Paris, le 12/02/2015
Mesdames et messieurs, chers collègues.
« On ne peut pas reprocher à quelqu'un de vouloir devenir vertueux... Surtout quand il n'a plus le choix… »
Gaz à effet de serre, changement climatique, coût de l'énergie et ses conséquences sur les populations les plus démunies, chamboulement environnemental, impact indéniable sur la santé humaine de certains produits, process et développements industriels et en plus de tout cela, la mauvaise conscience que nous avons tous de jouer aux apprentis sorciers avec notre monde.
Tout cela nous incite, tout cela nous amène, tout cela nous oblige à imaginer l'avenir autrement et à construire un avenir autrement.
L’article 1er de cette loi sur la transition énergétique veut simplement afficher une volonté et une prise de conscience.
Oui, afficher une volonté. Et en français, mesdames et messieurs, quand on veut afficher une volonté, on utilise des verbes : maitriser, garantir, diversifier, procéder, assurer, développer, renforcer, parvenir… Et j’arrête là car il suffit de lire le texte.
Oui, afficher aussi une prise de conscience. Conscience que nous sommes devenus des « consommateurs fous ». Parce que l’innovation, parce que la technologie, parce qu’un concept de société… Cette nouvelle façon de vivre, certains disent même « Ce nouvel art de vivre »… (Tout est dans la définition de l’art)… fait que, dans notre société, vous ne pouvez pas faire autrement que de consommer et d’être branché… Au sens littéral et physique du terme.
Oui, notre nouveau fonctionnement sociétal nous amène à être énergivores, outrageusement énergivore. Certains diront que ce n’est pas « un défaut d’être énergivore et que cela fait tourner la machine ». Certes, mais quand on a conscience que la machine nous fait cadeau d’effets secondaires pas très désirables et potentiellement dangereux, on est en devoir d’inventer une autre machine, un autre type de machine.
Et nous sommes à une période de l’évolution humaine où il nous faut abandonner une partie du modèle des deux siècles passés pour inventer une partie du modèle du siècle futur.
Sachant que nous devrons être plus conscients, plus raisonnables, plus vertueux.
Vouloir être vertueux: c'est une qualité pour un être humain… Alors pourquoi pas pour une nation, pour un état, pour un gouvernement ?
Bien sûr, dans cet article 1, il aurait été plus commode de mettre des objectifs sans chiffres et sans dates... Faire un listing de bonnes intentions… Mais vous savez à quoi peuvent servir les bonnes intentions…
Aussi il faut, de temps en temps avoir le courage de dire, d’afficher, d’assumer et ne pas avoir honte d’être ambitieux.
Et on ne peut pas reprocher à quelqu'un d'être ambitieux... Surtout quand il n'a pas le choix.
Sans les chiffres, sans les objectifs, sans les repères, difficile d’expliquer, difficile de mobiliser, difficile d’avancer...
Difficile d’expliquer l’urgence de la situation. Comment dire aux gens : « La banquise fond ; le climat change ; nous avons perdu 99,9% de la biodiversité depuis l’apparition de la vie sur terre ; nos ressources s’épuisent et l’énergie pourrait devenir un produit de luxe…» Si vous dites cela comme cela, les gens vous répondront « OK. Mais vous, les élus, qu’est-ce-que vous attendez pour agir ? »
Difficile de mobiliser sans des dates butoirs car les gens, les décideurs, les collectivités, tous vous répondront : " On a le temps, on verra cela plus tard, on a d’autres chats à fouetter et de toutes façons, on n’a plus d’argent..." Ce type d’arguments, nous élus, nous l’avons utilisé maintes et maintes fois… Quelles que soient nos responsabilités.
Difficile d’avancer sans des objectifs, sans des chiffres, sans un tableau de bord… Et nous savons tous qu’un tableau de bord, c’est très difficile à faire dans la cadre des politiques publiques… Pour diverses raisons… quelquefois peu avouables.
Alors Oui : il faut expliquer, mobiliser et avancer.
Oui ! Diminuer de 30% la consommation d’énergie fossile pour 2030, ça va être dur… mais c’est faisable !
Oui ! Passer à 32% d’énergies renouvelables en 2030, cela ne va pas être évident… Mais c’est faisable !
Oui ! Avoir un parc immobilier entièrement rénové en 2050, c’est presque un pari insensé et il va falloir mobiliser tout le monde. Mais c’est faisable !
Oui enfin ! Avoir pour objectif 50% de nucléaire en 2025, il va falloir être volontariste… Il faudra avoir le cuir dur… Et il va falloir pousser les autres énergies… Mais c’est faisable !
Et c’est là que je rappelle simplement : Avons-nous vraiment le choix ?
Au cours des débats, à l'Assemblée, et nous l'entendrons probablement ici, il a été prononcé plusieurs fois les mots « irréalisable, impossible, utopie... » Oui, le mot utopie… Et alors. Mesdames et messieurs. Depuis que le monde est monde, l'utopie a toujours été la meilleure des piles à combustible et comme le disait Oscar Wilde: « Le progrès n'est que l'accomplissement des utopies. »
L’article 1 nous demande de viser haut. Alors, ayons ce courage…
Hervé Poher