Arras. Séance plénière. Hervé Poher
Permettez que je rajoute, brièvement, 4 remarques.
Remarques, bien entendu en tant que vice-Président du Conseil Général chargé de l’environnement, mais en gardant un morceau de casquette de Président du Comité de Bassin.
Le Conseil Général m’avait chargé de superviser et d’animer ce travail de construction du schéma sur l’eau. Permettez que je remercie les services et tous les experts qui ont travaillé à cette démarche. De même, et surtout, je me dois de remercier tous les acteurs de l’eau, collectivités, syndicats, fermiers… Et ils sont nombreux dans ce département, acteurs qui ont compris l’intérêt de notre initiative et qui n’ont pas réagi en ceinturant ce qu’ils pouvaient considérer comme leur « pré carré ». L’eau n’appartient à personne et l’eau est bien un trésor commun… Et le terme commun ne veut pas dire uniforme dans le temps et dans l’espace.
Et justement, en parlant de trésor, on a l’habitude de dire que les gens riches ne sont pas partageurs : dans le domaine de l’eau, c’est un peu la même chose. Une grande partie de notre département vivant dans une certaine aisance « aquatique » ou « aquifère », comme vous voulez, depuis le milieu du 19ème siècle, les gestionnaires de l’eau n’ont pas jugé utile de prendre des mesures de prévention et des mesures de prudence.
Protection des champs captants : « Pourquoi voulez-vous qu’on s’embête, on a de l’eau comme on veut… »
Déperdition et mauvais état des réseaux : « Pourquoi voulez-vous qu’on s’embête, on a de l’eau comme on veut… »
Interconnexion entre les différentes zones de fourniture : « Pourquoi voulez-vous qu’on s’embête, on a de l’eau comme on veut… »
Voilà un certain état d’esprit qui a prévalue pendant longtemps, même si, je le répète, ce n’est pas une généralité car, vous le savez, certains coins du département ont quand même de sérieux problèmes d’eau.
Mais ce schéma confirme que nous sommes un département globalement riche en eau. Et c’est parce que nous le savions et que nous avions réalisé que cette richesse était essentielle pour l’avenir que nous avions proposé, lors de l’acte II de la décentralisation, que les départements aient la compétence eau. Cela ne s’est pas fait… Mais c’est peut-être dommage… Comme il est fort regrettable, que lors du vote de la loi sur l’eau, on n’ait pas réussi à faire valider le principe d’une surtaxe départementale. Je sais, j’étais le seul Président de Bassin à défendre cette idée… Sans doute parce que j’étais le seul à être en même temps conseiller général.
Réalisez, Mesdames et Messieurs. Le prix moyen du m3, dans le bassin Artois Picardie est d’environ 4 Euros TTC. Une petite surtaxe départementale, recette affectée, de 3 à 5 centimes d’euro… Ce n’est rien mais sur 135 millions de m3… Cela faisait entre 4 et 7 millions par an qu’on pouvait attribuer aux communes pour l’assainissement, la protection des champs captants… Et on serait un peu plus à l’aise en évoquant les 370 millions de travaux qu’il faut envisager pour garder notre trésor… Mais, vous le savez, un élu, bien placé de notre département, rapporteur de la loi sur l’eau, était farouchement contre le principe de cette surtaxe…
Dernière remarque que je dois vous faire. La quantité d’eau ne nous donne pas trop d’angoisse… Le problème de la qualité de l’eau est bien plus alarmant. Mais responsabilité collective et historique…
· Parce qu’une agriculture intensive a géré notre territoire pendant bien longtemps… Et même si le monde agricole a fait beaucoup d’efforts, il faudra des décennies avant de voir disparaitre les stigmates.
· Parce que l’industrie a laissé des friches et des zones de pollution et il faudra des décennies pour oublier ces traumatismes environnementaux.
· Parce qu’enfin, les guerres ont laissé, en sous-sol, des traces et des pollutions qui ne pourront être cicatrisées qu’après quelques décennies.
Voilà pourquoi nous sommes le seul Bassin à avoir demandé une dérogation à la mise en place de la Directive Cadre sur l’Eau, applicable en 2015… Nous, nous aurons jusque 2021, voire 2027…
Permettez-moi de terminer sur ce sujet: cette dérogation n’est pas un titre de gloire, loin s’en faut… Mais les guerres, l’agriculture et l’industrie… Tout cela, c’est notre passé commun… C’était, à un moment de notre histoire, notre choix de société et c’est aussi le vécu de notre département. Nous devons donc l’assumer et trouver, tous ensemble, les solutions les plus intelligentes. Et croyez-moi, l’eau est un excellent marqueur de l’intelligence collective.
Hervé Poher