Plus le temps passe, plus l’expérience se peaufine, plus les connaissances se précisent, et plus j’ai la certitude que rien ne se fait par hasard et qu’il y a toujours une raison à chaque chose.
Je vous dis cela parce que je me suis posé la question récemment: En effet, j’ai opté pour une cérémonie des vœux à Campagne-les-Guînes… Dans une salle formidable, une salle rajeunie, superbe outil pour une petite commune mais une salle un peu juste pour une cérémonie de vœux d’une intercommunalité, d’autant quand cette cérémonie est étendue aux voisins.
Et à cette question : « Est-ce un acte manqué ? Pourquoi dans cette salle ? », Je me suis répondu « Parce que ! »
· Parce que j’avais peut-être l’impression qu’il fallait faire plus modeste et moins expansionniste que d’habitude.
· Parce que j’avais peut-être le pressentiment qu’il y aurait moins de monde… Et pourtant, je ne suis pas responsable des virus !
· Parce que j’avais peut-être le besoin qu’on se retrouve serrés, nous les élus des trois-Pays… serrés, plus serrés que d’habitude, comme dans un cocon, comme on peut l’être en famille, quand parfois on a le besoin instinctif de se retrouver en tribu.
Tout cela pour dire que le choix de la salle de Campagne n’est pas, de ma part, un acte raisonné mais ce n’est, sans doute pas, un acte innocent.
Mais du coup, vous êtes debout et le discours sera moins long. D’habitude je fais systématiquement 10 pages en caractères 12 ; là vous n’aurez que 7 pages en caractères 14.
Et je remercie la commune de Campagne qui nous accueille si gentiment.
Vous le savez, j’ai souvent comparé la CCTP à un être vivant qui est né, qui a grandi, qui éprouve des moments de joie et des moments de difficultés et qui passe par tous les stades d’évolution d’un être vivant.
La CCTP vient de fêter, début janvier, ses 16 ans. C’est-à-dire qu’elle est, sociologiquement une adolescente et qu’elle se situe, médicalement, dans la seconde partie de sa puberté. Et c’est difficile la puberté !
· La puberté, c’est « On n’est pas encore adulte ; on n’est plus tout à fait enfant ; on a appris plein de choses et on est sûr de conquérir le monde. »
· La puberté, c’est « On tente de maitriser son caractère, étant persuadé qu’on a toujours raison, coincé entre une génération des vieux cons et une cohorte de jeunes blancs-becs. »
· La puberté, c’est : « On a parfois de l’acné ; le corps se transforme, la voix peut changer et les hormones vous travaillent sacrément... Et dans tous les sens… »
Bref, ce n’est pas une période facile, pas facile pour l’adolescent et pas facile pour l’entourage… surtout pour l’entourage !
Eh bien, mesdames et messieurs, la CCTP est en pleine puberté. Et son humeur 2012 s’en est ressentie ; et son relationnel 2012 en a été troublé; et il y avait, indéniablement, dans l’air, une ambiance un peu électrique…
Mais, je le répète, c’est un passage obligatoire. La puberté est une étape nécessaire dans toute maturation. Et une puberté trop précoce, c’est parfois embêtant et une puberté trop tardive, c’est souvent inquiétant…
Pourquoi vous dis-je cela ? Parce que cette année, nous avons été un peu secoués… Nous avons eu des états d’âme… Nous ne nous sommes pas posé des questions existentielles mais nous nous sommes posé des questions. Bref, nous avons, comme tout adolescent passé un période de turbulences physiques et intellectuelles.
Certains pourraient me dire : « Mais c’est normal ! C’est très humain ; C’est un relâchement naturel après une épreuve… D’autant qu’on parle, en plus, de mariage…». Oui, nous avons passé une épreuve…
En 2009/2010, nous avons passé un sale moment : impact de la fermeture de la SIDER, problème budgétaire, serrage de vis drastique dans nos politiques… Ce n’était pas évident. Mais devant cette difficulté conjoncturelle, nous avons tous été solidaires, tous été volontaristes et personne n’a manqué à l’appel. Nous avons serré les coudes, nous avons fait bloc ! Et je remercie, encore une fois, tous les élus des Trois-Pays.
Et on peut l’avouer maintenant : le serrage de ceinture n’est pas un exercice facile à appliquer et ce n’est pas une ambition facile à expliquer. D’ailleurs, certains n’y arrivent pas…
Et c’est, sans doute, parce que nous savons que nous sommes probablement sortis de la mauvaise passe, que nous savons que ça va mieux et que nous pouvons à nouveau imaginer des projets à long terme… C’est pour toutes ces raisons là que nos nerfs ont tendance à se relâcher. La tension étant tombée, notre cerveau peut s’attacher à d’autres préoccupations, notre humeur peut se polariser sur d’autres problèmes et notre corps est à nouveau disponible pour les agressions hormonales prénuptiales.
Mais je dois être franc avec vous… Le discours que je vous livre ce soir, n’a rien à voir avec celui que j’avais écrit la semaine dernière. Mais je m’en suis confié à quelques-uns d’entre vous : le premier jet de mon intervention ne me plaisais pas du tout car l’impression générale était morose, triste, un peu découragée… Je montrais une puberté désabusée. Or une puberté ne peut pas être désabusée. Une ménopause ou une andropause peuvent être désabusées ; mais pas une puberté !
Par définition, la puberté est un nouveau commencement…
Dans la première version de mon discours, je vous parlais longuement d’une première décharge hormonale qui s’appelle : la taxation des ordures ménagères. Mais à quoi bon vous parler de cela ce soir ? Beaucoup de convives ici présents sont extérieurs au territoire et ceux qui sont habitants ou élus du territoire savent que ce changement, décidé par le SMIRTOM, était inévitable, incontournable, inexorable. Mais c’est vrai que cette première décharge nous a procuré quelques insomnies…
La deuxième décharge hormonale s’appelle : contrôle d’assainissement non collectif. Là aussi, à quoi bon vous en parler : Tout le monde sait que la loi, c’est la loi ; que nous sommes engagés dans cette démarche pour soulager les communes… On aurait mieux fait de glisser sur une plaque de verglas, ce jour-là… Mais maintenant, nous ne pouvons pas faire autrement que d’aller jusqu’au bout. Un Vice-Président du Conseil Général, président de Parc et Président du comité de bassin de l’Agence de l’Eau ne peut pas dire aux gens: « Il ne faut pas respecter la loi. » Ce serait une ineptie et une incohérence politique majeure…
Troisième décharge hormonale : la création de la grande intercommunalité. Et là, permettez-moi d’être un peu plus explicite sur la bouffée de chaleur que nous sommes en train d’éprouver. Et en plus, nous subissons une poussée de boutons…
Il y a 2 ans, alors qu’on commençait à parler de réorganisation des intercommunalités, j’ai dit à l’Etat, l’Etat qui seul voulait ce réaménagement « qu’il ne fallait pas me demander mon avis car j’avais, depuis 1996, un électroencéphalogramme plat. Et que, en l’occurrence, la CCTP ne pensait pas et n’avait rien à dire ». Comme cela, on ne pouvait rien nous reprocher…
L’an passé, après la décision de la commission départementale de coopération intercommunale, j’ai dit que « s’il fallait une bonne volonté politique », je voulais bien, éventuellement, en être le garant même si on sentait que beaucoup de gens allaient vers ce mariage à reculons… Et rentrer dans une église à reculons, ce n’est pas très pratique… mais au moins, on ne pourrait rien nous reprocher…
Les discussions ont donc commencé, avec un très bon état d’esprit mais très rapidement, nous nous sommes aperçus que dans ce mariage arrangé, puisque c’est de cela qu’il s’agit… dans ce mariage arrangé donc, la difficulté ne serait pas d’ordre politique mais la difficulté serait surtout fonctionnelle et financière. Nous avons donc alerté l’Etat… essayant de lui expliquer que pour se marier, il faut des bases saines et qu’il fallait faire très attention car il y a très peu de différences entre un mariage arrangé et un mariage forcé…
Et que croyez-vous que l’Etat ait fait pendant un an : pas grand-chose. Il s’est contenté de nous réunir trois fois en nous disant : « Alors, où en sont vos discussions ? » Pour lui, le cas était réglé et il avait d’autres chats à fouetter dans le département. Et c’est un peu de notre faute : nous avons été trop coopératifs, trop calmes et les services de la Préfecture se sont polarisés sur les EPCI qui râlaient… Nous, nous n’avons pas râlé et ils nous ont oubliés royalement ! Et bien je suis désolé de le dire : Ici, il n’y avait rien de réglé et l’Etat aurait dû s’intéresser un peu plus à nous.
Parce que les difficultés, elles sont là et nous sommes incapables, seuls, de trouver la bonne solution :
· Difficulté fonctionnelle parce que chacune des deux parties a pris des compétences et des habitudes et que légitimement, elles n’ont pas trop envie d’en changer. Ça existe les habitudes de vieux garçons !! Et on peut être vieux garçon même en étant jeune…
· Difficulté financière surtout. Depuis l’antiquité, les mariages arrangés sont fait pour cumuler les richesses et fortifier la lignée. Dans le mariage qui nous est proposé, avec les conditions annoncées par l’Etat, conditions financières qui ne sont plus les mêmes qu’il y a un an… Elles ont sacrément changé ces conditions ! Avec ces nouvelles conditions, ceux qui ont déjà fait des gros efforts devraient en faire encore plus et la nouvelle structure intercommunale perdrait complétement ses capacités d’investissement. En théorie, quand on se marie, c’est quand même pour être plus heureux… Du moins au début !!! Et quand on se marie, on espère créer de la richesse, pas partager de la pauvreté…
Voilà pourquoi il est idiot de créer avec un stabilo une nouvelle collectivité, sans avoir fait avant des simulations financières, des simulations réelles, pas virtuelles…
Voilà pourquoi la CCTP a voté, en décembre dernier, une délibération disant qu’on ne pouvait pas continuer les discussions… tant que l’Etat ne nous aurait pas donné les solutions.
Voilà ce que je voulais vous dire sur les mariages forcés ou sur les mariages mal arrangés. Je vois, dans les cérémonies de vœux que certains maires s’impatientent… Principalement dans le pays d’Ardres. Permettez-moi d’être direct avec nos amis d’Ardres: si nous recommençons les discussions en se basant sur les dernières prévisions données par l’Etat, on risque d’arriver à un refus unanime des communes des Trois-Pays ; et si on prend une démarche plus décapante, découlant des chiffres de l’état, on risque d’obtenir un refus unanime des communes du Pays d’Ardres… Il vous est déjà arrivé de ne pas voter votre budget !
Pour résumer et synthétiser : le seul scénario qui nous est actuellement proposé est inacceptable par les 2 futurs mariés. Alors, puisque les couloirs des préfectures regorgent de gens qui ont fait de grandes études, qu’ils planchent là-dessus et qu’ils nous trouvent une solution acceptable par Henry VIII et par François Premier.
Et c’est ce que nous avons signifié aux services de l’Etat.
Excusez ma franchise mais « Chat échaudé craint l’eau froide ». En 96, on ne nous a pas pris au sérieux. En 2010, nous avons subi un traitement de choc pour pouvoir encore exister. Alors, on n’a pas envie de passer 2 fois à l’essoreuse !!
Alors, s’il faut mettre les points sur les I : la délibération prise à l’unanimité par la CCTP n’est pas une motion de défiance vis-à-vis de nos amis du Pays d’Ardres, c’est une motion de mise en demeure adressée à l’Etat pour qu’il nous aide à réussir ce qu’il a décidé, lui, en lui rappelant qu’il nous a menti sur les chiffres. Et il faut qu’il trouve les solutions avant le mois de juin.
Je suis désolé de le dire mais cette fusion/absorption a été mal préparée. Et c’est mon devoir de Président de CC de défendre les intérêts de tous et de mettre l’état devant ses initiatives malvenues.
Voilà, excusez-moi d’avoir été un peu long sur ce sujet, mais les bouffées de chaleur sont souvent des moments désagréables qui semblent s’éterniser…
Bouffées de chaleur, agression hormonale, acné… Vous pourriez penser : « Rien de bien encourageant pour ce début d’année… »… et encore, je ne vous ai pas parlé de la brutale poussée de poils provoquée par le SCOT…
Détrompez-vous ! Comme tout adolescent, nous avons des problèmes qui nous énervent mais nous avons aussi des certitudes et des projets, des tas de projets : Ararat 2 qui arrivera, cette année à un point de non-retour… Parce qu’il faut savoir conclure un dossier ; notre PLU intercommunal qui se veut être un laboratoire de réflexion, de concertation, de discussions et d’innovation ; la réhabilitation de la ferme Boutoille qui sera un projet à long terme mais qui pourra être fédérateur et sur lequel nous devons encore travailler ; notre positionnement dans le Parc, où nous servons de territoire d’expérimentation… Et nos certitudes : le fonctionnement exemplaire de nos structures d’accueil petite enfance, de notre office du tourisme ; le volontarisme et les innovations de notre CIAS… Excusez-moi si je ne cite pas tout le monde et si j’oublie certains acteurs de nos avancées.
Bref, de la fierté pour ce qui a été fait et de l’ambition pour plein d’autres projets.
Vous l’avez compris : le début d’année 2013 sera, sans doute, un peu Hard… Mais c’est normal : on n’est pas bien à l’aise quand la moustache se met à pousser et qu’en plus, on doit se marier. Alors, on a tendance à mordre !
Si tout au long de mon discours sur la puberté, vous avez essayé de déterminer le sexe exact des Trois-Pays, vous en êtes pour vos frais. D’ailleurs, on dit UN EPCI et UNE intercommunalité. En plus, j’ai mélangé les bouffées de chaleur et l’arrivée de la moustache. Alors disons que nous subissons les assauts d’une puberté hermaphrodite.
Certains d’entre vous doivent être déçus : en effet, depuis des années, je profite des vœux de la CCTP pour vous asséner des vieux dictons ou prophéties totalement inventées. Cette année, il n’y en aura pas… Parce que parler des changements physiques amenés par la puberté peut toujours être mal interprété et, depuis quelques temps, on est vite politiquement incorrect… Et surtout, vous le savez bien, les adolescents en pleine puberté ont rarement le sens de l’humour… Et les échanges de mails récents, au sujet de la réorganisation intercommunale, montre que la préfecture n’est pas en période de franche rigolade. De fait, j’ai préféré m’abstenir.
Mais comme je l’ai dit récemment dans un journal : « Pour la médecine, dans notre coin, on manque de spécialistes. » Surtout des endocrinologues…
Alors pour cette année 2013, mesdames et messieurs, je vous souhaite le moins de bouffées de chaleur possible, le moins de comédons possible, le moins de … je m’arrête là ! Bref, je vous souhaite un système glandulaire calme et serein ; des surrénales au repos, une thyroïde à l’équilibre… Pour les autres glandes, permettez-moi d’être plus discret. Et en plus de tout cela, de la santé, des rires et beaucoup de câlins.
Bonne année à vous tous.
Hervé Poher