Représentant le CG Arras
M,M,M
Vous le savez, on parle actuellement beaucoup de « Réorganisation territoriale » et Edouard Balladur est chargé d’une réflexion sur ce thème. Disparition ou non des départements ? Fusion avec les régions ? Et ce qui revient souvent, c’est la modification de ce qu’on appelle la « Clause générale des compétences ». Cette clause générale de compétences est une notion qui est apparue en 1884 et qui peut se résumer simplement : une collectivité peut et doit exercer ses compétences, mais elle peut aussi faire des actions en dehors de ses compétences, si elle pense que c’est intéressant, voire utile pour la population. Et dès que l’on fixe le cadre de cette réflexion, 2 options s’offrent à nous, les élus, les décideurs :
- Soit une Attitude d’action : On fait ce qui est obligatoire et ce qui nous semble utile à notre population
- Soit une Attitude de rétraction en disant : « On exerce nos compétences, toutes nos compétences, rien que nos compétences
Et cela peut nous poser évidemment des problèmes existentiels, métaphysiques ou philosophiques :
Je voudrais vous donner un résumé des quelques interrogations qui s’imposent aux élus :
è « Quand on est averti d’un problème, d’une urgence ou d’un dysfonctionnement, et quand on est un décideur, doit-on s’en désintéresser sous prétexte que ce n’est pas légalement dans nos compétences ? »
è « Quand on peut être financeur, doit-on systématiquement, avoir peur du doigt dans l’engrenage ? »
è « Doit-on être en retrait dés qu’on aborde le coût de certaines politiques ? Et tout ce qui touche à la santé est CHER» ….. Et dans le domaine de la santé, doit-on se donner bonne conscience en disant : « De toute façon, notre intervention ne sera qu’une goutte d’eau dans un océan financier. »
è « Doit-on s‘abstenir en prétextant que La santé = domaine à part, réservé à une secte d’initiés qui parlent un langage abscons….» Et je suis médecin, je sais de quoi je parle.
è « Doit-on chercher un prétexte à notre désistement en disant « parler de santé, douleur, mort, ce n’est pas facile » C’est vrai que c’est différent et plus facile de parler de pont, de route, de rond point, de culture, de ruralité…
Mais le fait même de poser la question, vous donne donne ma réponse.
Il y a 10 ans, j’avais interpellé le préfet, sur les problèmes sanitaires du NPDC, en disant que :
« L’attitude de l’état était
- Moralement indéfendable
- Politiquement inexplicable
- Humainement impardonnable
Et j’avais terminé en disant que l’état faisait preuve d’indifférence administrative et que j’accusais le préfet de non-assistance à personne en danger.
Mais passé les effets de manche et la jouissance d’avoir titillé l’état, la question s’est posée :
« Nous sommes au courant de l’état de santé de notre population(espérance de vie/mortalité/morbidité/ pathologies) …. Or le sanitaire n’est pas, légalement, dans nos compétences…. A-t-on le droit de rien faire ? »
Et la réponse fut l’engagement des 3 collectivités dans le CPER avec la création des PRS et des PTS.
Pourquoi cette réponse ? Je vais essayer de vous l’expliquer en étant un peu provocateur et iconoclaste… comme d’habitude.
è C’est vrai que le sanitaire, c’est compliqué ; et on a le sentiment que des gens prennent plaisir à compliquer le système. A tel point qu’on en arrive à se demander si tout ce qui touche la santé n’est pas une affaire de spécialiste…
Permettez que je fasse une remarque : Tout cela est un peu logique car depuis des décennies, en France, pour faire du sanitaire, il faut avoir une formation scientifique alors qu’il est bon de rappeler que chez les grecs, les médecins étaient avant tout des humanistes. Hippocrate était un philosophe et n’était pas un scientifique.
è C’est vrai que les gens qui gèrent politiquement le sanitaire ont, trop souvent, une démarche de financier ou de comptable… Mais dans toutes les politiques, c’est pareil. Le vrai gouvernement est à Bercy. Et les financiers et les comptables sont, par définition, rebelles à toute adaptation de la logique…. Cela dit, il en faut !
è Et c’est vrai que le monde médical est un peu spécial et les médecins sont par essence imperméables à toute démarche administrative et, de plus, ils sont génétiquement individualistes et ont horreur qu’on se mêle de leurs affaires. Et croyez bien que si je m’autorise à dire cela, c’est que je les connais bien.
è Et c’est vrai aussi qu’il y a une chose qu’on ne savait pas bien faire en France, c’est le dépistage ; c’est la prévention, c’est la sensibilisation.
Et c’est bien le sens de l’engagement des collectivités dans les PRS, puis dans la charte santé. Et je peux résumer cet engagement en 3 points :
- 1er : La santé, c’est historiquement, socialement et philosophiquement, la compétence de l’Etat, du moins, en France. Mais nous savons que l’Etat ne peut pas tout faire. La dynamique sera donc collective ou elle ne sera pas. Et une dynamique collective quand on est tout seul, ça n’a pas de sens. Pour faire du collectif, il faut être au moins 2… Et à armes égales.
- 2ème : La bonne santé de nos habitants, ce n’est pas uniquement le soin, même si c’est essentiel. C’est aussi la prévention donc la sensibilisation donc l’éducation…
- 3ème : L’éducation et la prévention sont des domaines tellement vastes que personne ne peut être omniscience et s’occuper de tout. Alors, il faut aller chercher les compétences là où elles sont. En sachant, en plus, que le résultat sera à long terme…
Et c’est là que nous nous rejoignons. Car la dynamique collective, ce n’est pas seulement l’état et les collectivités territoriales, c’est aussi une démarche associant les décideurs, les associations, les médicaux et paramédicaux, les usagers du système de soins et tous les gens de bonne volonté.
Et quand je dis « de bonne volonté », c’est aussi valable pour les collectivités, car comment voulez-vous que nous réclamions un rattrapage sanitaire, si nous ne faisons pas, nous-mêmes, un petit effort dans ce domaine là. C’est ce que nous avons voulu montrer.
Une dynamique collective, c’est la conjonction de 4 facteurs :
- c’est quelqu’un vous dit : « Moi, j’ai des idées » ;
- le second répond « Moi, j’ai l’argent » ;
- le troisième ajoute « Moi, j’ai les hommes. »
-et le quatrième termine en disant : « Moi, j’ai la volonté. »
Et bien souvent, malheureusement, il suffit qu’il en manque un seul pour que le dossier n’aboutisse pas.
Et je le répète, l’éducation à la santé est un des démarches qui permettra de « redevenir normaux », c'est-à-dire que nos indices sanitaires deviennent comme ceux de la moyenne française. Ni plus, ni moins. Ce n’est pas plaisant de dire que nous sommes les damnés de la terre ; nous ne voulons plus entendre parler de notre taux d’alcoolisme, de nos cancers… Nous voulons simplement être comme les autres.
Et cette éducation, cette prévention, cette imprégnation sera la résultante de toutes les volontés.
Et c’est pourquoi, dans cette avancée, il n’y a pas de leader, il n’y a pas de petites mains. Vous êtes des petites mains ; et très honnêtement, dans ce domaine là, nous sommes des petites mains.… Bref, pour faire changer les choses, il faut des gens de bonne volonté. Et croyez moi, dans la société actuelle, c’est déjà pas mal.
Hervé Poher