Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues.
J’entends vos inquiétudes ; je perçois vos réticences et je comprends vos interrogations. Mais ceci n’est qu’une résolution ; ce n’est pas une PPL. Le but d’une résolution, c’est d’attirer l’attention du gouvernement sur un sujet qu’il doit travailler.
Et plutôt que de revenir sur le principe de cette résolution, permettez-moi de vous conter 1 anecdote, qu’on pourrait appeler : « Candeur et vicissitudes d’un élu local. »
J'ai été élu Maire de ma commune le 18 Juin 1995. La première réunion importante pour moi, réunion programmée par mon prédécesseur, s’est déroulée trois jours après mon élection. Elle se passait en Mairie et sur l’invitation, il était noté : « Le champ captant de Guînes. »
Autour de la table, il y avait : Des représentants de ce qu’on appelait alors la DDE, le délégataire de la commune, un hydrogéologue nationalement connu, des techniciens et des élus du Conseil Général et plusieurs représentants de l’Agence de l'Eau
Et tout cet aéropage de personnes importantes était venu expliquer au jeune maire que j’étais : Que ma commune était sur un champ captant irremplaçable, champ captant qui alimentait toute une région ; Que je me devais de le protéger ; Que je devais refaire tout mon assainissement collectif qui avait été mal fait et conçu en dépit du bon sens; Que je me devais de bâtir une seconde station d’épuration ; Que je devais déplacer une ou deux exploitations agricoles ; Etc,etc…
Tout jeune élu, manquant indéniablement d'expérience et sans doute encore grisé par les vapeurs de la victoire, je répondais invariablement : " Pas de problème ; nous le ferons !!"
Le seul point de désaccord fut lorsque l’hydrogéologue m'annonça qu'en toute logique nous devions déplacer le cimetière !!... Un cimetière qui était là depuis 10 siècles !! Je refusais catégoriquement, pas parce qu'en tant que médecin j'alimentais régulièrement ce cimetière, mais simplement parce que ce déplacement était psychologiquement indéfendable au niveau de la population.
Bref, plein de bonne volonté, j'étais prêt à foncer et je voulais être le chevalier blanc de la protection de l’eau…
On peut imaginer de grandes choses quand on est totalement inconscient ! Et malheureusement, quand on est responsable d’une collectivité, on ne peut pas être inconscient très longtemps.
Un mois plus tard, les mêmes personnes, qu’en privé j’appelais « mes tortionnaires », se réunissaient pour aller plus loin dans la démarche. Et là, croyez-moi, je fus vite dégrisé car la douche était un peu froide : on m'amenait les estimations financières... et elles étaient salées, ces estimations : 30 millions de francs H.T. et plus du 1/3 à charge de la commune… 30 millions… 1995… c’était 2 fois le budget annuel total de la commune… 2 fois le budget : Pour réparer un assainissement collectif, pour défoncer des rues, pour embêter les gens pendant des mois, voire des années, pour endetter la commune, pour augmenter les impôts et le prix de l’eau… Tout cela pour protéger de l’eau qui servait à 98% à nos voisins.
On a beau être novice, inconscient et utopiste, il y a des choses qu’on comprend très vite… Et en particulier l’impact sur votre côte de popularité… Je n’en dirai pas plus !
Et c'est de cette réunion et de cette prise de conscience, qu'est partie notre réflexion basée sur une question simple : "Est-il normal qu'une commune de 5000 habitants assume entièrement la protection d'un champ captant qui sert à plus de 100 000 personnes ?" Même avec 40% de l’Agence de l’eau et 40% du Conseil Général. Il restait 20%... Les guinois ne méritaient pas cette punition.
Et nous avons inventé un contrat de ressources : 3 centimes de franc/m3 (c’est-à-dire 0.0045€), pour tous les consommateurs, guinois compris, et en exonérant, pour des raisons économiques certaines entreprises… Et nous avons tout fait… Tous nos travaux… Même ce qui semblait impossible ou improbable… Et à postériori, nous en sommes fiers. Et rien dans la poche du délégataire ; tout dans le budget de la commune.
Pourquoi cette anecdote ?
Simplement pour vous rappeler que la DCE a des objectifs qui sont logiques, qui sont nobles et qu’ils ne sont pas irréalisables… Mais qu’on ne pourra réussir que si on arrive à créer une dynamique collective ; dynamique : Avec les gros intervenants mais aussi avec les petits maitres d’ouvrage ; Avec l’ensemble des décideurs locaux ; Et avec ceux qui sont sur le terrain et qui sont confrontés, de façon quotidienne, au labyrinthe administratif et au casse-tête financier.
Et un contrat de ressource n’est qu’un petit plus pour aider les décideurs locaux à oser, à avancer et à être exemplaires.
L’objectif de la DCE est clair : « Un bon état écologique de toutes les masses d’eau ».
Mais cet objectif ne pourra être atteint, même si l’échéance a été retardée, que grâce à des politiques nationales et locorégionales fortes et grâce à des volontés et des bonnes volontés locales…
Mais ce que je dis pour l’eau est, sans doute, aussi valable pour bien d’autres politiques. Le seul juge de paix, c’est l’efficacité… Et surtout le résultat.
Alors invitons la dynamique, tutoyons l’efficacité et osons le résultat. Pourquoi pas ?
Hervé Poher