Intervention, le 15 novembre 2007, à Dunkerque, afin d'alerter les services de l'Etat sur les risques d'inondation en zone de wateringues.
Au nom du Président Schepman et au nom de l’institution Interdépartementale des Wateringues, permettez, Mr le Préfet , que j’accuse réception de ce travail demandé par votre prédécesseur et effectué par les services de l’Etat. Bien entendu, les conclusions et suggestions de ces rapports seront présentées et discutées au niveau de l’Institution et dans les 2 Conseils Généraux.
Mais, même avant d’examiner ces rapports, je me dois, monsieur le Préfet, de vous faire part de quelques soucis que nous avons :
- Tout d’abord, un souci financier. L’institution Interdépartementale des
Wateringues a été créée, en 1977, à partir d’un « gentlemen agrément »
, entre l’Etat et les 2 Conseils Généraux. Les Conseils Généraux voulaient bien
s’occuper, principalement, du fonctionnement de la structure, L’Etat , quant
à lui, mettait à disposition du personnel et intervenait surtout sur les
investissements. Et cette façon de faire a excellemment bien fonctionné ; cette
dynamique collective a été efficace, d’autant qu’à coté de ce binôme, les
sections de wateringues faisaient un travail indispensable au plus prés du
terrain… Efficace, jusque l’été 2005, moment où nous avons appris que l’Etat
ne pourrait pas respecter ses engagements…
Suite aux inondations de 2000/2001, nous avons, avec l’accord de tout le monde, lancé un vaste programme de réhabilitation et de modernisation des ouvrages de l’institution, en nous positionnant sur l’avenant intempérie du contrat de plan. Et c’est à ce titre que l’Etat nous devait 900.000 Euros,
tous les travaux ayant été faits … Je n’ai pas l’habitude d’avoir un discours de « grippe sous » et de me comporter comme un marchand de tapis, mais sachez, Monsieur le Préfet que 900.000 Euros, c’est 1 an de fonctionnement et nous devons désormais travailler sur ligne de trésorerie. Vous nous avez annoncé une dotation de 300 000 Euros. Le compte n’y est peut-être pas, mais je me plais à croire que nous sommes sur la bonne voie.
- Second souci, monsieur le Préfet. Qui est là, plus d’ordre juridique, les ouvrages orphelins : Nous avons la gestion de certains ouvrages, voire de certaines parties d’ouvrage… sans en être propriétaire… Et certains de ces ouvrages sont en très mauvais état. Nous avons, parfois accepté, par le passé, d’être maitre d’ouvrage de certains travaux sur d’autres installations qui ne nous appartiennent pas… à condition d’être financé intégralement. Là-dessus, pour simplifier tout cela, est arrivée la décentralisation…
Alors, la question est très simple : Qui va reprendre ces ouvrages orphelins…. Quand tout va bien, la question n’est pas cruciale… Mais quand on commence à voir des dysfonctionnements, il devient urgent de trouver une solution.
- Troisième souci, monsieur le Préfet. La succession des crues et des inondations, ces 5 dernières années, montre que notre système est en bout de course et que nous n’avons plus de marge de manœuvre. Et dans le cadre de la sécurité des biens et des personnes, c’est quand même très ennuyeux.
Alors, nous sommes en train de réfléchir à d’autres réalisations, a envisager d’autres installations, tout en entretenant les ouvrages en place, et en sachant qu’il nous manque, actuellement, au minimum, une capacité d’élimination de 20 m3/seconde… Le problème se résume à savoir, si on envisage de nouveaux investissements, comment élabore-t-on les plans de financements ?…
Permettez que j’arrête là la liste des soucis de l’institution… Vous pourriez croire que nous sommes en phase dépressive.
Mais je voudrais, pour terminer Monsieur le Préfet, vous soumettre un problème : petit problème qui se résume à un calcul, très simple, calcul de probabilité et, si vous le voulez bien, je vais vous donner les quelques éléments de la matrice.
1) Sachant que la pluviométrie annuelle a augmenté d’environ 30% sur les 10 dernières années et que le type de pluie a changé, puisque maintenant, nous qui sommes habitués au crachin breton, nous observons des épisodes de pluies tropicales, difficilement gérables.… Je vous rappelle, un exemple parmi d’autres, que les 12 et 13 août 2006, il est tombé sur certaines communes de la zone des wateringues 230 mm d’eau en 28 heures.
2) Sachant qu’un épisode cataclysmique catalogué, il y a quelques temps encore, comme centennal, est devenu, de façon très naturelle, décennal et que ce qui est décennal a une fâcheuse tendance à devenir annuel, voire pluriannuel.
3) Sachant que les 8 et 9 novembre 2007, c'est-à-dire la semaine dernière, il y a eu une tempête et que l’on a observé, à la station Tixier, c'est-à-dire pas loin d’ici, une surcote du niveau de la me de 2,10 mètres…. C'est-à-dire que l’eau était à 2 mètres au dessus du niveau prévu. En 1953, la surcote n’avait été que de 2,40 mètres et Dunkerque avait été entièrement inondé. La seule différence, c’est qu’en 1953, la surcote a été observée lors d’une marée haute, alors que la semaine dernière, par chance, c’était au moment d’une marée basse.
4) Sachant que le niveau de la mer augmente inexorablement et que toute augmentation de ce niveau diminue nos possibilités d’évacuation gravitaire, qui est, jusqu’à preuve du contraire, la plus efficace.
5) Sachant que grosso modo, il y a sur une année pleine, environ 25 marées importantes avec un coefficient supérieur à 105 dont une douzaine avec un coefficient supérieur à 110. En 1953, le coefficient n’était que de 83 ; la semaine dernière, il n’était que de 76…
6) Sachant, enfin, que nos pompes ont un certain âge, qu’en période de pluviométrie forte, certaines travaillent 24 heures sur 24 et qu’il nous est déjà arrivé, et cela se reproduira, d’avoir une pompe en panne…
En résumé, Monsieur le Préfet, qu’elle est la probabilité qu’il y ait une conjonction de tous ces éléments à un même moment, c'est-à-dire , pendant une période de grandes marées, une tempête avec une pluviométrie importante et une pompe qui tombe en panne… Bref, qu’elle est la probabilité qu’il y ait une catastrophe, comme dans la Somme, dans les 5 ans qui viennent…
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Sans être professeur de mathématiques mais étant un élu de terrain, voyant comment les choses évoluent, et sachant que nous n’avons plus de marge de manœuvre, je me permets de vous dire que la probabilité est forte, très forte et qu’elle augmente chaque jour.
Monsieur le Préfet. Les élus ont beaucoup de défauts, et un, en particulier, c’est qu’ils ne savent pas admettre qu’ils se trompent. Dans le cadre de l’avenir de notre région des wateringues, nous sommes plusieurs a être très pessimistes… Mais si nous nous trompons, je serai le premier à l’admettre et à m’en réjouir. Mais hélas, monsieur le Préfet, j’ai bien peur d’avoir raison d’avoir peur.