Arras, séance plénière.
Le problème de la désertification médicale en milieu rural n’est pas spécifique du Nord Pas-de-Calais. D’autres régions sont plus durement touchées que nous, même si notre région a quelques particularités.
Cette désertification résulte de la conjonction de plusieurs processus :
1er processus : L’instauration de l’idiotie appelée Numérus Clausus.
Partant du principe, pas totalement faux mais totalement absurde, que « Plus il y a de médecins, plus on dépense », le gouvernement a instauré, dans les années 70, un numérus clausus, c'est-à-dire qu’on limitait de façon drastique le nombre d’étudiants en médecine. Etant donné la longueur des études de médecine et l’âge de la retraite des médecins étant fixé à 65 ans, nous sommes, depuis 2 à 3 ans en plein dans la vague de départ en retraite des premiers médecins « numéruclausés ». Ceci était prévisible : Pour pallier à ce départ, toutes les études ont montré qu’il fallait, au minimum former, 7500 médecins par an, pour toute la France. Entre 70 et 2000, le numérus clausus était fixé à 3000 par an. Donc dès le départ, il nous manque 135.000 médecins.
Je vous rappelle que dans cette enceinte, depuis plus de 10 ans, nous réclamons la suppression ou l’élargissement du numérus clausus. Mais notre revendication légitime n’a jamais atteint les oreilles des technico-financiers qui fixent les orientations.
Une augmentation du chiffre d’étudiants en médecine vient d’être, en plusieurs vagues, décrétée. Mais comme, il faut 8 ans minimum pour former un médecin, nous savons que la période 2000- 2020 sera très difficile pour tous. Permettez-moi de dire que ceci est le résultat de l’imprévoyance de certains et d’une gestion strictement financière de la santé.
2ème processus : A la fin des années 90, partant du même principe idiot que « plus il y a de médecins, plus on dépense », on a créé, pour un temps limité, le MICA, possibilité, pour les médecins de partir en retraite de façon anticipée, avant l’âge de 65 ans. Or, cette mesure qui n’aurait pu être qu’un gadget, a rencontré un succès inattendu, amenant beaucoup de praticiens à arrêter avant la fin.
3ème processus : Beaucoup de médecins, formés à Lille ou à Amiens, vont s’installer ailleurs que dans le Nord Pas-de-Calais . Les raisons en sont diverses et variées mais le phénomène est réel et malgré, tous nos efforts, a une fâcheuse tendance à s’accentuer.
4ème phénomène : Plus sociétal, celui-là. Les contingences liées au métier de médecin en milieu rural, c'est-à-dire, la disponibilité, les gardes et des horaires élastiques, font que les nouvelles générations de praticiens préfèrent s’installer en ville, où ils gagneront peut-être moins d’argent, mais où ils auront un confort de vie plus agréable. Permettez-moi de regretter, à titre personnel, cette nouvelle mentalité.
5ème phénomène : pour l’anecdote et parce que je sais que certains esprits pervers de cette assemblée se feront un plaisir de me le mettre dans le nez… Quand on voit que certains médecins, installés en milieu rural, abandonnent leur métier, pour faire de la politique…. Où va la France !
Bref, le constat est là : nous manquons et nous manquerons de plus en plus de médecins.
Le CG peut-il ou doit-il s’impliquer dans la mise en place de mesures essayant de lutter contre ce phénomène en milieu rural ?. Je pense que OUI. Et cela pour 2 raisons.
La première est que le maintien de la ruralité et le développement rural, sont des priorités pour le CG du PDC. La seconde est que dans toutes nos politiques, nous essayons de faire un maillage et un bon aménagement du territoire. Or, l’aménagement du territoire, ce n’est pas uniquement des bâtiments ou des routes, c’est aussi des hommes et des professions.
Comment peut-on s’impliquer ?
Je pense que dans un premier temps, il serait intelligent de se concerter avec la Région, qui, de par la loi, est plus impliquée que nous, dans le domaine sanitaire. Ensuite, il serait possible, dans le cadre du FARDA, d’imaginer une aide financière uniquement sur les investissements, attribuée aux EPCI, dans le cadre de la création de cabinets de groupe, et en souhaitant certaines conditions d’exercice conformes à la notion de service au public et en conformité avec le code de déontologie. Dans ce domaine, tout est à imaginer.
Si vous m’en donnez le mandat, je vous propose, en concertation avec le président de la 5ème commission et le président du FARDA, et en liaison avec la Région, d’étudier les possibilités d’intervention du CG. Tout en étant bien conscient, mes chers collègues: que nous ne ferons pas de miracle et que le nombre de dossiers éventuels sera, de toute façon, limité.
Hervé Poher