Fin de la discussion de la loi sur la biodiversité. Explication du vote du groupe socialistes et apparentés
Vidéo de l'intervention
M le Président, Mr le Ministre, Mr le rapporteur,
chers collègues.
Nous voici donc à l’heure du bilan et à l’heure du positionnement. Et il est bien difficile de faire un bilan objectif, un bilan détaillé et un bilan qualitatif des débats qui ont animé, agité, voire échauffé cet hémicycle. Mais soyons honnête, beaucoup de gens ont dit : « Cela aurait pu être pire ! »
J’ai dit « Difficile de faire un bilan objectif de ce débat… »
Tout d’abord parce que l’objectivité ne fait pas partie de la nature humaine. Et c’est normal : Nous avons tous des humeurs, des penchants, des passions. Imaginez en plus : dans un texte de 72 articles, avec 677 amendements, texte qui parle de notre environnement, de la perception de cet environnement, de l’usage de cet environnement et de la survie de cet environnement…
Oui, c’est bien une loi sur l’environnement. Or l’environnement touche tout le monde, toutes les activités, tous les milieux.
Ce n’est pas une loi chasse… C’est vrai et cela a été dit… Mais quand elle n’est pas directement citée, la chasse est souvent en filigrane, dans plusieurs articles… Et c’est logique !
De même, ce n’est pas une loi agricole… C’est vrai, cela a été dit… Mais l’agriculture est omniprésente dans ce texte… Et c’est normal !
Et je pourrais continuer à énoncer ainsi les différents domaines : économie, recherche, santé… Etc… Tout le monde est présent dans cette loi et tout le monde est intéressé, à un moment ou à un autre, par cette loi…
J’ai dit « Difficile de faire un bilan détaillé des débats et de la loi. »
Un collègue a affirmé, il y a peu de temps, que « cette loi était un monstre ». Ce n’était pas, de sa part, une critique mais simplement le constat qu’en mettant l’expression « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages», la loi avait automatiquement plusieurs têtes pour un seul corps… Et en plus, des têtes, nous avons pris un malin plaisir à en rajouter…
Quant au bilan qualitatif, permettez que je ne m’aventure pas dans ce domaine-là, car le mot « qualité » est à géométrie variable selon ses pôles d’intérêt, selon le milieu et selon les circonstances. Et dans cet hémicycle, un article de la loi peut avoir beaucoup de qualités pour les-uns ou, à contrario, être porteur de tares rédhibitoires pour les autres.
Avant d’aller plus loin, permettez-moi d’adresser quelques remerciements à certains de nos collègues :
A ceux qui, malicieusement, ont prolongé le débat uniquement pour nous prouver que les paysages nocturnes n’étaient pas pareils que les paysages diurnes ;
A ceux qui nous ont fait rêver en parlant de la richesse des territoires ultra-marins ;
A celle qui nous a fait sourire en racontant la fabuleuse et incroyable aventure d’un coton-tige.
Merci enfin, et de façon très sincère, à notre rapporteur, le Sénateur Jérôme Bignon qui a mis en évidence que la fonction de rapporteur n’est pas une activité de tout repos et qui a su défendre certaines de ses convictions avec une vigueur que je pourrais et que j'oserais qualifier de décoiffante…
Un mot à titre personnel. Lors de la discussion générale, j’avais dit que nous avions tous les éléments pour écrire une belle histoire. Je me suis trompé et je m’en excuse. Sans doute fruit de mon inexpérience ou d’une fausse naïveté, je n’avais pas réalisé l’importance, dans cette maison, l’importance du vocabulaire. « Normatif, déclaratif, contentieux, droit… ». Avec tous ces mots-là, même pour les plus imaginatifs, il est difficile de créer de belles histoires… Mais, par contre, c’est vrai, on peut légiférer.
Et pour terminer, mes chers collègues, revenons sur ce qu’on appelle, la « conduite à tenir » et une conduite à tenir, ça se décide après un bilan.
Premier point de ce bilan :
677 amendements ; un certain nombre accepté ; un autre nombre refusé.
Mais, et personne ne peut dire le contraire, l’ensemble de ces amendements a permis d’évoquer beaucoup de sujets différents, sujets parfois au cœur de l’actualité, sujets parfois irritants : les néonicotinoïdes, les actions de groupe, la police de l’environnement, le préjudice écologique, la gestion et l’usage des réserves naturelles…
Autant de sujets qui sans être consensuels, devaient d’être évoqués.
Et en gestion publique, il n’y a rien de pire que d’éluder un problème sous prétexte qu’il pourrait amener des décharges d’adrénaline. De toute façon, un sujet sociétal contourné, occulté, évité, finit toujours par revenir sur le devant de la scène.
Deuxième point de ce bilan:
« Tout ne peut pas plaire à tout le monde mais tout ne peut pas déplaire à tout le monde. »
Et certains pointeront du doigt ce qu’ils considèrent comme des reculs alors que d’autres mettront en valeur ce qui leur semble des avancées…
Le problème dans l’environnement, c’est que le recul des uns est parfois considéré comme une avancée pour les autres. De plus, ce n’est qu’une première lecture et j’ai entendu, dans l’hémicycle que certaines améliorations et précisions étaient attendues pour la seconde lecture.
Troisième et dernier point de ce bilan :
Je n’ai vu aucun article ou amendement prônant le statuquo. Tout le monde l’admet : il y a urgence. Et on ne peut plus se permettre d’avoir des états d’âme… l’action s’impose et la nature n’attendra pas la fin de nos discussions.
C’est un des paradoxes de notre démarche : nous devons réagir rapidement alors que la biodiversité a mis des millions d’années à se constituer.
En résumé, si l’on veut acter
L’idée du préjudice environnemental, le principe de la réparation, l’application du protocole de Nagoya, une nouvelle forme de gouvernance, la confortation de certains outils que nous avons déjà, une nouvelle approche des paysages et si nous voulons sauver certaines de nos richesses qui elles, ne sont pas des richesses monétaires…
Bref l’urgence s’imposant, nous ne pouvons pas rester l’arme au pied et le groupe socialiste et républicains votera donc « Pour ce texte » et pour la proposition de loi organique s’y rattachant…
Quant à la belle histoire de la biodiversité, d’autres l’écrieront probablement dans d’autres lieux et avec des mots plus appropriés. Ce serait malheureux de passer à côté.
Hervé Poher