Je devais offrir le tome II des Contes de Grand-père à tous mes petits-enfants, en juin prochain. Mais tout le monde est confiné et les journées peuvent paraitre longues. Alors, je mets les histoires en ligne. Ça leur fera passer un peu de temps… Bisous aux 9.
Papy Guînes
Et ce fut la guerre de sentant…
Conte pour Alexandre
Sir Hamilton Fordusex était grandement contrarié : Le Royaume Uni allait sortir de l’Europe. On appelait cela le Brexit. Or Sir Hamilton avait pris l’habitude, depuis plusieurs dizaines d’années de faire ses courses en France, sur le continent : du vin, des confitures, de la viande, des volailles, des fromages et surtout des fromages qui sentent très mauvais… On dit, plus classiquement, des fromages qui puent. Bref, il achetait presque tout de l’autre côté du Channel. Parce que c’était meilleur et parce que c’était moins cher. Et à cause du Brexit, il ne pourrait plus faire ses courses en France.
« Je vous sens contrarié, mon cher époux » dit un jour Lady Adorlay. En effet, Sir Hamilton, père du royaume, Grand-Croix de l’ordre du Chien pouilleux, Chevalier des Palmes Ipédes, intronisé dans les confréries du Camembert Pourri et du Gruyère sans trou, perdait l’appétit, perdait le sommeil, perdait sa bonne humeur… Bref, il perdait tout.
« En effet, ma chère Adorlay… L’idée de ne plus pouvoir manger du fromage qui pue m’est insupportable. Je crois que je suis drogué à la mauvaise odeur… Et surtout la mauvaise odeur française. »
Lady Adorlay essaya de le consoler comme elle pouvait, lui disant qu’elle ferait son possible pour qu’il puisse avoir encore le plein de mauvaises odeurs ; qu’elle ferait rentrer du fumier dans la cour du château ; qu’elle demanderait aux valets de s’enduire de crottin de cheval ; qu’elle-même arrêterait de se laver… Mais rien n’y faisait : il était obsédé par le fromage qui pue.
« Mais allez donc en chercher en France, une grande quantité… Des tonnes de fromage pour tenir quelques années… Si vous en achetez beaucoup, plus il sera vieux, plus il sentira mauvais et plus vous serez content… »
Sir Hamilton trouva cette idée géniale et il se mit à imaginer une opération commando qui lui permettrait d’avoir des réserves pour quelques années. Une opération commando car il ne voulait pas acheter le fromage : il voulait le voler… Il n’en serait que meilleur car ce qui est volé semble avoir plus de goût.
Et une nuit de septembre 2019, avec quelques crapules qu’il avait engagées à Canterbury, il débarqua sur la côte française : direction la Cité de l’Europe, à la sortie du Tunnel.
Après s’être introduit dans le supermarché, les compères, sous la direction de Sir Hamilton, remplirent des caddys avec des bouteilles de vin, des centaines de pains, des dizaines de kilos de beurre et surtout des milliers de fromages qui sentaient tous plus mauvais les uns que les autres. Malheureusement, Sir Hamilton devait se limiter car le bateau qui les avait amenés n’était pas très grand
Tout s’était bien passé et sur le chemin du retour, Sir Hamilton eut une dernière idée, une dernière envie. Et ce fut, hélas, une erreur qui devait avoir des conséquences dramatiques. En effet, passant devant une petite ferme, il s’écria : « On va donner une leçon à ces abrutis de français… On va leur piquer un coq… Puisqu’ils considèrent que c’est leur emblème. » Entrant dans la ferme, il s’introduisit dans le poulailler et prit un gros coq, juché sur une échelle et qui dormait du sommeil du juste.
Et c’est là que fut son erreur et qu’il dessina, involontairement, le destin tragique de l’Europe. Car ce coq n’était pas n’importe quel coq : c’était Marius le Brave, un héros du calaisis, une idole du nord de la France. Et c’était le coq d’Alex, le petit calaisien. Mais ça, Sir Hamilton ne le savait pas !
Le lendemain matin, tous les journaux de France faisaient leur gros titre sur ce qui s’était passé près de Calais. « Un coq et des tonnes de fromages disparaissent ! » titrait Le Figaro ; « Le nord attaqué » titrait La Voix du Nord qui considérait que voler du Vieux Lille ou du maroilles était une atteinte à l’honneur des nordistes. Bref, la France entière était en émoi. Mais, il y en a un qui était plus qu’en émoi car il était en colère, en furie et près à déclencher une guerre atomique : c’était Alex, le propriétaire du coq. On avait osé lui voler Marius… Et Marius, c’était SON coq !!!
L’inspecteur Dukrime, de la police judiciaire fut diligenté sur place afin de mener une enquête que le gouvernement français voulait rapide et efficace. Et Dukrime fut rapide et efficace. En 48 heures, avec l’aide de la gendarmerie, il détermina que : les voleurs étaient 4 ; qu’ils étaient arrivés en bateau ; qu’ils s’étaient introduits par effraction dans le supermarché et dans la ferme et qu’ils étaient repartis vers l’Angleterre. Les enregistrements du radar du cap Gris-nez prouvaient de façon certaine que les voleurs venaient et étaient repartis vers la perfide Albion.
« La France humiliée par les bouffeurs de corn-flakes » annonça Martine Niquaise, présentatrice du journal télévisé. « J’exige le retour de nos fromages ! » déclara le Président de la république. Mais malgré les pressions internationales et l’intervention de l’ONU, les britanniques faisaient la sourde oreille et rien ne bougeait.
Mais le plus virulent, le plus énervé, le plus en colère était bien Alex qui voulait récupérer SON coq. Et comme, après deux semaines, rien ne bougeait, il décida d’entrer en action : il ferait justice lui-même.
Il contacta ses copains de classe afin de former la première « armée de la revanche ». Plusieurs d’entre eux acceptèrent de lui donner un coup de main. L’attaque était prévue pour la semaine suivante. Mais il fallait d’abord avoir des renseignements sur la localisation de Sir Hamilton et de sa bande, être sûr de l’endroit où était retenu Marius et connaitre exactement le nom de la banque où étaient cachés les fromages… Car une telle quantité de fromages était un vrai trésor et seule une banque pouvait en prendre soin. Ensuite, il fallait trouver un moyen de transport pour traverser la Manche et, surtout, il fallait se procurer des armes afin de neutraliser l’adversaire. Ils décidèrent même d’avoir un cri de guerre : ce serait ………………..
« CACABOUDIN ! »
Tous ces préparatifs les occupèrent quelques jours : ils avaient localisé les voyous anglais près de Douvres, savaient que Marius était enfermé dans une cage, dans la cour du château de Sir Hamilton et que la totalité des fromages était gardée dans un coffre de la RB2O (Royal Bank of Odor)… Et le samedi 19 octobre, ils décidèrent de passer à l’action… Ce jour-là en effet car c’était le début des vacances de la Toussaint. Emile Patte, vieux pêcheur de Calais, les attendait, à minuit, sur le port. Après un embarquement laborieux car ils avaient beaucoup de matériel, il leur fit traverser le Détroit et les déposa sur la plage de Douvres.
Deux heures de marche dans le noir et en silence… Et enfin, ils se trouvèrent devant le domicile de l’infâme crapule anglaise : Sir Hamilton Fordusex.
Tout le monde dormait. Très rapidement, ils trouvèrent la cage de Marius qui fut ainsi libéré. Mais ce pauvre coq, sans doute perturbé par ce kidnapping et voyant les torches dont se servaient Alex et sa bande, crut que c’était le jour… Et il se mit à chanter « Cocoricooo ! ». « Tais-toi Marius ! Tu vas réveiller tout le monde. » essayait de lui expliquer Alex. Mais Marius, tout content de retrouver des gens qui parlent français, continuait à chanter « Cocoricooo ! ».
Rendez-vous compte ! Depuis qu’il avait été enlevé, les anglais, qui avaient probablement bu trop de whisky, voulaient absolument qu’il chante « Ciciriciii… ». Du grand n’importe quoi ! Et du coup Marius avait refusé de chanter. Les anglais en avaient déduit que les coqs français étaient muets.
Aussi, maintenant qu’il était dans les bras de son copain Alex, il avait décidé de se rattraper. « Cocoricooo, Cocoricooo, Cocoricooo » … Si bien que ce qui devait arriver arriva : Sir Hamilton, Lady Adorlay et la bande de crapules qui était restée là… Tout le monde fut réveillé. Les anglais crièrent « Alarm, Alarm » et les français répliquaient « Cacaboudin, cacaboudin ». Et la bagarre fut terrible….
Les cris fusaient, le sang giclait ; la bataille fut homérique et devrait, à coup sûr, devenir la plus célèbre bataille de l’histoire. Les anglais envoyaient des œufs pourris sur les français qui répliquaient, eux, en leur envoyant des crottes de nez (qu’ils avaient mises de coté depuis des semaines). Sir Hamilton attrapa Alex par les cheveux et celui-ci se défendit en lui piquant les fesses avec un gros cactus. Lady Adorlay poursuivait les français en leur assénant de grand coup de poêle à frire sur la tête et eux, répliquaient en jetant par terre des fientes de pigeon pour que les anglais dérapent.
Bref, le combat fut titanesque mais, vaincu par le nombre, Sir Hamilton et Lady Adorlay durent se réfugier dans la cave du château.
Alex qui avait capturé un des complices de Sir Hamilton décida de le torturer afin de le faire parler. La séance de torture avec une plume sur la plante des pieds fut de courte durée car les britanniques ne supportent pas les chatouilles. Et rapidement, le prisonnier confirma que les fromages volés étaient bien cachés dans un coffre de la RB2O.
Ni une, ni deux : Alex et sa bande partirent pour la banque, firent sauter la porte d’entrée, puis celle du coffre, chargèrent tous les fromages dans une camionnette mais avant de quitter la banque, Alex dessina, avec une bombe de peinture 4 lettres sur le mur du coffre : PPPP. Cela fait, ils reprirent le chemin de la côte où les attendaient Emile Patte et son bateau. Sur le bateau, un des amis d’Alex lui demanda : « C’est quoi les 4 P que tu as dessinés ? » « Mon nom de guerre, répondit Alex. Ça veut dire : Petit Phacochère qui Pue, qui Péte ».
Le retour fut sans problème. Les anglais abasourdis par la brutalité de l’attaque n’avaient pas encore réagi… Et surtout, les policiers se demandaient ce que voulait dire PPPP. Était-ce la signature d’un nouveau groupe terroriste ? Était-ce le sigle d’une secte mystérieuse ?
Le lendemain, le gouvernement anglais réclamait la restitution des fromages qu’ils appelaient « les trucs sentant » prétextant qu’on s’était introduit de façon illégale sur le territoire britannique ; les français répliquèrent en disant que les « trucs sentant » étaient typiquement des spécialités françaises et, qu’en plus, ils avaient volé Marius, un vrai coq français… Et que tout cela était suffisant pour déclencher une guerre… Et ce serait donc la Guerre de Sentant !!! Qui allait durer… Cent ans.
Mais le principal, c’était Que Marius était rentré chez lui et que les fromages qui puent étaient revenus sur les tables françaises… Alex était calmé ; Marius était content et le fabriquant de fromage étaient rassurés. Tout était redevenu normal dans le pays du fromage.
NE CHERCHEZ PAS DE PETIT PHACOCHERE QUI PUE QUI PETE…
IL N’EXISTE QUE DANS NOS CŒURS…
Fin de l’histoire
Papy Guînes