Je devais offrir le tome II des Contes de Grand-père à tous mes petits-enfants, en juin prochain. Mais tout le monde est confiné et les journées peuvent paraitre longues. Alors, je mets les histoires en ligne. Ça leur fera passer un peu de temps… Bisous aux 9.
Papy Guînes
La vengeance de l’abominable MD
Un conte pour Héloïse
Mai 2012. Et nous voilà de retour dans la principauté de Ralacasquette qui, comme tout le monde le sait, est un petit pays situé entre le Grodurkistan et la Malotimpan. Depuis que Superpulco avait débarrassé cette contrée de la dictature de Marcel Duvieubourg, le calme régnait, le peuple semblait rassuré, délivré. Un peu triste, certes, mais libre. Il faut dire qu’on n’avait, dans toute l’histoire du monde, jamais connu de dictature aussi rude, aussi impitoyable, aussi sanguinaire que celle de MD. Pensez-donc : obliger tout un peuple à regarder du football toute la journée… Torture atroce, supplice inhumain…
C’était presque un crime contre l’humanité et le peuple y avait perdu sa joie de vivre. Heureusement, Superpulco était intervenu et avait rétabli la justice et la paix. MD avait dû fuir et Superpulco était repartie dans son pays, là-bas, au loin, où d’autres aventures l’attendaient.
Mais, trois mois plus tard, un étrange phénomène se produisit à Ralacasquette. Tous les jours, dans chacune des maisons de la cité, il y avait un vol…
Et pas n’importe quel vol : on volait toujours la dernière crème au chocolat. Oui, je dis bien, la dernière crème au chocolat. Le nouveau gouvernement de Ralacasquette avait, après la révolution, déclaré que la crème au chocolat devenait le plat national et que chaque habitant du pays devait en manger au moins une par jour. Non seulement, c’était une obligation bien agréable mais, en plus, cela faisait travailler les usines de cacao, grande richesse du pays.
Et du coup, chaque habitant gardait des crèmes au chocolat dans son réfrigérateur. Et chaque habitant mettait, le soir avant d’aller se coucher, de façon presque religieuse, une crème au chocolat au frais, pour le lendemain matin. Mais depuis début avril, chaque matin, les habitants de Ralacasquette, je dis bien tous les habitants, découvraient, avec horreur, que la crème sacrée avait disparu.
Dans un premier temps, Joseph Grobidon, appelé, Jo Grobid, nouveau chef de l’Etat, avait ordonné l’urgence sanitaire, décrété le couvre-feu, obligé les gens à être confinés et à rester chez eux. Rien n’y faisait : les crèmes au chocolat continuaient de disparaitre
Les frontières furent fermées et la loi martiale fut proclamée : des centaines de crèmes disparaissaient toutes les nuits. Un crédit de 325 milliards de crados (le crados, c’est la monnaie de Ralacasquette) fut débloqué mais le ministère des finances demanda, quand même, de ne pas tout dépenser. Les militaires allaient, chaque jour, chercher des millions de crèmes au chocolat et en déposaient 2 paquets de douze devant chaque maison. Rien n’y faisait : tous les matins, les réfrigérateurs étaient vides.
Jo Grobid décida de lancer un appel à la population en faisant un grand discours. Qui dura 5 heures… A la fin, tous les gens dormaient. Finalement, devant le manque d’enthousiasme de la population, Hector Tueux, conseiller tortueux du président suggéra : « Oh incomparable Joseph Grobidon. Devant un tel mystère et voyant la pénurie de crèmes arriver, je pense qu’il serait sage de demander de l’aide.
- De l’aide ? A qui ?
- La seule personne qui peut nous aider, c’est Superpulco, la déesse révolutionnaire.
- Mais tu n’y penses pas ! ça va nous couter trop cher !!! Superpulco consomme beaucoup trop de citrons et le citron, ça coûte cher !
- Nous n’avons pas le choix, magnifique président. Elle seule peut nous sauver. Vous devez l’appeler avant que le pays ne sombre dans l’agonie et l’enfer. Déjà, les hôpitaux sont surchargés par des milliers de gens en manque de crèmes au chocolat. »
Le président dut reconnaitre que son conseiller avait raison. Il convoqua sa secrétaire et lui dicta un télégramme.
« Sommes embêtés -stop - Sommes très embêtés -stop – Sommes horriblement embêtés – stop- Avons besoin d’aide – stop- Superpulco doit intervenir car sommes embêtés – stop »
Héloïse reçu le télégramme à midi, au moment de la pause déjeuner. Elle avait trouvé un nouveau travail dans un restaurant caucasien où on ne servait que du Schmorl-Bezeff (voir le conte pour Margaux) avec un verre de quogardefan (voir le conte pour Paul). Inutile de dire que ce restaurant était connu dans tout le pays et que ce n’est pas là qu’il fallait aller pour maigrir…
Dès qu’elle reçut le télégramme, Héloïse s’enferma dans les toilettes, mit 3 gouttes de pulco sur sa langue, se transforma en Superpulco et, après être sortie par la fenêtre, s’envola à travers les airs en direction de Ralacasquette. Au fond d’elle-même, elle était heureuse de cet appel au secours car le métier de serveuse n’était pas très excitant et l’action lui manquait. Superpulco allait pouvoir enfin refaire des exploits.
Arrivée devant le palais gouvernemental, elle aborda la sentinelle qui l’avait de suite reconnue.
« Mon brave… Allez me chercher un responsable »
Au bout de 5 minutes, le brave revint accompagné de Hector Tueux.
« Enchanté de vous revoir, Superpulco ! Nous avons besoin de vous ».
Et là, de lui expliquer le problème des crèmes au chocolat, l’état de dépendance du peuple, l’engorgement des urgences à l’hôpital et la polémique qui commençait : pourquoi le gouvernement n’avait-il pas acheté des crèmes au chocolat en avance ?
Superpulco était intriguée. L’économie du pays était en train de décliner à vitesse grand V. Elle demanda à Hector Tueux de l’informer des derniers événements et de voir si, dans le fonctionnement du pays, quelque chose avait changé dernièrement.
Ce qui avait changé ? Apparemment rien… Sauf peut-être l’ouverture d’un nouveau magasin : un magasin de guili-guili. Devant l’air étonné de Superpulco, Hector Tueux expliqua : « Du temps de la dictature de MD, les gens ne riaient plus. Regarder du foot toute la journée, ça n’a rien de joyeux. Du coup, ils ont perdu l’habitude de rire. Et quand Marcel Duvieubourg a été renversé, tous les gens, tout le peuple étaient tristes, affreusement tristes, tristement tristes.
Et le gouvernement ne savait plus quoi faire. Que voulez-vous faire avec des gens qui ne rient plus, qui n’ont pas d’envie, qui n’ont pas d’entrain. Nous étions dans une impasse. La seule chose qui pouvait faire sourire le peuple, c’était de manger des crèmes au chocolat. Et c’est à ce moment-là qu’est arrivé un commerçant étranger, avec un drôle d’accent. Il s’appelle Celmar Bourduvieux. Et il nous a proposé d’ouvrir un commerce de Guili-Guili… C’est-à-dire un commerce de chatouilles pour faire rire les gens.
- Et comment ça marche, demanda Superpulco très intriguée.
- C’est très simple. Il propose plusieurs tarifs : 2 crados pour des chatouilles sous les bras… 2 minutes : 3 crados pour la plante des pieds ; 5 crados pour les cotes ; et le summum, c’est 10 crados pour les 3 en même temps.
- En même temps ? Mais ce n’est pas possible de tout chatouiller en même temps !
- Si car Bourduvieux a une armée de poulbots. Les poulbots, ce sont des employés, tous pareils, copies conformes, petits, pas souriants, avec une couette sur le côté de la tête… Ils parlent une drôle de langue… On dirait du chinois et la seule chose qu’ils savent faire, c’est faire des chatouilles… Et maintenant que vous me le demandez… C’est vrai que tous nos problèmes ont commencé après l’arrivée de Celmar Bourduvieux… Mais le peuple avait tellement besoin de rire. »
Immédiatement, Superpulco comprit le processus et une évidence lui sauta aux yeux : Celmar Bourduvieux, c’était Marcel Duvieubourg mais avec les syllabes mélangées. Et les poulbots étaient ses serviteurs. Etant de petite taille, ils pouvaient se glisser partout et du coup, volaient toutes les nuits les crèmes au chocolat des braves gens.
Ni une, ni deux, Superpulco se précipita au magasin de guili-guili. En la voyant entrer, Celmar s’écria : « Non !!! Pas elle, pas elle !!! ».
Il sortit son pistolet à eau et aspergeât Superpulco, pensant naïvement que du pulco trop dilué n’avait plus de puissance. En même temps, des poulbots, venus de tous les côtés, sautaient sur notre héroïne, la chatouillant partout. Les poulbots ne savaient faire que ça. Mais, en plus de tous ses pouvoirs, Superpulco avait une qualité remarquable : elle n’était pas chatouilleuse. Et dans une bataille de guili-guili, c’est un atout essentiel.
Très rapidement, elle se débarrassa des poulbots. Elle les attrapait les uns après les autres par la couette et les balançait dans le tout-à-l’égout situé devant le magasin. Celmar Bourduvieux, quant à lui, était caché derrière son comptoir, enfoui sous un tas de plumes d’autruche. Tout le monde sait que les plumes d’autruches sont très utiles pour faire des guili-guili. Mais grâce à son pouvoir de vision transperçante, Superpulco le trouva facilement.
« Alors, MD, je te retrouve sur mon chemin ! Qu’as-tu encore manigancé, espèce de tyran aux poils raides.
- Je n’ai rien fait Madame ! Ce n’est pas moi ! C’est l’autre
- Il n’y a pas d’autre ! Tu es un menteur et, en plus, tu es un voleur ! Et tu voles les crèmes au chocolat de pauvres gens qui n’ont que ça comme régal ! Avoue-le et dis-moi pourquoi ? »
Marcel regarda Superpulco en baissant la tête. Il vit de suite qu’elle ne plaisantait pas et qu’elle était prête à lui faire subir des choses atroces :
- Je voulais punir ce peuple d’ignares, d’analphabètes et mollassons … Comment peut-on vivre sans regarder du football ? Sans adorer les gardiens, sans vénérer les entraineurs ? C’est impossible, inconcevable, inacceptable ! Sans le ballon rond, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue et ce peuple imbécile ne mérite pas de crème au chocolat.
- Et pourquoi donc s’étonna Superpulco.
- Parce que la crème au chocolat doit être réservée à l’homme supérieur et aux maitres du monde… C’est-à-dire aux footballeurs !
Superpulco le regarda d’un air étonné et ajouta : « Tu es vraiment fêlé de la tête, mon pauvre !!! ». Elle lui asséna un grand coup de poing sur le nez, un grand coup de pied au derrière et un grand coup de tête sur le front. Marcel fut projeté dans un carton de guili-guili en plastique. Superpulco s’écria « Pénalty réussi ! ». Avec son rayon laser, elle lui brula tous les cheveux, lui boucha les oreilles avec de la pâte à modeler et lui colla la bouche en y introduisant un reste de raclette datant de 1853… Reste qu’elle avait trouvé dans le restaurant où elle travaillait.
Ainsi arrangé, Marcel fut enfermé dans un sac à patates et Superpulco attacha le sac à la queue d’un éléphant d’Asie qui partait vers l’Afrique. Ainsi, Ralacasquette fut débarrassé, une nouvelle fois de l’affreux tyran MD. Le calme revint dans la principauté et les braves gens purent, à nouveau, déguster des crèmes au chocolat… Sans regarder du football !
Bien entendu, Superpulco fut à nouveau décorée de l’ordre du Grachoune Emplumé, distinction la plus haute dans la principauté et libérée des festivités locale, elle put, à nouveau, repartir vers son pays et redevenir la gentille Héloïse que tout le monde connait. Mais, allez savoir pourquoi, de cette aventure, elle avait gardé une envie : se faire une couette sur le côté, tous les jours. Ce qui la faisait ressembler à un poulbot.
Tiens, au fait, les services nationaux de la principauté de Ralacasquette ont mis 24 jours à déboucher le tout-à-l’égout… Bouché par des centaines de poulbots que Superpulco y avait enfouis. Les poulbots, ça a le poil raide et le poil raide, ça bouche les tuyaux…
Ne cherchez pas
un magasin
de guili-guili,
il n’existe que dans nos cœurs…
Fin de l’histoire
Papy Guînes