Marquise, le 5/12/2013. Intervention en fin du séminaire élevage.
En conclusion de cette journée, je vais me permettre, simplement, de souligner quelques points :
Premier point : Pourquoi cette journée ? Il y a, au moins, 3 raisons.
La première, c’est que nous sommes dans le Parc des Caps et Marais d’Opale et que ce parc n’existerait pas sans le monde agricole. D’autres parcs se sont créés sur une image environnementale forte, des montagnes, des forêts ou des spécificités remarquables comme en Corse ou sur le littoral méditerranéen. Nous, nous nous sommes construits sur 2 entités remarquables, les Caps et le Marais, mais liées par un trait d’union qui est une ruralité agricole omniprésente, incontournable, agriculture qui a façonné nos paysages. Cela a été répété lors du colloque Grand Site . L’image de notre parc, c’est, qu’on le veuille ou non, un environnement de culture ou d’élevage.
Deuxième raison, c’est un épisode mouvementé qui s’est déroulé, il y a juste un an. Je devais présider une réunion de l’Agence de l’Eau, à Amiens. Et dans le programme de cette réunion, était inscrite une question concernant le classement en zone vulnérable aux nitrates. Plus exactement le déclassement du boulonnais et de l’avesnois qui ne restaient plus des zones vulnérables et, par contre, le classement, en entier de la vallée de l’Authie qui, elle, devenait vulnérable. Quelques jours avant, j’ai rencontré, à sa demande, la chambre d’agriculture de la Somme qui m’a alerté en disant : « OK pour le déclassement mais, attention, dans la vallée de l’Authie, c’est de l’élevage et les éleveurs ont beaucoup de mal. Arrêtez de leur imposer des contraintes… Ils n’en peuvent plus. »
Message entendu et lors de la réunion du comité de bassin, une discussion franche entre les élus, les agriculteurs, les services de l’état et le monde associatif a eu lieu. Vous êtes sans doute au courant de cette péripétie… Résultat des courses : on a voté à bulletin secret et nous avons accepté le déclassement du boulonnais et nous avons refusé le classement de l’Authie… Les agriculteurs avaient été entendus et nous étions contents. Ce qui n’a pas empêché le Préfet de Région de classer l’Authie, faisant fi de notre vote… Et ce qui m’a permis de réaffirmer que l’état considérait les comités de bassin comme des acteurs d’une pseudo-démocratie. Mais mon attention avait été appelée sur les problèmes de l’élevage… Pas uniquement dans le Parc.
Troisième raison : C’est qu’en janvier dernier, je faisais, avec les services du Parc, campagne pour arracher le vote d’un maximum de personnes pour l’approbation de la nouvelle charte. 156 communes, 13 intercommunalités, 2 départements, une région. Et je tenais absolument à ce que les 4 chambres consulaires soient avec nous. Pour moi, c’était une évidence. Et pour cela, nous sommes allés rencontrer la chambre d’agriculture. Le bureau de la chambre m’a écouté poliment, pendant tout un après-midi et à la fin, le président Jean-Bernard Bayard m’a dit : « Oui, nous avons l’intention de participer mais il y a quand même un problème : le monde agricole a parfois l’impression de ne pas être écouté par le Parc et il y a certains malentendus. » Et moi de répondre : « S’il y a des malentendus, s’il y a des incompréhensions, s’il y a une mauvaise écoute… On va rectifier tout cela et on fera des réunions de concertation pour mieux entendre, mieux s’écouter et tout remettre à plat. »
C’est pourquoi nous sommes là aujourd’hui : entre autre, pour respecter une promesse.
Deuxième point : Une évidence. Chacun garde, de sa formation ou de sa profession, certains réflexes. Vous, vous êtes agriculteurs. Moi, je suis médecin. Et les études de médecine ont quelque chose de remarquable : elles vous donnent une tournure d’esprit et une façon de raisonner pragmatique, toujours la même, pour plus d’efficacité.
Et cette façon de raisonner, c’est : Signes, diagnostic, traitement. Et pour faire un diagnostic, c’est toujours le même processus : Interrogatoire, inspection, palpation, percussion et auscultation. C’est-à-dire qu’avant toute chose, on parle aux gens et on regarde les gens ! C’est ce qu’ont perdu beaucoup de jeunes médecins. C’est tellement facile de demander un scanner ou une IRM… Alors qu’on peut parfois arriver au diagnostic en regardant simplement et en écoutant attentivement.
Eh bien, aujourd’hui, nous sommes venus vous regarder et vous écouter.
Troisième point : qui n’est pas anodin. Ce matin, le Parc et la Chambre d’Agriculture vous ont présenté un diagnostic du territoire. Avez-vous remarqué qu’on a entendu souvent le mot atout et très rarement le mot handicap. C’est tellement rare, cette inversion des mots qu’il est important de le souligner.
Une petite note en plus : Lorsque la nouvelle PAC vous a été présentée, ce matin, il a été dit : « Elle sera plus juste, plus verte, plus équitable, tournée vers les jeunes et vers l’avenir… » Quand j’ai entendu tout cela, je me suis dit : « Pourvu que ce soit vrai ! Le rêve ! Enfin, une politique idéale avec toutes les qualités ! »
Quatrième point : Nous avons bien entendu vos remarques, vos interrogations et certains points de votre malaise.
Nous avons bien entendu votre demande d’évolution sociétale, que vous puissiez avoir une vie familiale comme les autres, tout en exerçant votre profession. Ce que vous réclamez est légitime et d’autres professions l’ont réclamé et obtenu. Il n’y a pas de honte à dire que vous voulez une vie que je qualifierais de « normale ».
Nous avons bien entendu que vous vous posiez des questions sur votre façon d’exercer votre métier, que vous étiez à la croisée des chemins et que l’environnement est un facteur que vous devez et que vous devrez prendre en compte !! Mais en n’oubliant jamais que c’est votre moyen de vivre et que le facteur économique est aussi essentiel dans l’évolution de vos pratiques.
Cinquième et dernier point : Je profite de la présence de conseillers régionaux pour rappeler que j’ai entendu, tout à l’heure, que le Conseil régional aurait quelque chose à dire dans le deuxième pilier de la PAC… Et qu’il gérerait quelques fonds… Or, je vous rappelle que les parcs dépendent de la région. Je réclame donc un droit à l’expérimentation sur l’agriculture et l’élevage, au sein du parc des Caps et Marais d’Opale. Un parc, c’est fait pour inventer, innover et expérimenter. Alors, si la région le veut bien, nous expérimenterons avec vous !
Voilà, mesdames et messieurs. A la fin de cette journée, je peux dire que vous avez la pratique, l’expérience et la connaissance de notre environnement agricole… Parce que c’est votre métier. Et nous, nous sommes là pour vous écouter et vous aider… Parce que c’est notre devoir.
Alors, faisons un bout de chemin ensembles.
Hervé POHER
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