Arras, le 13 mai 2013.
Emmanuel Cau ayant été long, je serai court… Au moins, il a montré qu’il ne manquait pas de motivation et… d’énergie. Mais, justement, avant de vous parler de l’énergie, j’aimerai vous faire part de ma curiosité et vous faire, à l’occasion, un cours de sémantique ou de linguistique.
En effet, nous sommes réunis pour parler aujourd’hui de « La transition énergétique : implication des acteurs. »
Comme je suis un vieux qui veut rester dans le coup, je me suis amusé à taper, sur mon moteur de recherche, certains mots. J’ai d’abord tapé « Transition ». Eh bien, savez-vous qu’il y a 2 définitions pour le mot transition. Première définition : « la transition, c’est passer d’un état à un autre. » C’est clair, catégorique et cela a le mérite de ne pas présenter de subtilité. La seconde définition nous dit : « Transition : passage graduel d’un état à un autre ». Comme vous le voyez, c’est plus subtil, plus doux, plus modéré.
Et je me permets de dire que nos décideurs, les responsables parisiens qui ont voulu ce débat, ont bien joué : en mettant le mot Transition, ils pouvaient satisfaire certains partisans de la ligne dure tout en satisfaisant les adeptes du « passage en douceur ».
Ensuite, sur mon moteur de recherche, j’ai tapé : Acteur. Là aussi, 2 définitions. On dit que ce sont des mots polysémiques, qui ont 2 sens.
Tout d’abord, un acteur c’est « une personne qui joue un rôle essentiel dans une action ». Donc quelqu’un d’incontournable, d’obligatoire. Mais l’autre définition dit : « Artiste dont la profession est de jouer des rôles. » C’est-à-dire qu’il fait semblant, qu’il parait, qu’il joue la comédie… Là aussi, la première définition est catégorique ; la seconde est plus subtile…
Donc, quand vous reprenez le sujet de notre journée, « Transition énergétique, implication des acteurs » et que vous avez 2 définitions différentes par mot, vous voyez que le nombre de scénarii est multiple : ou on est volontariste en agissant ; ou on est volontariste en faisant semblant ; ou on est progressif, en agissant ; ou on est progressif en jouant la comédie…. Bref, des scénarii pour contenter tout le monde…
Or, vous le savez, les scénarii ne sont pas si nombreux et dans le cadre de la crise énergétique, nous n’avons pas beaucoup de choix : il n’y a qu’un seul scénario possible.
Car il ne faut jamais oublier quelques certitudes :
Certitude du dérèglement climatique. Je ne reviendrai pas dessus ; il suffit de lire les journaux et d’écouter la radio pour savoir que le processus est enclenché, qu’il a une fâcheuse tendance à s’accélérer et qu’il sera de plus en plus difficile de revenir en arrière.
Certitude qu’un jour ou l’autre, nous arriverons aux limites d’exploitation de la terre. On ne sait pas quand, mais on sait que cela arrivera. Même si on utilise des solutions intermédiaires… En ce moment, on va chercher du charbon en Colombie pour faire fonctionner les centrales électriques en Allemagne… Ca ne pourra pas durer, nous le savons.
Certitude que l’énergie sera de plus en plus chère… Et elle l’est déjà, chère. Actuellement, on voit dans le CIAS que j’ai créé, dans ma commune, des couples de retraités qui viennent à l’épicerie sociale, simplement parce qu’ils ne peuvent pas terminer le mois. Tout cela à cause des factures d’eau et d’énergie. Pour beaucoup d’entre nous, cela peut sembler bizarre. Moi, je fais partie d’une génération qui n’a pas connu ces problèmes : Mes parents, quand ils recevaient leurs factures d’eau et d’électricité, ne les regardaient même pas. C’était tellement peu cher !! Maintenant, ce n’est plus pareil et ce sera de pire en pire.
Certitude que nous sommes à un changement de société, que la société est en mutation. La société de Jules César n’était pas la même que celle de Napoléon III qui, elle-même était différente de celle de Charles-de-Gaulle qui elle-même sera différente de celle de nos enfants. Mais on est sûr d’une chose : l’énergie sera au centre de cette nouvelle société
Et cette nouvelle société sera faite de quoi ? Elle sera faite de nouvelles productions, nouvelles innovations, nouvelles constructions et nouvelles précautions. Tout sera nouveau et tout sera différent. Nous sommes à un moment de changement sociétal et quand je vous dis : innovations, productions, constructions et précautions… Cela veut dire que tous les pans de la société seront touchés et que tous les composants de la société seront les acteurs de cette révolution. Tous acteurs : industriels, producteurs d’énergie, collectivités, états et citoyens… Tout le monde ensemble… Car cette révolution sera collective.
Alors, si je voulais être provocateur, la réunion d’aujourd’hui n’a pas de raison d’être : Il y a une révolution ; tout le monde doit être acteur ; tout le monde doit s’impliquer… Et nous n’avons pas le choix.
Hervé Poher