Tournehem-sur -la -Hem, le 16 octobre 2014
Permettez, une fois n’est pas coutume que je joue aux anciens combattants. Et en disant combattant, je m’aperçois que le terme de combat est bien choisi.
Si vous lisez le petit document qu’on vous a remis, vous pourriez croire que ce dossier a commencé à être échafaudé en 2006 ou 2009, après les fortes inondations qui ont marqué notre territoire. C’est vrai que ces inondations-là nous ont bien marqués. Mais en réalité, notre réflexion a débuté en 2000, fin 2000 exactement.
En octobre et novembre 2000, il est tombé, en 6 semaines, l’équivalent annuel de 8 mois de pluie. Tout le pays de Guînes et de Licques était sous l’eau ; des coulées de boues envahissaient Guînes tous les jours ; la vallée de la Hem n’était plus qu’un vaste espace de flaques, de boue et de prairies inondées.
Le 10 décembre 2000, j’ai donc interpellé, en séance plénière, le préfet du Pas-de-Calais qui était, à l’époque, Jean Dussourd. Le préfet m’a bien écouté et en réponse, il m’a simplement dit : « Monsieur Poher. Nous sommes de tout cœur avec vous mais comme dit le proverbe : Aide-toi et le ciel t’aidera. »
J’avais compris le message. Du coup réunions, contre-réunions, expertises, études… pour aboutir, vers 2002, 2003 au programme Ararat, programme de lutte contre les inondations. Et je rappelle qu’Ararat n’est pas un sigle, c’est simplement le nom de la montagne sur laquelle s’est échoué Noé. Ararat l’a sauvé des eaux !
Tout ce programme était porté par la Communauté de Communes des Trois-Pays. Mais nous avions un problème. La vallée de la Hem n’est pas entièrement dans les Trois-Pays. Le haut de la vallée est dans les Trois-Pays ; ensuite on passait dans la Communauté d’Ardres et de la vallée de la Hem ; enfin, on terminait dans la Communauté de Communes d’Audruicq.
Mais on ne pouvait pas traiter les inondations sans s’occuper de la vallée de la Hem. Qu’à cela ne tienne ! J’ai proposé que la communauté de Communes des Trois-Pays s’occupe de tout, sur tout le long de la vallée. Ce à quoi, il m’a été répondu que « ça ne marchait pas comme cela », « Que je ne pouvais pas être maitre d’ouvrage chez les voisins » et qu’il fallait trouver une autre solution.
Nous avons donc cherché et nous nous sommes aperçu qu’il y avait un Plus Petit Dénominateur Commun qui s’appelait le Parc naturel, le grand Parc naturel dans lequel était la Communauté de Communes des Trois-Pays et celle de Lumbres et qui venait d’intégrer une partie de la Communauté de Communes d’Audruicq et une partie de la Communauté de communes d’Ardres. Le Parc pouvait donc être le fédérateur de ce dossier.
J’ai donc réussi à persuader le Président Dupilet, président du Parc à cette époque-là, de tout l’intérêt d’une dynamique commune. Et c’est comme cela, que nous nous sommes retrouvés, un jour, en sous-préfecture de Saint-Omer pour signer un engagement de coopération. Il y avait Dominique Dupilet qui représentait le Conseil Général et le Parc ; Jean-Claude Leroy , président de la Communauté de Communes de Lumbres ; moi-même pour les Trois-Pays ; Bernard Carpentier président d’Ardres er de la vallée de la Hem ; Yves Beugnet, président de la Communauté de Communes d’Audruicq et même Albert Doublet, conseiller général d’Audruicq, était présent.
Et c’est ainsi que nous avons créé le comité de rivière, dont la présidence sera assumée par Yves Beugnet, comité dont le travail a abouti, quelques années plus tard à un contrat de rivière sur la Hem et à la création du Symvahem.
C’est vrai que ce dossier n’était pas facile ; c’est vrai qu’il a fallu être patient ; c’est vrai que les idées ont changé. La plupart des élus, moi comme les autres, ont tendance à régler les problèmes d’eau à grands coups de bassin de rétention. Mais ce n’est pas toujours la meilleure solution. C’est ce qu’on nous a expliqué et, c’est vrai que les petits aménagements sont parfois aussi efficaces.
C’est vrai que ce dossier a été parfois explosif. Je me souviens de Christian Pette qui avait des états d’âme en disant que les choses n’avançaient pas…
Et des coups de gueule, il y en a eu !
Je me souviens aussi des colères d’Yves Beugnet, ici, dans une salle à côté. Nous étions en réunion et nous parlions des inondations, de la détresse des gens, que la commune de Polincove était inondée presque quotidiennement et que Yves Beugnet, à l’époque maire de Polincove, avait beaucoup de courage… Bref, nous évoquions les pistes possibles pour stopper ce cercle infernal ... A ce moment-là, un technicien, d’un organisme dont je tairai le nom s’est permis de dire « Attention, n’oubliez-pas la migration des poissons !! ». Nous évoquions le malheur des gens et ce monsieur nous parlait de la migration des poissons !!! J’ai cru qu’Yves Beugnet allait faire une attaque…
Et cette colère enfin, lors des inondations d’août 2006. Je reviens en urgence de vacances et le soir, à FR3, je vois un agriculteur qui se plaint et qui dit « Mais que font les élus ? ». Mon sang n’a fait qu’un tour et le lendemain, je répondais à ce même FR3 : « Que les élus faisaient ce qu’ils pouvaient ; qu’ils étaient prêts à faire mais qu’avant de faire il fallait discuter ; mais que pour discuter il fallait être deux et que les élus, pour l’instant, étaient tout seuls. »
Voilà, l’histoire de ce dossier. C’est vrai que les choses ont un peu évolué et merci, à la Chambre d’Agriculture, d’avoir servi de conciliateur. Et les travaux que nous venons d’inaugurer sont bien la preuve que les choses avancent. Même s’il reste beaucoup à faire.
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter. Nous le devons à la vallée de la Hem, à ses habitants, et à tous ceux qui ont œuvré dans ce dossier.
Alors, il est évident que pour quelques-uns d’entre nous, c’est un chapitre qui se termine, mais pour beaucoup de responsables, ce n’est qu’une étape d’un grand chantier, d’un beau chantier. Merci à ceux qui le continueront.
Hervé Poher