Petite saynète écrite pour les 40 ans d'un neveu.
Le martyre de Saint Antoine
Drame terrible en un acte de Schaquesse Pire.
Deux personnages : Antoine, le prof de sport / Noémie, la lycéenne bienveillante
Un homme est seul, assis sur un ballon et pleure.
Antoine : « La vie est trop injuste, je n’ai plus qu’à mourir,
Car ne plus le toucher m’est trop insupportable.
Ne pas pouvoir l’aimer, le choyer, le pétrir…
Sans pouvoir le lécher… Ma vie est intenable.
J’ai pourtant travaillé comme un vrai fonctionnaire,
Appliquant les principes qu’on m’avait inculqués :
Bailler trois fois par heure et faire semblant de faire
Se masser les orteils et se curer le nez,
Puis quand on monte en grade, on fait des trucs supers :
On peut roter debout et même molarder,
Se gratter les roustons et sans en avoir l’air
Se frotter le sein gauche pour faire l’homme inspiré.
Et après des années d’une paresse licite,
Epargnant sou par sou, me privant de draguer,
J’ai donc pu acheter, malgré mon avarice,
L’objet que je devais, à jamais, adorer… »
Noémie : « Monsieur, monsieur, monsieur… On n’a plus de ballon !
Et pour jouer au foot, sans ballon, c’est coton ! »
Antoine : « Que veux-tu que j’y fasse, espèce de vieux bidet.
Tu vois bien que je pleure car je suis déprimé.
Ton ballon, tu sais où tu peux te le carrer !
Je m’en vais de ce pas mourir en suicidé. »
Noémie : « Mais monsieur, le ballon, il est là, sous vos fesses ! »
Antoine : « Tu oses m’attaquer, espèce de drôlesse !
Moi, le prof adoré par toutes les ados…
Tu m’attaques et m’offenses… Et pour moi, c’est bien trop !
C’est d’autant plus salaud que, comme tu peux le voir,
Les larmes me submergent… »
Noémie : « ………………………………………….. Vous êtes un arrosoir ?
N’empêche que le ballon est bien là, sous vos fesses !
D’ailleurs, faudra nous dire pourquoi cette tristesse.
On ne vous a rien fait… Pas plus que d’habitude ! »
Antoine : « Oui, c’est vrai mais ma peine te montre ma solitude.
Car depuis ce matin, mon moral est cassé,
Mon cerveau embourbé et mon cœur fissuré.
Je me sens seul au monde, déprimé et à bout ;
Je vais donc m’empaler sur une tige de bambou. »
Noémie : « Mais ça va pas le prof ! Tu déconnes, t’es fada !
Ici on fait du sport… On ne déconne pas.
Si t’as besoin vraiment de te faire consoler,
T’as qu’à voir le dirlo, il va te remonter.
Nous, on n’a rien à voir avec tes états d’âme…
D’ailleurs faudrait nous dire pourquoi tu vis un drame ! »
Antoine : « Personne ne peut comprendre. J’ai perdu mon aimé,
J’ai perdu mon idole, ma raison d’exister.
Je vais errer sans but, sans joie et sans destin
Et je vais, pour finir, me noyer dans le vin. »
Noémie : « Mais c’est quoi vot’ malheur ? Bon Dieu ! Vous accouchez !
Arrêtez de brailler… On dirait un bébé !
En plus, vous devriez être gai et content
Car vous allez avoir bientôt vos quarante ans. »
Antoine : « Mais l’âge importe peu… Je n’en ai rien à faire !
Au diable les bougies et les anniversaires !
Ce jour sera funeste dans l’histoire de ma vie…
C’est pire que la journée où j’ai vu Emilie !
Le destin est cruel, je ne suis plus un homme.
Et je ne peux plus vivre sans jamais le toucher…
Ce matin, en effet, j’ai perdu mon smartphone…
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! »
Fin de la tragédie
Epilogue : « Cette histoire pathétique, horrible mais véritable
Ne fait que démontrer nos dérives sociétales :
Un professeur de sport, voulant faire semblant
De travailler un peu… C’est trop extravagant !
Une élève bien polie, tout du moins au début,
Qui trouve que son prof est légèrement cucu ;
Un smartphone disparu et cause de désarroi
Car c’est un sourd-aveugle celui qui ne l’a pas.
Et puis, sans le vouloir, les années qui défilent,
Les jours qui s’additionnent et les rides qui s’empilent.
La quarantaine, c’est bien mais dès ce moment-là,
Tes hormones commencent à danser la rumba…
La conclusion bizarre de ce moment tragique,
On la trouve dans des textes plus ou moins historiques.
Antoine était un saint et devint le patron
Des marins, des pêcheurs et aussi des larrons.
Mais en plus, c’est cocasse, car il est devenu
Le patron des objets volés ou bien perdus.
Alors pour le smartphone : pas de bile à se faire
Surtout quand on approche de son anniversaire.
Note de l’éditeur : Le vin, c’est 11°/ La bière, 5°
/Cette histoire 3ème degré.
Traduit du serbo-croate par le professeur Izlevtar Trofénias