Arras, le 17/11/2014
Situation du département en matière de développement durable.
Exercice annuel obligatoire ; exercice imposé mais exercice qui a un intérêt évident : il nous oblige, en effet, à faire le point, de façon régulière sur nos besoins, sur notre volonté et sur nos possibilités d’avoir une démarche vertueuse. Car qu’on soit pour ou contre, personne ne peut nier que la notion de développement durable fait bien partie d’une démarche vertueuse. C’est, comme vous le savez, une des rares notions, mais pas la seule, permettant de concilier l’environnemental, le social et l’économique, avec une certaine idée du raisonnable et une réelle préoccupation pour l’avenir. Le développement durable, c’est et ce doit être la preuve, convenez-en, de l’implication, du sérieux et de l’ambition d’une politique, et cela quelle que soit la collectivité qui pratique ce développement durable.
Si vous avez bonne mémoire, vous vous rappelez que fin 2013, j’avais dit que notre engagement dans la démarche développement durable avait « un goût de trop peu » et qu’il était logique de mettre en marge de la copie : « Peut mieux faire. »
Cette appréciation pouvait sembler un peu dure pour le Conseil général, pour ses élus et pour son administration. Mais en essayant d’être le plus objectif possible, je vous avais expliqué ce que je pensais être les causes de cette « imperfection » si tant est qu’une politique puisse être parfaite… Et ces causes philosophiques, mentales, sociétales, économiques, financières, administratives, conjoncturelles ou permanentes, nous en sommes tous collectivement responsables. L’imperfection et l’échec ne sont jamais la faute uniquement des autres !
Cela dit, l’intérêt quand on avoue qu’on n’est pas très bon, c’est quand même de devenir meilleur… Ou moins mauvais, en tous cas !
Les hasards du calendrier, avec la crise de septembre 2008, ont indéniablement freiné notre pouvoir d’expérimentation, notre désir d’innovation et ont plombé notre Agenda 21, première version.
Une version n°2 de cet Agenda 21, version que vous avez approuvée fin 2013, un débat national, encore en cours, sur la transition énergétique et une « Rifkinisation » de notre pensée… Tout cela peut nous permettre de repartir d’un nouveau pied, voire de rebondir.
Vous avez, dans le document consacré au débat d’orientation budgétaire, un dossier rassemblant l’ensemble des actions cataloguées « développement durable » pour toutes les politiques et tous les services du Conseil Général.
Je ne veux pas vous infliger l’écoute d’une liste à la Prévert car votre attention n’est pas forcément une qualité dite « durable » et de plus, « n’est pas Prévert qui veut ».
Non, laissez-moi simplement mettre l’accent sur quelques actions qui sont des exemples de ce qu’on pourrait appeler « une démarche cohérente preuve d’une intelligence collective ». Et puisque le grand dossier des mois à venir sera celui de la transition énergétique et de son frère jumeau, la lutte contre les gaz à effet de serre, permettez-moi de vous faire un focus sur quelques dossiers départementaux qui font directement appel à des problèmes d’énergie. Je laisserai à deux de mes collègues le soin de faire d’autres zooms sur certains aspects de nos politiques.
Premier exemple : la télé-relève ou télérelevage des fluides, c’est-à-dire, eau gaz, électricité. En 2013, ce dispositif a été déployé dans 69 bâtiments, 51 collèges et 18 bâtiments départementaux. La mise en place de ce système nécessite, vous le savez, un certain investissement matériel et financier ainsi qu’une mise à jour de la technicité des agents départementaux.
Le retour sur investissement était, au départ, estimé à 2 ans. Mais en fait, il sera beaucoup plus rapide que prévu car depuis la mise en place du système, on découvre : Ici, dans un collège par exemple, des consommations aberrantes d’électricité en période de vacances, alors le bâtiment est vide… Là, des consommations d’eau inexplicables qui mettent en évidence des fuites jusqu’alors méconnues… Là-bas, enfin, des consommations de gaz ou d’électricité anormalement hautes, témoignant simplement du besoin impérieux de travaux d’isolation sur le bâtiment.
Bref, moins de 2 ans après le début de la démarche, on ne peut pas dire que le département va gagner de l’argent, mais on peut affirmer avec certitude qu’il en dépensera beaucoup moins. Il suffisait simplement de le vouloir.
69 bâtiments équipés fin 2013… On devrait arriver à 109 fin 2014. Et il faudra continuer.
Deuxième exemple : Les bâtiments à énergie positive.
Entrer dans cette démarche n’était pas forcément évident : Parce que c’est un peu plus cher ; parce qu’il faut modifier nos cahiers des charges et nos habitudes ; parce que tous les professionnels du bâtiment ne sont pas forcément à la pointe du progrès et des dernières techniques… Mais, un jour ou l’autre, il fallait oser. Et c’est ce que nous avons fait de façon très volontariste.
Parmi plusieurs réalisations récentes, je ne prendrai en exemple qu’un seul bâtiment : le Centre Technique Environnemental d’Audinghen, là-bas, au Cap Gris-Nez. Pourquoi ce bâtiment ? Simplement parce que ce CTE, terminé, en service mais pas encore inauguré, a une valeur hautement symbolique : Bâtiment situé sur le site des Caps (Agenda 21), bâtiment qui abrite les équipes d’Eden 62 (un des outils du Département pour l’Agenda 21), Eden 62, syndicat mixte chargé de la gestion des ENS, de l’environnement, du maintien de la biodiversité (Agenda 21)et sur ce Site des Deux Caps, des chantiers d’insertion (Agenda 21) menées par Eden ou découlant de l’Opération Grand Site.
Et ce bâtiment, parce qu’il était justement porteur de symboles, a été imaginé, conçu et réalisé comme non consommateur d’énergie. Quand on abrite des symboles de développement durable, on se doit d’être soi-même développement durable.
Troisième exemple : Les véhicules du conseil Général
Depuis des années, on nous parle des véhicules électriques ou hybrides. Les avancées innovantes, la lutte contre les gaz à effet de serre, le coût de revient au kilomètre… Tout cela était des arguments qui militaient Pour. Mais une autonomie limitée, un coût d’achat un peu haut et le scepticisme ambiant étaient des arguments qui nous poussaient à l’attente.
Les progrès technologiques, une baisse des prix et un nouvel Agenda 21 nous ont amené à faire le pas. 22 véhicules électriques et 20 véhicules hybrides font maintenant partie de la flotte du Conseil Général. Sachant, bien entendu, que les bornes de recharge ont été ou sont en train d’être installées.
Etant donné le prix du carburant, diesel ou essence, le retour sur investissement sera, là aussi, rapide. Tant mieux pour le budget du Conseil Général et tant mieux aussi pour la planète.
Voilà, je me limiterai à ces 3 exemples. Mais j’aurai pu vous parler du schéma des aires de covoiturage, de l’économie sociale et solidaire, du plan Climat Energie Départemental, de notre schéma de la mobilité et de toutes les initiatives que petit à petit, nous mettons en place. Mais je l’ai promis : « Pas de liste à la Prévert ». Mais autant l’acte I a eu du mal à démarrer, autant l’acte II semble plus parlant.
Alors, en conclusion, Mesdames et Messieurs. En 2008, nous avions, à l’unanimité, approuvé un Agenda 21 très ambitieux, peut-être trop ambitieux. Mais en politique, viser haut n’a jamais été un défaut. C’est parfois une erreur de jugement sur soi-même ou sur les circonstances mais ce n’est pas un défaut.
Et lorsque nous avons, volontairement, décidé d’entrer dans une démarche de Développement Durable, nous connaissions les règles du jeu. Et nous connaissions parfaitement les 5 piliers de ce Développement Durable.
Pilier 1 : L’épanouissement de tous les êtres humains. Personne ne peut dire que les politiques obligatoires et volontaristes du département n’ont pas cette finalité.
Pilier 2 : La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations. Et ça, c’est l’essence même de toutes nos politiques dites sociales avec un surlignage, depuis quelques années, pour la politique jeunesse.
Pilier 3 : La préservation de la biodiversité et la protection des milieux. Domaine dans lequel nous sommes pris en exemple et fruit d’une politique très volontariste lancée il y a 30 ans. Quand nous faisons bien, autant le dire.
Pilier 4 : La lutte contre le changement climatique et le pilier 5 : une dynamique de développement suivant les modes de production et de consommation responsables. Là, dans ces 2 derniers piliers, nous avons eu, il faut l’avouer, un peu de retard à l’allumage. Les neurones, c’est comme les bougies : ça peut s’encrasser.
Mais il est inutile de revenir sur les raisons de ce décalage entre la volonté et les effets.
Le principal, Mesdames et Messieurs, c’est qu’en ayant fait sereinement le diagnostic, en ayant analysé finement les « pourquoi du comment », en ayant tiré les enseignements de certaines inerties et en ayant assimilé et assumé tout cela, nous ayons été capables de valider un Agenda 21 acte II ; Agenda 21 sans doute plus raisonnable, sans doute plus réaliste, sans doute plus réalisable.
Et s’il est plus raisonnable, plus réaliste et plus réalisable, c’est aussi, sans doute parce que nous avons appris, que le temps a fait son œuvre et que, tout simplement, nos cerveaux se sont adaptés... adaptés aux idées et adaptées aux terrains.
Car comme le disent certains : « Les idées sont comme les papillons. Ils peuvent voler longtemps ; ils peuvent voler dans tous les sens, mais ils finissent toujours par se poser. »
Hervé Poher