Colloque à Lille.
M,M
Permettez-moi, tout simplement de remercier nos intervenants. Vous deviez faire passer un message, simplifier un domaine qui n’est pas facilement vulgarisable, nous informer en éveillant notre alarme sans nous affoler… Je pense que vous avez rempli votre mission.
Pour « monsieur tout le monde », ce sujet pouvait sembler ardu, compliqué, voire réservé à une élite intellectuelle ou à des initiés. De plus, il faut bien l’avouer, cette préoccupation, c'est-à-dire « Les perturbateurs endocriniens dans l’environnement », est relativement récente et dans notre siècle, 10 ou 20 ans, c’est peu dans l’appropriation d’un problème. Ce que je veux souligner par là, c’est qu’entre l’évocation d’un problème, la démarche de démonstration scientifique et la décision politique, il y a toujours, dans notre société, un temps de latence qui peut sembler long, très long, trop long, voire inacceptable. Et ce sentiment énervant de « perte de temps » est tout à fait légitime… Et encore, je n’évoquerais pas la force d’inertie ou le mutisme imposés par certains lobbies ; de même, je me garderai bien d’évoquer l’aboulie et l’apathie de décideurs de tout bord et de tout acabit qui, parfois, ne décident pas… Le cas de l’amiante, dont on parle beaucoup ces jours-ci en est une parfaite illustration.
Il n’y a pas besoin d’avoir fait de hautes études scientifiques pour savoir que la mécanique de l’être vivant est une mécanique remarquable, où chaque cellule a son rôle et chaque substance a une ou plusieurs cibles et une ou plusieurs fonctions. Mais, à contrario, il est évident que cette mécanique normalement parfaite peut facilement se dérégler quand un des éléments est perturbé dans sa qualité ou dans sa quantité. Chez les êtres vivants, l’équilibre hormonal est un processus essentiel à l’épanouissement de l’organisme. Et quand je parle d’équilibre, cela sous-entend la coordination entre le besoin, la production, l’action, la régulation en particulier avec le rétrocontrôle, et l’élimination.
Et c’est parce qu’avec le temps, on a fini par saisir toutes les subtilités et la complexité de ce fonctionnement, qu’on a pu mettre au point certaines merveilles de la pharmacopée. Et c’est aussi pour cela qu’on comprend, maintenant, le niveau d’impact et les mécanismes d’actions de certaines substances. Soit en effet positif, soit en effet négatif.
Et la langue française a ceci de merveilleux, c’est que chaque mot veut bien dire ce qu’il dit, tout en suggérant des nuances ou des orientations. Je ne connais pas assez bien la langue de Shakespeare pour savoir si vous avez les mêmes moyens, mais je le suppose. Quand vous dites Evolution, ce n’est pas pareil que Changement, qui lui-même n’est pas pareil que Modification, qui lui-même n’est pas pareil que Perturbations. Et le mot perturbation a une connotation péjorative évidente et est toujours utilisé dans un but précis.
Aussi, Mesdames et messieurs, si je vous dis que, dans ce domaine, nous ne sommes qu’au début des découvertes et au début des mauvaises surprises… je ne suis pas pessimiste, je suis simplement réaliste. Le catastrophisme n’est pas de mise, mais le réalisme s’impose. Employer le mot Perturbateur, cela veut bien dire ce que l’on veut dire, mais ce n’est pas pessimiste. Et organiser et assister à des colloques comme celui d’aujourd’hui, c’est affirmer qu’il y a vraisemblablement une solution, mais qu’avant de formuler une solution, il faut avoir un certain courage et savoir énoncer le problème…
Permettez-moi de dire que je vois quelques signes encourageants.
- Ce qui est encourageant, c’est la prise de conscience collective de ce problème, d’où cet effort international pour la recherche, dans ce domaine précis. Il faudra, sans doute, faire plus… En cela, la mise en place de REACH est une bonne chose.
- Ce qui est encourageant, c’est que l’environnement est devenu une des préoccupations majeures de notre société. On n’aura pas des Grenelles tous les ans, mais au moins, l’environnement fait la une des journaux. Pourvu que ça dure… et pourvu qu’on ne touche pas au principe de précaution.
- Ce qui est encourageant, c’est que depuis 1 siècle, la connaissance et la compréhension du fonctionnement de la nature et de l’être humain, en particulier, ont fait des progrès époustouflants.
Cela ne veut pas dire que c’est gagné, cela veut dire simplement que nous avançons vers le raisonnable et le raisonné. Voilà ce que je tenais à vous rappeler à la fin de ce colloque.
Juste une anecdote pour terminer.
Lorsque j’ai été élu Président du Comité de Bassin Artois-Picardie, le président du bassin Seine-Normandie a voulu me rencontrer. C’était Monsieur Robert Gallet, ancien ministre et qui s’investissait pleinement dans sa charge de président de bassin. Et au cours de la conversation, il m’a dit : « Vous savez Poher, Seine-Normandie est un bassin difficile parce qu’il y a une forte concentration de population…. Mais l’un des problèmes les plus ennuyeux, c’est que les poissons de la Seine deviennent stériles… Parce que trop de parisiennes prennent la pilule et que des résidus hormonaux se retrouvent dans le fleuve… » Et il a rajouté en souriant : « Comme quoi, les associations de pêcheurs devraient subventionner les stérilets. »
Je ne suis pas sûr que cette idée soit reprise par le Grenelle de l’environnement, mais au moins, quelqu’un a eu le mérite d’y penser.
Merci à vous tous et bonne soirée.
/ Hervé Poher