Interview d'Hervé Poher. Agenda 21 et environnement
Hervé Poher rappelle ses engagements et ceux du Président Dupilet en faveur du respect de l'environnement ainsi que son action pour la mise en place de l'agenda 21 dans le Pas-de-Calais
Interview sur l4agenda 21 du Département
J’aimerais vous livrer quelques commentaires sur l’Agenda 21 du CG, commentaires sur les orientations à tenir ou à prendre ; commentaires, enfin, sur les premiers mois de cette démarche.
Si vous avez bien écouté les collègues qui vous ont exposé certaines initiatives, certaines politiques et certaines options prises par notre assemblée, vous pouvez vous dire que tout va bien dans le meilleur des mondes et que nous sommes sur la bonne voie…. Attention ! Tout en reconnaissant que mon avis est très subjectif, je voudrais mettre un bémol sur la portée de vos réflexions.
Parlons d’abord des orientations incontournables :
Tout d’abord, première orientation : il faut conforter l’inscription de notre Agenda 21 dans le fonctionnement même du Conseil Général. Et cela pour une raison très simple : « On ne peut donner des leçons que quand on est soi-même exempts de tout reproche. » Cela est valable pour les hommes comme pour les institutions.
Et à tous ceux qui disent, en externe et même en interne « C’est comme cela qu’il aurait fallu faire… », nous répondons simplement : « Oui, sans doute, mais est-ce que vous faites comme cela, vous ? ». N’étant pas imbibé de certitudes, plutôt que de recevoir des leçons, je préfère toujours qu’on nous montre l’exemple en rappelant qu’en politique plus qu’ailleurs, « L’homme n’est pas ce qu’il dit ; l’homme est ce qu’il fait. »
Deuxième point qui me semble essentiel.
Faire de l’Agenda 21, uniquement au sein du Conseil Général et n’avoir que cela comme objectif politique serait une aberration et n’aurait qu’une seule signification : Celle qu’on veut se donner bonne conscience.
C’est tellement facile de faire ça et c’est, de nos jours, tellement politiquement correct.
Si je vous dis cela, c’est que « certaines pulsions minimalistes » auraient tendance à pointer le nez. Et, sincèrement, nous aurions tort…
Car si nous voulons être efficients et efficaces, il faut impérativement instiller notre Agenda 21 dans toutes les strates de la vie départementale.
« Il n’est pas interdit d’avoir bonne conscience tout en étant efficace. »
Et la contractualisation est un levier formidable pour aller dans ce sens. Et les quelques mesures expliquées par Jean-Claude Leroy, par Alain Wacheux et par les autres intervenants montrent qu’il faut amplifier cette démarche ; il faut que nous soyons la courroie d’entrainement :
Quel est l’intérêt de faire du covoiturage au sein du CG, si nous n’incitons pas nos partenaires à inventer une nouvelle conception de la mobilité ? Le but, c’est bien de démultiplier l’action… Pas de se donner bonne conscience !
Quel est l’intérêt de poser des panneaux solaires sur nos collèges ou de chauffer avec du bois le Château d’Hardelot si ce n’est pas pour suggérer à nos partenaires qu’il faut être inventif dans le domaine de l’énergie ? Le but, c’est bien de démultiplier l’action… Pas de se donner bonne conscience !
Quel est l’intérêt de vouloir protéger les abeilles si les collectivités locales ou les structures professionnelles ne vont pas dans le même sens que nous ? Et là aussi, le but c’est bien de démultiplier l’action… Pas de se donner bonne conscience !
La contractualisation est un dialogue entre le CG et les collectivités. Et par ce dialogue, nous devons et nous pouvons démultiplier les ambitions, les objectifs et les résultats.
Certains seront contents quand le CG aura installé 1000 panneaux solaires ; nous, nous serons contents quand nous apprendrons que, dans le même temps, parce que nous les y avons incitées, les collectivités locales auront installé 10, voire 20 000 panneaux solaires… Là, non seulement nous pourrons avoir bonne conscience, mais en plus, nous aurons été efficaces.
Et si certaines collectivités ont anticipé cette démarche, si certains de nos partenaires ont déjà été inventifs et audacieux : tant mieux !! Personne ne détient une seule vérité et on ne va pas reprocher à quelqu’un d’être vertueux avant les autres. Et si leur démarche peut servir d’exemple : Tant mieux ! Tant mieux ! Tant mieux !
Troisième point essentiel, mes chers collègues. Il faut que nous puissions, régulièrement, mesurer l’évolution de nos ambitions et l’impact concret de nos décisions. Et pour cela, il nous faut un tableau de bord. Et ce tableau de bord chiffré, illustré, concret, nous permettra de mettre en évidence les progrès du concept Agenda 21, progrès directement liés au fonctionnement du CG ou aux politiques du CG.
Loin de moi l’idée que le CG s’approprie les bonnes actions des autres… Mais c’est avec un véritable tableau de bord que nous pourrons conforter notre démarche et l’impact de notre dynamique.
Notre système est ainsi fait et en particulier notre système politico-administratif :
« Si vous donnez des chiffres, c’est parlant politiquement; par contre, si vous parlez politique, on vous demande de chiffrer »
Alors, pour pouvoir vous persuader que l’Agenda 21 n’est pas uniquement une liste de bonnes intentions, il faut des moyens d’évaluation sur un tableau de bord.
L’agenda 21 a été voté, dans cette enceinte, à l’unanimité… Un tableau de bord intelligent est bien le minimum légal que l’on puisse présenter aux élus du département.
Dernière partie, enfin. Je voudrais faire un premier bilan de la mise en place de notre Agenda 21. Et à ce titre, pardonnez-moi d’avance, mes chers collègues, si je suis un peu direct. Mais je l’ai déjà dit, dans cette enceinte : « Quand on parle trop la langue de bois, on finit par attraper des aphtes. »
Rappelez-vous, mes chers collègues, le 30 juin 2008, j’avais terminé mon intervention en vous faisant part de quelques inquiétudes qui me taraudaient…
Inquiétudes concernant l’inertie du système, le pragmatisme et l’absence de rêves de certains ;
Inquiétudes sur le carcan dictatorial des grands argentiers ;
Inquiétudes, enfin, sur la perception de la démarche par la population et aussi, sur la perception de la démarche par vous, élus du département.
Et j’avais dit que le plus dur restait à faire :
Que nous allions être confrontés aux regards dubitatifs de certains.
Que nous allions être assourdis par le silence culpabilisateur des autres.
Que nous allions entendre « Y a plus qu’à » ou « Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire ».
Que nous allions devoir nous confronter
Au formatage de circonstance de certains esprits grincheux,
Au formatage intellectuel de certains « forts en thème »,
Et, excusez-moi de le dire, au formatage institutionnel de notre vieille maison…
J’ai le regret de vous annoncer que mes inquiétudes étaient un peu fondées. Et dans ce que je viens de dire, je prends ma part de responsabilité. Je prends, comme Jean-Jacques, ma part de responsabilité parce que notre façon de raisonner est sans doute obsolète, décalée et présente un léger parfum suranné.
Je m’explique. Et vous allez voir le lien que je fais avec l’Agenda 21.
Comme beaucoup de monde, et la crise économique nous amène de plus en plus à cette réflexion, j’ai tendance à penser que notre société s’est fourvoyée, il y a quelques décennies.
Fourvoyée en prenant comme critères de sélection et de fonctionnement le scientisme, les mathématiques, la logique et le cartésianisme économique. Nos règles de sélection et de gestion sont basées sur la science et les chiffres …
Permettez-moi de prendre un seul exemple : Pour être médecin, il faut être scientifique… Or Hippocrate n’était pas un scientifique; Hippocrate était un philosophe et pour être médecin, mesdames et messieurs, vous le savez bien, il ne faut pas être matheux ; il faut être surtout humaniste… Ce n’est qu’un exemple dans notre société mais c’est typique des déviances de notre société.
Notre président vous a parlé, hier, de l’esprit qui prévalait dans la gestion des maisons de retraite… Que la gestion écrase la simple reconnaissance de l’être… Rien à redire !
Vous connaissez le débat qui agite le monde hospitalier… L’objectif financier a remplacé l’objectif médical… Rien à redire
Et on pourrait discourir de la même façon sur l’école ou sur plein d’autres domaines.
Et cette façon de fonctionner de notre société fait que quand vous osez parler de « rêve », quand on vous parlez « d’espoir », quand vous osez prononcer le mot « utopie » ou quand vos références ne sont pas comptables mais philosophiques, on vous regarde d’un air goguenard en disant : « Allez… Bon, maintenant, soyons un peu sérieux… Revenons à l’essentiel. » Et pour ces gens là, l’essentiel, c’est toujours les chiffres.
Or cet Agenda 21, Mesdames et Messieurs, celui que vous avez voté en juin dernier,
- ce n’est pas une construction mathématique
- ce n’est pas un échafaudage financier savamment calculé
- ce n’est pas point calculé avec une abscisse et une ordonnée.
Non, Mesdames et Messieurs. L’Agenda 21, c’est une option de vie ; c’est un choix d’évolution et c’est un choix politique ; c’est une belle utopie et c’est une philosophie pour toute une population… Et c’est un matheux qui vous dit cela.
Mais soyons francs… Je vais être franc :
- Que peut peser une philosophie politique face au coût de l’urgence sociale dans ce département ?
- Que peut peser une option de vie face aux contingences financières qui nous sont rappelées régulièrement par les grands argentiers… Et c’est leur rôle !
- Quel poids fait l’utopie face à la réalité économique du terrain ?
- Que pèse un choix d’évolution quand on n’est pas sûr de l’avenir des départements ?
En disant cela, Mesdames et Messieurs, vous comprenez pourquoi je parlais de discours décalé et de parfum suranné…
Mais en vous disant tout cela, j’ai aussi, très immodestement, pardonnez-moi, 2 objectifs :
Tout d’abord, nous rappeler, à nous élus, et je me mets dans le lot, parce que la tranquillité intellectuelle amène parfois à la lâcheté, nous rappeler que l’imagination, l’invention et l’audace sont quand même, des attributs indispensables aux élus. N’ayons pas peur de les utiliser ; n’ayons pas peur d’en user ; n’ayons pas peur d’en abuser.
Et ensuite, rappeler, à notre administration, que l’imagination, l’invention et l’audace ne font pas partie des maladies à déclaration obligatoire….
Et que le rôle de l’administration, c’est bien de faciliter l’imagination ;
Que le rôle de l’administration, c’est bien d’accompagner l’invention
Et que le rôle de l’administration, c’est d’avoir le courage de nous rappeler que quand il n’y aura plus d’audace, on n’aura plus besoin des élus… L’administration suffira.
Mais, c’est peut-être l’orientation inéluctable des choses !... Mais avouez que ce n’est pas très excitant !... Pour les élus du moins.
Et, au passage, permettez-moi de rappeler, de façon anodine mais résolument ostentatoire, que la politique de l’environnement, stricto sensu, ne représente qu’entre 0,5% et 1% du budget global du CG, mais que lors du dernier sondage, à la question : « Quelles sont les meilleures politiques du département », les habitants du Pas-de-Calais ont mis en numéro 1 : l’environnement et en numéro 2, le réaménagement du littoral. C’est sans doute injuste et disproportionné, mais c’est une réalité qui nous donne des marges de manœuvres et quelques objectifs relativement simples.
En juin dernier, j’avais suggéré que chacun d’entre nous, élus et administratifs, fasse sa révolution culturelle. Pour que nous soyons fiers de nos décisions, je réitère ma demande. Et franchement, nous avons tout à gagner en adaptant notre système à cette évolution sociétale.
Permettez-moi, mesdames et messieurs de terminer avec 2 anecdotes.
Première anecdote : Il y a 3 semaines, les 7 présidents de comités de bassin étaient réunis avec Monsieur Borloo, ministre de l’environnement. L’objectif de cette réunion était de discuter de la Directive Cadre sur l’Eau, directive qui voudrait qu’en 2015, on obtienne un bon état écologique de toutes les masses d’eau.
En France, nous savons que nous ne pourrons pas atteindre cet objectif et le gouvernement a déjà averti Bruxelles que nous allons essayer d’atteindre 66% au lieu des 100% demandés.
Et mon rôle de président de comité de bassin, ce jour là, c’était de demander, pour le bassin Artois-Picardie, une exception, un traitement de faveur: notre objectif ne sera pas 66%, mais de 50%. La France arrivera à 66% grâce à certains bassins qui font 75 ou 77%... Nous, dans le bassin Artois-Picardie, nous ne ferons que 50% …
- Parce que notre bassin est plus pollué que les autres…
- Parce que notre passé industriel et industrieux a fait que nous avons un handicap…
- Parce que les pratiques agricoles n’évoluent pas assez vite…
Je suis ressorti du ministère avec un accord pour 50%... Mesdames et messieurs, j’avais rempli ma mission mais, franchement, je n’étais pas très fier d’avoir fait cette démarche devant les autres.
Seconde anecdote : L’autre jour, à Lille, je suis intervenu pour expliquer l’engagement du CG sur l’Agenda 21, sur le plan climat régional et sur tous les sujets qui touchent à l’environnement… Et j’ai résumé notre démarche, en disant : « Tout cela, c’est notre façon de dire Merde à Emile Zola… Ca en est fini de Germinal… On tourne enfin la page. » Et en disant cela, je sais que je choque certains élus, ici présents… Mais nous sommes tous pareils : nous aimons ce département pour son passé, mais surtout pour son avenir. Et l’Agenda 21 est un geste d’avenir.
Alors, mesdames et messieurs ; excusez-moi d’avoir été un peu long. Les mathématiques, ça parle de chiffres, mais la philosophie, ça parle d’éternité.
Mais, parce que nous ressentons des doutes, des freins et des arrière-pensées, je me devais d’assumer, dès aujourd’hui, les mauvais points de notre démarche et je me devais d’être explicatif et de vous faire part de certaines de nos interrogations…
Interrogations qui sont simples :
La philosophie a-t-elle sa place dans la politique ? Nous avons la naïveté de croire que Oui malgré le poids des contraintes.
Le département du Pas-de-Calais peut-il et veut-il changer son image ? Nous avons la certitude de croire que Oui malgré le poids de l’histoire
Peut-on changer le cours des choses… Nous avons la faiblesse de croire que Oui malgré l’ankylose due au grand âge de notre département.
Dans une société formatée sur une matrice mathématique, un élu a-t-il le droit encore d’imaginer ? J’espère, à titre personnel, simplement que OUI. Sinon, je me serais trompé sur toute la ligne.
Mesdames et Messieurs, vous pourriez me reprocher d’être très exigeant avec ce qui n’a pas été fait et très sévère avec ce qui a déjà été fait. C’est sans doute un peu vrai mais on m’a toujours appris que pour atteindre un certain niveau, il fallait viser beaucoup plus haut.
Alors, mesdames et messieurs, les administratifs, simplement : aidez-nous à viser, à imaginer et à oser. Veuillez me pardonner si j’ai été, comme d’habitude, un peu rude, voire un peu rustre, mais je vous sais assez intelligents pour tirer de mes excès de langage quelques sujets de réflexions.
Mesdames et messieurs les élus, simplement : laissez-vous aller à imaginer et à oser… Comme pour l’Opération Grand Site ! L’imagination est, sans doute, le seul dividende qui reste à un élu et, je ne suis pas expert en finances, mais je sais que ce dividende là ne sera jamais touché par la crise.
Je ne suis pas sûr de grand-chose, mais ça, au moins, je peux le certifier.
Hervé Poher