22 juin 2016/Sénat/ Réunion de commission : Bilan de la loi sur l’eau de 2006.
« Je remercie Rémy Pointereau dont le travail nous permet d’ouvrir la réflexion.
J'ai quelque expérience de ces questions d’eau, tout simplement parce que j’ai été président, de 2004 à 2014, du comité de bassin de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie, la plus petite, certes, mais la plus complexe, parce que, dans ce bassin, on y trouve les problèmes agricoles, les problèmes industriels , une forte population et l’héritage que nous ont légué les guerres du XXème siècle. Si bien qu'il est éminemment difficile, dans un tel bassin, de parvenir à un bon état écologique des eaux. Nous avons dû engager de lourds efforts, à tel point que la ministre de l’Environnement, en 2004 ou 2005, et venu nous saluer en soulignant que ce bassin était à la fois « le moins riche et le plus vertueux ».
Je ne saurais vous suivre lorsque vous dites que la loi de 2006 est trop ambitieuse. Une loi doit viser haut, quitte à arriver un peu en dessous de l'objectif. Si tel n'est pas le cas, on nous reprochera de manquer d'ambition. Il est vrai que la directive cadre sur l'eau, avec son objectif de bon état écologique des eaux de surface et profondes, objectif fixé à 2015, s'est imposée à la France. Je dois vous avouer quelque chose et je ne m’en fais pas une gloire : c’est moi qui , à l'époque, ai demandé et obtenu de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'écologie, des possibilités de report de la date d’échéance de la DCE, à 2021 et 2027… Parce qu’on ne pouvait pas arriver à un objectif valable pour 2015. Mais encore une fois, une loi doit être ambitieuse.
Vous reprochez à cette loi de ne pas intégrer la complexité des territoires. Quelle commune mesure entre le Cher, que vous avez cité, et le bassin minier, où il faut sans cesse pomper l'eau qui envahit les mines et faire venir l'eau potable de l'Artois. Et quitte à voir un territoire où il y a des problèmes d’eau, autant aller dans le bassin minier plutôt que dans le Cher…
Vous déplorez qu'on ait changé le thermomètre, c’est-à-dire le mode d’évaluation et de mesure des politiques de l’eau, en cours de parcours? J’étais président à cette époque-là… Et en tant qu’ancien médecin, je dois reconnaitre que je suis toujours attaché au bon vieux thermomètre de nos pères, le thermomètre anal… Maintenant on le met dans la bouche, les oreilles… Et ça marche moins bien !
Mais outre qu’on a changé le thermomètre, de nouveaux problèmes sont apparus au fil des ans. Je pense par exemple aux perchlorates… Vous ne savez pas ce que sont les perchlorates ? Produit résiduel découvert dans l’eau, d’abord retrouvé dans la région de Toulouse, où se fabriquent des feux d'artifice, mais aussi, à des taux élevés, dans le Nord-Pas-de-Calais, du fait des obus et matériels militaires des deux guerres enfouis dans son sol. On ignore encore les effets du perchlorate, qui se diffuse dans l'eau, sur l'organisme humain. Nous n’avons aucune étude à long terme mais, par précaution, l’utilisation d’eau avec du perchlorate est déconseillée aux jeunes enfants et aux femmes enceintes.
Pour le fonctionnement des comités de bassin, je ne suis pas partisan de réduire, comme vous le préconisez, la présence de l'État. Un Comité de Bassin, c’est toujours un équilibre entre différentes parties. Entre le monde associatif, très revendicatif, le monde industriel, très puissant, le monde agricole, peu représenté mais très influant, et alors que le collège des élus fluctue au gré des échéances politiques… L’Etat sert de pondérateur, de modérateur.
Enfin, pour terminer, je ne saurais vous suivre dans vos préconisations sur la Gemapi. Pour lutter contre les inondations, il convient de ménager une certaine subsidiarité, en s'appuyant sur les intercommunalités, ou peut-être les pays. Quand j’ai appliqué un plan anti-inondations dans ma collectivité, je trouvais imbécile que la communauté de commune à l’est fasse la même chose que moi et sans concertation… Idem pour la communauté de communes à l’ouest. Certes, il faut assurer une coordination, mais n'allons pas trop loin, parce que la distance fait perdre de vue la réalité du terrain. L’Etat, c’est trop loin ; l’Agence de l’Eau, c’est un peu trop éloigné… Les pays, ce sont une bonne échelle de vision des bassins versants et de décision.
Hervé Poher