Pose de la première pierre à Guines.
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Président de la Vie Active,
Mesdames et Messieurs les Députés, Conseillers Généraux, Conseillers Régionaux
Mesdames et Messieurs de la SA H .L.M
Mesdames et Messieurs les Maires et Elus,
Mesdames et Messieurs en vos titres et fonctions,
Mesdames, Messieurs,
Et permettez-moi de rajouter « ma chère Emilie ».
Vous vous demandez, sans doute, « qui est Emilie ? ».
í Emilie est née, il y a quelques années. A sa naissance, c’était un beau bébé avec de petites boucles blondes et des bourrelets charmeurs.
í Pendant les premiers mois de sa vie, comme tout bébé, quand elle ne dormait pas, elle mangeait ; quand elle ne mangeait pas, elle dormait.
í Très rapidement, elle s’éveilla au monde qui l’entourait et commença à baragouiner. Bien entendu, son père entendait « Papa » et sa mère comprenait « Mama », et par une décision arbitraire de ses parents, elle fut déclarée « 8ème merveille du monde ».
í Au fil des mois, Emilie apprenait à reconnaître, à s’exprimer et à prendre son autonomie.
í Et puis un jour, vers l’âge de deux ans, un grain de sable se glissa dans le mécanisme du bonheur : des comportements bizarres et répétitifs apparurent et petit à petit la communication devint difficile, très difficile, voire impossible.
í Après avoir consulté de nombreux médecins et spécialistes, le diagnostic tomba… net, froid, brutal : Emilie était autiste, c’est à dire qu’elle avait créé son monde à elle, un monde peut-être meilleur que le notre… en tout cas, un monde différent du notre.
í Quelle injustice pour Emilie, elle qui n’avait fait de mal à personne !
í Quel désespoir pour ses proches car elle représentait la petit branche qui prolonge l’arbre de la vie.
í Quelle angoisse pour les parents devant des questions sans réponse, devant des rêves brisés et les culpabilisations conscientes ou inconscientes.
í Des Emilies, Mesdames, Messieurs, des centaines, des milliers, des centaines de milliers de par le monde.
Et des familles blessées, écorchées, souvent révoltées, il y en a aussi des centaines de milliers.
í Emilie est à côté de nous, quand elle n’est pas chez nous. La détresse est à côté de nous, quand elle n’est pas chez nous.
C’est pourquoi notre société a le droit et le devoir de se mobiliser, d’aider et d’agir.
Nous vivons tous dans des mondes bien structurés avec des règles, des usages et des langages. Dans le monde des décideurs, la règle c’est le pragmatisme et le langage, c’est celui de la gestion : recettes, dépenses, investissements, équipements, subventions… et j’en passe ! .
Vous ne voyez jamais noté le terme de compassion, tendresse et amour… Parce que cela ne se fait pas et que nous souffrons tous, quels que soient nos fonctions, d’une pudeur des sentiments.
Parfois, on ose prononcer le mot « solidarité » mais tout le monde ne connaît pas, forcément, la définition de ce mot.
· Etre attentif, c’est le devoir des responsables,
· Etre solidaire, c’est le devoir de la société,
· Etre affectueux, c’est le devoir de l’homme
Et c’est notre devoir à tous et à toutes, simplement, de tendre la main.
Lorsque la Vie Active a lancé l’idée d’implanter un Centre pour Autistes Adultes sur la Côte d’Opale, nous avons immédiatement proposé un terrain.
Je me dois d’être sincère, en vous avouant que certains, parmi nous, ont vu surtout la création d’emplois…Mais le fondement même de notre démarche a été de faire « un vrai geste de solidarité ».
Ma profession de médecin fait que je suis, peut être un peu plus sensibilisé à ces situations de détresse. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le médecin qui officie… c’est l’élu municipal qui au nom de la ville, au nom d’une population entière, a le droit de vous offrir ce terrain.
Monsieur le Président ALEXANDRE, je souhaite, très sincèrement que dans quelques dizaines d’années, vous soyez obligé de fermer cet établissement… pas que je vous veuille du mal ! !…Non, simplement parce que je suis intimement persuadé que les progrès de la médecine, de la biologie, de la recherche génétique et de la thérapeutique font que d’ici un demi-siècle, tout sera différent et rien ne sera comme avant.
Cette confiance que j’ai dans l’avenir et cette certitude du génie humain que je partage avec tous, est un formidable espoir pour toutes les Emilies du monde.
Mais en attendant, c’est à nous Elus, Responsables et Associatifs de trouver, d’investir, de créer des solutions d’attente.
Même si je le pense et je l’espère, l’attente sera de courte durée. Mais nous savons bien que pour certains, la détresse allonge le temps.
Quand on est un élu, on se doit de parler avec sa tête.
Mais quand on est un homme, on a le droit de parler avec son cœur. C’est la liberté que j’ai pris aujourd’hui. Veuillez m’en excuser.
Merci à la Vie Active d’avoir osé ce projet, merci à l’Etat d’avoir soutenu ce projet, merci au Conseil Général d’accompagner ce projet,
Et merci à Emilie de nous rappeler, involontairement, que tous les êtres ont le droit d’être aimés, de s’épanouir… Bref ont le droit d’exister.
Hervé Poher