Wikipédia.

- Et alors ?

- Alors… Du coup, la cantine restera fermée… Subtil hein ?

- Et alors ?

- Alors Salvator Ehatraverre devra aller au restaurant... Bien pensé hein ?

- Et alors ?

- Alors, le restaurant le plus proche du siège de Wikipédia est « La bonne gastrite » où on ne sert que du Schmorl-bezeff. Et le Schmorl-bezeff est terrible pour les gens délicats et toujours mortel pour les gens qui travaillent dans la téléphonie.  Piège diabolique hein ?"

   Marcel Duvieubourg et Talépiéquisan se regardèrent catastrophés et dirent en même temps : « Je crois qu’on est très vachement trop mal barrés. »

   Désespéré de voir autant de bêtises, Marcel Duvieubourg se roula par terre, trépigna des pieds et s’arracha des touffes de cheveux. Il voulait que sa vengeance soit ignoble et infâme, pouvant servir de référence dans l’histoire de la crapulerie occidento-orientale. Il décida donc de faire le boulot lui-même.

" Je ne suis peut-être pas un spécialiste de la magouille et du sabotage mais je serai quand même meilleur que ces 3 glandeux. Comment peuvent-ils être aussi bêtes alors qu’ils sont parents de footballeurs si prestigieux ?"

   Les 3 crapules furent donc congédiées et partirent en râlant, promettant de se venger. C’était bien la première fois qu’on leur faisait un tel affront. MD, quant à lui, imagina une stratégie diabolique : il se déguisa en fermière, marchande de citrons. En effet, il avait appris par Mac Quiavélique qu’Héloïse fréquentait le marché tous les samedi-matins. Et le samedi suivant, quand il vit Héloïse approcher, il prit son air angélique, cacha son bazooka dans son dos, coincé dans sa jupette et décida d’apostropher la jeune femme. Pour cela, il prit un accent qu’il voulait méditerranéen mais qui, en fait, ressemblait plutôt à un accent russe.

" Demoiselle ! Toi y’en a vouloir des citrons de méditerranée ? Citrons bons pour la santé… Et pas chers."

   Mais sa haine de Sulperpulco était trop forte et il ne put s’empêcher de rajouter :

" Vraiment pas chers, espèce de grosse vieille limace vermoulue de la tête !"

   Il était rare de voir une vendeuse de citrons parler ainsi à une cliente. Du coup, Héloïse fut intriguée et examina de plus près la fameuse fermière. Et immédiatement, elle eut un doute. En effet, la fermière qui lui proposait des citrons était une bavaroise… Et en bavière, il ne pousse pas de citron. De plus, son accent était russe… Et la Russie ne donne pas sur la mer Méditerranée. Enfin, cette fermière avait une grosse moustache noire bien touffue entre deux tresses blondes … Or il est quand même rare que les femmes portent la moustache… Sauf les portugaises mais les portugaises bavaroises, ce n’est pas courant. Héloïse regarda dans les yeux la fermière moustachue et lui dit :

" Tu m’as traitée de grosse vieille limace ?

- Oui ! ne put s’empêcher de crier MD.

- Et en plus, tu as dit que j’étais vermoulue de la tête ?

- Oui, oui et encore oui, hurla-t-il d’un air infâme et ignoble.

   Héloïse, de plus en plus troublée, dégaina son smartphone et tapa sur google : « Fermière bavaroise moustachue ». Immédiatement le moteur de recherche l’orienta vers wikipédia qui afficha : « Vend-elle des citrons ? ». Héloïse répondit naturellement oui. Immédiatement, le smartphone se mit à chauffer, a vibrer, à émettre des sons bizarres et sur l’écran, on pouvait voir clignoter, en rouge, « Alerte Générale ». Puis, après quelques secondes, le smartphone afficha :

« La fermière bavaroise à moustache, plus connue sous le pseudonyme de « La gretchen poilue » est un des déguisements préférés des dictateurs, tyrans et autocrates du monde de l’est. Les règles d’utilisation de ce déguisement sont très strictes et codifiées : S’il vend des pastèques, c’est qu’il est fan de rugby ; s’il propose des figues, c’est qu’il pratique la pétanque ; s’il vend des citrons, c’est qu’il adore le foot. Mais dans tous les cas, retenez un principe : le tyran est derrière la moustache. »

   Ni une, ni deux, Héloïse réalisa qu’elle était en face d’un dictateur, probablement Marcel Duvieubourg. D’un geste rapide comme l’éclair, elle saisit un citron, le fit éclater et le porta à la bouche. MD, décontenancé par cette réaction, s’écria :

" Au voleur ! La nénette me vole un citron. Appelez la garde civile !"

   Mais il n’avait pas vu qu’Héloïse s’était transformée et que devant lui, il avait maintenant Superpulco, la divine libératrice. Les yeux de Superpulco se mirent à briller et envoyèrent un rayon laser qui brula la moustache de MD. Puis, d’un coup de pied, elle fit éclater la poitrine de la fausse fermière, la poitrine étant faite de ballons de foot remplis d’huile de ricin. Pourquoi de l’huile de ricin ? Parce que l’odeur de cette huile est, comme tout le monde le sait, ignoble et infâme. Devant cette odeur insupportable, Superpulco recula et MD en profita pour sortir de sa poche une petite boite en bois. Il l’ouvrit et Superpulco fut assaillie par des sauterelles… Mais pas n’importe quelles sauterelles : des sauterelles cannibales à 9 pattes, le plus terrible des insectes guatémaltèques. Cette ruse était infâme et surtout ignoble. Mais Superpulco avait plus d’un tour dans son sac à dos. Elle sortit un vieux morceau moisi de reblochon, arme suprême contre les sauterelles à 9 pattes. Le vieux morceau de reblochon moisi a, en effet, la même odeur que l’humain qui ne s’est pas lavé pendant 2 mois. Et ça, MD ne le savait pas ! Immédiatement, les animaux voraces, croyant être en face d’un morceau de viande humaine, se précipitèrent sur le fromage, le dévorèrent et, au bout de quelques secondes, s’endormirent et tombèrent sur le sol. La partie semblait jouée.

   Superpulco, débarrassée des insectes, prit son élan et attrapant MD par les cheveux, s’envola vers l’horizon. MD se débattait, criait, injuriait mais rien n’y faisait : la vengeance de Superpulco se devait d’être terriblement ignoble et infâme. Et elle le fut…

   Arrivée au-dessus de la fosse à purin de la ferme gouvernementale où on élevait des milliers de cochons, elle lâcha le dictateur qui alla s’enfoncer dans la masse brune malodorante. Et comme par hasard, comme quoi le monde est bien fait, les 3 glandeux étaient à côté de la fosse à purin. Ils virent avec plaisir MD s’enfoncer dans le purin ; seule la tête dépassait.  Mhaupé, entrainant les autres, commença à lancer sur le crâne de MD des œufs pourris et des tomates fripées. Mainon, quant à lui, jetait des rondelles de saucisson sec. Pourquoi des rondelles de saucisson ? Parce qu’il n’aimait pas les œufs ou les tomates et il n’avait sous la main qu’un sandwich au saucisson. Ainsi fut puni de façon infâme et ignoble Marcel Duvieubourg, ennemi mortel de Superpulco.

   Sa vengeance accomplie, Héloïse rentra chez elle en se disant que MD avait reçu une bonne leçon. Elle fit l’analyse de ce qui venait de se passer, d’autant que les 3 glandeux étaient venus lui raconter leurs déboires avec MD. Elle réalisa ainsi qu’elle avait quelques points faibles ; or un super-héros ne peut pas avoir de points faibles : Si elle perdait son Pulco, elle perdait ses pouvoirs ; si elle perdait son doudou, elle perdait le sommeil ; si elle perdait son smartphone, elle perdait sa raison de vivre… Elle partit donc se coucher en emmenant une bouteille de Pulco, son vieux doudou et son smartphone. Au moins, dans son lit, on ne les lui volerait pas.

04.09.2022: Histoire pour petits/ Le tyran est derrière la moustache/ Pour Héloïse

    Même à Hollywood, il n’aurait pas pu inventer une si belle histoire car Superpulco est vraiment bien plus forte que Iron Man, Captain America, Thor, Hulk, Black Widow, Spider-Man, Black Panther et Captain  Marvel tous réunis !

Hervé Poher dit "Papy Guines"

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Published by popo - dans contes pour petits
6 septembre 2022 2 06 /09 /septembre /2022 11:45

La grotte de chien

Histoire pour Charlotte

Par Hervé Poher

04/09/2022: Histoire pour petits/ La grotte de chien/ Pour Charlotte

   Sassenages, lundi matin, 9 heures.

   « Allo, Charlotte Holmes ? Ici le commandant Desagesse de la gendarmerie nationale. On m’a demandé de vous contacter car nous avons besoin de vos lumières.

- Mes lumières ? Tudieu de crotte de bique! Mais je ne travaille pas à EDF ! Je n’y connais rien en éclairage ! Adressez-vous à un électricien !

- Non, ne vous méprenez pas. Nous avons besoin de votre perspicacité et de votre expérience dans une affaire qui nous semble bien compliquée. Cela se passe à Charmule-les-Croutons, près de Nantes.

- Ah bon ! Si vous parlez de perspicacité et d’expérience… Je préfère cela."

   Charlotte venait tout juste de se réveiller et, tant qu’elle n’avait pas pris son petit-déjeuner, elle avait le cerveau particulièrement lent et hermétique. C’est ce qu’on appelle communément « Faire du cerveau lent ». Aussi, un appel de la gendarmerie de Charmule-les-Croutons avait mis un certain temps pour aller de son oreille jusqu’à son cerveau. « Je vous écoute » dit-elle

" Mais c’est une histoire bien compliquée… En plusieurs épisodes. Si vous pouviez venir ici, ce serait bien plus pratique.

- A Machin-les-Boutons … Ou … Je ne sais plus ?    Tudieu de crotte de bique !   Mais c’est au bout du monde ça, Tarin-les -Bâtons !

- Charmule-les-Croutons ! Bien entendu, la gendarmerie prendra en charge tous vos frais. Mais nous avons vraiment besoin de vous."

   Après quelques minutes de réflexion et se rappelant qu’elle n’avait rien à faire dans la semaine à venir, elle donna son accord. En plus, un petit voyage sur la côte atlantique ne lui ferait pas de mal. Les dernières vacances qu’elle avait prises dataient d’au moins 6 mois, chez sa grand-mère, dans le nord. D’ailleurs elle s’était dit qu’elle ferait mieux d’y aller un peu moins souvent. En effet, à chaque fois qu’elle remontait là-haut, elle avait tendance à prendre des kilos, reprenait toujours l’accent du coin et elle attrapait souvent de mauvaises habitudes verbales ou des expressions bizarres.  Comme l’expression « Tudieu de crotte de bique ! », expression qui ne veut rien dire mais qui venait naturellement lorsqu’elle était étonnée. Mais il faut bien avouer que sortir « Tudieu de crotte de bique ! » dans un repas officiel ou en réunion de travail, ce n’est pas très classe et cela fait un peu vulgaire. Mais c’est une des mauvaises habitudes, une de plus, qu’elle avait prise dans le nord.

   Le commandant Desagesse était un beau militaire, bien de sa personne, portant élégamment l’uniforme et indéniablement sûr de l’impact qu’il avait sur son entourage et en particulier sur les dames.

" J’espère que vous avez fait un bon voyage, chère mademoiselle. Le ministère de l’intérieur nous a conseillés de faire appel à vous. Car notre affaire est compliquée, très compliquée et… délicate, très délicate. Et nous avons peur des répercutions.

- Je vous écoute, Commandant.

- Voilà. Depuis quelques mois, nous sommes confrontés à une série de cambriolages bizarres. Ils se passent tous selon le même schéma. Les gens sont chez eux ou dans leur magasin, ils s’endorment brusquement et quand ils se réveillent, certains objets leur appartenant ont disparu. Ils ne se souviennent de rien … sauf d’une chose : avant de s’endormir, un grand chien s’est approché d’eux.

- Tudieu de crotte de bique !  Un chien ?

- Oui et c’est le seul point commun entre toutes ces affaires.

- Qui a été cambriolé ?

- Des gens tout à fait différents (le commandant Desagesse consulta ses fiches). La Duchesse De Gromitard qui vit dans le château communal ; un coiffeur d’origine italienne Giovanni Spaghetti ; Denise Quecétrisse qui tient un magasin de chemises ; un médecin Ernest Charognard, médecin ORL et, pour terminer, un footballeur célèbre d’origine sénégalaise Toukagéme L’Bistoul. Tous des gens, habitants du coin, ne se connaissant absolument pas. Sauf le coiffeur qui adore le foot.

- On leur a pris des objets mais je suppose qu’on leur a pris aussi de l’argent ?

- C’est là le hic. On ne leur a pas pris de l’argent ! On leur a dérobé, à chacun, uniquement des objets. Tout cela pendant qu’ils dormaient… Après l’arrivée du fameux chien, bien entendu. Tenez, j’ai la liste de tout ce qui a été dérobé. Chez madame la Duchesse : toutes ses petites culottes, même les sales ; chez Giovanni, tous ses peignes ; chez Denise, on a démonté sa cabine d’essayage ; L’ORL n’a plus trouvé ses 3 poubelles et enfin, le footeux a perdu toutes ses chaussures de foot."

   Charlotte était effarée. « Tudieu de crotte de bique ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque » s’exclama-t-elle. Et prenant la liste des mains du commandant de gendarmerie, elle relut à haute voix cet assemblage éclectique d’objets qui n’avaient rien en commun. Pour une affaire bizarre, c’était une affaire bizarre.

" OK Commandant, je prends l’affaire en main. Et si je ne trouve pas, Tudieu de crotte de bique, je veux bien être changée en bouse de zébu."

   Le commandant Desagesse la regarda, d’un air étonné, en se demandant « Pourquoi un zébu ? ». Il était cruciverbiste jusqu’au bout des doigts et n’acceptait pas de ne pas avoir d’explication logique à une interrogation. Cela allait tourner dans sa tête et le zébu allait probablement lui gâcher la journée.

   Avant de le quitter, Charlotte lui demanda de faire la liste de tous les propriétaires de chien à Charmule-les Croutons et en particulier, les grands chiens.

   La demeure de la Duchesse de Gromitard n’avait de château que le nom. En fait, c’était une vieille bâtisse, très haute, avec quelques simili-tourelles et une vague mare, devant l’entrée, faisant office de fossé. C’était plutôt une ancienne forteresse plutôt qu’un château et, indéniablement, la forteresse avait besoin de quelques travaux et d’un bon coup de ravalement.

   Comme la Duchesse d’ailleurs ! Cette pauvre femme pesait au moins 120 kilos, avait des bajoues qui lui arrivaient à la poitrine, une poitrine qui arrivait au nombril, un nombril qui arrivait aux genoux. Bref, tout était en train de s’écrouler. Le commandant avait prévenu Charlotte

" Surtout pas de remarque désobligeante. Madame la Duchesse est un tantinet susceptible et, en plus, elle passe sa vie au téléphone à raconter tout et n’importe-quoi. D’ailleurs, ici, on dit que Dame Gromitard, c’est la première radio libre du coin. Alors si votre entretien se passe mal, cela risque de compliquer la suite de votre enquête. La seule chose dont elle ne parle jamais sur Radio Gromitard, c’est de sa vie privée. Mais il est de notoriété publique que madame la Duchesse, malgré son aspect reboutant, a un petit ami… Qui vient la voir régulièrement… Quelqu’un de haut placé dans la république… On dit même, au plus haut de la république. Mais chut… C’est un secret."

   Mais madame la Duchesse accueillit Charlotte très gentiment et lui raconta tous ses malheurs.

" J’étais en train de finir ma toilette, dans ma chambre, quand j’ai vu entrer un chien, un grand chien… Et moi, je n’ai pas de chien dans le château ! Il avait l’air gentil et s’est approché de moi pour obtenir une caresse. Et à ce moment-là, j’ai été pris, brusquement par une fatigue énorme ; impossible de résister ; mes yeux se fermaient et je me suis écroulée sur ma petite table à maquillage.

- Et alors ? demanda Charlotte.

- Alors ma table s’est cassée et s’est effondrée… vu mon poids… Et quand je me suis réveillée, 3 heures plus tard, j’étais allongée par terre. Toute ma chambre était en désordre, mon lit défait, mes armoires vidées de toute ma lingerie. Et il régnait une drôle d’odeur, odeur étrange, indéfinissable, avec un peu d’ammoniac. J’ai appelé tout de suite la gendarmerie et le beau commandant Desagesse. Après avoir bu le thé ensemble, nous avons fait l’inventaire de toutes mes affaires et je me suis aperçue qu’il me manquait toutes mes petites culottes, les propres et même les sales qui avaient disparu de mon panier à linge. Et il ne me manque que cela !

- Tudieu de crotte de bique ! qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire de vos culottes ?

- Je ne sais pas mais moi, du coup, je ne mets plus de culotte… Et ce n’est pas désagréable !"

   La détective avait déjà échafaudé une théorie : étant donné le poids et le délabrement de la Duchesse, ses petites culottes devaient avoir une certaine taille. Or nous étions dans un pays très rural et des culottes de cette taille pouvaient très bien servir de sacs à patates. Idée à creuser. Et le petit ami de madame était-il venu ce soir-là ?

   A peine sortie du château, la détective se précipita chez Giovanni Spaghetti. Le coiffeur était en train de ranger son salon. L’entretien fut un peu difficile. Giovanni venait juste d’arriver d’Italie. Il avait bénéficié d’une mesure spécifique d’installation pour la revitalisation du milieu rural et son français laissait encore à désirer.

" Bellissima polizia ! (Traduction : Belle policière). Tou é bellissima. Jé sens amore pour toua. (trad : tu es belle ; je suis amoureux de toi.)

- Arrête de draguer, le rital. Parle-moi plutôt de ton cambriolage.

- Yo étais en trin ranger négozio (trad : J’étais en train de ranger la boutique) quan uno cané (trad : chien) entrare et à coté moua.   Esta strano odore (trad : il y avait une odeur bizarre). Poui all’improvviso dormire (trad : et brusquement je me suis endormi). Véglia no pettine (trad : au réveil, plus de peigne). Terribile !

- Si tu coiffes les Français aussi bien que tu parles, ils doivent être sacrément déguisés les habitants du bled ! Bref, tu as perdu tous tes peignes !

- Si Signora ! Terribile ! None possibile pettine Johnny (trad : je ne pourrai pas coiffer Johnny)

- Johnny ! Notre Johnny ? Il vient se faire coiffer ici, ici… Là ? Tudieu de crotte de bique ! Incroyable !

- Si Signora. Ogni sentimana pettine Johnny (trad : chaque semaine, je coiffe Johnny)"

   Charlotte en était baba. Johnny Halliday, le grand Johnny, l’idole des jeunes (et non Lidl des jaunes) venait se faire coiffer à Charmule-les-Croutons par un rital mal dégrossi… Personne ne peut croire une telle invraisemblance. Et pourtant, le commandant Desagesse confirma les dires du coiffeur.

" Oui, c’est bien connu dans la région. Johnny s’est pris d’amitié pour Giovanni. Ils se sont connus après un concert à Rome et Johnny considère que le romain est le seul à le coiffer de façon assez punk. Alors, une fois par semaine, il vient à Charmule se faire faire une petite remise en cheveux. Il est même devenu citoyen d’honneur de la commune."

    Charlotte Holmes, malgré sa perspicacité et son expérience, n’arrivait pas à trouver le lien entre les culottes de la duchesse et les peignes du rital. Mais y-avait-il un lien ? Johnny avait-il besoin de culottes ? Que pouvait-on faire avec des culottes et des peignes ?

   Le magasin de chemises, situé en plein centre-ville, avait une vieille devanture comme on n’en voit plus. Toute en bois, avec une enseigne bougeant au vent et un panneau, avec quelques enjolivures, où il était noté : Quecétrisse Denise, fournisseur officiel de Charles Aznavour.

   Denise était un petit bout de femme, habillée d’une grande blouse grise et toujours en mouvement. On avait l’impression qu’elle était branchée sur du 220. Elle avait une peur-panique de tout ce qui représentait l’autorité et la police. Elle en perdait parfois les notions naturelles de vocabulaire. Aussi, accueillit-elle Charlotte avec beaucoup d’amabilité, connaissant déjà les raisons de sa visite, Radio Charmule ayant déjà fait son œuvre.

" Voilà. Madame la commissaire. J’étais en train de ranger mon stock de chemises pour hommes quand une bête monstrueuse est entrée dans le magasin. Terrifiante, énorme, avec des pattes plus grosses que l’obélisque et une gueule gigantesque. Elle bavait partout et j’ai cru qu’elle allait sauter sur moi pour me dévorer.

- Vous n’exagérez pas un peu trop. Je crois que c’était simplement un chien. Non ?

- Peut-être, Madame la commandante mais il était horrible… De toute façon, moi j’ai toujours eu peur des chiens !

- Je m’en doutais un peu, ajouta Charlotte.

- Le monstre s’est approché de moi, il m’a regardée et j’ai senti l’odeur de son haleine fétide et nauséabonde. Du coup, Madame la Caporale, je me suis évanouie.

- En fait, vous vous êtes endormie.

- C’est pareil, Madame la Générale. Et à mon réveil, ma cabine d’essayage avait disparu, démontée, volatilisée.

- Mais pour des chemises, on n’a pas besoin de cabines d’essayage ? s’interrogeât Charlotte

- Détrompez-vous Madame l’Amirale. Ici, on vend des chemises de luxe et parfois, sur mesures. Alors l’essayage est indispensable. D’ailleurs Charles venait toujours faire ses achats ici.

- Aznavour ?

- Oui, le grand Charles Aznavour. Il m’a d’ailleurs dédié une chanson… Peu de gens le savent. Mais son imbécile d’impresario n’a pas voulu laisser les paroles telles qu’elles étaient (Devant le regard étonné de la détective, elle rajouta) « Quecétrisse Denise » a malheureusement été changé en « Que c’est triste Venise ». Une honte, avouez-le ! Et pourtant Charles ne voulait pas changer…

- Bien, résumons-nous. Un chien est entré ; vous vous êtes endormie, 2 à 3 heures, je pense et quand vous vous êtes réveillée, plus de cabine d’essayage !

- Exact madame la Maréchale."

   Le mystère s’épaississait. Que venait faire une cabine d’essayage dans cette histoire ? Pour pouvoir enfiler discrètement les culottes de la Duchesse ? Mais les peignes, à quoi pouvaient-ils servir ?

   « Tudieu de crotte de bique ! ça devient compliqué ! » se lamenta Charlotte en entrant dans le cabinet ORL. Monsieur Ernest Charognard était un vieux médecin de campagne qui, pour terminer tranquillement sa carrière, avait décidé de ne soigner, pendant quelques années, que des nez, des bouches et des oreilles. En somme, il faisait office d’ORL sans en avoir pleinement le diplôme.

" Oui, Mademoiselle, c’est ça : je ne comprends pas ce qui est arrivé. S’en prendre à moi, simple ORL de province pour me voler mes poubelles… Je ne pensais pas que mes poubelles avaient de la valeur.

- Et le chien, vous l’avez vu ?

- Evidemment que je l’ai vu. Il est entré dans mon cabinet et était précédé par une drôle d’odeur. Mais, sur le coup, je me suis dit que c’était peut-être mon odorat qui déraillait… A force de soigner des gens malades, pourquoi pas. Et après… Je ne me rappelle plus rien. Le trou noir. Et à mon réveil, le chien était parti et tout était comme avant, sauf qu’il me manquait 3 poubelles.

- Et que jetiez-vous dans ces poubelles ?

- Des pansements, des restes, du matériel contaminé… Bref, du tout-venant pour un ORL.

- Et vous, par hasard, vous n’avez pas soigné Johnny Halliday ou Charles Aznavour ? Ou peut-être la Duchesse de Gromitard ou le coiffeur italien ? (Charlotte essayait de trouver un lien entre toutes les affaires)

- Non répondit le médecin. Je ne fais pas dans le show-business ou la bourgeoisie locale… Quoiqu’il m’arrive de rendre service à la duchesse en m’occupant d’une personne politique du plus haut niveau… Je n’en dirai pas plus : secret professionnel.

- Je devine. Et vous lui faites quoi à ce haut personnage politique ?

- Je lui coupe les poils du nez… Et parfois les poils des oreilles.

- Tudieu de tudieu ! Il vient voir un ORL pour les poils de son pif ou de ses esgourdes !

- Oui, Mademoiselle ! Mais ce n’est pas n’importe qui et à Paris, il est trop connu."

   Sortie du cabinet, Charlotte se dirigeât vers le stade de football. Il ne lui restait qu’une personne à interroger : Toukagéme L'Bistoul, joueur de foot mondialement connu et qui venait se reposer à Charmule-les-Croutons. Mais même s’il était en repos, l’entrainement journalier, pour un joueur de ce niveau, était nécessaire et pour cela, le conseil municipal avait décidé de prêter le stade à Toukagéme.  La voyant arriver, le footballeur pensa qu’il était en présence d’une admiratrice qui voulait un autographe. Après l’avoir mis au courant de sa démarche, Charlotte alla droit au but :

" Que vous a-t-on volé, monsieur L’Bistoul ?

- Mes chaussures ! Mes chaussures à crampons ! les plus belles, les meilleures et celles avec lesquelles j’ai le plus de souvenirs !

- Des souvenirs ?  Avec des chaussures de foot ?

- Bien sûr ! Avec mes Adidas, j’ai attrapé mon premier carton rouge en ligue 1. J’avais foutu un grand coup de crampons sur la tête à Lionel Messi et je lui ai fendu le crâne. Quel bonheur et quel souvenir. Bien sûr, j’ai été exclu du terrain mais j’ai gardé mes chaussures, sans les laver, rien que pour avoir le plaisir de regarder un morceau du cuir chevelu de Messi."

   Charlotte se dit qu’elle ne comprendrait jamais le monde du football. A peine sorti du stade, une voiture de gendarmerie la rejoignit. On lui apportait la liste des propriétaires de grands chiens. Il n’y en avait que 5. Et elle se mit en route pour interroger ces 5 suspects potentiels. En fin de journée, elle en avait rencontré 4. Rien d’intéressant et rien de suspect. Par acquis de conscience, elle décida d’aller voir le dernier de la liste.

   Un vieux monsieur, tout rabougri, lui ouvrit la porte. Derrière lui, un grand chien aboyait.

" Tais-toi Salma ! Vas te recoucher dans la grotte ! - puis s’adressant à Charlotte - Vous désirez ?

- Je vous dérange peut-être, monsieur Barbotine ?

- Non… Je suis juste en train de m’occuper de ma collection."

- Ah bon ! Vous êtes collectionneur ?

   Le vieux monsieur baissa les yeux.

" Je suis hirsutolophile.

- C’est-à-dire ?

- Je collectionne les phanères… Les poils, les cils, les cheveux. J’ai commencé ma collection à l’âge de 10 ans.

- Vous collectionnez les poils !! (Charlotte était abasourdie. Elle savait qu’on pouvait collectionner beaucoup de choses mais n’avait jamais imaginé une collection de poils).

- Et vous êtes nombreux à faire ça ?

- Non, je suis le seul au monde. Je suis le seul hirsutolophile connu et répertorié. Mais j’ai une collection unique et magnifique dont je suis très fier. Venez avec moi ; je vais vous montrer.

  Il était fou de joie de pouvoir montrer son trésor. Ils passèrent dans une pièce attenante au bureau. Il y avait là des dizaines de meubles-vitrines éclairés et monsieur Barbotine, rayonnant de bonheur commença à faire une visite guidée.

" Là, vous avez la vitrine des barbares : un cheveu de Attila… Vous voyez, il avait les cheveux longs. Ici, un cheveu de Ragnar Lodbrok, le plus grand chef viking… Lui aussi avait les cheveux longs… Là, un poil de torse de Sitting Bull… Ne me demandez pas comment je l’ai eu, c’est un secret. Dans cette autre vitrine, j’ai les grandes personnalités françaises."

   Chaque pièce de collection était étiquetée avec le nom de la célébrité et la date d’entrée dans la collection. Et il y en avait des milliers.

" Une de mes pièces les plus rares : un poil de Napoléon… Ce n’est pas un cheveu, ni un poil du nez… En fait, je ne sais pas où il a poussé mais on est sûr qu’il vient de Napoléon. Là, un poil du dos de Jeanne d’Arc. Oui, je dis bien Jeanne d’Arc… Il parait qu’elle était poilue comme un singe. A côté, un cheveu de Molière qu’on a retrouvé coincé dans sa perruque.

- Mais où sont vos dernières trouvailles, monsieur Barbotine ? (Charlotte commençait à entrevoir une explication à cette étrange affaire)"

   D’un seul coup, monsieur Barbotine se ferma comme une huitre. Son sourire avait disparu et la présence de la détective le gênait de façon évidente. Devant le regard insistant de son invitée, il céda quand même et l’emmena devant une vitrine où les quelques poils étalés n’étaient pas étiquetés. 

" Alors racontez-moi monsieur Barbotine. Ça, ce sont les poils de qui ? Je suppose que vous les avez dérobés dernièrement ? Est-ce que je me trompe, monsieur le cambrioleur ?"

   Tout penaud, le vieux monsieur hocha la tête.

" Dans mon ancien métier, j’étais chimiste et j’ai découvert, un jour, la composition d’un gaz soporifique. J’ai même déposé un brevet. Et j’ai découvert, en plus, que certains chiens produisaient ce gaz en grande quantité, surtout quand ils dorment dans un endroit frais. En laboratoire, on a appelé ces chiens les CQP, les « chiens qui proutent ». S’ils émettent des gaz à coté de vous, vous vous endormez immédiatement. Salma est une CQP et de la plus haute lignée. Et du coup, je la fais dormir dans une grotte que j’ai dans le jardin. La température y est vraiment très fraîche.

- Et vous vous en êtes servie pour compléter votre collection ?

- Oui. Il me manquait certaines pièces rares. Salma entrait chez les gens, faisait un prout, les endormait. Ensuite, je n’avais plus qu’à me servir… Sans faire de mal à personne."

   Puis montrant la dernière vitrine

" Là, vous avez un poil de Duchesse. Inutile de vous dire où je l’ai trouvé. Là, un cheveu de Johnny, resté dans un peigne du coiffeur. Celui-ci est un poil d’Aznavour resté collé dans la cabine d’essayage. Ces tout petits poils, ce sont les poils du nez du président de la république, grand ami de la Duchesse et fréquentant le docteur Charognard et enfin, summum de ma collection, 3 cheveux de Messi trouvé sur la semelle à crampons de Toukagéme L’Bistoul . J’ai enfin complété ma collection. Ce n’est pas beau ça !

- Monsieur Barbotine je vous arrête pour asphyxie volontaire, vol avec effraction et recel d’objets précieux."

   Ainsi se termina l’affaire que les journaux appelèrent « L’affaire des CQP ». Monsieur Barbotine passa devant le tribunal correctionnel de Grandville-sur-marne. Il fut condamné à rendre les objets volés à leurs propriétaires. De plus, il devait murer la grotte qui abritait Salma et fut obligé d’acheter une niche en bois qu’il mit dans le jardin. Ensuite, l’affreux délinquant devait rendre les poils à ceux qui les avaient produits. La Duchesse refusa ; Johnny et Charles nous avaient malheureusement quittés ; le président de la République affirma qu’il ignorait tout de cette affaire et qu’il ne connaissait pas d’ORL et enfin, Lionel Messi récupéra ses cheveux et les vendit 350 000 dollars aux enchères de Las Vegas.

   Et pour terminer, monsieur Barbotine devait faire soigner Salma pour éviter qu’elle continue à endormir les gens. Ce qu’il fit mais le traitement ne fut pas entièrement efficace : les prouts de Salma n’endormaient plus mais ils sentaient mauvais, très mauvais, excessivement mauvais.

   Ainsi se termina, encore une fois avec succès, la nouvelle enquête de Charlotte Holmes. Elle fut gratifiée par le ministère de l’intérieur et le président de la République lui fit envoyer une boite de chocolats pour la remercier de sa discrétion. Par contre, un certain Giovanni, ayant trouvé son adresse, la poursuivait dans les rues de Sassenages, en criant « Bellisima Amore ».

   Tudieu de crotte de bique. Même Sir Arthur Conan Doyle n’aurait pas pu inventer une si belle histoire.

04/09/2022: Histoire pour petits/ La grotte de chien/ Pour Charlotte

Note de l’éditeur :

Sir Arthur Conan Doyle est l’écrivain anglais qui a créé Sherlock Holmes, en vente dans toutes les bonnes librairies.

 

Hervé Poher dit "Papy Guînes"

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Published by popo - dans contes pour petits
5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 22:14

Le guérisseur

Un conte pour Paul.

Par Hervé Poher

04/09/2022: Histoire pour petits/ Le guérisseur/ Pour Paul

    Et nous voilà de retour au pays des gens bizarres. Vous savez ce pays où des gens bizarres vivent dans des endroits bizarres, parlent d’une façon bizarre et font des choses bizarres. En résumé : ils sont trop bizarres !  Notre héros légendaire, incomparable et exemplaire, s’appelle PMP, c’est-à-dire Paul Méchant Prout. Dans les épisodes précédents, vous avez pu juger de son courage, de sa vaillance, de son intelligence, de son acuité, de ses circonvolutions (ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire) et de la puissance de ses productions intestinales… Mais ce nouveau récit va surtout vous conter la folle épopée du fils de PMP, celui que tout le monde connait sous le nom de 3P. Pourquoi 3P ?

   Simplement parce que, lors de sa naissance, personne n’avait prévu de prénom. PMP avait épousé, après un coup de foudre tonitruant (sur lequel nous reviendrons ultérieurement), une jolie bizarre portant le doux nom de Tranchede Rosbif. Elle était jolie, blonde comme un champ de patates (dans ce pays-là, les champs de patates sont jaunes), câline et courageuse comme pas une, ni deux, ni trois. Oui, tout cela… Car elle faisait le ménage, la vaisselle, la lessive, le bricolage, les comptes de la case, construisait le mur d’enceinte, s’occupait des animaux, faisait la plantation et la récolte des légumes. En un mot comme en cent, elle faisait tout. Pendant ce temps-là, PMP faisait le reste : il se grattait la tête afin de trouver des poux et de les manger ou il préparait l’apéro. Les tâches étant équitablement réparties, ils pouvaient vivre dans le bonheur.  Après quelques mois de ce bonheur exemplaire, PMP et Tranchede furent heureux d’annoncer à la tribu qu’un bébé allait arriver.

   Dès lors, le couple de futurs parents préparât la venue de ce nouveau trésor et, de son coté, toute la tribu était heureuse à l’idée de faire la fête. Mais, une malédiction devait planer au-dessus de la case de PMP. En effet, alors que celui-ci venait juste de partir pour une partie de chasse aux tricholédons, Tranchede annonça qu’elle allait accoucher et qu’elle ne pouvait pas attendre. Et le bébé   arriva… plus vite que prévu. Et PMP n’était pas là ! Or Tranchede et PMP n’avait pas choisi de prénom pour la ou le futur nouveau-né. Or il fallait impérativement prendre une décision. On décida donc de réunir un conseil de famille afin de donner un prénom à ce petit garçon.

   Les discussions furent rudes : Grolion, le grand-père voulait qu’on l’appelle Grolion, comme lui ; Cérumen Endiablé, sa grand-mère, voulait, elle, qu’on l’affuble du joli nom de Gazoulli Parfumé. Personne ne fut d’accord et Grolion affirma que ça ne faisait pas assez sérieux. « On n’imagine pas un chef de guerre qui s’appellerait Gazouilli Parfumé. » avait-il asséné d’un air sévère qui ne souffrait aucune contestation. Rototo mouillé, le frère de PMP, avait bien pensé à Machicouli Rotoalternatif mais c’était un peu trop compliqué. Grokako Pustuleux et Moumoule Parapide, les 2 sœurs avaient décidé, elles, de ne rien dire. De toutes façons, on n’écoutait jamais leurs avis. On avait peu de considération pour les femmes dans cette famille. L’intellect et le bon sens étaient toujours du genre masculin (ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire).

   Finalement, en désespoir de cause et devant la mauvaise volonté du clan, Tranchede décida d’appeler le bébé Paul, comme son père. Mais figurez-vous qu’à peine Tranchede avait-elle annoncé sa décision que Grolion, après avoir bien examiné son descendant, s’écria d’un air catastrophé : « Regardez ! ses pieds sont tout petits ! » Effectivement, les pieds de Paul étaient très petits… Comme chez tous les bébés d’ailleurs. Immédiatement, un conseil de famille se réunit à nouveau et, après une concertation un peu houleuse, on décida d’un commun accord que son nom entier serait Paul Petit Pied, c’est-à-dire 3P.

   L’enfance de 3P fut banale, oui tout à fait banale. Il grandissait comme les autres, mangeait comme les autres, jouait comme les autres, faisait pipi comme les autres et ses pieds grandissaient comme les pieds des autres… Bref, il était comme tous les autres. Sauf qu’il avait un don, comme un pouvoir surnaturel, quelque chose d’extrêmement rare : il chantait comme un pied (certains diront comme une casserole). Était-ce parce qu’il avait des pieds plus petits que normale ? Était-ce parce qu’il s’appelait Petits Pieds ? En tous cas, sa voix faisait tellement mal aux oreilles que celui qui osait l’écouter entrait dans une rage folle et incontrôlable. Oubliant toute retenue et toute mesure, il partait en courant et en hurlant. Et chose encore plus étrange : les dames trouvaient, elles, qu’il chantait très bien et tombaient sous le charme de sa voix de crooner. De fait, c’étaient une évidence : seuls les hommes étaient martyrisés par les chants de 3P. Pourtant, dans l’ensemble des malades de la tribu, certains hommes semblaient résister : quand 3P chantait, ils n’étaient pas effrayés par les chants ni charmés par sa voix suave. Ils étaient comme totalement indifférents. Ils étaient peu nombreux, certes, mais cette résistance aux traitements était un mystère.

     On avait consulté le sorcier du village : pas d’explication ; puis le chaman de la tribu : pas de solution. Personne ne comprenait pourquoi 3P avait une voix qui avait un effet différencié selon les gens. Gropaté Encroute, le sorcier, résuma la situation ainsi : « Ton auditoire se résume à 3 catégories : la plupart des hommes sont effrayés par ta voix ; certains, mais ils sont peu nombreux, y sont totalement insensibles ; par contre, les femmes, elles, sont comme envoutées. C’est vraiment bizarre ». Et, en plus, 3P n’avait que 14 ans. Que se passerait-il quand il en aurait 40 ?

   Mais quel était donc l’intérêt de rendre les hommes comme fous, me direz-vous ? C’est le sorcier Gropaté Encroute qui souleva le problème et qui fit une démonstration lumineuse. En effet, dès que 3P se mettait à chanter, les hommes se levaient et partaient en courant. Oui, uniquement les hommes !... Même les paralytiques qui, d’habitude, vivaient en charrette roulante ; même les culs-de-jatte (qui n’avaient plus de jambes) partaient en courant ; les aveugles, les handicapés ; ceux qui étaient gravement malades et qui se tordaient de douleur se levaient d’un seul coup, n’avaient plus mal et partaient en courant. Bref, la plupart des hommes, grands ou petits, blancs ou noirs, malades ou bien portants, partaient en courant dès que 3P entamait une chanson. Sauf, comme le fit remarquer Gropaté Encroute, certains résistants.

   A ce phénomène étrange, Gropaté Encroute n’avait pas d’explication convaincante : il évoqua un problème d’hormone mâle, de sensibilité acoustique, de prédisposition génétique… Mais rien n’était flagrant. Faire des examens complémentaires s’avéra nécessaire.

   On emmena 3P dans une clinique troglodyte où certaines matrones exerçaient l’art d’explorer le corps humain… Sachant que les résultats étaient bien souvent limités. Une matrone appelée Hyérème lui fit ouvrir la bouche et à l’aide d’une torche essaya d’examiner ses cordes vocales. Au passage, elle lui brula les poils du nez. Rien à signaler. Une autre exploratrice dénommée Secanére lui tapa sur le thorax avec une grosse pierre afin de jauger sa capacité respiratoire. Une dernière enfin, le plus brutale, celle qu’on surnommait Colos Copi lui enfonça un énorme roseau dans le derrière afin de regarder ses intestins et de voir si les sons étranges ne venaient pas de là. Elle ne réussit qu’à provoquer quelques petits prouts nauséabonds. Le bilan général, présenté à Gropaté était strictement normal et on n’avait aucune explication à ce étrangeté vocale  

   Mais devant l’effet remarquable des chansons de 3P sur les gens malades, le sorcier décida quand même qu’il avait enfin trouvé un guérisseur. « Tu es désormais le guérisseur dynamique, opocéphale et rotatoire d’un nouveau monde ! » (Ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire). Il faut savoir que le Pays des gens bizarres souffrait, depuis plusieurs années d’une désertification médicale : on ne trouvait plus de guérisseur, de rebouteux ou de magnétiseur. Impossible de se faire soigner. Tous les gens qui auraient pu faire office de guérisseurs partaient vers d’autres pays où ils étaient mieux payés : Le Tiboukistan, le Granboubalan ou le Teplumaran. La guérison d’une grippe oricéphale au Pays des gens bizarres vous rapportait 1 paquet de graines de carouble ; la même chose au Tiboukistan, c’était 2 poulets, une pastèque et 3 kilos de noyaux de cerises. Cela valait quand même la peine de s’exiler. Mais ce phénomène d’expatriation médicale n’était pas sans créer des problèmes. En effet, au Pays des gens bizarres, tout le monde dénonçait le manque de guérisseurs et accusait les sorciers de ne pas faire assez de formations. Dans les pays voisins, certains dénonçaient, par contre, l’immigration médicale trop intense et quelques partis extrémistes affirmaient qu’on devait supprimer les poulets et les noyaux de cerises pour les soignants venus de l’étranger et que la nation ne pouvait plus supporter un tel afflux d’étrangers. 

   Mais le Pays des gens bizarres avait enfin trouvé un guérisseur. Il était un peu jeune, certes, mais, comme dit l’autre, « la valeur n’attend pas le nombre des années » !

" Maintenant que tu es officiellement le seul guérisseur de la tribu, il va falloir que tu apprennes vraiment ton métier (Gropaté Encroute avait pris un air sérieux pour dire cela) Bien sûr, ta façon de chanter est le meilleur remède à presque toutes les maladies humaines… Même si tu ne guéris pas les femmes… Mais, d’un autre côté, on peut se poser la question :  les femmes sont-elles humaines ?  Il va falloir quand même que tu ailles voir un maître sorcier afin de connaitre certaines choses :  la cause des maux humains, le pourquoi de leurs tourments et quelques procédures de guérison, quand ta chansonnette ne marche pas. Ce maître sorcier s’appelle Pacépaparla et habite dans le village d’à côté. Il connait toutes les vraies recettes de guérison.

- Des recettes… Mais je ne sais pas faire la cuisine !

- Non, ne t’inquiète pas, petit. Ce sont des recettes de manipulations, incantations, soupes, décoctions ou infusions qui te permettront d’améliorer ta pratique de l’art médical… Un complément à la chanson… Pour soigner les rebelles… Un guérisseur ne doit laisser personne au bord du sentier."

   Après avoir dit au revoir à toute sa famille, 3P pris le chemin de l’ouest avec son baluchon, à la rencontre du savoir scientifique. Gropaté Encroute décida de l’accompagner jusque la sortie du village et ils quittèrent la demeure familiale sous les ovations des quelques guerriers présents. Bien entendu, toute la famille pleurait de le voir partir ainsi, pour si longtemps et sa grand-mère Cérumen Endiablé lui avait donné, comme porte-bonheur, un os de cachalot, pour le protéger des mauvaises intentions.

   Mais arrivés à la sortie du village, quelle ne fut pas leur surprise de tomber groin à groin (car chez les guérisseurs et les sorciers, on ne dit pas nez à nez) avec un groupe de femmes, toutes habillées avec un gilet rose, et brandissant des pancartes. On pouvait y lire « Nous aussi, on a droit à la santé » ou « « Assez des passe-droits masculins » ou encore « SNCF= Soignez-nous comme femmes ». Certaines marchaient et faisaient le tour d’un rond-point, d’autres étaient carrément assises sur le rond-point. Gropaté s’approcha de l’une d’elles :

" Qu’est-ce qui se passe Sauterelle Excitée ? Pourquoi cette manifestation ?

- Y’en a marre de cette discrimination par le sexe ! Nous aussi, on veut être soignées par 3P. Pourquoi peut-il guérir les hommes et pas les femmes ? C’est encore une injustice intolérable et le peuple des femmes ne la supportera pas. Le sorcier pour tous !"

   Et toutes les femmes reprirent en chœur « Le sorcier pour tous ! ».

" Tant que nous n’aurons pas satisfaction, nous occuperons le rond-point. Nous ne ferons plus la cuisine, nous ne laverons plus le linge et, en plus, (elle prit un air de défi et regarda Gropaté droit dans les yeux) nous boirons du vin, beaucoup de vin (ce qui est strictement interdit pour les femmes au Pays des gens bizarres). La classe virile dominante n’imposera plus un diktat nauséabond et chromosomique ! (Ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire). C’est le début de la révolution. Nous aussi, on a le droit à la santé. Le sorcier pour tous !" 

   Gropaté était effrayé : il n’avait jamais vu un tel mouvement social dans la tribu. Et si elles bloquaient le rond-point, on ne pourrait plus sortir les animaux, les charrettes à bras et les meules de foin. Plus grave encore : si elles restaient sur le rond-point, qui ferait le travail à la maison ? L’heure était grave mais la tension était aigüe (ou la tension était grave et l’heure était aigüe… Ca ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire...

" Allez 3P. Vas faire ton initiation. Moi, je m’occupe de ces furies. (Et prenant un ton plus bas) Essaie quand même de trouver un remède pour les femelles… On ne sait jamais, ça peut servir !"

   Et pendant que Gropaté s’occupait de la meute révolutionnaire, 3P prit le chemin de l’ouest. L’aventure commençait.

   Après 5 heures de marche, il arriva dans le village d’Oucéquetuva, dirigé par le grand chef Moivélaba et le sorcier Pacépaparla. Ce sorcier était réputé et respecté. Tout le monde l’appelait « Maitre ». Son savoir était immense mais il refusait, depuis longtemps, de révéler ses trucs et astuces. Pourtant, quand il apprit la venue de 3P, il accepta de le recevoir.

" Jeune 3P. Si je veux bien te rencontrer, c’est uniquement en souvenir de ton grand-père Grolion. Il a été un de mes bons amis et nous avons fait la fête ensemble. Alors, que puis-je pour toi jeune élève ?

- Voilà, Grand Maitre. J’ai un remède formidable pour guérir les gens : je chante… Très mal, je veux bien le reconnaitre, mais ça guérit tout le monde… Enfin presque tout le monde ! Car certains hommes, mais ils sont peu nombreux, sont insensibles à mon traitement et, ce qui est encore plus étonnant, les femmes ne sont jamais guéries…  Et comble de bizarrerie, elles trouvent ma voix délicieuse et envoutante. Il y a là une problématique intergénérationnelle et ostentatoire qui nous échappe (ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire)

- J’ai déjà connu ça, déclara d’un air solennel Pacépaparla . Viens avec moi, jeune élève, je vais t’apprendre certains trucs."

   Et ils sortirent pour rejoindre la case clinique où on soignait les habitants d’Oucétuva qui en avaient besoin. C’était la cour des miracles. Il y avait là des manchots, des culs-de-jatte, des borgnes, des aveugles, des gens estropiés et couverts de bandages sanglants, des sans-dents, des sans-oreilles, des sans-nez, des gros ventres, des sans ventres… Toutes les maladies du monde étaient réunies là.

" Essaie un peu ton traitement, jeune élève - dit Pacépaparla avec un petit sourire en coin."

   Après avoir pris longuement sa respiration, 3P se lança dans une chanson mélangeant le yodel tyrolien, l’ioule sénégalaise, le bel canto finlandais et le cri du porc qu’on tente d’attraper par la queue. C’était une chanson bizarroïde, sans vraie mélodie, sans vraies paroles et qui laissait échapper des sons stridents semblables aux hurlements de Groskako Pustuleux quand on l’oblige à prendre un bain. En résumé, c’était une horreur.

   Immédiatement, presque tous les malades se levèrent, même ceux qui n’avaient plus d’oreilles. Les culs-de-jatte fuyaient à toutes jambes, les manchots essayaient de se frayer un passage à tour de bras, les aveugles qui n’avaient pas vu le coup venir fermaient les yeux et tournaient en rond. C’était une cohue indescriptible. Pacépaparla resta stoïque au côté de 3P. Il faut dire qu’il avait pris la précaution de s’attacher avec une corde à un énorme poteau. Si bien que dès le début du tour de chant de 3P, il voulut s’enfuir mais ne put pas, étant retenu par le lien. 

   Quand 3P arrêta, il ne restait que 4 personnes : Pacépaparla, une jeune infirmière qui regardait 3P avec des yeux énamourés et 2 malades alités. Eux n’avaient pas bougé et n’avaient même pas semblé être gênés par les vocalises de 3P.

   3P et Pacépaparla, une fois détaché, s’approchèrent des 2 malades.

" Dites-moi maître. Pourquoi ces 2 malades n’ont-ils pas réagi à ma chanson.

- Je crois en deviner la raison, jeune élève. Et c’est quelque chose que je subodorais, tout en le suspectant de façon divinatoire et interrogative (ça ne veut pas dire grand-chose mais ça fait littéraire). Vois-tu ces deux-là, souffrent du ventre.  Il y en a un qui a mangé trop de fayots et bu trop de bière. Il s’est donc attrapé une inflammation carabinée de l’intestin. Il a mal au ventre en permanence et a des coliques de Titan.

- Colique de Titan ? C’est quoi ça, Grand Maître ?

- Des douleurs atroces dans le bidon… Si tu veux devenir un grand guérisseur, jeune élève, tu dois apprendre les termes savants : Coliques, vapeurs, hoquet, cirrhose...

- Grand Maître, on dit que dans ma famille, on est spécialiste du ventre. D’ailleurs, mon père s’appelle Paul Méchant Prout.

- Je sais élève ! Mais il aurait dû s’appeler simplement Paul Simple Gaz ! Cela est plus dans les termes de la faculté.

- Ça fait PSG… C’est bizarre comme nom ! PMP, ça lui va mieux.

- Tu as sans doute raison mais revenons à nos malades. Le second malade a fait une grosse dépression. Du coup, il s’est jeté sur la bonne nourriture : il a mangé du caviar, des homards, des chapons, de la volaille à tire-larigot, des gâteaux à ne plus savoir qu’en faire et du vin à ne plus savoir avaler. Si bien qu’il s’est payé, lui aussi une bonne inflammation des boyaux du ventre. 

-  Il n’a pas été raisonnable !

- Non, mais il avait les boyaux de la tête qui étaient dérangés. Voilà, ces 2 malades souffrent du ventre… On les a mis à la diète : plus rien à manger depuis 1 mois. Mais ils ont encore mal au ventre. En plus, ils crèvent de faim … Mais comme dit le dicton : « Ventre affamé n’a pas d’oreille » … Du coup, comme ils sont affamés, ils n’ont pas entendu ta chanson. Mais si tu es un vrai guérisseur, tu vas pouvoir les soulager.

- Apprends-moi vite, Grand Maître.

- Pose tes mains sur le ventre de celui-ci et répète après moi :

  « De ce gros ventre, tu sortiras,

     Bidon d’hippopotame, tu oublieras,

     Boyaux d’éléphant, tu renieras,

     Rototo de baleine, tu donneras. »

   Obéissant au grand maître, 3P s’appliqua et dès qu’il eut fini son incantation, le malade fit un énorme renvoi puis il ouvrit les yeux et s’écria :

" Je n’ai plus rien ! Je n’ai plus mal… Vite, j’ai faim !"

   Il se leva et partit tout courant. 3P se précipita vers le second malade et appliqua la même procédure. Même procédure, même résultat.

" Tu es devenu un vrai guérisseur, jeune élève. Maintenant, il nous faut régler le problème des femmes. Tu as vu que notre jeune infirmière n’a pas bougé. Comme toutes les femmes d’après ce que tu disais. Et que paradoxalement, elles trouvent ta voix mélodieuse et tes chansons fort plaisantes.

- C’est cela Grand Maître. Qu’elles soient malades ou non, elles me trouvent beaucoup de qualités et je deviens rapidement leur idole.

- Jeune élève, je pense que le seul traitement valable, dans ce cas, ce sont les bisous.

- Les bisous ! Mais ce n’est pas un traitement de guérisseur ! Je ne vais quand même pas donner des bisous à toutes les dames malades ?

- Pourquoi pas ! Et même aux dames en bonne santé. Je suis sûr que c’est un excellent traitement contre les maladies. Tu chantes pour guérir les hommes et tu donnes des bisous pour guérir les femmes.

   3P était abasourdi, horrifié, tétanisé, comme momifié. Son cerveau se mit en ébullition, son cœur battait la chamade et ses doigts se crispaient. Comment pouvait-on demander à un guérisseur qui, par définition, combine la science, l’audace et l’empathie… Comment pouvait-on lui demander de ne soigner qu’avec des bisous… Et si c’était le cas, quelle tarification appliquer : 2 poulets le bisou… 9 sardines le bisou… 7 plumes de hibou le bisou ? De plus, quel sera le taux de remboursement de la sécurité sociale de la tribu et sous quelle forme ?"

   Devant l’air accablé de 3P, Pacépaparla éclata de rire :

" Allons jeune élève, traiter par le bisou n’est pas ce qui est le plus désagréable. Je dirais même que tu as beaucoup de chance de devenir le grand spécialiste de la bisouthérapie."

   Malgré ces paroles réconfortantes, 3P n’était pas sûr du sérieux de cette façon de faire.

   Et, après avoir dit au revoir au Grand Maitre, il reprit la route du village. Il avait hâte de retrouver ses parents et voulait raconter sa mésaventure à Grospaté Encroute. Lui saurait sans doute le conseiller de façon plus intelligente. Plus il y pensait, plus il doutait de l’état cérébral du Gand Maître. Si les maladies des femmes se guérissait uniquement par les bisous, ça se saurait !

   Arrivé devant le village, il fut arrêté par une grosse matrone habillée d’un gilet rose.

" Halte-là ! Où vas-tu garnement ? Ici c’est le rond-point de la revendication, réservé aux femmes en rébellion, pour le droit à la guérison sans recevoir des coups de bâton. Qui es-tu ?

- Je suis 3P, le guérisseur."

   A ces mots, la matrone devint rouge écarlate et appela les autres gilets roses.

" Il est revenu ! Le guérisseur aux petits pieds est revenu. Prévenez- toutes les femmes du rond-point ! Branle-bas de combat ! La lutte va reprendre et on va le sacrifier comme emblème de notre juste cause. Nous avons le droit à la guérison comme tout le monde."

   A ces mots, 3P fut entouré par un essaim de damoiselles qui le ligotèrent et l’amenèrent vers un bucher. Elles allaient le faire rôtir comme sur un barbecue.

   Un superbe gilet rose se plaça juste devant lui. Elle était grande, blonde, avec des yeux d’un bleu azuréen, était vêtue d’une peau de panthère et tenait à la main un énorme os de mammouth (l’os de mammouth est un signe d’autorité et n’est transporté que par les chefs ou les cheffes).

" Alors, c’est toi le fameux guérisseur aux petits pieds ? C’est toi qui arrives à ne soigner que les hommes ? C’est toi qui procèdes à une discrimination sexuelle intolérable et inadmissible… Et c’est toi que nous allons immoler pour nous venger de ce comportement sexiste de la médecine."

    N’écoutant que son courage et sa frayeur, 3P se lança dans une tirade digne du plus grand des avocats, expliquant d’où il venait, ce qu’il avait fait et laissant entrevoir qu’il avait une solution à ce problème de guérison féminine. La cheffe qui s’appelait Biquinisanbretelle regardait 3P d’un air dubitatif, pour ne pas dire méfiant.

" Bizarre ton truc ! Tu vas nous le prouver tout de suite. Qu’on amène toutes les camarades gilets roses qui sont malades. Et on verra bien si le guérisseur est efficace !"

   Et rapidement un attroupement se fit devant 3P. Il y avait là une migraineuse, une ballonnée, une qui avait des poux, une autre qui avait un gros rhume, une autre, enfin, qui tombait dans le coma chaque fois qu’on lui marchait sur les pieds. Elles étaient plus de cinquante à attendre un traitement radical. Et 3P commença à donner des bisous. Certaines essayaient de tendre leurs lèvres mais 3P embrassait le front ou la joue. L’effet était impressionnant : guérison immédiate et complète. La femme arrivait presque mourante ; elle repartait en gambadant et en chantant. On nota un seul échec : une femme paralysée ne fut pas guérie par le bisou. Après enquête, il s’avéra que cette femme était un homme déguisé en femme. A l’annonce de cette supercherie, 3P se mit à chanter et du coup, la paralytique se leva et partit se rhabiller en homme.

   Voici comment se termine l’histoire de 3P. Vous savez maintenant comment la médecine a fait de grands progrès. La tribu avait enfin un vrai guérisseur avec des remèdes spécifiques pour chacun. Seul inconvénient : la plupart des dames qui venaient se faire soigner par 3P tombaient amoureuses du guérisseur et elles voulaient toutes l’épouser. Pour éviter d’être harcelé en permanence, 3P avait réquisitionné sa grand-mère Cérumen Endiablé qui, postée à la sortie du cabinet de consultation, assénait systématiquement un grand coup de poêle à frire sur la tête de la femme qui venait d’être guérie. Ce n’est pas très médical mais, au moins, au souvenir de coup sur la tête, elle hésitait à revenir sans arrêt chez 3P pour obtenir des bisous.

     Et 3P fut reconnu dans tout le pays des gens bizarres comme « Chanteur casserole et docteur Bisous ».

Même Hippocrate n'aurait pas pu inventer une telle histoire...

04/09/2022: Histoire pour petits/ Le guérisseur/ Pour Paul

Note de l’éditeur : Hippocrate… Trop compliqué à expliquer 

 

Hervé Poher dit "Papy Guînes"

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Published by popo - dans contes pour petits
5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 09:38

Mon ami Le Cloporte.

Une histoire pour Margaux.

04/09/2022: Histoire pour petits/ Mon ami le cloporte/ Pour Margaux

   Madame Margaux travaillait depuis 20 ans à la foire de Chapelure-sur-Argent. Elle tenait l’attraction la plus célèbre et, il faut le reconnaitre, gagnait très bien sa vie. Les gens qui venaient à son stand étaient de tous les horizons : des femmes délaissées, des investisseurs en bourse, des hommes politiques inquiets pour leur avenir, des enfants qui travaillaient mal à l’école, des pénitents un peu joueurs ou des joueurs impénitents, des futurs PDG ou des « bientôt chômeurs » et, bien souvent, de simples curieux qui acceptaient de payer 10 euros pour consulter Madame Margaux. Il faut dire que sa disponibilité, son efficacité et son renom avaient franchi les frontières. On venait la consulter du fin fond de l’Europe. Madame Margaux était une voyante extralucide, c’est-à-dire qu’elle lisait l’avenir dans la boule de cristal, dans le marc de café et dans les lignes de la main. Parfois même, elle montrait des talents de médium et pouvait converser avec des fantômes… Du moins, elle le faisait croire car Margaux savait pertinemment que les fantômes n’existent pas mais elle faisait semblant d’entendre des voix ou de voir des spectres. Et les gens la croyaient car de tous temps, les gens ont aimé croire aux choses étranges et fantasmagoriques.

   Un jour de grande affluence, il y avait, devant le chalet de Margaux, une queue d’au moins 20 personnes. Tous ces gens attendaient, patiemment. Sachant qu’il fallait au moins 10 minutes par client, pour les derniers arrivés l’attente allait s’avérer bien longue. Mais tout se passait dans le calme et la bonne humeur. Quand, tout à coup, on vit surgir un petit bonhomme qui osât dépasser tout le monde. Un chapeau de cow-boy, des binocles, une petite barbichette blanche, un âge bien avancé, une canne à la main et une redingote qui lui arrivait jusqu’aux chevilles. Bref, comme une caricature de vieux directeur de fabrique de savon. Et allègrement, faisant fi de toutes les protestations, il se mit en tête de la file d’attente.

" Espèce de vieux machin ! Tu ne peux pas faire la queue comme tout le monde ? Non mais on aura tout vu. Vieux déglingué ! Je vais te foutre une sacrée torgnole, tu vas voir ! "  

   Celui qui avait proféré cette menace était un grand baraqué avec une tête énorme comme son camion de 15 tonnes et des muscles sur les bras aussi gros que des boules de bowling. Autour de lui, la plupart des gens râlaient et demandaient que le vieux aille derrière et attende son tour comme tout le monde. En entendant un tel brouhaha, Madame Margaux sortit de son chalet et réclama une explication. Le malabar la lui donna et empoignant le vieux monsieur à son col de redingote, il le souleva de terre en criant : 

" Moi, le vieux schnock, je vais l’envoyer en l’air et je vais le transformer en satellite ! 

- Calmez-vous Monsieur. Il doit bien avoir une solution… Dites Monsieur, pourquoi voulez-vous passer avant tout le monde ? demanda Margaux en se penchant vers le petit homme. 

- Parce que c’est urgent, Madame Margaux. Je ne peux pas attendre… J’ai besoin de votre aide immédiatement. C’est une question de vie ou de mort.

- Non mais je t’en foutrais des « de vie ou de mort ». Je m’en vais te faire une tête au carrée que tu ne pourras plus entrer dans ta voiture, espèce de vieux crouton.

- Calmez-vous Monsieur… Tenez, j’achète la place."

   Et il sortit un gros paquet de bouchées au chocolat et distribua une poignée de bouchées à chacune des personnes attendant devant le chalet. A la vue de cette friandise, les esprits se calmèrent et même le camionneur accepta de céder sa place. On ne soupçonne pas la puissance du chocolat !  Et du coup, le petit monsieur entra dans le chalet avec madame Margaux.

" Madame, dit-il. On m’a conseillé de vous consulter. Il parait que vous êtes la voyante-médium la plus extraordinaire et la plus puissante de l’Europe.

- Il ne faut pas exagérer… La plus extraordinaire du pays, peut-être… Mais pas forcément de l’Europe… Quoi que…

- Voilà, il faut que vous m’aidiez."

   Margaux était tout ouïe. Et le vieux monsieur commença son récit.

" Je m’appelle Adémole de Champoux, de la famille des Champoux-Champoux, elle-même issue des Champoux-Champoux-Champoux. Mon arrière-arrière-arrière-grand-père était un inventeur célèbre : il a inventé les chaussettes à trous.

- Des chaussettes à trous ! C’est imbécile ce truc-là remarqua Margaux.

- Non, c’est pour faire respirer les orteils. D’ailleurs, il a fait fortune avec ces trous. J’ai hérité du château qui se trouve à la sortie de la ville. Et je l’avoue, je suis très, très riche. Mais ce n’est pas cela mon problème. Figurez-vous que l’autre soir, un cambrioleur est entré dans mon usine. Or moi, par hasard, j’étais encore dans mon bureau en train de manger un hamburger. Quand j’ai entendu du bruit, j’ai cru qu’il en voulait à mon argent et qu’il allait vider mon coffre-fort. En fait, en m’avançant discrètement près de lui, j’ai découvert que ce cambrioleur était un vrai saboteur, un terroriste : il était en train de repriser les chaussettes que nous avions en stock… Et, ce salopard, faisait disparaitre les trous… Tous les trous des chaussettes. Et des chaussettes à trous qui n’ont plus de trous, c’est idiot et nos clients vont râler. Ils ont payé pour avoir des trous et ils veulent des trous.

- Et alors ? demanda Margaux. Qu’avez-vous fait ?

- Une grosse bêtise. J’ai eu un coup de sang et je me suis énervé. J’avais encore en main mon Mac’Do et je lui ai lancé à la tête. Je ne sais pas ce que Mac Donald met dans sa bouffe mais figurez-vous, Madame Margaux, que ce saboteur a été assommé et il s’est écroulé par terre.  Et il m’a été impossible de le réveiller. J’ai tout essayé.

- Un Mac’Do sur l’estomac, c’est déjà difficile mais sur la tête, c’est terrible, rajouta Margaux, un tantinet moqueuse.

- Et je suis bien embêté. Car, voyez-vous, je désirerais m’excuser de ce vilain geste car ce n’est pas mon habitude d’être violent. Mais je n’arrive pas à le réveiller. Alors, j’ai pensé à vous. Vous seule pouvez m’aider.

- A moi ? Mais je ne suis pas médecin ! Comment voulez-vous que je puisse vous aider ?

- Il parait que vous êtes un grand médium… Mettez-moi en relation avec l’esprit de ce monsieur… Juste un petit moment…Pour que je puisse m’excuser !

- Mais il n’est pas mort ! Les esprits et les spectres n’apparaissent que si on est décédé. Lui est simplement assommé à coup de Mac’Do. Et moi, je ne parle pas aux assommés !

- Essayez ! Je vous en supplie. Je vous donnerai une belle somme. J’ai absolument besoin de lui parler."

   Madame Margaux était partagée : D’un côté, cet homme était tellement triste qu’elle voulait bien lui rendre service ; de l’autre, elle n’avait jamais parlé à l’esprit de gens assommé. Mais, ça valait peut-être le coup d’essayer.

   Elle demanda au petit vieux de s’asseoir dans un coin et elle-même regagna la table des divinations. C’était une table carrée qui était ronde et qui n’avait que 3 pieds. C’était une table spéciale pour médium.

" Esprit du saboteur, m’entends-tu ? Esprit, je te demande de me répondre. Je fais appel à ton esprit civique… Tu dois me répondre."

   Adémole de Champoux était impressionné. Il régnait dans le chalet une atmosphère de mystère et d’angoisse. Tout était sombre et seul un rayon de lune éclairait le visage de Madame Margaux.

" Esprit du saboteur, réponds-moi… Je te demande de me répondre.

- Qu’est-ce que tu veux, gros tas de viande !"

   Margaux fut surprise par cette brutale réflexion qui lui donna la chair de poule. Elle regarda monsieur de Champoux. Lui n’avait pas bougé, n’avait rien dit et n’avait rien entendu.

" Alors mémère ! qu’est-ce que tu veux ! Tu m’as appelé. Alors je suis là."

   De Champoux était toujours immobile et patient.

" Est-ce toi ?...  La personne assommée par un Mac’Do ?

- Ouai ! C’est moi. Le vieux cornichon m’a flanqué son mac sur la tronche… Et moi, je suis fort sensible de la tronche. Ma mère disait même que j’avais un « nasal délicat ». Alors, je suis tombé dans les vaps. Et ce zigoto de vieux corniaud, plutôt que de me réanimer avec un verre de flotte, il s’est barré tout courant… Car moi, je suis allergique à la flotte ! Espèce de vieux débris mal fagoté ! Non mais vous avez vu comment il est fringué, le milord de mes deux !"

   Margaux s’était tourné vers monsieur de Champoux. Toujours aucune réaction.

" T’inquiète pas Mémère ! le vieux croulant ne m’entends pas. Il n’y a que toi qui peux m’entendre et me voir."

   Le voir ! Madame Margaux se retourna et vit un spectre, le spectre. C’était un jeune homme en salopette et une casquette à carreaux, avec une cigarette au coin des lèvres et un litre de vin dépassant de sa poche ventrale. Mais on aurait dit un hologramme : il était là mais on pouvait voir à travers lui.

" Alors, tu me vois, espèce de déjantée du cerveau ? 

- Oui, je vous vois et je vous entends. C’est la première fois que ça m’arrive. Je n’ai jamais vraiment communiqué avec un esprit. En plus, avec un esprit qui parle drôlement !

- Il faut un début à tout, médium de mes fesses. Tu m’as appelé…  Je suis venu et je ne sais pas ce qui m’empêche de coller une beigne à ce vieux barbon tout fripé. Il mériterait que je lui enfonce un autobus dans le derrière. Vraiment, les vieux, c’est trop bête et ça ne mérite pas de vivre !

- Mais que faisais-tu dans l’usine de Monsieur De Champoux ? Tu es un terroriste ?

- N’importe quoi ! J’étais venu réparer les conneries que les De Machinchose ont faites depuis des siècles. Des trous dans les chaussettes ! Complétement débile ce truc ! Faut être taré pour inventer des bidules aussi idiots ! Ils sont responsables de millions de rhumes chez des gens qui n’avaient rien fait de mal. Ce sont eux, les terroristes ! Rendre les gens malades en refroidissant leurs nougats, c’est ça faire du terrorisme !

- Des rhumes ? Par les pieds ?

- Oui madame. Tout le monde sait qu’on attrape le rhume quand on a froid aux panards. Et faire des trous dans les chaussettes, ça fait des courants d’air et on attrape la niflette au nez. Et c’est pour réparer cette erreur historique que j’ai décidé de repriser toutes les chaussettes… Jusqu’à ce que ce débris ambulant m’assomme avec une massue.

- Ce n’était pas une massue, c’était un Mac’Do !

- C’est pire qu’une massue, bon dieu ! J’en ai encore mal au ciboulot. Je l’ai reçu en pleine tronche et je vais être bleuzé ! Tu ne peux pas dire au vieux machin de foutre le camp. J’en ai marre de le voir, cette espèce d’assassin. En plus, il a l’air tout penaud alors qu’il a manqué de me tuer… Espèce de roulure de crotte d’assassin !"

   Heureusement que le vieux monsieur n’entendait pas. Margaux expliqua à Adémole de Champoux qu’elle avait beaucoup de mal à établir le contact avec l’esprit et qu’elle devait se concentrer un peu plus et que pour cela, elle avait besoin d’être seule. Après avoir promis de le prévenir s’il y avait du nouveau, Margaux ferma la porte derrière le petit vieux qui s’éloigna tout en maugréant.

" Alors Princesse, maintenant qu’on est tranquilles, tu vas m’offrir l’apéro. Ce n’est pas parce que je suis un spectre que je n’ai pas soif. Moi, en plus, j’ai le gosier en pente… Et il faut que je me remette de toutes ces émotions.

- Mais vous n’êtes pas un vrai spectre… Puisque vous n’êtes pas mort ! Vous êtes seulement assommé ! Et d’abord, qui êtes-vous ?

- On m’appelle Le Cloporte parce que dans la vie, je suis portier d’un immeuble. Et en plus, je bricole et je répare tout. Mais aujourd’hui, à cause de ce zigoto, je suis devenu un spectre… Comme qui dirait « un spectre en intérim » … Avec un contrat à durée déterminée. J’ai obtenu exceptionnellement ce droit pour avoir le temps de me venger.

- De Monsieur De Champoux ?

- Non, t’es pas folle ! Pour me venger des fabricants de Mac’Do. On vit dans un monde de crapules. Les uns font des trous dans les chaussettes pour que gens attrapent froid aux trotignolles et les autres fabriquent des armes de destruction massive sous forme de sandwichs. Le sandwich de la mort ! Le hamburger de l’horreur ! Un alien dans le bide ! Dans quel monde vit-on ! Dis mémère, t’es pas un peu radin sur les bords ? Tu pourrais m’en mettre un peu plus quand même."

   Margaux avait versé quelques centilitres de rhum dans un tout petit verre à goutte. Apparemment, ça ne suffisait pas au Cloporte. A contre-cœur, Margaux lui en rajoutât pour atteindre le bord du verre.

" Dis donc Mémère. Tu n’aurais pas autre chose que des dés à coudre pour boire l’apéro ?

- Ce n’est pas cela qui va vous guérir de votre mal de tête.

- T’occupe Ma Grosse ! T’es peut-être médium mais t’es pas spécialiste en alcool. Moi, si ! J’ai testé tous les alcools du monde et je connais les doses efficaces. Alors verse ! Et dans un verre à bière, s’il te plait. Et un vrai verre à bière… Pas un galopin !"

   Margaux dut s’exécuter et lui versa un grand demi de rhum. Le spectre avala tout son verre en une seule rasade. Mais comme il était translucide, Margaux put voir le liquide qui descendait dans le gosier, l’œsophage, l’estomac et vit même le rhum passer dans l’intestin. Un beau cours d’anatomie. Ayant calmé sa soif, Le Cloporte regarda Margaux droit dans les yeux :

" Dis-moi Mémère, tu connais l’adresse de José Bové ? 

- Non… Pourquoi faire ?

- Pour aller saccager le Mac’Do bien sûr ! Je ne vais quand même pas laisser la bouffe amerloque assommer les bons petits français. Et Bové, il sait faire ça ! Une fois qu’on aura saccagé cette usine d’armement – Margaux leva les yeux au ciel- je pourrai revenir dans le monde des vivants et quitter tous ces abrutis de spectres. Parce que, entre nous, il y a une paire de tarés !"

   Quelqu’un frappa à la porte. C’était Gontran Tapedur, le responsable de la sécurité sur le champ de foire.

" Madame Margaux. Il y a monsieur Mortadelle qui est devant le chalet. Il en a marre d’attendre. Il exige que vous le receviez le plus vite possible !

- Qui c’est ce monsieur Mortadelle ?

- C’est le directeur du Mac Donald."

   A peine avait-il terminé sa phrase que Le Cloporte lui avait sauté à la gorge et essayait de l’asphyxier. Gontran suffoquait et étouffait mais comme il ne voyait pas le spectre, il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait. Il pensait à l’infarctus, une crise d’asthme ou je ne sais… Mais, en tous les cas, il voyait la mort approcher à grands pas.

" Salopard, crapule, voyou ! Assassin ! Tu n’en réchapperas pas ! hurlait Le Cloporte."

   Margaux eut toutes les peines du monde à l’empêcher d’étrangler Gontran. Il était hors de lui, dans une furie débridée, hurlant toutes les insanités connues dans le monde des spectres.

" Non, arrête ! Gontran n’a rien fait. Le directeur de Mac’Do est dehors ! Ce n’est pas lui !"

   Finalement, réalisant son erreur, Le Cloporte lâcha Gontran et se précipita, traversant la porte du chalet à la recherche du sieur Mortadelle. Et ce pauvre directeur reçu en 3 minutes des coups de poing dans le ventre, des coups de pieds sur les fesses, un violent coup de guitare sur le nez, ses oreilles furent à moitié décollées et il se retrouva par terre piétiné par une chose qu’il ne voyait pas mais qui lui faisait atrocement mal tout en lui comprimant la gorge.

" Au secours, essayait-il de crier.  Appelez le SAMU.  J’ai une crise… J’ai des douleurs partout et je ne sais pas ce qu’il m’arrive. C’est atroce !"

   Le temps qu’il dise cela, Le Cloporte avait fait, à la vitesse de l’éclair, un aller-retour jusqu’au Mac Donald et était revenu les bras chargés de hamburgers. Et il se mit à les jeter sur Mortadelle qui était toujours allongé, à moitié groggy. Le Cloporte étant toujours invisible, le pauvre directeur vit, avec effroi, des sandwichs voler et lui tomber sur le crâne. Il a pensé un moment qu’il assistait à une scène de l’apocalypse, scène où la nourriture se rebellait et attaquait les humains. Et chaque hamburger qui lui arrivait sur le crâne provoquait des douleurs insupportables.

" Alors salopard ! Tu vois enfin l’effet des Mac’Do sur la santé ! Espèce d’empoisonneur public. Fossoyeur des gamins !"

   Arrivé à cours de munition, Le Cloporte se retourna vers Margaux qui, elle, était désolée de voir ce pauvre directeur aussi mal traité.

" Ça y est ! Je suis vengé ! Le monstre a été terrassé ! Crénom de Zeus ! Ça fait du bien ! Allez Mémère, remets-moi un petit coup de rhum. J’ai attrapé la soif. 

- Moi je veux bien mais avant de reboire un coup, tu dois rencontrer Monsieur De Champoux ? Rappelle-toi. Il t’attend.

- Je vais lui faire avaler toutes ses chaussettes à ce taré du bulbe. C’est un satyre, ce vieux machin. En faisant des trous dans les chaussettes, il creuse le trou de la sécurité sociale. On devrait lui infliger une amende. 10 euros par trou et il serait ruiné en moins de deux. C’est un olibrius malfaisant.

- Arrête un peu ton délire (Margaux avait haussé le ton et fait les gros yeux). Monsieur De Champoux est un brave homme. Il voulait juste se servir de moi pour te rencontrer et s’excuser. Il n’avait pas imaginé qu’un Mac’Do pouvait faire autant de dégâts.

- Ça ne m’étonne pas. Les gros capitalistes n’imaginent pas tout le mal qu’ils font."

   Après quelques minutes de réflexion et une bonne rasade de rhum, le spectre se calma.

" Je veux bien voir ce vieux zigoto inconscient. Mais y’a un problème :  lui ne me verra pas et ne pourra pas m’entendre !

- Non, bien sûr mais je servirai d’intermédiaire… Comme une traductrice en somme."

   Et ils partirent, bras dessus bras dessous, jusqu’au château d’Adémole de Champoux. Arrivés là-bas, le maitre des lieux fit entrer Madame Margaux. Le Cloporte, lui, entra en traversant le mur. Après s’être installés près d’un feu de bois, la discussion commença :

" Voilà, monsieur De Champoux. J’ai pu entrer en relation avec votre saboteur. Il veut bien vous parler mais vous ne pouvez pas l’entendre. C’est donc moi qui vais vous répéter ce qu’il a envie de vous dire.

- Merci madame Margaux. Pour commencer, dites à ce monsieur que je regrette de l’avoir assommé avec un Mac’Do. Je n’ai pas l’habitude de manier ce genre d’instrument.

- Il regrette, il regrette s’écria Le Cloporte. Espèce de vieux débris de volaille ! Jus de cassoulet ! Espèce de crottin de Bretagne. Tu peux regretter mais tu m’as foutu une sacrée bosse, espèce d’abruti pas fini !"

   Après avoir réfléchi 10 secondes, Margaux traduisit :

" L’esprit de ce que vous appelez le saboteur dit qu’il accepte vos excuses et qu’il ne vous en veut pas.

- Tudieu ! Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que c’était un foutu zigoto de zoulou de détraqué ! Comment voulez-vous que je lui pardonne ? On ne pardonne pas aux fous.

- Il dit qu’il n’a pas eu mal et que s’il est tombé, c’est qu’il a une petite nature et qu’il perd connaissance à la moindre douleur.

- Mais ce n’est pas vrai. Je n’ai jamais dit ça ! D’abord je ne suis pas douillet ! J’ai fait du rugby, moi Madame. En plus, quand j’étais petit, je m’arrachais les dents moi-même. Alors, je ne suis pas une petite nature. Mais dites à ce concentré de viande avariée qu’il est un assassin : on devrait interdire de vendre des chaussettes à trous qui refroidissent les arpions. C’est une atteinte à la santé publique. Moi, je serais la sécu, je lui foutrais la police aux fesses.

- L’esprit confirme qu’il vous pardonne et il vous autorise à reprendre votre activité. Il demande simplement qu’au lieu de 5 trous, vous n’en fassiez que 3. C’est moins stressant pour les… arpions.

- Pardon ? Arpions ? s’étonna Adémole.

- Oui, ça veut dire les pieds.

- Dites-moi, Mémère ! Dans quel pays avez-vous appris à traduire le langage des spectres ? Vous avez été diplômée de l’école du Foutage Public et votre diplôme, vous l’avez trouvé dans un paquet de lessive ? Et le pire, c’est que le vieux crouton, vous croit sur parole !

- Ecoutez monsieur Le Cloporte. Je fais cela pour arranger les choses. Il faut que cette malheureuse histoire se termine et vous pourrez alors vous réveiller… Car je vous rappelle que vous n’êtes spectre que par intérim. Alors, fermons ce dossier et revenez dans le monde des vivants.

- Qui vous dit que j’ai envie de revenir dans le monde réel ? C’est pratique de ne pas être vu mais de voir, de ne pas être entendu mais d’entendre, de passer à travers les murs et de casser la figure à des gens qui ne vous voient pas !

- Oui, je vous comprends ajouta Margaux. Mais la vraie vie, c’est quand même mieux. Et si vous restez spectre, je ne pourrai même pas vous faire un petit bisou…"

   A ces mots, Le Cloporte se sentit rougir. Il était extrêmement troublé et, du coup, rentra dans une profonde méditation… Ce qui n’était pas habituel, en temps ordinaire, chez lui.

"OK dit-il. Vous avez gagné. Je veux bien me réveiller mais quand vous me verrez en chair et en os, j’espère que vous m’offrirez autre chose que du rhum Négrita. Je peux vous le dire maintenant : votre rhum, il était dégeulasse !"

   D’un seul coup, le spectre disparut. Et au même moment, Le Cloporte qui était resté allongé dans l’usine de chaussettes se réveilla. Avec une grosse bosse mais la tête pleine de souvenirs. Et une furieuse envie de rencontrer une voyante extra-lucide, un peu médium qui lui avait promis un petit bisou.

   La fin de cette histoire est relativement simple : Monsieur Adémole de Champoux reprit l’activité de l’usine mais il modifia le processus de fabrication : Les chaussettes n’avaient plus que 3 trous. Personne n’a jamais compris les raisons de ce changement mais Adémole reçut une lettre de remerciements de la part de la sécurité sociale. Le Cloporte, une fois sorti de l’usine se précipita à la foire de Champelure -sur-Argent, y a rencontré une certaine voyante, y a reçu un bisou et, 3 mois plus tard, s’est marié avec Madame Margaux. Il continua à l’appeler « Ma grosse mémère » mais elle l’appelait « Mon petit fantôme ». Quant à monsieur Mortadelle, il a démissionné de chez Mac Donald. Sur sa lettre de démission, il a donné comme raison : « les hamburgers me donnent mal au crâne. » La direction France de Mac’Do n’a pas compris, celle des Etats-Unis encore moins.

 

   Même José Bové n’aurait pas pu inventer une si belle histoire.

04/09/2022: Histoire pour petits/ Mon ami le cloporte/ Pour Margaux

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Published by popo - dans contes pour petits
5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 08:20

Une forêt de cartons.

Un conte pour Apolline.

04/09/2022: Histoire pour petits/ Une forêt de cartons/ Pour Apolline

     Trois jours … C’est soixante-douze heures… Ou deux-cent-cinquante-neuf mille deux-cents secondes. Bref, cela faisait trois jours qu’ils étaient là, dans ce monde inconnu, entourés par des êtres étranges qui venaient, s’agitaient, sifflaient, pleuraient parfois et faisaient surtout beaucoup de bruit, des êtres difformes et énormes… des êtres horribles. Il y en avait même une qui avait une voix très aigüe, qui avait des longs cheveux et des yeux cruels et surtout qui râlait souvent… En fait, c’était une monstresse. Les monstres, c’est terrible mais les monstresses, c’est hyper-terrible ! Et tous ces êtres marchaient sur deux pattes et passaient leur temps à s’agiter et à crier. Indéniablement, Cookies et Tagada étaient arrivés dans le pays des êtres difformes Et ils ne savaient pas comment ni pourquoi.

    Et trois jours entourés de monstres, c’est long !

    Bien sûr, ils étaient un peu-beaucoup terrorisés et, du coup, ils se blottissaient l’un contre l’autre, essayant ainsi de se rassurer. Cookies, gonflant ses bajoues, prenait un air martial et disait régulièrement : « Il ne faut pas avoir peur… Nous sommes courageux et nous, nous n’avons peur de rien ! Moi, en tous cas, je n’ai peur de rien ! Du moins, je le crois… » Mais en fait, Cookies tremblait de tous ses membres et, au moindre bruit, ses cheveux, déjà très longs se dressaient sur la tête. En fait, Cookies, depuis sa naissance avait un gros défaut : il était sûr de lui, sûr d’être un être supérieur, sûr d’être un génie, sûr d’être le plus fort. Et, il faut bien l’avouer, il n’était rien de tout cela. Bref Cookies était un faux génie hâbleur et vantard, tellement vantard qu’il voulait qu’on l’appelle « Colonel Cookies » alors qu’il n’avait jamais fait l’armée.

  Tagada, quant à lui, fermait les yeux dès qu’un monstre approchait. Car Tagada était peureux, très peureux, excessivement peureux, horriblement peureux. Et tout le monde sait que la peur n’évite pas le danger et qu’elle tape sur les intestins. Alors Tagada, chaque fois qu’il voyait les monstres, ne pouvait pas s’empêcher de faire une petite crotte. Et bien évidemment, en voyant les crottes, les monstres râlaient encore plus. Du coup, la monstresse aux longs cheveux et aux yeux cruels s’énervait et répétait toujours la même chose « Oh non ! Tagada ! Tu exagères… Tu as encore fait des crottes ! ». Bref, Tagada était un peureux crotteur ou un crotteur peureux, comme vous voulez.

    Que s’était-il passé ? Pourquoi avaient-ils quitté Mamoune et tous les frères et sœurs ? Qui étaient ces monstres qui les entouraient ? La cage dans laquelle ils étaient suffirait-elle à les protéger ? Eh oui, ils étaient bien dans une cage et cela les vexait énormément. Eux dont les ancêtres parcouraient la pampa et les montagnes du Pérou. Eux qui avaient connu les incas et les conquistadors. Eux qui étaient le symbole de tout un pays, de toute une région…   Dans une cage comme des bandits, comme des malfrats, comme des voyous. Et pourtant, ils n’avaient rien fait de mal… Alors ils ne comprenaient pas et s’interrogeaient, avec angoisse, sur leur avenir. Et plus ils s’interrogeaient, et plus les poils de Cookies se dressaient et plus Tagada faisait des crottes.

   Ah oui ! j’oubliais de vous dire que Cookies et Tagada étaient deux magnifiques cochons d’inde, nés quelques semaines auparavant et qui venaient juste d’être séparés de leur maman et de leurs huit frères et sœurs. Cookies était blanc et noir avec une houppette au bas du dos. Tagada, quant à lui, était gris et marron avec les cheveux dans les yeux.

   Bref, ils étaient tous les deux enfermés dans une cage, entourés d’humains à l’air belliqueux et méchant. Et ils ne comprenaient pas pourquoi.

   Le premier soir, Tagada avait demandé : 

"  Tu crois qu’ils vont nous manger ? Moi, j’ai peur qu’ils me mangent.

- Espèce de sac à bouses, répondit Cookies qui parlait toujours comme un gradé de l’armée ! Tu raisonnes comme un ver solitaire. Je ne pense pas qu’ils vont nous manger. Pas maintenant en tout cas. On a trop de poils et on n’a pas beaucoup de viande. Ils vont d’abord nous faire grossir parce que, en général, les monstres aiment bien quand il y a beaucoup de viande ».

    Et dans son for intérieur, Cookies pensait : « En plus, moi je suis trop intelligent ; l’intelligence ne se mange pas, elle s’admire. Ils vont sans doute m’épargner et ce serait on ne peut plus normal. »

   Le lendemain, épuisé par la peur, Tagada s’était endormi. Il ronflait comme un bienheureux et, d’un seul coup, après un ronflement un peu trop fort, il se réveilla en criant : « Non ! Pas ça ! Ne touchez pas à mes cuisses ! Vous n’avez pas le droit ! Elles ne sont pas assez grosses ! Au secours, à l’assassin, au meurtrier ! Espèce de cannibales ». En fait, Tagada faisait un horrible cauchemar. Il était tout en sueur et avait fait, sans le vouloir, quelques crottes sous lui. Cookies eut un mal fou à le rassurer. Mais c’est devenu un rituel et chaque jour, Tagada refaisait le même cauchemar.

   Le soir du troisième jour, donc, Cookies, un peu énervé par les frayeurs de son frère, glissa dans l’oreille de celui-ci :

" Sergent Tagada ! On va essayer un coup fumant. De toute façon, on n’a plus rien à perdre.

- Un coup fumant… Moi, j’ai peur des coups !... Et j’ai peur de la fumée…Et il fit une crotte.

- Espèce de sac à rats ! Je vais t’expliquer comment on va essayer de se sauver de cette cage. Et pour ça, on va faire marcher notre cerveau, le mien surtout d’ailleurs… Parce que le tien est trop petit.

- J’ai peur de faire travailler mon cerveau !

- Espèce de sac à mouches ! D’abord, appelle-moi Colonel et arrête d’avoir peur de tout comme ça ! C’est énervant !

- J’ai peur quand tu es énervé, Colonel !

- Je vais réfléchir et, pendant ce temps-là, toi tu surveilles.

- Je veux bien mais j’ai peur de surveiller !"

    Fatigué par les lamentations de Tagada, Cookies s’isola dans la petite cabane en bois, cabane qui avait été installée dès leur arrivée.

    Au bout d’une heure, il revint vers Tagada et lui dit : « Je viens d’avoir une idée tortueuse, démoniaque, que dis-je… diabolique… Oui, c’est ça, diabolique. J’ai une intelligence diabolique.  Je pense, en toute modestie, que je suis le plus intelligent des cochons d’inde et le plus diabolique des intelligents. Et si un jour on décide de créer l’académie des colonels cochons d’inde, j’en serai, indéniablement, le président. »

" J’ai toujours eu peur des gens intelligents ! 

- Ecoute-moi, espèce de trouillard. On va essayer de sortir de cette cage. Mais pour cela, il va falloir être malins et rusés. Tu vas simuler…

- Oh non ! J’ai peur des mulets … En plus, s’il y en a six !

- Espèce de sac à crapauds ! Mais non ! Pas six mulets ! Tu vas faire semblant… Semblant d’être évanoui.

- Ça, je sais le faire. Ça m’arrive souvent d’être évanoui.

- Si tu es évanoui, la monstresse va s’affoler et cherchera du secours. Et on en profitera pour nous évader. 

- Et si jamais elle croit vraiment que je suis évanoui et qu’elle veuille me faire du bouche à bouche ?... Avec ses grosses lèvres horribles…

- Bougre d’âne s’écria Cookies. Les monstres ne font pas de bouche à bouche sur les cochons d’inde ! Allez, on met tout en place. »

   Sitôt dit, sitôt fait. Tagada se mit dans un coin, sur le dos et fit semblant d’être dans le coma. Mais de temps en temps, il ouvrait quand même un œil de peur que les monstres ne profitent de son coma pour l’agresser. Et ce qu’avait prévu Cookies arriva. La monstresse aux longs cheveux et aux yeux cruels, passant près de la cage, vit Tagada couché dans un coin. Elle ouvrit la cage et avec son index toucha la petite bête. Aucune réaction… Et pour cause :Tagada était tétanisé de peur. La monstresse se releva, éclata en sanglots et partit en courant « Maman ! Maman ! Viens voir ! Tagada a l’air malade. Ça doit être grave ! Il faut appeler le SAMU ou un docteur. »

    « Ça y est, on a réussi ! Elle a laissé la cage ouverte ! » Le colonel Cookies était excité ; une fois de plus il avait montré sa subtilité, sa finesse et son intelligence. « Viens Tagada ! Fais-moi la courte échelle. On va sortir ».

  Mais, sans bouger, Tagada ouvrit un œil et demanda :

" Dis Cookies, des docteurs pour cochons d’inde, ça n’existe pas, hein ?

- Si, espèce de sac à saucisses ! On appelle ça des… cochonorologues.

- Qu’est-ce-que tu es intelligent… Mais moi, j’ai peur des cochonorologues !

- Espèce de sac à crevettes ! On n’a pas beaucoup de temps ! Alors, aide-moi. On se sauve. » 

   Tout en marmonnant, Tagada se mit debout sur la grille et Cookies, après avoir pris son élan, sauta sur le dos de Tagada, grimpa sur sa tête et finalement attrapa le bord supérieur de la cage. Et se hissa au dehors !  Le colonel Cookies était libéré, délivré… Mais il fallait sortir Tagada avant que la monstresse ne revienne. Il se précipita vers un tablier de cuisine qui trainait tout près et décida de couper avec ses dents un morceau de la ceinture en tissu. Une fois fait, il emmena cette lanière et la lança à Tagada. « Attrape et grimpe » cria Cookies. « Mais j’ai peur… J’ai le vertige… Jamais je n’y arriverai… 

" Espèce de sac à crottes de nez ! Tu vas te dépêcher ou je te botte les fesses ! 

- Ne crie pas comme ça ! Tu me fais peur ! »

   Et bien malgré lui, Tagada attrapa la lanière et grimpa, en fermant les yeux jusque le haut de la cage. Tout en grimpant, d’ailleurs, il laissa tomber trois petites crottes…

   Arrivé au sommet de la cage, Tagada s’écria :

" Cookies ! C’est affreux ! nous avons oublié de prendre à manger !

- Ne t’inquiète pas Tagada. En route, nous allons trouver ce qu’il faut. Les monstres mangent beaucoup et surtout, ils mangent comme des cochons, en laissant plein de miettes partout. Alors, on ne va pas manquer de nourriture. D’ailleurs, je vais aller en chercher. Toi, tu avances et je vais te rejoindre.

- J’ai peur d’avancer ! »

    Cookies partit tout courant vers la salle à manger. Il était sûr de trouver ce qu’il fallait pour pouvoir faire un bon repas. Tagada décida, quant à lui, de foncer vers une montagne de cartons qui étaient entreposés dans un coin, non loin de la cage. Des tas de cartons, des dizaines de cartons, des milliers de carton. Mais arrivé près de la montagne, il prit peur. Devant lui s’ouvrait un monde inconnu, obscur, ténébreux. C’était une jungle, un labyrinthe, le couloir de l’angoisse, l’horizon de la terreur…

   Mais prenant son courage à deux pattes, il s’engagea dans le sombre couloir cartonné. Il sentit comme un courant d’air, un léger souffle, une bise soufflant entre les cartons. Mais dans la tête de Tagada, c’était une tempête, un ouragan, presque un cyclone. Et il pensa « C’est bête quand même ; je vais être tout décoiffé. » Mais malgré cette contrariété, il avança puis il tourna puis se retourna. A vrai dire, il ne savait pas trop où il devait aller. Il faisait sombre, ça sentait la poussière et le silence était impressionnant.

   Quand tout à coup, dépassant un vieux carton humide, Tagada se trouva nez-à-nez avec un monstre hideux, un monstre barbare hérissé de poil verticaux, un monstre aux couleurs bleu et noir et qui semblait ne pas bouger, attendant vicieusement l’attaque de l’ennemi. Tagada était en face de LA bête. Il voulut faire demi-tour mais le passage était trop étroit : impossible de se retourner. Alors, au comble du désespoir, Tagada se dit : « Je dois vaincre ma peur ! Il faut que mon courage soit le plus fort ! … Même si je n’ai pas de courage… » Et Tagada, poussé par un instinct de survie s’élança contre le monstre. « Si je dois mourir, autant mourir en combattant. Je porterai haut le panache des cochons d’inde…Je serai digne de mes ancêtres et j’aurais été courageux au moins une fois dans ma vie. »

   Et le monstre assoiffé de sang n’avait toujours pas bougé et regardait Tagada fixement. Impressionnant et terrifiant !

   Le combat fut titanesque, homérique, flamboyant. Aucun des deux adversaires ne voulait céder. Quand Tagada attaquait, le monstre esquivait puis donnait une réplique cinglante. Et quand la bête voulait passer sous la garde de Tagada, celui-ci répliquait par un coup de patte arrière dans le ventre. Les deux adversaires étaient enchevêtrés, collés l’un à l’autre et personne n’aurait pu dire qui serait le vainqueur. Tagada étranglait violemment, mordait à pleines dents et tapait vaillamment. La lutte était intense et même dans l’Iliade et l’Odyssée, on n’avait jamais vu un tel duel. Le sol était jonché de poils… Poils de Tagada mais aussi longs poils du monstre. A bout de souffle et craignant d’être mortellement blessé, Tagada se réfugia dans un coin. Le monstre n’avait pas bougé et le narguait d’un air sournois et vicieux. Tagada prit une longue inspiration et s’élança en criant « Autant mourir le poil dressé. » Et dans sa tête, il se voyait déjà le héros d’une histoire de chevaliers légendaires et invincibles. Et il imaginait déjà sa statue sur la grand place de Lima, capitale de ses ancêtres.

   C’est à ce moment-là que Cookies, les bajoues gonflées, fit son apparition. Il s’écria :

" Espèce de sac à rognons ! Qu’est-ce-qui t’arrive ? Ça ne va pas la tête ? Pourquoi es-tu en train de te battre avec une brosse à cheveux ? 

- Une brosse à cheveux ! s’écria Tagada. Mais non ! C’est un monstre à poils durs et je vais le terrasser !

- Terrasser… Mes fesses, espèce de sac à andouilles. Tu es en train de te fatiguer à corriger un truc pour coiffer les cheveux ! Probablement ceux de la monstresse aux cheveux longs et aux yeux cruels.

- Mais les poils ?

- Ce sont des cheveux, espèce de sac à cannettes ! Tu es vraiment un dégénéré de la race des cochons d’inde.

   Et Tagada, tout penaud, regarda son adversaire. Effectivement, le monstre avait de grandes piques sur la tête entre lesquelles étaient répandus de longs cheveux... C’était effectivement une brosse à cheveux.   « En fait, j’ai peur des brosses à cheveux ! » Et comme à son habitude, il fit une petite crotte. Le combat était fini mais dans son for intérieur, Tagada se dit qu’il avait été bien brave et que si Cookies n’était pas revenu, il aurait foutu une bonne raclée au monstre chevelu.

    « Allez, viens, espèce de sac à côtelettes ! J’ai trouvé de quoi manger. On va chercher un coin tranquille et on va casser une petite graine avant de repartir. » Ils dénichèrent un recoin situé non loin de là, entre un carton de chaussures, un carton de vieux tee-shirts et un sac contenant des CD.

    Cookies vida ses deux bajoues devant Tagada émerveillé par la vue de tant de nourriture.

" Où as-tu trouvé tout ça ? demanda Tagada

- Sous la table de la salle à manger… Les monstres ne mangent jamais proprement. Ils laissent toujours plein de choses par terre. Je me suis donc servi.

- Dis-moi Cookies, je ne comprends pas. Tu as dit qu’on allait casser une petite graine… Et je ne vois pas de graine.

- Mais c’est une façon de parler, espèce de sac à crottin ! J’aurais pu dire : on va casser la croute, c’est pareil.

- Oui, je veux bien que tu dises cela mais je ne vois pas de croute, non plus !

- Espèce de sac à asticots ! Tu me casse les pieds !

- Je ne voudrais pas te contrarier mais tu n’as pas de pieds… Uniquement des pattes.

- Tu m’énerves !

- J’ai peur quand tu t’énerves. »

   Et Cookies, exaspéré par son compagnon, lui tourna le dos et commença à grignoter des petits morceaux de pizza (pizza Quatre-saisons à quatre Euros cinquante chez Mama Pizzario, au coin là-bas). Tagada, quant à lui, s’attaqua à un gros morceau d’une masse blanchâtre, sans qu’il sache vraiment ce que c’était. Ce n’était pas mauvais mais ça n’avait pas franchement de goût. Mais comme il devait manger, il mangeait. Le repas terminé, Cookies décida : « On doit repartir, nous n’avons pas de temps à perdre. La monstresse va revenir avec un docteur. Il faut nous éloigner le plus vite possible. »

   Ils allaient se mettre en route quand, d’un seul coup, Tagada eut les poils du front qui se levèrent. Il fut pris d’un hoquet permanent et de tremblements tellement forts qu’il ne pouvait plus avancer. Cookies s’inquiéta :

"  Qu’as-tu ? Tu es malade ? Pourquoi trembles-tu ? Tu as froid ?

- Non. J’ai mal au ventre et je sens que je suis en train de gonfler… Je crois que j’ai mangé quelque chose de pas bon… Et j’ai peur de gonfler !

- Qu’as-tu mangé, espèce de sac à moisi ?

- Un gros truc blanc… Pas bon d’ailleurs… Il en reste un morceau là-bas.

   Cookies fit un aller-retour vers le reste de nourriture.

" Espèce de sac à boutons ! tu t’es empoisonné toi-même. Tu as mangé du chou-fleur. Et les cochons d’inde ne mangent jamais de chou. Ça les fait gonfler et après, ils sont envahis par les flatulences.

- J’ai peur des flatulences… Dis, Cookies, c’est quoi les flatulences ?

- De l’air, espèce de sac à lardons. De l’air dans le ventre. Alors pour l’éliminer, on doit faire des gaz, des milliers de gaz, des millions de gaz… Nous, cochons d’inde, on ne mange jamais de chou, espèce d’ignare, sinon nous attrapons un gros ventre rempli d’air et nous sommes submergés par les prouts.

- Oh mon dieu ! J’ai peur des prouts… Il faut que je trouve un docteur, un cochoburologue… cochonofilologue… je ne sais plus. Un docteur pour cochon d’inde ! Tout de suite… Je ne veux pas avoir des « plats tu lances ». J’ai peur des gros ventres et des cochobibilogues.

- Cochonorologues ! Espèce de sac à boudin ! »

    Voyant son ami plongé dans d’atroces souffrances et comme, en plus, Tagada commençait à émettre des gaz bruyants et malodorants, Cookies se dit qu’il valait mieux arrêter les frais : il ne pouvait plus s’évader avec un handicapé trouillard, gonflé, crotteur et prouteur. Il devait se résigner, c’était la fin de l’aventure qui n’aurait vraiment pas duré bien longtemps. D’ailleurs la monstresse arrivait avec sa maman et un autre grand monstre qui avait une clef à molette dans la main. En suivant les crottes de Tagada, ils avaient retrouvé la cachette des deux fuyards.

" Regarde Maman, les voilà ! Mes petits chéris…

- Petits chéris, petits chéris ? Non mais… Tu dis n’importe quoi ! Ce ne sont pas des petits chéris ; ce ne sont que des sales fugueurs, des voyous, des malfaisants, des gros rats ! D’ailleurs, regarde, ils ont mis plein de nourriture partout ! Sales bestioles ! On va les renvoyer à la LPA. Et, en plus, il y en a un qui est tout gonflé. Il ne manquerait plus que ça qu’il mette du caca partout !

- Non Maman ! Ce n’est pas sa faute… Il est malade. Ça se voit bien. Dites Monsieur, qu’est-ce-que vous en pensez ? »

   En voyant le cochonorologue avec une énorme clef à molette, Tagada se sentit submergée par la panique.

" Moi, répondit le grand monstre, je ne suis pas docteur, je suis plombier… Je sais bien que je suis un spécialiste des tuyaux, mais pas de ceux-là. Mais la seule chose que je connais aux animaux, c’est un principe très simple… Comme pour les ordinateurs : quand ça ne marche plus, on arrête tout ! Alors, arrête de donner à manger à ta bestiole et elle va guérir. Il faut la mettre à la diète. »

   Cookies qui écoutait avec attention se demanda qu’est-ce qu’un plombier venait faire ici. Tagada, tordu par les coliques, s’écria : « Ah non ! Pas la diète ! D’ailleurs j’ai peur des plombiers ! J’ai peur des ordinateurs ! J’ai peur des tuyaux ! »

" Oui, on sait ! Tu as peur de tout ! Espèce de sac à chaussettes. »

   Ainsi fut fait : la monstresse aux cheveux longs et aux yeux cruels reprit les deux cochons d’inde et les remit dans la cage ; la maman ramassa les résidus alimentaires et en profita pour récupérer sa brosse à cheveux qu’elle avait perdue il y a six mois ; le plombier répara la fuite sous l’évier et les deux cochons d’inde furent mis au régime strict pendant deux jours. Ce qui faisait râler le colonel Cookies d’ailleurs : « Moi, je n’ai rien fait de mal et on me met à la diète ! C’est profondément injuste. » De rage, il se vengea en grignotant le papier journal posé au fond de la cage mais cela ne lui réussit pas, car même si le journal était changé tous les jours, il est possible que les nouvelles ne soient plus très fraîches.

   Tagada fit beaucoup de gaz et, du coup, Cookies râlait car l’odeur était insupportable ; son ventre dégonfla, les douleurs s’espacèrent et il retrouva, rapidement, du tonus. Mais il avait toujours aussi peur.  Et la vie reprit tranquillement dans la maison de la monstresse. En conclusion de cette terrible aventure, le colonel Cookies décréta que la monstresse n’était pas une vraie monstresse et que ses yeux n’étaient pas cruels.

   En tous cas, dans les grimoires de l’histoire de Pomerols, on retrouve le récit d’un combat titanesque entre un cochon d’inde et une brosse à cheveux. Mais ça ne resta pas qu’un événement local. Les cochons d’inde du monde entier se racontèrent l’histoire, de mère en fille, de père en fils, pendant des générations… Seul problème : ils la modifiaient légèrement : En Afrique, ils disaient qu’un cochon d’inde intrépide avait combattu un géant cyclope et assoiffé de sang ; en Asie, que le vaillant cochon pompier avait terrassé un dragon qui foutait le feu partout  ; en Amérique, que le courageux animal avait asphyxié un monstre venu de l’espace et qui se glissait dans les oreilles des gens en prenant la forme d’une mouche ; et au Pérou que le dieu Cochon réincarné avait atomisé des envahisseurs  bouffeurs de paëlla. Bref, le combat de Tagada est rentré dans l’histoire de l’univers et dans la mémoire collective. Et soyons francs : le colonel Cookies en fut un peu jaloux car dans les récits de combat, on ne parlait jamais de lui. Du coup, il décida, en protestation, de faire une grève sur le tas, ne bougeant plus et refusant de se montrer. Si bien qu’au bout de quelques semaines, ses griffes avaient poussé et la monstresse pleurait pour qu’on aille voir un cochonorologue pour couper les ongles de son cochon d’inde.  On aura tout vu !

   Mais Tagada était devenu célèbre. Comme quoi une erreur de vision peut effacer la peur et, du coup, peut vous transformer en héros…  

   Toute l’histoire de Pomerols, toute l’histoire de l’Occitanie, toute l’histoire du monde a été et restera marquée par cet épisode d’une violence inouïe. Ne dit-on pas « Courageux comme un  Tagada. »

   Même Homère n’aurait pas imaginé une si belle histoire…

04/09/2022: Histoire pour petits/ Une forêt de cartons/ Pour Apolline

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5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 08:04

C’est bon pour le bidon.

Un conte pour Mathilde.

04/09/2022: Histoire pour petits/ C'est bon pour le bidon/ Pour Mathilde

   Tout le monde se souvient de Mathilde, la petite fée blonde aux yeux bleus, Mathilde et ses deux amies Cloé et Roxane, ces 3 petites fées qui avaient aidé Maître Lotard et son chien Claquemur à redonner des couleurs à notre monde.  Mais savez-vous que la vie d’une fée n’est pas toujours calme et sereine et qu’il arrive, parfois, que les forces maléfiques viennent contrarier le bonheur de ces petits êtres. Ecoutez bien : voici l’histoire des « malheurs de Mathilde », histoire vraie, véritable et véridique, confirmée par l’Académie et attestée par huissier (on n’est jamais assez prudent !)

   Par un beau jour de printemps, Cloé, Roxane et Mathilde étaient parties à la cueillette aux champignons. Vous pourriez trouver qu’il est étonnant de voir 3 fées aller chercher des champignons mais c’était uniquement pour faire plaisir à Papy Guînes. En effet, depuis sa mésaventure au pays des dinosaures, le papy de Mathilde avait attrapé mal au ventre… La peur sans doute ou les excès de charcuterie dont il abusait, croyant noyer son angoisse dans le saucisson. Certains calment leur malheur dans l’alcool ; Papy noyait son chagrin dans le saucisson sec ou le pâté de campagne. Du coup, il avait mal au bidon. Il avait donc décrété que pour guérir son bidon, il ne devait manger que des champignons. Mamy, elle, refusait de se plier à ce caprice de vieux radoteux et voulait le forcer à manger de la salade, des haricots verts ou des épinards, le tout avec une quantité impossible de persil ! Mais Papy refusait obstinément, disant « Tout ça, c’est de la bouffe à mouton ! Moi, je veux des champignons. C’est écrit dans les livres et c’est un vieux dicton : les champignons, c’est bon pour le bidon. »  De guerre lasse, Mamy avait demandé à Mathilde de lui trouver des champignons.

" Oui mais tu n’y connais rien en champignon, avait objecté Cloé.

- Ça ne doit pas être si difficile que ça, avait répondu Mathilde.

- Détrompe-toi, avait terminé Roxane. Les champignons, ça peut être dangereux. Il y en a qui sont remplis de poison et tu peux mourir. Moi, je suis d’accord avec Cloé : on ne cueille pas si on ne sait pas (on n’est jamais assez prudent !).

   En désespoir de cause, Mathilde décida d’aller demander conseil à Maître Lotard. Lui qui connaissait tout, devait savoir comment distinguer les bons et les mauvais champignons.

" Voilà une question… Comme elle est bonne ! Je suis bien embêté pour te répondre. Je n’y connais rien en mycologie. C’est une science très compliquée et il faut avoir de l’expérience. Honnêtement, je suis bien incapable de t’aider…

- Mais Maître Lotard, il faut bien que je trouve un moyen de ramasser des champignons sans prendre de risques.

- Tu n’as qu’à en acheter au supermarché… C’est plus simple.

- Non, on ne peut pas. Mon Papy exige des champignons frais, de production locale et en circuit court. Il est un peu écolo sur les bords… Donc un peu fada !

- Ton Papy, il nous fait suer… Pour ne pas dire autre chose !

- C’est exactement ce que dit ma grand-mère … mais elle, elle dit « Il nous fait chier ! »

- Je n’avais pas osé le dire. Mais j’ai peut-être une solution. Je connais une personne qui pourrait t’aider car elle a une certaine connaissance de la vie à ras de terre, donc des insectes, des végétaux et des champignons, en particulier.

- Et c’est ?

- C’est Claquemur… mon chien !

- Votre chien ! Mais comment peut-il reconnaitre un bon ou un mauvais champignon ?

- Le flair, ma petite ! Le flair ! Les chiens ont un odorat 100 fois plus développé que celui de l’homme. Alors, ils sentent tout : le bon, le mauvais, les mauvaises choses ou les bonnes choses… Ils sentent tout et sont des spécialistes du dépistage du poison.  Et Claquemur est le super-spécialiste des spécialistes des champignons… Enfin, c’est ce que m’a dit Sylvie, la dame qui me l’a donné. Et il parait qu’elle s’y connait."

   Ne voyant pas d’autre solution, Mathilde repartit, accompagnée de Claquemur. Ayant rejoint ses 2 amies, elles décidèrent d’emmener le chien en forêt de Guînes afin de trouver de quoi satisfaire les lubies de Papy.

   La période était bonne pour les champignons : il avait beaucoup plu et entre chaque averse, il faisait relativement chaud. Si bien que les bolets, les cèpes, les chanterelles poussaient à profusion ; on en avait des prairies complètes. Mais, hélas, au milieu de ces délices poussaient aussi des amanites, des cortinaires ou des gyromitres, champignons très dangereux voire mortels.  Mais nos 3 fées commencèrent leur cueillette en confiance. Claquemur était là pour les renseigner. Quand il jugeait qu’un champignon était bon, il remuait la queue et jappait ; quand il sentait qu’il était mauvais, il aboyait furieusement. Donc aucun risque de se tromper (on n’est jamais assez prudent !).

   Ils étaient à quatre dans une clairière ensoleillée. Plaqué sur le sol, un petit nuage de brume déposait, par ci par là, quelques gouttes de rosée sur le chapeau des champignons. Avec les rayons du soleil qui créaient des mini arc-en-ciel, on aurait pu se croire presque dans un dessin animé. Sauf, qu’à l’orée de la clairière, un homme surveillait les agissements de nos fées. Je dis bien agissements car pour cet homme, cueillir des champignons à cet endroit était un agissement illicite, un vol, une spoliation de son capital. Il s’appelait Maître Méchantome et était propriétaire de tous les champignons de la forêt. C’était le maître-gardien des champignons. En ramasser sans autorisation était donc un vol qualifié « extrêmement grave » et cela méritait une punition sévère, atrocement sévère. Méchantome décida de donner une leçon à ces petites effrontées et, en particulier, en leur faisant ramasser des champignons dangereux. Mais pour cela, il fallait d’abord éloigner le clébard ! Car ce chien semblait bougrement efficace. Devant des bons champignons, il remuait la queue et de temps en temps, il aboyait pour signaler un danger potentiel.

   Méchantome était un être pervers, vicieux, méchant, fourbe et enrhumé. Le rhume n’a rien à voir avec son caractère tordu mais il est quand même bon de le signaler. Il avait conçu, au fil des années, des machines machiavéliques qui lui permettaient d’appréhender toutes les situations problématiques. Et là, il sortit de sa gibecière un lapin mécanique. Il remonta le mécanisme et le posa au sol. La bête se mit à avancer en faisant, pour attirer l’attention, le bruit d’un éléphant suisse parcourant la savane dans la banlieue de Bruxelles. C’est-à-dire un bruit cosmopolite. Claquemur, qui était de par ses ancêtres un chien de chasse à courre, se dressa immédiatement et repéra d’où venait cet étrange son. L’instinct fut le plus fort : il s’élança à la poursuite du lapin, laissant nos 3 fées seules pour choisir les champignons.

" Claquemur, reviens ici !"

   Mathilde avait beau rappeler le chien, celui-ci était obnubilé par le lapin qui traversait la prairie.

" Ce n’est pas grave petite fée, je vais vous aider…"

   Méchantome venait de s’approcher de nos 3 gazelles. Il avait pris son air aimable (comme un inspecteur des impôts qui sait qu’il va vous redresser), son air doucereux (comme quand un enfant a fait une grosse bêtise), son air amical (comme quand votre meilleur ami veut vous piquer votre voiture), son air serviable (comme quand un commerçant veut vous faire croire qu’un sandwich usiné en Chine a été emballé à Vesoul). Bref, il avait pris son air « sale-gosse pas clair ».

" Qui êtes-vous, demanda Cloè

- Je suis Gentilhomme, le gentil garde forestier et je suis un gentil spécialiste en champignons. Et je vais gentiment vous conseiller."

   Roxane trouva bizarre cette façon de mettre le mot gentil à toutes les sauces.

" Vous ne seriez pas un homme politique par hasard… A vouloir nous faire croire que vous êtes tellement gentil ? (On n’est jamais assez prudent !).

- Non, gentille damoiselle. Je suis gentil de naissance, gentil de nature, gentil par envie et gentil par besoin. Ça ne se discute pas ! C’est comme ça !

   Claquemur étant parti dans la forêt à la poursuite du lapin mécanique, nos 3 fées n’avaient plus le choix : elles devaient accepter l’aide de ce gentil garde forestier. Et elles se mirent à ramasser de nouveau les champignons. Elles les montraient à Méchantome qui leur disait : « Oui, c’est un bon ! » « Non, c’est un mauvais ! ». En fait, il attendait la bonne occasion pour entrainer les 3 fées dans le chemin de l’erreur et du désespoir. Non mais ! Quand on a l’audace de piquer des champignons qui ne vous appartiennent pas, la punition doit être exemplaire.

   Après 1 heure de cueillette, elles arrivèrent au bord de la clairière. Mathilde présenta à Méchantome un grand champignon, avec de petites pointes et un large anneau blanc floconneux. Son odeur était douce, un peu comme une amande amère. C’était un Agaric Auguste. Immédiatement, Méchantome comprit le mal qu’il pouvait infliger à nos 3 voleuses.

" Très bon, mentit-il. Ça, avec un peu d’huile, une pincée de sel, un soupçon de coriandre ; le tout avec un bon verre d’Orangina… Rien de tel pour donner de la dynamique et du tonus. Pour les fées comme vous, c’est un trésor.

- Mais pour mon papy ?

- Non, surtout pas ! Ça ne marche pas sur les vieux ; ça leur donne des crampes d’estomac.

- D’accord ! dit Mathilde. En plus, comme il a déjà mal au bidon, on ne va pas lui donner celui-là. On va le garder pour nous. (On n’est jamais assez prudent !).

   Ayant rempli leurs 3 paniers, Cloè, Roxane et Mathilde remercièrent Méchantome et s’en retournèrent près de Guînes afin de commencer à cuisiner les champignons. Elles espéraient que Claquemur les rejoindrait sur la route. En les voyant partir, Méchantome exultait. « Je leur ai joué un sale tour ! riait-il dans ses méchantes moustaches… Elles vont être malades comme des bêtes. J’adore rendre les gens malades, je déteste les gens, je déteste les bêtes… Donc j’adore les gens malades comme des bêtes l »

   Claquemur avait rejoint nos 3 fées juste avant d’arriver à Guînes. Il était très déçu. En effet, il avait réussi à attraper le lapin mais quand il avait voulu le manger, il n’avait trouvé dans sa gueule qu’un ensemble de rouages, de roues dentées, de morceaux d’acier, le tout avec un goût d’huile et de graisse minérale. Une horreur ! Ce lapin avait vraiment un goût de chiotte et, en plus, Claquemur s’était cassé une dent. On ne le reprendrait pas à poursuivre des lapins qui font le bruit d’un éléphant suisse parcourant la savane dans la banlieue de Bruxelles. (On n’est jamais assez prudent !).

   Nos 3 amies s’étaient, elles, mises à la cuisine. Il fallait que Papy Guînes puisse se régaler tout en soignant son bidon. Elles avaient donc fait 2 casseroles : une pour papy, l’autre avec l’Agaric Auguste pour Mathilde. Après une heure devant les fourneaux, Mathilde décida enfin de goûter quelques champignons. Ça sentait fichtrement bon. Avec sa cuillère en bois, elle prit un gros morceau d’Agaric Auguste. Ce qu’elle avait dans sa cuillère était doré, luisant, sentait le soleil, l’herbe humide et la rosée. Un délice en perspective. En fait, dès qu’elle avala un petit morceau de ce champignon, elle fut prise d’un trouble inexplicable. Un violent vertige, une nausée, un éblouissement et, d’un seul coup, une perte de connaissance. Cloè et Roxane étaient affolées. Elles n’avaient jamais vu leur copine Mathilde dans cet état. 

" Claquemur ! Va vite cher Maître Lotard. Dis-lui que Mathilde est malade. Il faut qu’il vienne tout de suite avec ses potions. Elle est dans le coma. On ne peut pas la laisser comme ça."

   A la vitesse d’un enfant affamé voyant au loin un pot de Nutella, Claquemur partit chercher le plus grand, le plus intelligent, le plus savant, le seul sauveur et surtout le plus modeste… Maître Lotard.

   Après avoir écouté Claquemur, Lotard s’écria 

" Mathilde, malade ! Ce n’est pas possible ; cela doit être grave. Vite ! Claquemur, prépare ma monture. Moi, je vais chercher mes remèdes et mes potions et on va aller la sauver. Je lui dois bien ça. »

   Claquemur prépara le chameau à 3 bosses, chameau de course spécial réservé aux maitres (et accessoirement aux maitresses), en vente dans toutes les bonnes animaleries, à condition de présenter sa carte de Maitre magicien et son permis de conduire les chameaux. (On n’est jamais assez prudent !). Et il partit au secours de sa petite amie.

   Arrivé sur place, il s’isola dans la grotte numéro 33 où il avait fait transporter Mathilde. Elle était toujours endormie et rien ne semblait pouvoir la réveiller. Après un examen approfondi des oreilles, du nombril et des doigts de pieds, Lotard réunit la communauté et donna enfin son diagnostic :

" Mes enfants. L’heure est grave et le danger est aigu. Mathilde a été empoisonnée par un champignon !

- Oh mon dieu ! s’écrièrent Cloè et Roxane. Elle va mourir !

-  Non, bien sûr. Une fée, ça ne meurt jamais. Mais, si mon diagnostic est bon, comme elle a dû absorber de l’Agaric Auguste, elle va se réveiller mais, à son réveil, elle aura perdu tous ses pouvoirs.

- Elle ne sera plus fée ?

- Hélas non ! Cette saleté de champignon a la particularité d’enlever tout ce qui fait la force d’un être vivant : les fées perdent leurs pouvoirs ; les chiens perdent leur flair ( Claquemur se précipita derrière un rocher et ferma les yeux) ; les footballeurs perdent leurs chaussures et les hommes politiques leur dictionnaire des âneries.

- C’est terrible, Maître Lotard ! Mathilde est notre amie, notre sœur et notre complément. Nous existons à trois ou nous n’existons plus. Et nous ne pourrons plus rien faire si elle n’est plus avec nous.

   Après quelques instants de réflexion, Lotard ajouta :

" Il y a peut-être une solution. Je crois savoir qu’il existe un centre de rééducation pour les fées, un centre où on leur réapprend les pouvoirs magiques. "

  Eh oui ! On peut réapprendre à redevenir une fée ? Car, contrairement à ce que tout le monde croit, on n’est pas fée dès sa naissance ; on ne redevient pas fée automatiquement quand on l’a déjà été… Être fée, ça s’apprend, ça se réapprend et ça peut prendre du temps. Et pour cela, il faut entrer dans un centre spécialisé : le centre Bourtabeuf Doryphore, seul centre reconnu en France pour la rééducation des fées.

   C’est une sorte d’école située là-bas sur la côte. D’un côté, on peut voir la mer ; de l’autre, les collines verdoyantes de la Picardie. Mais cet établissement est secret. Personne ne sait que c’est un centre de rééducation réservée aux fées. Même les voisins ignorent ce qui se passe dans cette propriété isolée. Tout le monde est persuadé qu’il n’y a là qu’un simple élevage de bovins (on n’est jamais assez prudent !). D’ailleurs, autour du bâtiment, on peut voir quelques vaches… Mais, en fait, ce sont des vaches en plastique. Perfectionnées avec une machinerie interne qui leur fait faire des pets et des renvois mais, de loin, on se laisse berner par la vue et par l’odeur.

   Le professeur de fééries s’appelle Maître Tétrobouré, grand maître de la féérie, de la magie et des combines.  A l’entrée du centre, il y a une plaque énumérant tous les diplômes du maître : Maître Restapiè Tétrobouré, diplômé de la faculté d’Argoupil-lez-Casebures, fondateur du Grobasouk Kissan, référent pour le Radogris américain. C’est donc un homme important.  Il est le seul capable de vous transformer en fée n’importe quel enfant (à condition, bien entendu, que l’enfant soit une fille car les fées garçons, ça n’existe pas).

   Lotard, Cloè, Roxane et Claquemur avaient accompagné Mathilde jusqu’au centre de rééducation.  Rapidement, Maître Tétrobouré avait confirmé le diagnostic et rassuré nos héros : 

" Ce n’est pas si grave que cela. Elle a, en effet, perdu tous ses pouvoirs mais avec un peu de travail, elle va récupérer en quelques jours. Laissez-moi faire… J’enverrai la note chez Lotard… Comme il est un peu radin, ça me fera plaisir de le taquiner." 

   Tous, sauf Lotard, éclatèrent de rire. Et ils reprirent le chemin de Guînes. Mathilde, quant à elle, les voyant partir, se désolait et pleurait toutes les larmes de son corps. 

   Maître Tétrobouré avait décidé, le premier jour, d’aider Mathilde à revoler. « Je n’y arriverai jamais » se lamentait Mathilde.

" Mathilde, lui expliqua le maître. Depuis des années, on t’explique que tu dois coller tes coudes au corps pour manger à table correctement. Et pourtant, quand tu manges, tu continues à écarter tes bras à l’horizontale, surtout quand tu coupes de la viande. On dirait un avion qui décolle. Aujourd’hui, ce vilain défaut va te servir. Alors, pour que tu réapprennes à voler, je vais mettre dans ton assiette un beefsteak et tu verras le résultat."

   Tétrobouré déposa dans l’assiette de Mathilde un morceau de viande dur comme la pierre. Et Mathilde s’escrima à couper cette barbaque pour cannibale. Mais elle était dure, trop dure. En plus, Tétrobouré lui avait donné, exprès, un couteau qui ne coupait plus. Et elle essayait et elle essayait… Ecartant les bras… En agitant les bras à l’horizontale… Même en se mettant debout. Et au bout de 5 minutes, sans s’en rendre compte, elle décolla du sol.

" Voilà Mathilde. Tu voles à nouveau. Comme dit un vieux proverbe : « Manger ou voler, il faut choisir. »

- Ta viande est horrible ! Je préfère voler, répondit la petite fille redevenue fée."

   Pour les couleurs, le processus était beaucoup plus simple. Tétrobouré sortit plein de bouteilles remplies de sirop et plein de verres. Et il expliqua :

" Voilà, tu vas verser dans chacun des verres que je t’ai donnés, un peu de liquide de chaque bouteille. Tu y ajouteras quelques gouttes d’eau. Tu gouteras et tu devras me dire quel goût ça a et quelle est la couleur que tu vois. Quand tu auras gouté à toutes les bouteilles, tu connaitras, à nouveau, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et les autres aussi d’ailleurs."

   Mathilde se plia aux ordres du maître. Puis elle trempa ses lèvres dans chacun des verres et commença à égrener : « La violette… C’est violet ; la menthe… c’est vert ; l’orange… c’est orange ; la grenadine… c’est rouge » et ainsi de suite pour des tas de couleurs.  A la fin de la journée, la petite fée avait retrouvé la notion des couleurs et savait mettre du bleu dans le ciel, du vert dans la forêt et du rose sur les cœurs.

" Demain, je t’apprendrai comment tu peux transformer les cailloux en pommes-de-terre (pour faire les frites, c’est bien utile), comment récompenser le pigeon qui a fait caca sur la tête du voisin qui t’embête et comment faire apparaitre le soleil et démontrer ainsi que la météo se trompe tout le temps. Et enfin, après-demain, je t’apprendrai le plus important : comment provoquer le sourire chez les gens tristes. Quand tu sauras faire tout cela, tu seras redevenue une petite fée."

   Et le troisième jour, Mathilde était redevenue comme avant : une belle petite fée. Oublié les malheurs de Mathilde ; oublié l’Agaric Auguste et son poison anti-fée ; oublié Méchantome et ses vilainies… Quoique… Comme dit le proverbe « La vengeance est un plat qui se mange froid. »

   Après avoir remercié chaleureusement Maître Tetrobouré, Mathilde s’envola pour retrouver ses amies qui l’attendaient chez Maître Lotard. Le magicien avait, avec l’aide de Cloé et Roxane, reconstitué le scénario de la mésaventure et des ennuis de Mathilde. Il en profita pour enguirlander Claquemur : 

" Espèce de chien à puces ! A ton âge… Courir après des lapins en métal… Tu es un bon à rien, un rat d’égouts, un sac à crottins. Tu n’es pas digne d’être le chien d’un homme remarquable comme moi !"

    Le pauvre Claquemur s’était réfugié sous un canapé et pour ne plus entendre son maître, il avait réussi à mettre une croquette de viande dans chacune de ses oreilles. Mais la colère de Lotard n’était pas là de se calmer et elle se reporta, très naturellement, sur le fourbe, l’horrible Méchantome.

   Et quelques jours après, nos 3 petites fées se glissèrent dans la cuisine de Méchantome. Celui-ci était en train de préparer une soupe d’araignées avec des queues de scorpions. Discrètement, elles versèrent dans le chaudron, quelques gouttes d’un élixir que Lotard avait préparé. C’était un concentré d’Agaric Auguste mélangé avec un purin d’amanite. Et pour accentuer l’effet, Lotard avait ajouté une dose de Ricard (On n’est jamais assez prudent !).… Sur les méchants, le Ricard a un effet désastreux. Sur les gentils aussi d’ailleurs : ça peut les rendre méchants.

   A peine avait-il bu son premier bol de soupe qu’il fut pris de tremblements, de vomissements et eut des hallucinations. En deux temps trois mouvements, il se transforma en crapaud pustuleux et bavant. La vengeance de Lotard était terrible mais momentanée. En effet, Méchantome retrouverait son apparence après 2 jours de souffrance. L’élixir de Lotard avait une action limitée dans le temps. Mais ça lui faisait une bonne leçon.

   Mathilde put préparer des plâtrée de champignons pour son grand-père. Celui-ci se régala mais, malgré ce repas de prince, il avait toujours mal au bidon.

   Quelques jours après, Cloè arriva affolée chez Mathilde :

" Mathilde ! Viens vite ! Maître Lotard est tombé dans le coma. C’est terrible.

- Dans le coma ? Ce n’est pas possible. Maître Lotard est plus fort que les virus, les microbes et même que les hommes. Que s’est-il passé ?

- Il a ouvert son courrier et il est tombé dans les pommes. Viens voir, j’ai peur.

   Et les 2 fées se précipitèrent chez Lotard. Elles le trouvèrent allongé, inconscient et très pâle. Mathilde s’aperçut qu’il avait dans la main un papier. Elle le prit et comprit tout de suite la cause du malaise de Lotard.

   Ce papier, c’était la facture, envoyée par Tétrobouré, pour la rééducation de Mathilde. En voyant la somme demandée, Maître Lotard avait eu un choc terrible. Et pourtant, connaissant l’avarice de Lotard, Tétrobouré avait fait une ristourne (On n’est jamais assez prudent !). Mais la ristourne n’était pas assez forte et Lotard avait eu un gros malaise

04/09/2022: Histoire pour petits/ C'est bon pour le bidon/ Pour Mathilde

Note de l’éditeur : J.M.Barrie est l’écrivain anglais qui a créé Peter Pan, en vente dans les bonnes librairies.

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4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 23:29

L’histoire de la tortue.

Un conte pour Louise.

04/09/2022: Histoire pour petits/ L'histoire de la tortue/ Pour Louise

    Le calme régnait dans la maison. Les vrais connaisseurs savent que ce n’est pas toujours le cas, du moins pas dans cette maison-là. Mais ce jour-là, en cette fin d’après-midi, pas de cris, pas de chicaneries, pas de chamailleries. Chacun vaquait à ses occupations : travail d’école, coloriage, lecture de bande dessinée. Constance était à la cuisine et on s’acheminait calmement vers un souper tranquille en famille. Personne ne pouvait imaginer ce qui allait arriver.

   Vers 18H30, Loulou descendit de sa chambre et s’approchant de sa mère lui dit :

" Quand est-ce qu’on mange Maman ? Je crois que j’ai un peu faim.

- Tu verras bien ? Tiens, tu ne m’as pas raconté ta journée. A-t-elle été bonne au moins ?

- Oui. Vachement ! On a travaillé en groupe. La maitresse a voulu qu’on fasse de la géographie : l’Amérique centrale, la mer des Caraïbes, la Guadeloupe, la Martinique, Cuba et toutes les petites iles. C’était vachement intéressant. Du coup, on a redessiné une carte avec toutes les îles et la maitresse nous a demandé de retrouver les dates de découverte de ces îles par Christophe Colomb. En plus, on a dû chercher et noter tout ce qu’il y avait de spécial dans ces îles. On a travaillé tout l’après-midi et on a écrit 5 pages de remarques sur ce qu’il s’est passé depuis des siècles. C’était trop bien."

   Pour la taquiner, Constance lui dit :

" Dis-donc. Tu n’as pas l’habitude de travailler autant et aussi vite. D’habitude tu es plutôt du genre « tortue ».

- Tortue ? Pourquoi dis-tu cela ? Ce n’est pas vrai. » Et elle se mit à bouder…

   Mais au bout de 5 minutes, elle devint toute pâle.

" Dis Maman, je ne sais pas mais je me sens toute bizarre. J’ai un peu mal à la tête et je suis très fatiguée.

- Tu as peut-être faim. Va te reposer dans le canapé. Tu vois, c’est ça quand on fait trop marcher sa tête… Une tortue, ça ne peut pas aller vite sinon elle tombe malade. Pas vrai ma puce ?"

   N’ayant pas de réponse, Constance se retourna et, à son grand étonnement, vit que Loulou était déjà endormie sur le canapé. Endormie, peut-être mais surtout partie dans un autre monde, un monde bien à elle, un monde réservé aux enfants rêveurs.

   Et elle se réveilla en l’année 1570. Elle ne se réveilla pas ! Elle fut réveillée par un tintamarre indescriptible… des cris ou des hurlements témoins d’une bagarre générale, le tout entrecoupé de chants, tout cela venant d’une autre pièce. Etonnant car les paroles de ces chants lui étaient totalement inconnues et semblaient foutrement bizarres. Malgré son mal de tête, elle essaya d’analyser calmement la situation. Elle se retrouvait donc allongée sur un lit qui n’était pas le sien, dans une chambre qui n’était pas la sienne et, comble de l’étrange, elle avait un énorme pansement autour de la main droite, un pansement taché de sang. Elle avait sur la tête un turban, était vêtue d’un corsage rouge vif et d’un pantalon noir très bouffant. Et, de plus, elle était pieds nus… Que s’était-il passé ? Où était-elle ? Il y a tout juste 5 minutes, elle était encore avec sa mère dans la cuisine et elle lui racontait sa journée.

   Un peu apeurée mais surtout attisée par la curiosité (car Loulou est d’une curiosité maladive), elle se leva et décida d’aller voir d’où venaient les cris et les chants.  Apparemment, elle était au premier étage d’une taverne et le brouhaha venait de la pièce du bas. Sortant de sa chambre, avançant sur la mezzanine et avant même de découvrir le rez-de-chaussée, elle entendit le chant répété en chœur par des braillards qui, de toute évidence, étaient fortement avinés. (Page Pub : 1 verre, ça va ! 3568 verres, bonjour les dégâts !)

« Flibustier d’un jour, pendu au mât de misaine

Flibustier d’un jour et pirate pour toujours.

Et rhum, et rhum, et rhum, et rhum ! »

 

   S’aventurant vers la rambarde, elle découvrit le spectacle. Des dizaines d’hommes étaient attablés, buvaient, chantaient, riaient, se levaient et se bousculaient parfois violemment. Des injures et des coups de poings s’échangeaient régulièrement et l’atmosphère était plutôt électrique. De jeunes femmes à l’aspect de gitanes circulaient entre les tables, distribuant des bouteilles et plaisantant avec les clients. Dans un coin de la salle, certains bonshommes dormaient profondément, assommés par l’alcool ou victimes d’une rixe plus ravageuse que les autres. D’ailleurs, plusieurs d’entre-eux étaient bien « bleuzés » comme on dit. (Page Pub : Pour les coups et les traumatismes, un seul remède : Arnica Caoli). On était probablement dans une taverne et ces hommes faisaient la fête.

     « La tortue est réveillée ! La tortue est réveillée ! »

  Un des fêtards venait de tourner la tête et avait aperçu Loulou. Tous les fêtards se levèrent alors en regardant la jeune fille. « La tortue est réveillée ! » hurlaient-ils. Certains riaient, d’autres montaient sur les tables et dansaient en scandant « La Tortue ! La Tortue ! ». Un malabar à tricorne grimpa sur une chaise et tendant le bras vers Loulou cria :

" Silence, bande de boucaniers puants et mal dégrossis (le silence s’installa immédiatement). Fermez vos claque-merdes, ça sent trop mauvais. La tortue est réveillée. C’est une grande joie pour nous tous, crapules que nous sommes. Nous allons enfin pouvoir reprendre nos courses, fesser les chenapans, détrousser les nobles sires et violenter les duchesses. La Tortue ! Tu nous as manquée et on était très inquiets pour toi (un murmure d’approbation secoua l’assistance). Mais tu nous es revenue. Alors, on va encore plus faire la fête avant de remonter les voiles !"

   Loulou était abasourdie. Elle ne comprenait rien. Tout le monde l’applaudissait, fêtait son retour et parlait de faire des courses… Elle n’avait pas besoin de voiles pour faire les courses ! La supérette du coin n’était pas si loin. Elle ne comprenait plus rien. Où était sa mère ? Où étaient ses sœurs ? Qui étaient ces excités du chapeau qui buvaient comme des trous ?

   Le grand malabar décida de rejoindre Loulou à l’étage. Arrivé devant elle, il écarta les bras en disant « Viens que je t’embrasse ! nous avons eu tellement peur pour toi ! ». Et Loulou se trouva étouffée dans les bras de ce gros costaud qui sentait la vinasse, la sueur et la viande boucanée. Le repoussant un peu, elle put le détailler : Il était sale comme un cochon, avait de biceps aussi gros que des jambons, un torse aussi large qu’une autoroute californienne et sur chaque avant-bras, il avait un tatouage : d’un côté, un cœur percé d’une flèche et « A ma Maman chérie » gravé au-dessous, de l’autre une tête de mort avec écrit « Mort aux cons » et en dessous, en plus petit « Et il y en a beaucoup ». Loulou prit son air revêche et asséna :

" Excusez-moi, Monsieur, mais je ne vous connais pas !

- Quoi ! Tu ne me connais pas ! La Tortue, voyons ! Je suis Fredo le Gros Caquot ; je suis ton quartier-maitre… Ça fait 6 ans qu’on flibuste ensemble et je ne t’ai jamais trahie… Et chez nous, c’est quand même rare. On a fait tous les coins des caraïbes avec l’équipage qu’on appelle « Trompe la mort ».

- « Trompe la mort » ? Jamais entendu parler de ce truc.

- Comment ça ! Jamais entendu parler !"

   Et se penchant au-dessus de la balustrade, Fredo cria : « Trompe la mort ! A la rescousse… La tortue veut vous voir. » Et à ce moment-là une bande d’énergumènes se précipita vers l’escalier et gravit les marches quatre à quatre. Ils étaient une dizaine et, d’un air guilleret et imprégné (de rhum évidemment), ils entourèrent Loulou et Fredo.

" Camarades flibustiers. La tortue ne se souvient plus de nous !

- Et pourtant, on est inoxydables… Non, inaltérables… Non, imperméables… Zut ! J’men rappelle plus.

- Inoubliables ! ajouta Fredo. On est inoubliables. Jojo, tu es trop saoul ! "

   Puis ce tournant vers Loulou

" Ça, c’est « Jojo la Pente raide ». On l’appelle comme ça car devant une bouteille de rhum, son gosier devient plus raide qu’un bambou de Cuba. Et du coup, ça descend tout seul. Et ça descend vite en plus !

- Mais pourquoi dis-tu que je vous connais ? interrogeât Loulou

- Mais tu es notre cheffe. Tu es la célèbre « La Tortue », pirate la plus connue, la plus cruelle, la plus respectée et la plus belle de toutes les Caraïbes. Et nous sommes avec toi depuis des années. Nous faisons de la flibuste, nous tuons tout ce qui bouge, nous dépouillons tout ce qui ne bouge plus, nous devenons riches et nous adorons ça.

- Mais je ne me souviens de rien…

- Pas étonnant, La Tortue. Tu as attrapé un coup sur la caboche… Et un rude coup en plus. Lors du dernier abordage, c’était un galion hollandais, tu as été attaquée par 12 hommes en même temps, 12 hommes en colère. Comme tu les trucidais tous les uns après les autres, un salopard vicieux, petit et difforme, a décidé de t’écraser en faisant tomber le mât d’artimon. Au plus fort du combat, alors que tu venais d’être blessée à la main, le mât t’est tombé sur le crâne. Et tu as perdu connaissance. Nous avons coupé le cou à tous ces bâtards et on a accroché leurs boyaux en haut de la grande vergue. Puis on t’a ramenée ici, inconsciente. Et on espérait tous que tu n’allais pas mourir… Alors, pour conjurer le sort et éloigner les mauvais esprits, on a ouvert des tonneaux de rhum ! (Note de l’éditeur : A l’époque, le scanner n’existait pas encore.)

- Et ça a vachement bien mariné… Non marché ! Avec le rhum, on réussit tout… moi en tous cas… ajouta Jojo la pente raide. (Page Pub : Le rhum Nivor, celui qu’on adore.) 

- Alors je suis votre cheffe et nous sommes en… ?

- En 1570, commandant !

- Mais je ne peux pas être en 1570 ! Je dois rendre mon devoir à l’école, demain matin !

- A l’école ? C’est quoi ça ?

- A Sassenages… Mon école…

- C’est quoi ça ? Une nouvelle nage ? Une nouvelle ile qu’on ne connait pas ? Mais nous, on veut repartir avec toi. Et on est prêts à écumer les mers encore pendant 10 ans. Pas vrai les mecs ?"

   La réponse fut unanime et le cri résonna dans toute la taverne : « Vive La Tortue ! ». Et sans lui demander son avis, ils la soulevèrent et l’emmenèrent vers le port où étaient amarrés trois magnifiques galions, la Mémère, le Pépère, le Deux Gâteux, avec en haut de chacun des grands mâts, un drapeau noir à tête de mort, signe de reconnaissance de tous les pirates. 

   Quand elle monta sur la passerelle d’accès au bateau, les marins lui firent une haie d’honneur. Il y avait Jonathan le Bout Cramé (un jour de grande beuverie, alors qu’il voulait éteindre de façon naturelle un barbecue sur la plage, un retour de flammes lui avait brulé le limaçon ; d’où son surnom), Gordon Le Manchot (il avait perdu un bras en voulant couper à la hache un morceau de saucisse séche acheté en promotion au Super U du coin), Sourdingue Le Négro (un salopard d’irlandais lui avait arraché les 2 oreilles avec les dents… Cannibalisme ou racisme, on ne sait pas ?) , Nezrouge Le Balafré, Morlafesse, Pissedru et Grodubide. Bref, tout le gratin de la flibuste, toute la crème des naufrageurs était là, sous les ordres de Loulou.

   « Hissez les voiles, bande de sagouins, et en route pour l’aventure ! »

   Loulou avait envoyé cet ordre de façon naturelle, le bras tendu vers le ciel et la main blessée tenant un sabre d’abordage.  Elle fut elle-même étonnée du ton et de la façon avec lesquels elle avait lancé cette injonction. Mais Fredo, reconnaissant les termes favoris du chef, s’écria : « On a retrouvé La Tortue ! Allez ! Tous aux voiles et levez l’ancre. » Les hommes n’attendaient que ça. Rapidement, les trois navires sortirent du port et mirent le cap sur Sainte Lucie. (Page Pub : Retrouver goût à la vie, vacances à Sainte Lucie)

   Loulou était à bord de la Mémère qui, toutes voiles dehors, traçait la route pour les 2 autres navires. Grodubide dirigeait le Pépère et Morlafesse s’occupait du Deux Gâteux. Après 3 ou 4 heures de navigation, ils tombèrent nez à nez avec un convoi espagnol, emmenant des esclaves vers les Amériques. L’ordre fut donné : on attaquait sur les 2 flancs et sur le navire de tête ; on tuait tout le monde ; on délestait les navires de leurs cargaisons et on les coulait. Aucun intérêt à garder ces navires espagnols : trop lourds, peu maniables et avec trop peu de voiles. La Mémère se dirigeât vers le navire de tête, le El Failebo. Le Pépère prit le flanc droit, le Deux Gâteux le flanc gauche. Partout on entendait des cris, voire des hurlements témoignant d’une mobilisation de tous les équipages. Les canonniers préparaient les canons ; les égorgeurs préparaient les sabres ; les racoleurs préparaient les grappins ; les étripeurs préparaient les couteaux ; les cuisiniers préparaient la cuisine. (Page Pub : Cuisine Boitanfer, cuisine des experts). Chacun son rôle, chacun son devoir, chacun sa tâche.

   Arrivée à quelques encablures, Loulou donna l’ordre d’attaquer. Les canonniers tirèrent une bordée visant principalement les mâts de l’adversaire afin de l’empêcher de manœuvrer. Le résultat fut supérieur aux espérances… Toute la voilure du El Failebo s’écroula et les pauvres espagnols étaient engoncés, comme englués dans les toiles, les filins et les boutes. Les grappins furent lancés, le bateau accosté et ce fut le début d’une bataille violente et sans pitié.

   Rapidement, les Espagnols furent débordés et, indéniablement, les pauvres marins ibériques n’avaient pas l’habitude des combats. En une heure l’affaire fut réglée et la messe fut dite.

" Jetez-moi tous ces bouffeurs de paella à la baille… Sauf le commandant… Il pourrait nous servir. Fredo, vas voir ce qu’il y a dans les soutes. Et ramène-moi le trésor."

  En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les corps des marins trucidés furent passés par-dessus bord et on obligeât les rescapés à sauter dans une mer rougeâtre de sang. Du coup, on vit arriver des centaines de requins. Seul, le commandant fut épargné. Il faut quand même avouer que c’était un bien bel homme, un bel hidalgo comme on dit à Madrid.

   Loulou avec quelques hommes s’approcha de lui.

" Alors, le rastaquouère, on a pris une bonne branlée ? Comment t’appelles-tu ?

- Yé m’appellé EL Cordobés de La Sierra, Olé !  yé sui el Commandatore de la Pitite armada què allé vers l’amériquano, Olé ! "

   Vous comprenez pourquoi, depuis cette époque, on emploie l’expression « parler comme une vache espagnole »

" Un américano au lait ? C’est du n’importe quoi !" s’énerva Jojo la Pente Raide

   A ce moment dramatique mais crucial, Fredo remonta des soutes, l’air catastrophé.

" La Tortue ! Le résultat n’est pas terrible. Dans les soutes, il n’y a que des noirauds qui devaient devenir esclaves et des centaines de caisses…

- Et qu’est-ce qu’il y a dans ces caisses ? demanda Loulou

- Des castagnettes… Des millions de castagnettes ! (Page Pub : Castagnettes Del Toro, castagnettes qu’il vous faut)

   Loulou demanda à Jojo « Donne-moi un verre de rhum ; ça va m’éclaircir les idées » (Page Pub : Le rhum Atoufair, le rhum qui va vous plaire) puis se tournant vers El Cordobés de la Sierra demanda :

" Qu’est-ce que vous vouliez faire avec toutes ces castagnettes ?

- Inondé el marché, Olé ! Etre el primos del mondo, Olé !

- Mais pourquoi autant ? Les castagnettes, ça dure longtemps !

- Tou té trompe, Olé ! Los indigénes dè amériquano disent sovan « Tou mè casse lé castagnettes. » Alors, nous, on vend castagnettes, bocou castagnettes, Olé !

- Mais moi, je vais te casser quelque chose, tu vas voir ! s’énerva Fredo.

- Tais-toi Fredo s’écria Loulou et en s’approchant du bel hidalgo, elle rajouta – Tu es sûr que tu n’as que des castagnettes ? Tu n’aurais pas un petit trésor caché ? Espèce d’enflure hispanique !

- Notré trésor cé los castagnettes ! Olé !"

   Désolée, déçue, dépitée, La Tortue était prête à occire le bel hidalgo mais celui-ci la regarda droit dans les yeux et dit :

" Tou sait quou tou é belle, toi ! Tou é la plou belle dé Caraïbes ! Yè feré bien un cou de castagnettes avé toua."

   Loulou le regarda et brusquement, était-ce un effet du rhum, un éclair se produisit dans sa tête, ses yeux clignotèrent, un tremblement incoercible l’agita et un chat lui chatouilla la gorge : c’était le coup de foudre ! Elle venait de tomber amoureuse du bel hidalgo… Et Loulou n’avait jamais connu l’amour et n’avait jamais eu un coup de foudre (Page Pub : Vous avez peur des éclairs : Dingo Paratonnerre)

" Détachez-le" ordonna La Tortue.

   A son ton, les hommes comprirent qu’il ne fallait surtout pas discuter.

   Une fois libéré, El Cordobés s’approcha de Loulou et la regarda fixement. Il l’enlaça et tout en fredonnant une musique très rythmée (la sono était en panne), ils dansèrent un tango endiablé. Loulou était comme anesthésiée, sous hypnose.  L’équipage, quant à lui, était médusé. Comment se pouvait-il que La Tortue, la terreur des Caraïbes, la pirate la plus habile et plus expérimentée soit tombée sous le joug d’un hidalgo qui sentait l’Eau de Cologne et qui, de plus, avait les dents propres, ce qui chez les pirates est un signe de mauvaise santé.

" Qu’est-ce qui t’arrive, La Tortue ?" s’écria Fredo pendant que Grodubide qui venait d’arriver pour le partage et qui n’était au courant de rien, sortait son sabre afin de sauver sa cheffe.

   A l’appel de son lieutenant, Loulou revint sur terre.

" Oui, je t’entends Fredo ! Ne t’inquiète pas, je domine la situation."

   En fait, elle ne dominait rien du tout : le mal était fait, le ver était dans le fruit, la voiture au garage, le sandwich au frigo et la mouche dans la buanderie (ça ne veut rien dire mais quand on est amoureux, on dit n’importe-quoi). Une grande histoire d’amour allait commencer.

   Après ce tango endiablé (Note de l’éditeur : ce tango n’était pas argentin car, à l’époque, l’Argentine n’existait pas), El Cordobès raccompagna Loulou a son siège, là-haut sur le gaillard d’arrière. Une fois assise, il lui baisa la main et dit

" Si tou lé veux, moi épousé toua. Olé !"

   La Tortue était troublée. Jamais elle n’avait éprouvé un tel sentiment, une telle pulsion, une telle attirance pour quelqu’un. Mais comment résoudre ce dilemme, comment obéir à sa pulsion sans décevoir ses hommes.

   L’intermède musical étant terminé (Note de l’éditeur : Retrouvez « Le Tango endiablé » sur Youtube), La Tortue ordonna « Hissez les voiles ! On repart pour Sainte Lucie. » et les trois navires, chargés d’environ 300 esclaves noirs, que Loulou avait affranchis d’ailleurs (comme une lettre de la poste) et de quelques caisses de castagnettes, reprirent la route de la haute-mer.

   Mais le cœur n’y était plus. Fredo, très rapidement, se rendit compte du malaise : La Tortue ne dormait presque plus, avait de grandes périodes de silence, parlaient aux hommes de façon courtoise et grignotait seulement quelques amandes par jour. Ce n’était plus La Tortue d’avant.

   Un matin, au saut du lit, Fredo entra dans la cabine de sa cheffe.

" La Tortue, dit-il, il y a quelque chose qui ne va pas ! Tu n’es plus comme avant ! Je te sens troublée."

   Après quelques moments d’hésitation, Loulou avoua :

" Oui, Fredo. J’ai peur que le coup sur ma caboche m’ait changée- une larme perça au coin de l’œil- Moi-même, je ne me reconnais plus. C’est affreux… Je crois que je suis tombée amoureuse… Et je n’ai qu’une idée, c’est de passer le restant de ma vie avec lui.

- Avec l’ibérique pomponné et parfumé ? s’écria Fredo, en agitant les bras.

- Oui ! Hélas mon ami ! Je crois que je suis amoureuse de ce zigoto buveur de sangria… J’ai honte, atrocement honte !

   Après quelques moments de réflexion, Fredo lui dit :

" Ecoute bien La Tortue ! Tu ne peux plus être la pirate la plus cruelle des Caraïbes si tu es amoureuse… Il faut que tu laisses ta place. Mais si tu laisses ta place, tu seras, comme le veut la tradition, pendue en haut du grand mât… Tu t’en rends compte au moins ?

- Oui, je sais tout cela.

- Alors, voilà ce que je te propose. On va dire que tu n’es pas encore guérie de ton coup sur le crâne et que tu as besoin de repos. On te dépose sur une île que moi-seul connait… Avec ton danseur de flamenco… Et on n’entend plus jamais parler de toi ! Et bien entendu, je deviens le chef des pirates.

   Après quelques hésitations, Loulou acquiesça. L’idée de faire des câlins avec El Cordobés lui était tellement agréable.

   Après 3 jours de navigation, les 3 corvettes arrivèrent devant une île paradisiaque : l’eau transparente, couverte d’une végétation luxuriante et on pouvait voir les animaux courir le long du rivage.

" C’est là que je te dépose, La Tortue. Avec ton obsédé sexuel ! Cette île est inconnue, sauf de moi. Vous y trouverez tout ce qu’il faut pour survivre. On repassera dans quelques mois ou quelques années pour voir ce que vous êtes devenus.

- Merci Fredo. Et elle étreignit son fidèle second.

- Et moi, Fredo, nouveau flibustier en chef, je décide que cette île inconnue sera désormais l’île de La Tortue, c’est-à-dire ton île."

   Loulou embrassa tendrement son fidèle Frédo.

   Ainsi fut fait. Et c’est ainsi qu’apparut sur la carte des grands voyageurs, une nouvelle île : l’île de la Tortue. Loulou et El Cordobés s’y installèrent, vécurent heureux, eurent 17 enfants qui, eux-mêmes, restèrent sur l’île. Et ces enfants de l’amour aménagèrent l’île, plantèrent des champs de canne-à-sucre et construisirent un village complet avec de nombreuses tavernes où on ne buvait que du rhum local et bio. Et au fil du temps, l’île de La Tortue devint le repaire de tous les pirates des caraïbes, de tous les soulards des Caraïbes, de tous les bagarreurs des Caraïbes, de tous les pirates soulards et bagarreurs des Caraïbes. Et c’était une étape obligée pour tous les flibustiers qui passaient dans le coin.

   « Loulou ! Loulou ! Réveille-toi ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ? » Vincent et Constance étaient très inquiets ; ils ne pouvaient pas réveiller leur fille. Elle finit pourtant par ouvrir les yeux.

" Alors, ma puce, tu es enfin réveillée.

- Maman ! C’est affreux ! Je viens de me rendre compte qu’on a oublié de mettre l’île de la Tortue sur la carte qu’on a faite à l’école !

- Ce n’est pas grave, ma puce. C’est une petite île que personne ne connait. Dis-moi, ce n’est pas parce que je t’ai traitée de tortue que tu penses à cela ?

- Mais non ! L’île de La Tortue, moi, je connais. C’est important. Je dois le dire aux copains. Il faut absolument rajouter l’île de La Tortue sur notre carte ! … Olé !"

   Vincent et constance se regardèrent, étonnés. Leur fille n’apprenait pourtant l’espagnol !

" Si tu veux vraiment apprendre l’espagnol, ajouta Vincent, ce n’est pas compliqué. On a de nouveaux voisins… Ils arrivent tout droit de l’Espagne et ils ont 2 garçons.

- Ah bon ! s’étonna Constance.

- Oui, je les ai rencontrés tout-à-l ’heure. Ils ont un drôle de nom d’ailleurs : El Cordobés de la Sierra. Bizarre non ?

   Loulou ne dit rien et baissa la tête.

   Même Monsieur Stevenson n’aurait pas pu inventer une si belle histoire !

04/09/2022: Histoire pour petits/ L'histoire de la tortue/ Pour Louise
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Published by popo - dans contes pour petits
4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 19:41

              La divine prophétie.

Un conte pour Victor.

04/09/2022: Histoire pour petits/ La divine prophétie/ Pour Victor

  Guînes, 360 ans avant notre ère.

 Le soleil tapait fort, au moins quarante degrés à l’ombre… Si ce n’est pas plus !  Et pas un poil de vent, pas un soupçon de bise, pas le moindre rototo d’Eole. Alors, bien entendu, personne dans les rues de Guînes ; même les mouches, les moustiques et les cafards étaient introuvables. Pensez-donc : ces pauvres bêtes cherchaient surtout, comme tout le monde, de la fraîcheur. Et de la fraîcheur, sur la place de l’Hôtel de ville, il n’y en avait pas.

   J’ai dit « Personne dans la ville ! » Ce n’est pas tout à fait exact. En effet, curieusement, Il y avait, sur la place, quelques employés municipaux, essayant péniblement, d’arranger les parterres de fleurs. Ils arrosaient, tuteuraient, binaient la terre, espérant y faire pénétrer un peu d’humidité. Mais chaque geste était une épreuve et la moindre velléité de travail leur donnait des suées. Certaines mauvaises langues diraient que des velléités de travail chez des employés municipaux, ça n’existe pas. Mais ici, à Guînes, les ouvriers travaillaient ou du moins essayaient. 

   Norbert, dit Norbert le Tartare, chef de l’équipe municipale, n’en pouvait plus. Depuis huit jours, la canicule paralysait la région et pourtant, le vizir municipal avait déclaré « Le pharaon-maire veut que la place soit fleurie au maximum. Le jury des VAF (Villages Antiques en Fleurs) va bientôt passer. Si nous n’avons pas la première place, le pharaon-maire vous en tiendra pour responsables. Compris ? ». Norbert et son équipe avaient compris le message et faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour gagner ce pari. Mais comment voulez-vous réussir une œuvre d’art floral, quand il fait une chaleur caniculaire depuis plus de huit jours et que, régulièrement, le soir, des averses de grêle s’abattent sur la région ? 

   Ce jour-là, alors que le thermomètre était encore plus haut que d’habitude, Le Tartare dit à ses hommes : « Faites ce que vous pouvez, les mecs !  Si le pharaon-maire n’est pas content, il ira se taper le derrière par terre ». Les six ouvriers municipaux le regardèrent étonnés, comme tétanisés. « Ben quoi, les mecs ! Ça vous choque ce que je viens de dire ? ». Ce qui les choquait, c’était de voir le vizir municipal derrière le dos de Norbert et celui-ci ne l’avait pas entendu arriver.

" Alors Norbert, tu dis que le pharaon-maire peut aller se taper le derrière par terre ? Sais-tu que dire ceci est insultant pour ton patron et que, d’après la loi municipale, toute insulte insultante et insultative doit être punie de vingt coups de fouet !" 

   A cette époque-là, les vizirs qui aidaient les pharaon-maires à diriger le territoire avaient une façon curieuse de parler. Ils avaient souvent tendance à faire des redondances ou des complications verbales rendant leur expression plutôt bizarre. Mais c’était un moyen de se donner de l’importance.

   Revenu de sa surprise, Le Tartare s’exclama : « N’importe quoi ! Les coups de fouet, c’est démodé ! Et d’abord, c’est interdit ! ». Mais le vizir éclata de rire

" Interdit, sauf si je décide de l’opposé du contraire car c’est moi le sous-chef et de plus, tu sais très bien que le pharaon-maire aime bien tout ce qui est anciennement et vieillement démodé. Et les coups de fouet, c’est sacrément démodé. Alors, à genoux, chien canin ! Montre-moi ton dos que je te rappelle comment, chez nous, on punit les rebelles pas obéissants et pas soumis. »

  Norbert se recula et les ouvriers se mirent à ses côtés. 

"  Pas question ! Je refuse !  Vous n’avez pas le droit de me donner des coups de fouet ! 

- J’ai tous les droits… Présentement et à l’heure actuelle, c’est moi le sous-chef ! "

   La tension montait, les cris éclataient, les invectives fusaient… D’un côté, les sept employés municipaux. De l’autre, le vizir qui avait été rejoint par les deux gardes municipaux, qui ne comprenaient pas trop ce qui se passait. Et ça criait tellement fort que tous les habitants de la place étaient à leurs fenêtres. Le vizir avança une lanière de cuir à la main ; les ouvriers municipaux étaient prêts à entrer dans un combat sanglant et meurtrier ; les policiers municipaux, quant à eux, se grattaient la tête, attendant les ordres et cherchant à comprendre les raisons de cet affrontement… avant de choisir leur camp. La tension était extrême et on aurait pu entendre voler une mouche. Mais comme je l’ai déjà dit précédemment, les mouches cherchaient de la fraîcheur… Donc, elles ne volaient pas.

   Norbert et le vizir étaient sur le point de s’agripper quand, tout à coup, une voix s’éleva : 

"  Hommes de peu de foi ! N’avez-vous pas honte de vous montrer en spectacle ? Vous qui devez être exemplaires, vous qui devriez être la base d’un monde nouveau. »

    La personne qui venait de dire cela, était un petit bonhomme, d’une dizaine d’années, brun, propre sur lui et qui venait, tout juste, de déboucher sur la place. Mais son calme et la sureté de son regard impressionnèrent les belligérants. Comment un petit garçon pouvait-il intervenir dans un combat titanesque ? Comment un petit gamin pouvait-il parler de monde nouveau ? Tout cela faisait étrange ou d’origine surnaturelle. Et, franchement, un petit garçon ne pouvait pas, spontanément, parler ainsi.

   Mais ce petit garçon, comme nous allons le découvrir, n’était pas n’importe qui !  Il s’appelait Victor et venait du midi. En fait, c’était le petit-fils de Poherus, l’ancien pharaon-maire de la ville et il était venu en vacances, comme tous les ans, chez son grand-père. Victor était né, quelques années auparavant, dans un village reculé de la lointaine contrée du Languedoc. D’ailleurs, juste après sa naissance, un événement bizarre s’était produit. En effet, sa maman Marie, à peine sortie de la maternité, avait voulu prendre l’air sur le vieux port de Marseillan. Avec Nicolas, le papa, ils déambulaient tranquillement sur les quais, Marie poussant un landau dans lequel Victor était chaudement emmitouflé. Brusquement un vieux marin, au nez rougi par trop d’alcool et à la bouche pleine de chicots, se mit en travers de leur route. « Halte là, mécréants ! Vous devez écouter la parole du Créateur ! Et ces paroles-là, vous ne les aurez pas sur YouTube. ». Nicolas s’avançant s’écria « Fous le camp, espèce de vieux tonneau. On ne t’a rien demandé… Va cuver ton vin ailleurs ! » Mais le marin ne renonçait pas.

" Ecoute-moi, jeune homme ! D’abord, je ne suis pas un vieux tonneau ; ensuite, je cuve mon vin où je veux. Enfin, je suis porteur d’un message pour le petit bonhomme que vous promenez »

   « Un message ? » s’étonnèrent d’une même voix Marie et Nicolas.

-  Oui, un message et écoutez-le bien car, une fois énoncé, il s’effacera dans les cinq secondes et répéter ce message sera pour moi presque mission impossible. 

-  Vas-y ! Accouche grand-père ! »  s’énerva Nicolas.

   Le marin prit un air solennel, leva un index vers le ciel et déclara :

" Le créateur a dit : En plein cœur de la vigne, naitra le rédempteur. Son nom évoquera des lauriers de victoire. Dès l’âge de dix ans, au pays des glaces et de la bise, sous le signe de l’Allium porrum, il libérera le peuple de ces aïeux et l’emmènera vers la terre promise. Il montrera au peuple le chemin de la nature et du salut et, finalement, énoncera les commandements qui devront s’appliquer à tous les peuples du monde. Telle est ma volonté ». 

   A peine sa phrase terminée, le vieux marin s’écroula et se mit à ronfler comme une vieille locomotive à vapeur. « Complétement givré, ce mec ! » s’écria Nicolas. Mais Marie était troublée, terriblement troublée : Comment avait-il deviné qu’ils habitaient un pays de vignes ? Comment avait-il deviné que les ancêtres de son fils habitaient dans le nord ? Comment savait-il que son bébé s’appelait Victor, c’est-à-dire Victoire ? Et c’était quoi, l’Allium Porrum ? Marie était très troublée car, depuis son plus jeune âge, elle croyait, un tant soit peu, aux prophéties.

   Et ce qui se passait sur la place de Guînes, n’était-ce pas le début de la prophétie édictée par le vieux marin ?

   Le vizir municipal regarda Victor avec mépris et lui dit : 

" De quoi je me mêle, espèce de sorte d’avorton ?  Tu n’as même pas l’intonation de l’accent et la prononciation du coin ! ».

   Victor s’avança et pointant un index vers le vizir déclara « Gratte-moi le dos, ça me démange ! » Cette formule bizarre était une formule magique, connue uniquement des anciens druides et des collectionneurs de personnages schtroumfs. Et lorsqu’on la prononçait contre quelqu’un, la personne visée se couvrait de boutons et ne pouvait s’empêcher de se gratter.  Immédiatement, le vizir fut assailli par des démangeaisons démoniaques et couru se réfugier dans la mairie en criant « Une douche, une douche… Mon royaume pour une douche mouillante ! ». Les deux policiers suivirent le vizir, attendant toujours les ordres. Mais eux ne se grattaient pas.

   Victor se tourna vers Norbert le Tartare : 

" Vous ne pouvez plus vivre sous le joug de la tyrannie. Allez chercher vos familles et je vous conduirai vers la terre promise. Rendez-vous ici, dans une heure. "

   Norbert et les municipaux partirent immédiatement et, une heure après, tout le monde était sur la place : femmes, enfants, chiens, chats, canards, cochons, canaris… Un des ouvriers arriva même avec sa belle-mère, allongée sur une civière. Cette pauvre dame était en mauvais état ; elle avait fait une allergie au cassoulet et était rouge comme une écrevisse.

   Victor annonça : « Vous êtes le peuple élu ! Suivez-moi ! Nous allons vers la liberté, vers la justice et, si possible, vers le marchand de frites. » A ces mots, le peuple poussa des hourras de joie car le peuple aime bien la liberté, aime bien la justice et, surtout, aime bien les frites. Et la foule se mit en route.

   Sortant de la place, la troupe, se dirigeant vers le nord, passa devant une épicerie. Un des ouvriers municipaux s’approcha de Victor :

" Maitre, Maitre ! Si la marche est longue, ne faut-il pas prendre quelques provisions ? 

- Bien sûr, mon brave. Mais ne prenez que des poireaux.

- Pourquoi que des poireaux ?

- Comme ça ! Parce que j’aime bien et que c’est plein de vitamines… Nous appellerons notre marche vers l’espoir : La marche des Allium Porrum, c’est-à-dire la marche des poireaux.

- C’est quand même bizarre comme nom. 

- Ne discute pas, homme de peu de foi. Le poireau sera ton sauveur. »

   Sitôt dit, sitôt fait et chaque membre de la tribu partit un poireau à la main.

   Arrivés à la sortie de la ville, un seul chemin se présentait à eux : vers le nord, longeant un canal. Pendant ce temps, à la mairie, le vizir organisait la contre-attaque. « Le pharaon-maire est furieux de la colère !  Les policiers municipaux doivent arrêter les fuyards fuyants, les ramener à la salle des fêtes où ils seront jugés coupables d’office et punitivement châtiés de façon terriblement terrible : on leur mettra des fourmis rouges dans le slip. ». Immédiatement, les policiers municipaux montèrent dans leur voiture municipale, mirent en route la sirène municipale et foncèrent vers la place municipale. Mais le peuple élu était déjà loin.

   Après une journée de marche, le peuple élu cherchait toujours une solution à sa fuite : devant lui, le chemin continu qui menait vers la mer du Nord, donc une impasse ; derrière lui, la police municipale le poursuivant et espérant procéder à de multiples arrestations ; vers l’ouest, des sables mouvants qui allaient jusqu’à la montagne du Nez Blanc ; à l’est, un canal profond et infranchissable. Norbert le Tartare s’approcha de Victor et lui dit : « Maitre, sauve-nous ! Ne nous laisse pas tomber aux mains des tyrans ! Fais donc un miracle ! ».

   Victor le regarda et murmura : « Homme de peu de foi. Monte-moi sur tes épaules et tu verras que nous ne sommes pas seuls. » Le Tartare prit l’enfant sur ses épaules et se tournant vers la foule, un poireau à la main, Victor annonça : « Voyez la puissance du Grand Poireau. » Dirigeant le légume vers l’est, Victor gonfla ses joues et se mit à souffler. Brusquement, un vent glacial se leva, vent d’une force extraordinaire et d’une puissance jamais vue, vent concentré sur un endroit du canal, endroit désigné par Victor. Et devant le peuple ébahi, les eaux du canal se séparèrent en deux, laissant voir le fond du canal.

" Voyez, peuple de peu de foi. Nous pouvons passer de l’autre côté, à pied sec. Le Grand Poireau nous a sauvés. »

    Et la tribu des municipaux descendit la berge, traversa le canal et remonta de l’autre côté, les pieds un peu boueux, certes, mais ils avaient franchi l’obstacle. Ils rencontrèrent quelques difficultés à faire descendre le brancard où était couchée la pauvre femme allergique. Elle était toujours aussi gonflée et toujours aussi rouge écarlate. Mais ils réussirent quand même à la hisser sur l’autre berge. Cet épisode est plus connu sous le titre « Passage de la mère rouge ». La traversée dura deux bonnes heures. A peine le dernier des fuyards monté sur la berge, on vit arriver, sur le chemin du canal, toute sirène hurlante, les policiers municipaux. Descendus de leurs véhicules, ils décidèrent de traverser eux aussi. Mais Victor, se tournant vers eux et brandissant le poireau déclara : « Que le Grand Poireau protège son peuple. » Et d’un seul coup, les eaux du canal se refermèrent, empêchant le passage des policiers. Le peuple élu était sauvé.

   Sauvé, peut-être, mais la grande marche ne faisait que commencer. En effet, durant quarante ans, oui je dis bien quarante ans, Victor et le peuple élu marchèrent sans discontinuer dans une région désertique, couverte de mares et de canaux, infestée par les moustiques et des crapauds pustuleux. Bref, ils étaient dans le marais de Guînes. Marchant toujours vers l’est, pendant toutes ces années, ils traversèrent des champs inondés, édifiaient sans relâche des ponts permettant de franchir les fossés, fabriquaient chaque jour des barques en osier afin de franchir des lacs et, le soir venu, construisaient des abris en tourbe afin d’y trouver le repos. Ils se nourrissaient d’herbes sauvages et chassaient le Grand Laineux, bœuf aux longs poils et aux cornes gigantesques, venu des pays du nord.

   Bien entendu, Victor avait grandi et c’était maintenant un homme de haute stature avec une grande barbe blanche et une chevelure cascadant jusque ses épaules. Norbert le Tartare lui aussi avait vieilli. Au fil du temps, il était devenu l’homme de confiance et le bras droit de Victor. Tout le monde avait vieilli et même la grand-mère allergique était toujours là, toujours allongée sur son brancard et toujours aussi rouge qu’une écrevisse.

   Pendant quarante ans, ils sillonnèrent le marais à la recherche d’une indication, d’une lueur, d’un signe leur montrant qu’ils étaient enfin arrivés sur la terre promise. Mais, un beau jour de juillet, alors que le soleil était encore noyé dans les brumes matinales, Victor convoqua Norbert le Tartare.

" Norbert, dit-il. Je dois m’absenter. Le Grand Poireau m’a dit d’aller sur la montagne sacrée et que là, j’y recevrai les grands principes de notre future loi. 

- C’est loin la montagne sacrée ?

- Non, c’est à coté ; c’est ce qu’on appelle le Mont de Fiennes.

- Je connais ; j’allais à la chasse là-bas. Tu n’en as pas pour longtemps.

- Quarante jours et quarante nuits, ni plus, ni moins. Ne me demande pas pourquoi c’est toujours quarante ? Je n’en sais rien mais c’est comme ça. Mais pendant que je serai parti, tu dois faire régner l’ordre dans la tribu. J’ai une confiance limitée dans certains et si je ne suis plus là, je suis sûr qu’ils vont s’empresser de faire des bêtises »

  Norbert promit de faire attention et accompagna son patron jusqu’à la limite nord du marais, en direction du Mont de Fiennes. Et Victor partit vers le mont, vers la lumière, vers un destin qui allait changer le monde.

   Quarante jours, c’est long ! Et, en plus, quarante nuits… Vous imaginez ! Alors, pour passer le temps, Norbert et les membres de la tribu devaient trouver des occupations intelligentes. Ils se mirent à cultiver un potager mais dans ce potager, on ne trouvait qu’un seul légume :  le poireau ; ils apprirent à cuisiner mais à confectionner une seule recette : le  Smorl-Bezeff ; parfois, ils jouaient aux cartes, faisaient des soirées dansantes, jouaient à chat-perché…  Mais surtout, durant toutes ces activités, ils se mirent à boire, à boire beaucoup, à boire trop, bref à boire beaucoup trop. Et ce qui devait arriver arriva : ils firent des bêtises. Méprisant tout ce que Victor leur avait enseigné, ils élevèrent un nouveau totem pour un nouveau dieu et leur nouveau dieu, c’était la betterave rouge. Désormais, le poireau n’existait plus, n’était plus le légume sacré, n’était plus la représentation du dieu-sauveur. Seule la betterave rouge devait être vénérée. Et au milieu d’une prairie du marais, ils construisirent une énorme betterave en osier et en bois. Et ils passèrent des jours et des nuits à danser, à chanter et à boire autour la betterave sacrée. Jusque…

   Jusqu’au jour ou Victor revint du Mont de Fiennes. Il était auréolé d’une lumière céleste et rien qu’à le voir, le silence s’imposait, le ciel s’éclaircissait et l’aura de Victor impressionnait plus que tout. Le Guide était de retour. Voyant la statue de la Grande Betterave rouge et constatant la tenue débraillée des membres de la tribu, Victor entra dans une colère fulminante et tonitruante. 

" Bande de ratichauves, espèces de mortabliques… Comment osez-vous être aussi ingrats ? Comment avez-vous fait pour oublier le Grand Poireau ?" 

    Tous les membres de la tribu baissaient la tête, les chiens se cachaient sous les tas de bois et les vers de terre plongeaient le plus profond possible dans le sol.

" Détruisez-moi ce totem affreux ! Comment peut-on remplacer un poireau divin par une vulgaire betterave ? La honte devrait vous foudroyer. Faites ce que je dis et ensuite je vous livrerai les commandements du grand créateur. "

   Immédiatement, les membres de la tribu nettoyèrent la prairie, brulèrent la statue de la Betterave, mirent leurs habits du dimanche et vinrent s’asseoir calmement et penauds devant Victor qui ne décolérait pas.

" Peuple de peu de foi ! Je vais te donner lecture des recommandations du créateur. Et toute ta vie tu devras les respecter, les enseigner à tes enfants et aux enfants de tes enfants car elles sont la loi pour le présent et le futur. Ecoutez-bien, espèce de roluquettes ! Le Grand Poireau a dit :

« Tu ne colleras pas tes crottes de nez sous la table. »

« Tu ne feras pas caca dans les bottes de ta sœur. »

« Tu ne mettras pas de chocolat fondu dans la cuvette des WC. »

« Tu ne mettras pas de croûtes de camembert dans les narines de ton grand-père quand il dort. » »

« Tu ne voleras pas le sandwich de ta maitresse d’école. »

« Tu ne feras pas pipi dans la boite aux lettres des voisins de ta maison. »

« Tu ne vomiras pas sur la tête de ton boulanger. »

« Jamais tu n’arracheras les poils du nez du préposé de la poste. »

« Tu ne mettras pas d’escargots vivants dans la culotte de ton cousin. »

« Tu ne voleras pas la perruque de ta grand-mère. « 

   Ainsi a parlé le Grand Poireau. »

   A l’énoncé de ces dix commandements, la plupart des membres de la tribu se sentirent abattus. « Ça va être trop dur ! » s’écria Norbert le tartare. « C’est affreux… C’est atroce… Tout ce que j’aime va m’être interdit ! » prononça la vieille dame allergique avant de s’évanouir. Et le reste de la tribu se lamentait, pleurait, gémissait. « C’est comme ça et pas autrement ! » cria Victor en brandissant un Grand Poireau.

   Mais bien vite le calme revint dans la tribu et même s’ils ne pouvaient pas faire tout ce qu’ils voulaient, les membres de la tribu acceptèrent les nouvelles orientations fixées par Victor. Un village fut construit, une statue du Gand Poireau fut érigée et la communauté décida de l’indépendance de la tribu et du territoire qui fut appelé Poireauland, commune autonome du calaisis. Et ils envoyèrent des messages au pharaon-maire de Guînes et à son vizir pour dire : « Allez-vous faire cuire un œuf… Nous, maintenant, on est indépendants. Na ! »

   Quelques années plus tard, les petits-enfants de Norbert le Tartare éditèrent un livre retraçant l’incroyable aventure de la tribu et de Victor le sauveur. Ce livre s’appelait : La Marche du Poireau et on y découvre la destinée de tous nos personnages : Norbert le Tartare est devenu responsable du tourisme au Marais de Guînes. Il conduit des visites guidées, expliquant l’histoire et la géographie des lieux et comment s’est créée la légende du prophète Victor. Avec dans ce récit un moment très fort qui passionne tous les visiteurs : le passage de la mère rouge.  Victor, quant à lui, est devenu milliardaire. Il est le plus gros producteur mondial de poireaux et comme, en plus, il a créé le Grand Guide Victorin, guide qui classe tous les restaurants de Gaule, il n’attribue des étoiles qu’aux établissements qui mettent des poireaux dans tous leurs plats. Alors, pour avoir une étoile, ils le font tous et du coup, Victor vend des poireaux. Suite à la fuite du personnel municipal, le vizir a été renvoyé par le pharaon-maire et depuis, il est devenu ramasseur de crottes de mouettes sur la plage du Nez Blanc. Les deux policiers municipaux sont restés policiers et se grattent toujours la tête.

    Dans toute l’histoire de l’humanité, on n’a pas connu d’aventure plus extraordinaire et de héros plus fantastique.

   Même les évangélistes n’auraient pas pu imaginer une si belle histoire…

04/09/2022: Histoire pour petits/ La divine prophétie/ Pour Victor

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Published by popo - dans contes pour petits
4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 19:20

La mouche au chocolat

Un conte pour Alexandre.

04/09/2022: Histoire pour petits/ La mouche au chocolat/ Pour Alexandre.

   Le smog couvrait la ville et malgré les néons de quelques magasins déjà allumés, on ne voyait pas le bout de son nez, même si le nez pouvait être grand. Le fond de l’air était épais et même le noir de la nuit était oppressant. De plus, ce soir-là, le noir était… vraiment noir. Piccadilly Circus semblait désert, vidé de tout mouvement, vidé de toute vie.

   Et pourtant, ce n’était qu’une impression. Car longeant les façades au nord, un petit bonhomme marchait à petits pas avec ses petits pieds, dans ses petits souliers. Sa tête était petite et ses petits yeux étaient étirés en amande. En petites amandes. Et si ses petits yeux étaient comme cela, ce n’était pas à cause d’une chirurgie esthétique mal réussie ou d’une malformation congénitale du visage mais c’était bien à cause de ses origines : c’était un petit chinois, un vrai petit chinois, un petit chinois de chine et chez les petits chinois, tout est petit. Son nom était Li Clic Clac. Et que faisait un petit chinois de chine, en plein brouillard, à onze heures du soir, sur un trottoir de Piccadilly Circus ? Il allait manger un chien-chaud (Hot-dog dans le texte) et il en avait fortement envie.

   En effet, à peine débarqué de son avion, il avait pris la direction du centre-ville, la direction du « Coco Bel œil », restaurant réputé pour ses chien-chauds, les meilleurs d’Europe soi-disant. Avant de quitter Pékin, on lui avait dit de se rendre, dès son arrivée, dans ce fameux restaurant et qu’un honorable correspondant le contacterait.

   Cette idée d’aller dans un restaurant le ravissait car, en plus, il avait une faim de loup. Et pour cause. Dans l’avion venant de Pékin, on ne lui avait donné que de la nourriture occidentale et lui, il en avait horreur. Les occidentaux, c’est bien connu, ne mangeaient que des saletés artificielles, lyophilisées et pleines de produits chimiques. D’ailleurs les petits chinois pouvaient dénoncer cette aberration car toutes ces saletés étaient fabriquées en chine. On ne pouvait donc vraiment pas tromper un chinois de chine. De plus, Li Clic Clac, depuis sa plus tendre enfance, dans la campagne autour de Pékin, n’avait mangé que du véritable, que du bio, que du naturel : du pangolin, de la tortue, des sauterelles, du chat, de la chauve-souris, du hamster ou du chien. Que des aliments élevés en local et achetés chez les agriculteurs du coin.  Alors rien qu’à l’idée de pouvoir manger du chien-chaud, son estomac s’était mis à crier famine et la salive lui était montée à la bouche… Bouche qu’il avait petite d’ailleurs car c’était un petit chinois.

   C’était sa première mission en Europe. Et pour un agent secret, c’est bien souvent la plus dure. Il devait garder à l’esprit tout l’enseignement qui lui avait été inculqué : quelques notions d’anglais, savoir bien se tenir en public, quelques bonnes manières et en particulier ne pas faire pipi sur les pieds d’un policier et surtout, le plus important, on lui avait enseigné un millier de tortures chinoises plus connues sous le nom de BTC (Belles Tortures chinoises). La seule chose qui le contrariait c’était qu’on lui avait dit que la bouffe anglaise était dégueulasse, qu’ils faisaient tout cuire à l’eau chaude et que dans les prisons britanniques, on vous obligeait à manger des rillettes au sucre. D’où le nombre important de suicides chez les prisonniers. Alors, trouver du chien-chaud dès son arrivée, pour lui, c’était un miracle.

   En entrant dans le Coco Bel Œil, il vit tout de suite qu’il y avait la queue devant le fourneau du cuisinier. C’était, à n’en pas douter, pour avoir du chien-chaud. Et discipliné comme tous les petits chinois, il prit sa place dans la file. D’un œil, il épiait les clients du restaurant espérant reconnaitre son contact ; de l’autre, il se concentrait sur son petit dictionnaire de traduction chinois-anglais. Le dictionnaire est petit parce que, chez les Chinois, comme je l’ai déjà dit, tout est petit. En effet, son anglais n’était pas parfait et il craignait que le cuisinier comprenne mal sa commande. Un grand noir se plaça dans la file juste derrière lui. Li Clic Clac se retourna et, lui faisant un clin d’œil, il dit : « Tu dois sortir ton perroquet. ». C’était le mot de passe. La réaction du grand noir fut violente : « Espèce de salopard ! Obsédé ! Chinetoque dégénéré ! Je vais te foutre une raclée ! » Empoignant Li Clic Clac par le revers de la veste, il s’apprêtait à lui écraser le nez avec le poing quand intervint un type très classe, très racé, très smart, avec un nœud-papillon et un monocle :

" S’il vous plait, cher monsieur. Excusez ce pauvre petit chinois, il ne parle pas bien l’anglais. Il a commis une erreur, une grossière erreur, une erreur de jeunesse. 

- N’empêche qu’il m’a dit de sortir mon perroquet !

- Et alors ?

- C’est honteux ! c’est interdit ! Et on est dans un lieu public ! Et je ne sors pas mon perroquet comme ça, devant tout le monde et pour n’importe qui !

  Le nouveau venu s’appelait JAP et son flegme était connu dans le monde entier :

" Très cher. Ce n’est pas ce qu’il voulait dire. Il ne comprend pas bien les subtilités de notre langue. Il s’excuse et je vais l’accompagner pour l’aider." 

   Devant le calme du nouvel intervenant, le grand noir ravala sa colère et, dégouté, quitta la file.  Le sauveur se mit à coté de Li Clic Clac et lui dit : 

"  Faites attention à ce que vous dites et à qui vous le dites.

- Mais ça, mot de passe ! Moi, dois dire ! Sinon torture chinoise numéro 654 !

- Oui, je sais mais c’est à moi qu’il fallait le dire… Je me présente. Agent James Alexander Power, plus communément appelé JAP. Agent britannique N° Pi 3,14116.

   Eh oui, c’était JAP, espion dont le charme, l’habileté, l’intelligence, la mémoire, la puissance, la perspicacité et la pointure des pieds étaient mondialement connus.

" Moi Li Clic Clac. Fils de Li Cou Chette et de Li Aba Reau. Ji travaille pour services secrets chinois. Et toi, tu dois sortir ton perroquet.

- Chut ! On va d’abord manger. Pour le perroquet… On verra après.

   Arrivés devant le cuisinier, ils commandèrent deux chien-chauds et, une fois servis, s’isolèrent à une table dans un coin d’ombre.

" Ça, pas du chien ! ça saucisse de taureau ! Pas bon ! Moi vouloir chien. Sinon torture 412… s’écria le chinetoque.

- Oui, je sais répliqua JAP. Mais ici, en Angleterre, on ne mange pas de chien. Chien-chaud, c’est une dénomination qui n’a rien à voir avec les chiens. 

- Et un croque-monsieur… Vous pas mangez les messieurs ?

- Bien sûr que non ! C’est aussi une expression…

- Et sortir le perroquet…

- N’insiste pas… On est peut-être écoutés ! Nous devrions parler avec des phrases codes.

- Attendez, moi prendre petit lexique pour phrases codes.

   Après avoir feuilleté son petit livre rouge, Li Clic Clac affirma pompeusement :

" Une femme de cent kilos s’appelle un cachalot."

   Après quelques secondes de réflexion, JAP répliqua : 

Mais le cannibale gourmet préfère la viande âgée." 

  Et un dialogue bizarre s’instaura entre les deux espions, dialogue incompréhensible pour les non-initiés.

" L’américain dévot s’épile au chalumeau, ajouta Li Clic Clac

- L’ascaris de Morphée n’aime pas le cassoulet. 

- Les bonbons de René sont tout ratatinés. 

- Le facteur dépressif a trop de morve au pif. 

- Le chauve aux gros mollets sent bien trop fort des pieds. 

 

   Et à chaque expression, le petit chinois consultait son livre afin de trouver le sens de ce message si secret.

 

" Le débile des Carpates a trop de poils aux pattes.

- L’escargot de Bourgogne a une épouse trop conne. 

- Non s’écria JAP. C’est trop grave ça ! Il faut que j’en avise mes supérieurs.

 

   A cet instant précis, un homme poilu avec du poil aux oreilles et dans le nez s’approcha d’eux et posant une main poilue sur l’épaule de JAP, il se pencha et lui susurra à l’oreille : « La femme du boulanger a l’abdomen gonflé… Je répète… La femme du boulanger a l’abdomen gonflé. » Puis, l’homme aux genoux poilus se dirigea vers le bar où il commanda un whisky-grenadine.  JAP, dont le calme olympien était connu dans le monde entier, fronça les sourcils doucement et se tournant vers Li Clic Clac annonça : 

 

" C’est une alerte. Nous avons été dénoncés. Il est urgent de partir.

- Oui mais comment ?

- La belle-sœur du négro arrive en pédalo. 

- Ça veut dire quoi ? Moi pas avoir de belle-sœur dans mon livre de codes.

- Ça veut dire qu’une jonque nous attend sur la Tamise.

 

   Une jonque ? Oui, une jonque, c’est-à-dire un bateau chinois ! En effet, le MI5 (services secrets britanniques) avait fait venir, en pièces détachées, spécialement de Hong-Kong, une jonque à rames, à voile et à moteur. Tout cela pour que l’espion chinois ne soit pas trop dépaysé et déstabilisé. Dès qu’un espion est sorti de son milieu naturel, il est bien souvent perdu. Surtout les petits chinois.

 

   Les deux compères sortirent discrètement du Coco Bel Œil et se dirigèrent vers la Tamise. Mais, rapidement, ils s’aperçurent qu’ils étaient suivis par deux obèses. Oui des obèses, avec de gros bras, de gros genoux, de gros pieds, de gros nez… Or les obèses, dans les récits d’espionnage, sont souvent des espions russes. Et ces russes-là n’étaient pas n’importe quels russes : c’était la fine fleur du KGB (Krosse Grapule Bolchévique). C’était l’obèse Igor Gonzola et l’obèse Vladimir Obolan, des hommes sans retenue, des tueurs implacables, des monstres de cruauté… comme tous les Russes. Et dans leurs poches d’obèses, ils avaient tout l’attirail pour trucider les espions étrangers : des couteaux suisses à six lames, cinq ou six révolvers, des bazookas, des bombes à hydrogène, des tanks Sherman, une scie électrique, des perceuses, du poison, des chalumeaux, un marteau-piqueur et, summum du raffinement sadique, des bouteilles de vodka frelatée. C’étaient, sans aucun doute, les deux experts mondiaux les plus efficaces dans l’art de la torture et de la mise à mort.

 

   Mais JAP les avait tout de suite repérés.  

   « Le vélo du manchot a un guidon en trop. » glissa-t-il dans l’oreille du petit chinois. Cette phrase était l’un des codes les plus complexes du monde des agents secrets. Et en quelques mots, ce code voulait dire : « Allez ! On se sauve ! Les Russes sont des obèses et nous pourrons les semer rapidement ! Tu prends la première à droite puis la deuxième à gauche. Arrivé à la Tamise, la jonque sera amarrée au numéro 94. On saute dedans et on met les voiles, surtout que la voile de la jonque est neuve puisqu’elle a été achetée chez Décathlon la semaine dernière par le troisième secrétaire de l’ambassade à Londres qui est cousin avec le garde-champêtre de Brigitte Macron. » Je vous l’avais bien dit que cette phrase-code était complexe. Alors, arrêtez de râler.

 

    Le temps que Li Clic Clac traduise la phrase code, les deux gros s’étaient rapprochés. Et ils préparaient leurs crimes. Igor avait dans la main droite une bouteille de vodka pour asperger l’adversaire et dans la main gauche, un chalumeau pour mettre le feu à la vodka. Quan