Séance plénière CG / INONDATIONS 2000
Monsieur le Préfet.
Ayant chaussé des bottes, trop petites d’ailleurs, pendant plus de 3 semaines, vous comprendrez que je me doive d’intervenir au sujet des inondations.
Non pas que la commune de Guînes ait été la plus touchée, loin s’en faut et nous avons limité les dégâts. Mais ce qui nous est arrivé est une toute petite illustration de ce qui se passe de façon de plus en plus répétée et de façon de plus en plus importante dans la vallée de la Lys, la vallée de la Hem, la vallée de la Liane et dans l’audomarois… et j’en oublie sans doute.
Si je me permets d’intervenir, c’est qu’une fois de plus, la commune dont je suis maire va détenir, pour cette année le record départemental de pluviométrie. Il est tombé en 6 semaines ce qui tombe, normalement en 6 mois.
Monsieur le Préfet, vous le savez, il n’y a rien de plus angoissant, pour les gens , de voir, jour après jour, l’eau qui monte, quand ce n’est pas heure après heure ou minute après minute.
Et quand quelqu’un est angoissé, il devient agressif et cherche des coupables.
Les uns disent que les autorités sont imprévoyantes ; d’autres affirment que les élus sont inefficaces ; d’autres, enfin, vouent à l’enfer les agriculteurs ou les responsables des wateringues.
Aussi, permettez-moi de réaffirmer une évidence : dans les phénomènes d’inondations qui nous touchent de plus en plus souvent, nous sommes tous responsables.
· Nous, les élus, nous sommes responsables parce que nous aimons trop le goudron et que la tendance, bien naturelle, d’un élu local, c’est d’aménager, de construire et de bâtir ou de laisser bâtir dans des endroits inappropriés.
· Le monde agricole est responsable parce que, dans un souci de productivisme, normal est compréhensible, on draine les champs dans des régions humides et on supprime les haies dans les plaines ou sur les collines.
· Le particulier est responsable quand il n’entretient pas ses fossés prés de chez lui ou, pire, quand il les bouche pour agrandir son jardin ou faire un parking.
· Le citoyen, enfin, est responsable parce qu’on ne peut pas nier qu’il y ait une importante modification du climat.
Un exemple : Dans le calaisis, la pluviométrie annuelle a grimpé de 200 mm/ m² en 30 ans, c'est-à-dire que nous avons gagné 200 litres par m².
Avec une pluviométrie supérieure à 1000 litres par m² et par an, sur un bassin versant de 18000 hectares, faites le calcul… C’est impressionnant !!!!
Si je vous dis cela, Monsieur le Préfet, c’est pour qu’on arrête d’accuser les autres.
Nous sommes tous responsables ; nous devons l’assumer et nous devons trouver des solutions.
Nous venons de vivre une période difficile de notre vie collective et ces périodes de crise permettent, bien souvent de tester les rouages de notre société.
Et même, s’il est plus facile de critiquer, je voudrais, aujourd’hui remercier des gens :
· Remercier les services de l’Etat (Sous-préfecture, Gendarmerie ou autres) qui sont toujours à l’écoute des élus et qui savent nous épauler quand nous sommes désemparés. Ca arrive !
· Remercier les services de la voirie départementale, toujours prêts à intervenir quelque soit l’heure ou le lieu.
· Remercier l’Institution Interdépartementale des Wateringues, organisme cher au Président Huguet, qui a travaillé 24 heures sur 24, pendant des semaines.
· Remercier le service des voies navigables qui a su s’adapter et créer un maillage de communication garant d’une meilleure efficacité.
Bien sûr, Monsieur le Préfet, vous vous doutez bien que tout ne s’est pas fait dans le calme, la sérénité et le consensus général… Et s’il coulait de l’eau, à l’extérieur, dans certaines réunions, il coulait de l’adrénaline. Certains soirs, les éclairs étaient dans le ciel, mais les coups de tonnerre étaient dans les portables !!!
Mais une fois la période critique passée, je me dois d’être honnête : tous les acteurs ont œuvré pour que ça se passe le moins mal possible… Et je suis sûr que c’est la même chose dans tout le département.
Je voudrais aussi remercier des gens, toujours contestés, souvent vilipendés et qui ne méritent pas ces critiques. Je veux parler des administrateurs des sections de wateringues.
Ces hommes font- Ce qu’ils peuvent
- Comme ils peuvent
- Avec ce qu’ils peuvent.
Toutes ces personnes dirigent, avec la meilleure volonté du monde, des structures qui sont complètement archaïques, dépassées, voire obsolètes.
Les sections de wateringues ont été créées par un décret de Louis Philippe… Si l’on veut plus d’efficacité, il est essentiel de revoir les statuts,le fonctionnement et le financement de ces structures, car vous le savez, Monsieur le Préfet, elles n’ont pas les moyens de leurs ambitions.
Mr le Préfet, nous savons que pour vous, la lutte contre les inondations est une priorité. Vous l’avez affirmé dès votre arrivée et l’avenant au Contrat de Plan montre que l’Etat est décidé à s’investir fortement. Le Conseil Général est prêt à accompagner cette démarche. Il faut maintenant que tous les acteurs se mobilisent.
Mr le Préfet. Vous comme nous connaissons les procédures :
- faire des études
- Obtenir des autorisations administratives
- Trouver des maîtres d’ouvrage
- Finaliser les financements.
Mais quand les gens ont les pieds dans l’eau, et à certains endroits, plusieurs fois par an, ils ne peuvent pas comprendre que le cheminement décisionnel puisse prendre plusieurs mois, voire des années.
Dans ce dossier, Monsieur le Préfet, il faut faire les choses bien, mais il faut faire les choses vite.
Quand l’Etat a la volonté, quand les collectivités ont la volonté, des maîtres d’ouvrage, ça se trouve, des financements, ça se trouve.
L’ensemble des acteurs de ce département est prêt à travailler, à s’investir et à trouver des solutions.
Nous comptons sur vous, Mr le Préfet, pour fédérer les volontés, pour utiliser les motivations et pour amener des réponses à des gens angoissés.
Cette démarche nous devons la faire, le plus rapidement possible, car c’est pour la sécurité de nos concitoyens, pour la pérennisation de notre environnement et, permettez-moi d’ajouter, pour la quiétude de beaucoup d’acteurs locaux, qui dans certains coins du département, deviennent franchement allergiques à l’eau !!!
Mr le Préfet. Si vous voulez trouver un dossier consensuel pouvant réunir
- La volonté de l’Etat
- La volonté de la Région
- La volonté du Département
- La volonté des élus locaux
- La volonté des habitants
Ce dossier, c’est celui des inondations et soyez sûr, Mr le Préfet, que nous sommes tous prêts à nous mouiller.
Hervé Poher