Lille signature officielle
Même si on m’a appris qu’il n’est pas beau de rapporter, j’ai été chargé d’être le rapporteur du groupe 1, de vous en esquisser la trame, qui est loin d’être verte et de vous livrer un résumé des points d’appui de notre future réflexion. Ce groupe s’appelle : « L’efficacité énergétique dans les domaines prioritaires que sont le bâtiment, les transports, l’urbanisme et l’aménagement du territoire. » Je vais essayer de faire court car l’énergie cérébrale est peut-être renouvelable, mais il ne faut pas en abuser.
Permettez-moi, pour être pratique, d’imager mon propos.
Figurez-vous que j’avais envie de boire un coup avec Emmanuel Cau, de passer un moment de convivialité avec Delphine Bataille, de soutirer des sous à Hervé Pignon et de taquiner Michel Pascal sur le désengagement de l’état. J’ai donc décidé de venir à Lille, aujourd’hui.
Je me suis donc levé à 6 heures du matin. J’habite dans une vielle maison datant du début du siècle dernier, maison avec une isolation quasi inexistante et qui, comme je suis un grand frileux, est toujours surchauffée.
Après une toilette dévorante d’eau et d’énergie en tout genre, je me suis pris une collation à coup de grille pain, de presse orange et de cafetière électrique. Ensuite, j’ai pris ma vieille voiture bien polluante et j’ai fait 110 kms sur une autoroute, bien gondolée, autoroute qui, sur la cote, est plus éclairée par les radars que par les luminaires. Bien entendu, comme d’habitude, en arrivant à Lille, je suis tombé dans les embouteillages et finalement, je suis arrivé au nouveau siècle, qui n’est pas forcément l’exemple d’un bâtiment sobre en énergie.
Et tout à l’heure, bien entendu, je vais refaire le trajet dans l’autre sens…. Très sincèrement, je n’ai pas l’impression que mon bilan carbone, pour aujourd’hui, soit très bon… Tout cela pour parler 9 minutes 47. Ca fait beaucoup de carbone à la seconde. Et encore, vous avez de la chance, je ne suis pas venu en avion !
Je vous ai illustré la problématique générée par notre mode de vie, par nos habitudes et par une certaine notion du confort auquel nous avons tous pris goût. Moi autant que les autres. Voire plus parce que j’en ai les moyens, je dois l’avouer.
Alors, doit-on pour éviter une telle gabegie énergétique se laver à l’eau froide, supprimer le chauffage en ne mettant que des pulls et venir à Lille à bicyclette ?
Vous savez bien que la réponse est non et c’est là qu’est l’intérêt d’une démarche collective, dans le cadre d’un Plan Climat Régional.
D’autres auraient pu me dire : « Vous n’avez qu’à prendre le train, Monsieur Poher ! ». Je ne perdrai pas de temps à vous expliquer qu’il m’est facile de prendre un aller pour venir à Lille, mais que j’ai beaucoup de mal à retourner dans ma ruralité profonde. Et de toute façon, les conducteurs de TER-GV sont en grève aujourd’hui.
Car le contexte régional est simple : nous sommes une grande région par la taille et la population ; nous sommes la région française la plus urbanisée, fruit de notre situation géographique et résultante de notre histoire et de ce fait, 15% de notre territoire a été artificialisé. Entre 1990 et 2005, la consommation d’énergie a augmenté de 15% avec, en 2005, une tendance à la baisse sauf dans le résidentiel.
Nous savons qu’il faut inverser le phénomène et qu’il nous faut, nous décideurs et citoyens, réfléchir à l’inscription, dans nos démarches, de cette notion essentielle qu’est l’efficacité énergétique.
Le principe en est simple : comment générer le même service, le même niveau de confort sans être automatiquement le même confort ; comment nous procurer le même produit espéré en consommant moins d’énergie… Et comme l’énergie coûte de plus en plus cher, comment faire des économies ?
Vous le savez, dans le bâtiment, résidentiel ou tertiaire, il est possible d’obtenir une diminution significative des dépenses énergétiques. En plus, une telle démarche présente 2 atouts non négligeables :
- 1) Cela pourrait créer ou maintenir de l’emploi
- 2) Construire avec de nouvelles normes est un acte qui a une certaine pérennité. Vous ne refaites pas un bâtiment tous les ans et le gain énergétique est durable, sans attenter à votre confort ou à votre mode de vie.
Le problème des transports est le même : il nous faut changer nos habitudes et repenser l’aménagement du territoire. Je me plais à rappeler une étude qui a été faite récemment : lorsque le pétrole était à 150 dollars le baril, le gouvernement américain a demandé à certains experts : « Jusqu’où cela peut-il aller et quelles en seront les conséquences. » Les experts ont joué, sérieusement à la science fiction en affirmant :
- Il n’est pas inconcevable d’imaginer un baril à 800 dollars
- Ce sera enfin l’occasion de révéler de nouvelles sources d’énergie
- Ce sera alors la disparition de 95% des compagnies aériennes
- Ce sera alors la fin des délocalisations et le retour du produit local
- Ce sera la fin de la rurbanisation, c'est-à-dire que les gens, les commerces et les activités retourneront en centre ville… comme il y a 2 siècles…. Vous savez bien que ce scénario est fort possible !
En résumé, dans ce groupe 1, l’objectif est de répondre à certaines questions :
· Comment, tous ensemble, toutes les collectivités et tous les citoyens, inscrire la notion d’efficacité énergétique dans nos actions et dans nos décisions ? Et quand je dis toutes les collectivités, cela sous-entend aussi, que nous osons sortir du carcan des compétences.
· Comment rendre l’obligation d’efficacité énergétique incontournable dans le bâtiment et les transports?
· Comment faire pour que le sigle HQE ne soit plus un gros mot ?
· Comment imaginer la ville de demain, plus économe, plus rationnelle et parfois plus humaine ?
· Comment accompagner les entreprises, les gens, la société dans cette mutation obligatoire ?
· Quels moyens financiers et humains les décideurs sont-ils prêts à mettre pour relever ce défi ?... Sachant que nous vivons dans une société comptable, où le chiffre a remplacé la volonté et où les mots utopie, rêve et progrès sont souvent considérés comme démodés.
· Comment intégrer ces préoccupations et cette démarche dans les milieux précarisés qui sont bien souvent hermétiques.
C’est un beau sujet de réflexions et une bataille qu’on sera obligé de livrer tous ensemble. Et la victoire sera collective ou ne sera pas.
CONCLUSION
En conclusion, je devais vous informer de ce que la collectivité auquel j’appartiens fait déjà dans le cadre d’une démarche développement durable.
J’aurais dû vous expliquer qu’au travers de nos fiches 18,20,34,38, 57,58,59 ,60 …. de notre agenda 21, nous faisons déjà du développement durable, sans le savoir parfois, comme monsieur Jourdain, ou sans le dire et que si, dans certains domaines, nous ne le faisons pas, nous allons remédier à cela. Je pourrai vous parler du canal Seine-Nord Europe, de notre nouvelle façon de faire des routes, des nos espaces naturels sensibles, dont nous sommes si fiers et qui servent d’exemples partout en France. Je pourrai vous expliquer comment, dans une opération appelée « Quand la cigale devient fourmi », dans le calaisis, plutôt que de payer bêtement les impayés d’électricité, nous avons mis en place tout un système d’éducation aux économies d’énergie et à la gestion du budget chauffage, pour les publics en grande précarité.
Je pourrais vous dire plein de chose… Mais l’important n’est pas ce que l’on dit ; c’est ce que l’on fait. Aussi, permettez-moi de revenir sur le moteur de notre démarche. C’est beaucoup plus intéressant et c’est surtout porteur de plein de symboles.
La vie d’un élu a, parfois, des redondances ou des hasards qui sont bizarres, voire exceptionnels… Et qui nous poussent à réfléchir.
Il y a 8 jours, je participais à un colloque, à Arras, pour parler des problèmes de santé, de prévention et pour évoquer l’état sanitaire de notre région. Les intervenants qui m’avaient précédé, avaient évoqué les énormes problèmes financiers du système de soins, l’impasse de la Sécurité Sociale et la future réorganisation de la gouvernance sanitaire.
Quand je suis intervenu, je n’ai pas pu m’empêcher de leur livrer une certitude que j’ai depuis des années. J’ai dit : « Depuis des décennies, dans notre pays, nous avons fait une monumentale erreur : pour faire du sanitaire ou du para-sanitaire, il faut avoir une formation scientifique. Or Hippocrate n’avait rien d’un scientifique. Chez les grecs, les médecins étaient avant tout des humanistes et des philosophes. » En médecine, on a sans doute oublié l’importance de l’homme et de la pensée.
Hier, j’étais, avec certains d’entre vous, à Cité-environnement, pour parler de la biodiversité. Je n’ai pas tout compris, j’étais largué je l’avoue, mais, à un moment, j’ai entendu parler de Montesquieu et d’Aristote. Je me suis dit : « Tiens, on voit resurgir les philosophes dans la protection des « garnouilles » et des petites fleurs. » Dans l’environnement, là aussi, pour des raisons de développement, pour des raisons financières, pour des raisons de profits ou pour des calculs de basse comptabilité, on a oublié l’essentiel : l’homme et ce qui fait l’homme, son environnement.
On m’avait dit que je devais terminer cette matinée en disant pourquoi le CG du PDC voulait s’inscrire dans la démarche Plan Climat Régional. Alors, dans la lignée de ce que j’avais entendu depuis 8 jours, j’ai cherché une orientation philosophique ; je vous dois avouer que mes références philosophiques étant circonscrites à Pierre Dac, San Antonio et Gaston Lagaffe, j’étais bien ennuyé. Mais très honnêtement, je me suis posé la question : « Pourquoi le CG du PDC a-t-il voulu faire un Agenda 21 ? Pourquoi est-il en train de mener l’OGS ? Pourquoi veut-il être partenaire du plan climat ? » La réponse est, en fait, très simple et tiens en une phrase ; phrase qui est une philosophie en soi ; excusez-moi d’avance, mais l’expression c’est : « Merde à Zola car il y en a marre de Germinal ! »
Oui, M et M, en participant à cette démarche, les élus et les habitants du PDC ont voulu, simplement signifier
· Que le temps du misérabilisme est terminé ; on a enfin tourné la page. On ne veut plus entendre parler de notre taux d’alcoolisme, de notre taux de cancers, de notre climat, de notre taux e chômage…
· Que nous sommes fiers de nos paysages, de nos terrils et de nos horizons
· Que nous aimons notre ciel et la couleur opale de notre mer
· Que nous assumons pleinement notre histoire et les stigmates qu’elle nous a laissés et que s’il faut réparer, nous réparerons.
· Que nous arrêtons de subir et que nous voulons prendre notre destin en main.
Mais que le Nord-Pas-de-Calais est un beau pays, est une belle région et parce que c’est joli, parce que c’est riche d’histoire et de diversité, parce que nous en sommes fiers et que nous voulons garder ces spécificités, parce que nous savons, peut-être inconsciemment, que notre trésor est autour de nous… Oui, c’est pour tout cela que nous avançons et que nous voulons être de tous les défis et de toutes les aventures. Cette signature, c’est aussi une partie de notre thérapie. Et cette signature, aujourd’hui, c’est aussi tout cela, même si je résume en disant de façon un peu triviale : « Merde à Zola. » Mais Emile Zola me le pardonnera, j'en suis sûr !
Hervé Poher