Cap Climat, le 30 juin 2011 à Arras.
C’est devenu, maintenant une obligation, une habitude … Je dirais presque un rituel quasi religieux : Tous les ans, au mois de juin, quelques grands sorciers du Nord-Pas-de-Calais rappellent que le climat est en train de changer…
Ces mêmes grands sorciers annoncent à la tribu des homosapiens qu’il est possible que le ciel nous tombe sur la tête… Et les grands sorciers rappellent enfin, à la caste dirigeante, caste dont vous avez côtoyé une belle brochette aujourd’hui, les sorciers rappellent donc qu’il est plus que temps d’agir!
Bref, le mois de juin est la période des grandes incantations pré-estivales…
Vous devez vous demander pourquoi je vous propose cette comparaison socio-ethnologique, teintée d’un soupçon d’ironie.
Comparaison ethnologique parce que l’idée, l’évocation et la représentation du grand cataclysme climatique refait surgir en nous, toute les vieilles peurs ancestrales, car depuis que l’homme est homme, on est persuadé qu’on ne peut rien faire contre le ciel. Or, depuis quelques décennies, on nous a démontré que l’homme ne peut pas faire contre le ciel mais qu’apparemment, il peut influer sur le type de ciel… Et c’est pour cela que nous sommes collectivement troublés et que nous nous sentons collectivement plus ou moins coupables.
Et je me suis permis de manier un soupçon d’ironie car la caste dirigeante, je la connais bien… J’en fais un peu partie.
Et, honnêtement, cette caste n’aime pas ne pas avoir prise directement sur un sujet ; elle redoute les incertitudes du lendemain autant qu’elle peut, pour des raisons purement politiciennes, passer en perte et profit certaines certitudes scientifiques.
Et le ciel, le vent, les nuages ou la température sont bien des choses qu’il est difficile de façonner de manière politique ou même administrative. L’environnement, d’ailleurs, dans son ensemble, ne peut pas s’adapter et se moduler en fonction d’un calendrier électoral… Et si je dis cela, ce n’est pas pour taquiner mes amis écologistes.
Et cet état des lieux réaliste, que j’ose vous proposer, en admettant nos peurs, en reconnaissant nos insuffisances… Cet état des lieux, dis-je, est fait uniquement pour pouvoir vous justifier de l’utilité d’un pôle climat régional.
Car pour rassurer la tribu, il faut savoir montrer que les décideurs savent ce qu’ils font, savent d’où ils viennent et décident où ils vont, qu’ils agissent et qu’en fonction des enseignements du passé, ils ont tout prévu… Même l’imprévisible ! Ca, c’est valable en climatologie comme en politique générale. De plus, il faut aussi persuader chaque membre de la tribu qu’il est acteur du devenir de la tribu.
Et pour la caste dirigeante… Pour rassurer et conforter cette caste dirigeante, il faut organiser et partager ; il faut partager et communiquer ; il faut communiquer et afficher. Bref, il faut leur donner l’impression qu’à tout problème, il y a, au moins, une once de solution… et qu’ils peuvent être, eux les grands décideurs, les promoteurs ou les porteurs de cette solution.
Si je vous parle réaliste, donc un tantinet ironique, c'est-à-dire un tant soit peu désabusé, c’est que j’ai eu la chance d’aller, il y a 18 mois, à Copenhague et que, pour être honnête avec vous, j’ai eu la malchance d’avoir assisté à « Flopenhague ».
· Quelle distance énorme entre l’apport des scientifiques, les objectifs des décideurs et les moyens des utopistes !
· Quelle distance gigantesque entre l’ambition officielle d’un tel sommet et la pratique des discussions de marchands de tapis. J’étais venu, à Copenhague, pour sauver le monde… Je me suis retrouvé dans un souk…
· Quelle distance abyssale entre cette obligation de l’urgence dont nous sommes tous conscients et ce constat de l’inertie que nous déplorons tous.
J’étais à Copenhague avec des gens impressionnants par leur savoir et par leur pouvoir. Mais j’ai été aussi impressionné par la pratique de ces gens qui passent leur vie à parcourir le monde pour négocier… c’est quoi votre métier : Négociateur. A quoi rêvez-vous : de négociation. De quoi parlez-vous : de négociation… Et ils sont tellement imbibés du processus de la négociation, qu’ils en perdent le sens de la révolte et en oublient le but initial… On négocie pour négocier à l’heure, à la minute et parfois même à la seconde...
Et c’est en voyant cela que j’ai réalisé, à ma modeste place je l’avoue mais comme d’autres, que pour qu’il y ait changement, il faut commencer par le bas, voire la B A BA : former, informer, réformer, communiquer, sensibiliser, impliquer, assembler, animer, valoriser… Tout cela pour avancer !
Et c’est le rôle d’un pôle climat. Tout le monde n’a pas les mêmes centres d’intérêt ; tout le monde n’a pas les mêmes illuminations géniales et tout le monde n’a pas les mêmes moyens d’action ou d’information. Mais, théoriquement, tout le monde peut se renseigner, tout le monde sait entendre et tout le monde peut écouter… Je n’ai pas dit comprendre, j’ai simplement dit « entendre et écouter. » Et lorsque l’on n’a pas ou qu’on ne sait pas, c’est quand même rassurant de se dire qu’il y a un endroit où on a et où on sait.
J’aurais pu ou j’aurais du vous lire tout un laïus rappelant le rôle et les devoirs du Pôle Climat et en particulier de ceux qui l’animent, c'est-à-dire le CERDD. J’aurais du prononcer les mots « animation, observation, concertation » et encore, plein d’autres « Tion ». Mais les gens du CERDD me le pardonneront :
· Car quand on veut avancer, il vaut mieux utiliser le verbe qui se termine en « er » plutôt que le nom qui se termine en « ion ».
· Parce qu’il est 14h40, que les gens sont en train de digérer… Et qu’on ne peut pas se permettre d’endormir le public avant une table ronde.
· Parce qu’enfin, il est plus important d’énoncer la philosophie de la chose plutôt que de fournir la liste des choses.
Mais sachez que ce pôle climat existe depuis 1 an ;
· Que le pôle est un outil au service des décideurs, des militants de l’avenir et des gens de bonne volonté ;
· Que le pôle est là parce que la connaissance, ça se donne… parce que les conseils, ça s’offre et parce que l’expérience, ça se partage ;
· Que le pôle est là parce que dans notre société, personne n’est omnipotent et personne n’a la science infuse. Et qu’il est bon d’avoir, à portée de main, un manuel, un lexique, un dictionnaire, voire une bibliothèque. Le pôle climat, c’est un peu tout cela.
· Que l’existence même d’un pôle climat est un moyen très simple de donner mauvaise conscience aux élus que nous sommes et à la toute puissante technostructure qui nous entoure…. Car, soyons francs et réalistes, le conservatisme est bien la maladie qui touche, le plus couramment les personnes bien installées.
Ce pôle climat existe, en tant que personne relais, personne ressource et personne accompagnante. Il a une adresse, un n° de téléphone et même un visage… Et je me permettrai de rajouter que son savoir et ses compétences ne sont pas anecdotiques.
J’ai une formation médicale et, je dois l’avouer, rien ne m’insupporte plus que ces gens qui savent tout sur tout et qui jouent aux guérisseurs. En médecine, il y a les bons docteurs, les mauvais médecins, les rebouteux et les charlatans. Et il vaut mieux, croyez-moi, aller voir les premiers parce qu’ils ont le savoir, l’expérience et, bien souvent, l’humilité de la personne honnête. Bien entendu, en disant cela, je ne parle pas des mandarins… Moi, je veux bien donner mon avis sur le cor aux pieds de Michel Pascal ou sur le rhume des foins de Jean Schaepman, mais je ne dirais jamais rien sur le vélo d’Emmanuel Cau… Chacun son métier et comme je suis nul en mécanique!!
Tout cela pour vous dire que tout ce qui concerte le climat… Le spécialiste, c’est le pôle climat ; la référence, c’est pôle climat et l’interlocuteur privilégié, c’est pôle climat…
Comme me disait, hier, ma collaboratrice au CG, la façon dont je dis cela pourrait vous faire penser à une pièce célèbre… « Le père Noël est une ordure »… « Allo, ici Pôle Climat ; je vous écoute ! », « Vous avez un problème ?... C’est cela, oui ! »
Plus sérieusement. On ne peut avancer qu’avec des références, des informations et des avis concrets. Pour beaucoup d’entre nous, les seules références climatiques que nous avons, ce sont les frayeurs gauloises d’Abraracourcix ou les prévisions météo du regretté Albert Simon. Avouez que c’est un peu léger ! C’est pourquoi il faut structurer notre pensée, ordonner nos connaissances et combler nos défaillances intellectuelles. Le pôle climat est là pour ça.
Voilà, Mesdames et Messieurs. On m’avait demandé de faire le VRP et de vous rappeler qu’il existe un pôle climat. J’espère qu’à la fin de cette journée, vous repartirez chez vous en disant : « Comment a-t-on fait pour vivre jusque aujourd’hui sans avoir un pôle climat ? » Mais cette interrogation n’a rien d’exceptionnel car de tout temps, l’homme s’est dit, après avoir inventé un outil : « Comment ai-je fait pour vivre sans ? »
Mesdames et Messieurs. Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous ne sommes peut-être pas les meilleurs dans beaucoup de domaines, mais il y a bien un domaine où nous n’avons pas de leçons à recevoir : c’est celui de la bonne volonté et la bonne volonté est sans doute l’apanage des peuples qui ont un certain type d’histoire.
Et avec cet apanage là, l’élève finira bien par devenir professeur !! Professeur de climatologie, vous l’aurez deviné !
Hervé Poher