Arras, le 04/11/2013. Séance plénière du Conseil Général du Pas-de-Calais.
Pour la troisième fois, dans le cadre de la loi Grenelle, je me dois de vous présenter un rapport sur la situation du département, en matière de développement durable.
Exercice imposé, exercice répétitif et exercice qui, je dois l’avouer, comme vous avez pu le voir, montre ses limites.
En effet, mesdames et messieurs, le rapport qui a été inséré dans votre document peut ressembler à un inventaire à la Prévert, mais en moins poétique. On pourrait aussi l’assimiler à une simple compilation de contributions encyclopédiques mais en moins érudit. Mais c’est la règle de l’exercice et, je vous le rappelle, le développement durable, ce n’est pas que de l’environnement.
Alors, dans ce rapport, on parle de :
Notre engagement dans l’Economie Sociale et Solidaire, engagement qui a été affirmé et confirmé par notre assemblée. Notre engagement pour le handicap et les personnes âgées.
Notre engagement pour la jeunesse qui est devenu un axe fort des politiques départementales et notre engagement dans les collèges.
Notre engagement pour la solidarité, quelles que soient ses formes, parce que cela fait partie de nos compétences, que c’est notre corps de métier et que, c’est une volonté politique. Rappelant simplement par-là que le mot solidarité n’est pas un gros mot.
Notre engagement dans le cadre de la gestion environnementale, dans la gestion des ENS, où, permettez-moi de le répéter, nous sommes exemplaires et nous servons de première référence sur tout le territoire français.
Notre engagement pour une éco-responsabilité dans le cadre d’un Plan Climat, dans le cadre des transports, dans le cadre d’une rationalisation du fonctionnement des services et dans le cadre d’un Agenda 21.
Bref, dans ce rapport-listing, vous pouvez trouver tout un panel de mesures de gestion, de mesures sociales et environnementales qui peut satisfaire à l’esprit de la loi.
Pourtant… Pourtant, permettez-moi de vous livrer une réflexion : il peut satisfaire à l’esprit de la loi mais pas à un œil exigeant et critique. Et vous seriez en droit de dire que ce rapport à un goût de « trop peu », que ce rapport laisse un sentiment d’incomplétude et que ce rapport pousserait certains malveillants à dire : « Tout ça pour ça ! ». Mais je sais qu’il n’y a pas de malveillants dans cette assemblée…
Et en parlant d’un goût de trop peu, mesdames et messieurs, je ne désigne personne à la vindicte départementale car j’assume pleinement, en tant qu’élu responsable et au nom de tous les élus, le résultat de notre démarche et le rapport n’est que le reflet indirect d’une ligne politique loin d’être achevée, très loin d’être achevée, trop loin d’être achevée.
Mais l’important, une fois qu’on a assumé quelque chose d’insatisfaisant, c’est de comprendre pourquoi c’est insatisfaisant, même si l’autocritique n’est pas un exercice agréable à pratiquer.
Mes chers collègues, dans cette incomplétude, il faut y voir, probablement, plusieurs raisons.
Première raison :
Il est difficile d’inventer et de créer tous les ans et en permanence. Même quand on veut être un territoire d’expérimentation ou d’innovation, le rythme, les idées et la dynamique ne peuvent pas être continus. Et on a besoin parfois de souffler parce que, à tort ou à raison, on se sent essoufflé.
Deuxième raison : Lorsqu’en 2008, nous avons voté un Agenda 21, qui est quand même le support de base pour le développement durable, je vous avais dit qu’il fallait faire notre révolution culturelle, parce que l’environnement n’était pas une priorité chez nous… parce que notre urgence permanente, c’était et c’est une urgence sociale… parce que nous n’étions pas formatés pour sauvegarder les sauterelles ou préserver les nuances de nos paysages.
Nous n’avions pas cette culture-là. Et certains d’entre nous encore moins que les autres ! Certains pourraient même être diagnostiqués comme souffrant d’entomophobie !
Certes, nous avons fait beaucoup de progrès, il faut le reconnaitre, mais nous avons encore du chemin à faire.
Bref, nous n’avons pas réussi notre révolution culturelle mais nous avons évolué. Or l’histoire l’a prouvé : « le temps pour une évolution est beaucoup plus long que le temps d’une révolution. »
Troisième raison, sans doute une des raisons principales : « une bête histoire de calendrier ».
Je m’explique.
Nous avons voté notre agenda 21 en juin 2008, Agenda 21 qui nous obligeait à une nouvelle dynamique, de nouvelles idées, de nouveaux investissements, une nouvelle appréhension de certaines facettes de la gestion publique…
Voté en juin 2008… Et en septembre 2008, faillite de Lehman-Brothers et début officiel de la crise. Ce qui veut dire qu’à partir de ce moment-là, tout le monde s’est replié sur ses bases et que l’innovation passait au second plan. C’est humain, c’est logique, c’est naturel.
Autant le dire : la force de conviction de certains élus n’a pas pesé lourd face à la rigueur mathématique de certains comptables.
Cela dit, mesdames et messieurs, pas de regret à avoir car il ne faut pas jamais mélanger les genres. Quand des élus politiques s’amusent à ne faire que de la comptabilité et veulent jongler avec les chiffres, on ne sait plus trop quel est leur rôle et, du coup, ils font souvent des erreurs de calcul… erreurs de calcul politique, bien entendu.
Tout cela pour confirmer que, comme partout ailleurs, la crise a gelé notre dynamique et un moteur gelé a parfois du mal à s’emballer.
Voilà ce que je tenais à préciser quant à ce rapport. Mais la modestie de ce rapport va nous servir, mesdames et messieurs. Et beaucoup plus que vous ne pouviez l’imaginer.
En effet, l’histoire politique et institutionnelle l’a voulu ainsi : Nous étions en panne de dynamique, on ne savait plus « par où prendre le bébé », il nous manquait la notice de montage…
Sont arrivés en même temps un travail de refondation pour un nouvel Agenda 21, une participation au débat sur la transition énergétique, l’étude, le travail et le rendu d’un essayiste américain qui s’appelle Jérémy Rifkin.
Trois événements qui ont et qui vont influer sur notre vision des choses et surtout sur notre appréhension du problème « écoresponsabilité, développement économique, développement humain ». L’agenda 21 va nous obliger à ressourcer nos politiques ; La transition énergétique va nous amener à anticiper pour une autre forme de développement ; Le Masterplan de Jérémy Rifkin va nous permettre de trouver une cohérence à tous ces objectifs et permettra d’imaginer le cadre à toutes ces ambitions.
L’étau financier est, cette année, un peu moins serré et nous avons un petit espace de respiration. Alors, nous serons plusieurs, sous l’autorité du président, à vous proposer, cet après-midi, en débat d’orientation budgétaire, une refondation de nos politiques « développement durable », au sens très large du terme et de façon très transversale.
En ce qui concerne le rapport sur l’état du Développement Durable dans notre département, rapport qui vous est proposé aujourd’hui, je vous propose donc de l’adopter en écrivant dans la marge « Peut mieux faire »… Et ce peut mieux faire, nous pouvons l’assumer comme nous le faisions quand nous étions à l’école primaire.
Tout en disant que les décisions que nous allons prendre d’ici la fin d’année vont simplement prouver, si vous le voulez bien, que nous pensons avoir trouvé un nouveau trousseau de clés et que cela va nous permettre de réinventer, d’innover et finalement, de « mieux faire ».
Hervé Poher
Mots-clés: Grenelle, développement durable, Economie Sociale et Solidaire, handicap, jeunesse, solidarité, collége, Plan Climat, incomplétude, malveillants, Agenda 21, urgence, évolution, révolution, Rifkin, écoresponsabilité, développement technique, développement humain.