Le voleur de lune !
Conte pour TOTOR.
Il était presque 10 heures, ce soir de septembre. L’air était doux, un petit vent soufflait et le village de Pomerols s’endormait tranquillement, apaisé après une journée bien chaude, animée par les grillons et par la rumeur des vendanges.
Victor n’était pas encore couché… Et ce n’était pas son habitude ; mais pour un petit garçon de 2 ans, c’était une soirée exceptionnelle après un jour de fête : Maminord était là. Et sa Mamie, qu’il ne voyait que quelques fois par an, voulait profiter de son petit-fils au maximum… Alors pas question qu’il aille se coucher trop tôt. Ce soir, il avait droit à une prolongation.
« Je crois qu’il est l’heure d’aller se coucher ! » dit alors Maman en regardant son petit garçon.
Mais Maminord voulait encore profiter de son petit-fils.
« Viens, on va se sauver dans la rue tous les deux et je vais te montrer un trésor merveilleux : c’est la lune dans le ciel. Tu verras comme elle est belle ! »
Ni une, ni deux. Les voilà sortant dans le jardin, puis dans la rue pour aller regarder le ciel. Pas un nuage, des milliers d’étoiles et l’odeur du lavandin, mêlée aux senteurs de la vigne coupée. Tout le village s’endormait et même les tortues de monsieur Fortin, le voisin, s’étaient cachées pour faire câlin
« Là, une grosse étoile… Et là, comme une fusée qui traverse le ciel… Et là, tu vois, le soleil a disparu… Et là, regarde comme elle est belle la lu… !! »
Où elle est la lune, Maminord ? »
La lune… Je ne sais pas… Je ne la vois pas… Où est-elle ? Ce n’est pas possible… On a surement volé la lune ! »
Volé la lune… » répéta Victor.
En entendant cela, les crapauds arrêtèrent de croasser et, d’un seul coup, la bise devint plus chaude. Un grand silence s’installa dans la rue et les fleurs des lauriers en frémissent encore : comment imaginer qu’on ait volé la lune ! Qui avait bien pu faire cela ? Qui était assez fort et assez grand pour voler la lune ?
« Dis Mamie ! On a volé la lune ? Pourquoi ? »
Et la mamie, un peu perdue ne savait pas quoi répondre : « Je ne sais pas… mais si on retrouve le voleur, il devra la rendre ! Et il sera puni … On le mettra en prison. On verra demain matin ; on ira le dire à la police… »
Malgré cet événement inattendu, Victor dut aller se coucher mais sa tête était pleine de questions et il semblait fort inquiet car quelqu’un avait osé voler la lune… Il devait être un grand voleur, ce voleur !
Le lendemain matin, Maminord et Totor, qui avaient passé une mauvaise nuit, allèrent chercher le pain. A peine entré dans la boulangerie, le petit garçon se précipita sur Isabelle et lui dit : « On a volé la lune… Maminord a dit qu’il y avait un voleur de lune ! »
Séphora, l’ancienne institutrice, qui attendait pour avoir sa brioche s’écria : « Je l’ai toujours dit. Avec tous ces étrangers, arrivés dans le village, ça devait arriver ! Il faut faire quelque chose,ça ne peut plus durer… Ils vont tout nous prendre ! »
« Calmez-vous, Madame Séphora » dit Isabelle « La lune est trop grosse, le voleur ne pourra pas la garder ; il devra la rendre…. Et je ne connais personne à Pomerols qui soit capable de prendre la lune… »
« Il n’empêche !! On doit prévenir les autorités ! »
Maminord, voyant que l’affaire prenait des proportions étranges, dit tout haut, dans la boulangerie : « Ce n’est pas grave ! La lune s’est peut-être simplement cachée derrière un nuage. Elle reviendra ! »
Séphora, Isabelle et Lorenzo le mitron, la regardèrent d’un air réprobateur : on voit bien qu’elle n’est pas d’ici, cette Maminord. Elle ne connait pas le coin, les habitudes, les petits problèmes et tout ce qui est la vie du village. « D’abord, la lune ne se cache pas ! » pensa Lorenzo « Elle est trop belle et seules les vilaines personnes se cachent. »
Et pour clore la discussion, il affirma : « Je vais prévenir la mairie ! Elle saura quoi faire, elle ! ». « Moi, je vais prévenir Augustin » ajouta Séphora.
Augustin, l’ancien garde-champêtre, lorsqu’il apprit cela devint tout blanc, puis tout rouge, presque violet. Sa femme a même cru qu’il avait avalé son morceau de fromage de travers. « Comment, on a volé la lune ! C’est un scandale, on ne respecte plus rien ! De mon temps, ce ne se serait pas passé comme cela. » Il se précipita dans son débarras pour essayer de retrouver son vieux tambour afin d’aller, sur la place du village pour annoncer à la population qu’un drame était en train de se dérouler. On avait beau l’avoir remplacé par un policier municipal, pour de telles annonces, rien de valait le tambour et la grosse voix du garde champêtre.
Monsieur Locadi, le maire, s’écria, après que Lorenzo lui ai expliqué la catastrophe : « Il ne manquait plus que cela ! Voler la lune ! A trois mois des élections ! Je n’ai pas mérité cela ! Je vais devoir convoquer un conseil municipal d’urgence… Et comme par hasard, le premier adjoint est encore en vacances. » Et il se gratta la tête ! En trente ans de mairie, cela ne lui était jamais arrivé. Et le vol de lune, ce n’était pas noté dans le code municipal…
En repartant de la boulangerie, Maminord et Totor passèrent devant La voix de Pomerols, le journal local. Une idée éclaira Maminord.
En écoutant le récit de Totor, Monsieur Saitou, le journaliste se dit : « On ne peut pas ne rien faire ! Il faut alerter la population. On vole notre patrimoine. Et Pomerols, sans la lune, ce n’est plus Pomerols.» Et le soir même, une annonce paraissait dans le journal :
« Offre récompense de trois paquets de bonbons, cinq kilos de tomates et une girafe en plastique à celui qui rendra la lune. Il l’a, sans doute, prise sans le faire exprès. Contacter le journal qui fera la remise en place en toute discrétion. »
Et c’est ainsi que le soir même, la lune revint dans le ciel. Augustin, très fier d’avoir retrouvé son tambour, traversa tout Pomerols, à plus de minuit, pour annoncer la bonne nouvelle. Comme tous les gens étaient couchés, les roulements de tambour les firent râler. Les ventes du journal furent multipliées par deux et la boulangère inventa une nouvelle gourmandise : le croissant de lune. Quant à madame Séphora, elle continue à dire que le voleur, ne peut pas être quelqu’un du pays.
On n’a jamais su qui avait volé la lune mais Monsieur le Maire, dans une séance exceptionnelle du Conseil Municipal décida que Pomerols s’appellerait, désormais, Pomerols la Lune. Et Totor, celui qui avait découvert le vol de la lune, fut déclaré Gardien de Lune, pour toute sa vie.
Il fallut attendre des années avant que quelqu’un, envoyé spécialement par le ministère des Etoiles, ne vienne expliquer qu’on ne voit pas la lune tous les jours, que c’était normal… Et qu’elle revenait toujours….
Mais il n’empêche qu’on n’a jamais su qui était le voleur de lune ! Augustin et Séphora enquêtent encore… Et Totor surveille toujours…
Ne cherchez pas dans les livres d’astronomie… Vous ne trouverez pas le Gardien de Lune… Il n’existe que dans nos cœurs…
Papy Guînes
FIN
DE
L’HISTOIRE