Lettre à Gérard Molmy
Par une bel après-midi de 1989, 2 messieurs sont venus sonner chez moi. 2 personnes que je ne connaissais pas, même si j’étais installé à Guînes depuis plus de 8 ans.
L’un s’appelait Gilbert Denez ; l’autre, c’était toi, Gérard. Vous vouliez me parler… et, au cours de l’après-midi, un troisième larron nous a rejoint : J’ai appris après qu’on le surnommait Zorro.
Vous étiez venus, tous les 3, pour une démarche bien spéciale : vous vouliez que je fasse un bout de chemin avec vous, avec votre parti politique, avec votre section… Et cette section politique, ce n’était pas n’importe laquelle : c’était la section de Guînes, avec ses râleurs, avec ses vikings, avec ses coupeurs de têtes, bagarreurs, têtus et toujours en ébullition. Cette section de militants, avec ses idéaux, avec son passé et avec ses heures de gloire… Qui ne sont pas forcément des victoires… Mais qui resteront des heures de gloire !
Mais ces vikings-là, j’ai appris à les connaitre. Et ils étaient toujours prêts à sortir la hache pour ce qu’ils pensaient être une belle idée, prêts à partir au combat pour un mot déplacé et prêts à user leur temps pour servir un chef…
Et dans cette équipe-là, celle qui a résisté aux pressions en 88, celle qui disait que l’honneur était plus important que les compromis et les petits arrangements entre amis, celle qui a construit l’espoir et la victoire… Dans cette équipe-là, il y avait 3 ou 4 références ; 3 ou 4 totems ; 3 ou 4 gardiens du temple…
Et Gérard, tu faisais partie de ceux-là.
Avec ta carrure de bûcheron, ta moustache de gaulois, avec ton mutisme inquisiteur et ton regard perçant, tu étais pour nous tous comme une institution obligatoire… Obligatoire parce tu étais pour beaucoup d’entre nous un baromètre nous avertissant de la pression interne, comme un feu tricolore qui nous prévenait : « Vert : ça va, vous pouvez y aller ; Orange: attention, vous faites des bêtises ; Rouge : C’est inacceptable… »… Et pour un responsable politique, pour un décideur, un baromètre, c’est toujours utile.
· Oh, bien sûr Gérard, il avait l’air bourru : mais c’était son air naturel.
· Bien sûr Gérard, il n’avait pas le sourire facile… Mais il souriait… Mais pas avec n’importe qui et pas pour n’importe quoi.
· Bien sûr Gérard, il râlait, pestait et ronchonnait par derrière… Mais lui, au moins, avait le courage de pester et de ronchonner aussi par devant.
Bref, Gérard, tu étais un fidèle compagnon de combat, de défaite et de victoire. Et les fidèles, vous n’avez pas besoin de les voir tous les jours. Vous savez qu’ils sont là et qu’ils seront là quand il faut.
C’est vrai, que comme tous mes grognards, certaines choses ne te plaisaient pas trop… Voire pas du tout. Mais tu es toujours resté dans ta ligne !
Ta haute stature va manquer sur le coin du café de la poste. Elle va manquer à beaucoup de monde… Mais d’abord à ta femme, à tes enfants, à ta famille.
Tu vas manquer aussi à tout petit monde guînois, parce que tu faisais génétiquement partie de ce petit monde guînois, sachant qu’à partir d’aujourd’hui, nous allons être nombreux à rechercher la tête à Gérard sur les anciennes photos ou sur les coupures de presse.
Et je crois, que bien souvent, on va te trouver à coté de Zorro, de Gilbert ou de Francis.
Tu es parti presque discrètement, car ce n’était pas prévu… Mais, c’est une caractéristique des militants de Guînes : ils aiment bien faire ce qui n’est pas prévu…
Allez ! Salut Gérard. Si là-haut, il y a un bar, demande à t’en occuper… Tout le monde sait que toi, au moins, tu sais changer les fûts de bière. Et on va en avoir besoin… Car on va entrer en campagne… Et celle-là, elle te tenait à cœur !
Hervé POHER