Arras/ Séance plénière
Question : la future gouvernance des wateringues ?
Pour être franc avec vous, je suis, dans ce dossier, personnellement mais comme beaucoup d’autres élus, très partagé… pour ne pas dire ennuyé.
Très partagé parce que l’IIW a été créé, il y a plus de 30 ans, sur une initiative de Roland Huguet et que cette structure a démontré, au fil des décennies, toute son utilité.
Très partagé parce que, c’était et c’est de la part du Conseil Général, une politique volontariste et que les règles du jeu avaient été bien fixées, dés le départ : nous acceptions, même si ce n’était pas dans nos compétences, de nous occuper du fonctionnement et l’Etat s’occupait de l’investissement. Et cela a bien marché durant 30 ans.
Partagé parce que c’est vrai que la sécurité des biens et des personnes est une compétence pleine et entière de l’Etat et que, sous des prétextes fallacieux, l’Etat a voulu et est en train de, excusez-moi l’expression, de se débiner !
Monsieur Parent a, pour diverses raisons un devoir de réserve ; moi, j’ai un droit de non réserve. Aussi, laissez-moi vous rappeler l’histoire car elle peut sembler cocasse.
Imaginez ! Depuis la création de l’institution, tout se passait convenablement pour une gestion sécurisée de ce grand territoire et suite aux inondations de 1999/2000/2001, un important programme d’investissement avait été lancé. Durant l’été 2005, l’état nous a brusquement annoncé qu’il ne donnerait plus les subventions pour intervenir sur les ouvrages d’évacuation à la mer, subventions promises dès 2002, subventions actées dans l’avenant intempéries du contrat de plan, subvention légitimes parce que les travaux avaient été faits ou étaient en cours. Restait une ardoise d’1 million d’euros. Et ce retrait de l’Etat avait une pseudo-justification, justification qu’il essayait de transformer en raison mais qui, en fait, n’était qu’un mauvais prétexte !
Avant, L’Etat disait : « Les wateringues ont été créés pour l’installation, le développement et la pérennité de l’activité agricole. A ce titre, l’Etat et en particulier, le ministère de l’agriculture, accepte de participer financièrement. » En 2005, ce même état nous dit qu’il ne paye plus parce que le système s’est dévoyé et que les wateringues ne servent plus l’agriculture mais servent surtout à protéger des espaces urbanisés et des zones d’activité. Et l’Etat ajoute : « Si c’est trop urbanisé, s’il y a des zones d’activité, c’est bien à cause des élus locaux et des collectivités locales et territoriales qui ont accepté ou acté cette mutation du territoire. C’est donc à elles d’en assumer les conséquences.»
Avouez que pour pouvoir faire des économies, tous les arguments sont bons !
Permettez que je caricature un peu en disant que l’Etat voulait bien protéger la betterave mais qu’il rechigne à protéger les hommes.
Monsieur Parent vous a, pourtant, montré des prévisions où l’Etat intervenait. Pourquoi
Ø Parce que dès 2005, nous avons violemment protesté et ce sujet a été évoqué à maintes reprises dans cette enceinte.
Ø Parce que le 15 novembre 2007, nous interpellions le Préfet de Région pour lui démontrer qu’une conjonction de mauvais événements était possible et qu’une catastrophe pouvait être imaginée. Ce à quoi, les services de l’Etat ont répondu qu’il fallait arrêter d’être catastrophiste et qu’un malencontreux enchainement serait fort peu probable…
Ø Parce que ces mêmes services de l’Etat étaient bien embêtés, le 28 février 2010, le lendemain de la tempête Xynthia, où là, il y avait eu une conjonction des événements … Ce qui était déclaré improbable.
Ø Et parce que, une fois de plus, comme dans la Somme, quand l’Etat ne peut pas payer, il demande aux Agences de l’Eau de se mouiller.
Mais cette timide implication de l’Etat et de l’Agence, timide quand on la compare à ce qui se fait à l’étranger, en particulier aux Pays-Bas, cette implication est conditionnée à 2 démarches :
v Qu’on revoie la gouvernance et qu’on implique plus les acteurs locaux ;
v Que les décideurs locaux s’engagent à maitriser l’occupation des sols et maitriser, bien entendu à la baisse, l’urbanisation et à la non-imperméabilisation des sols.
Et si je suis partagé, enfin, c’est aussi parce que se pose une question fondamentale pour nous tous: « Quand on a peur ou qu’on pressent un danger, a-t-on le droit de ne rien faire sous prétexte que ce n’est pas notre compétence ? » Je vous rappelle que tout le monde a été dépassé par la tempête Xynthia : Etat, Département, Région, Communes et que le bilan, c’est 59 personnes décédées et plus de 2 milliards de dégâts. Mais, d’un autre coté, j’oserai dire que l’Etat se moque franchement de nous : c’est tellement facile de refiler le bébé aux autres ! Et si ce n’était qu’un bébé, au moins, on saurait quoi faire !
Alors quel avenir pour les institutions ?
La réponse à une question parlementaire récente précise la position de l’Etat.
§ Création probable d’un syndicat mixte. Un GIP avait été évoqué, permettant ainsi la participation de l’Etat, mais comme l’Etat ne veut plus être impliqué… Pas de GIP !
§ Confirmation du non engagement de l’Etat dans le fonctionnement de la nouvelle structure ; participation aux investissements uniquement par l’intermédiaire de l’Agence de l’Eau.
§ Confirmation aussi que directement ou indirectement, la nouvelle structure devra assumer la gestion des wateringues, mais s’impliquer aussi dans le problème des inondations et dans celui, encore plus difficile de la submersion marine.
Alors :
ü Quid du rôle des Sage et de la possibilité de créer des EPTB (Etablissement Public Territorial de Bassin) ?
ü Quid de l’implication volontariste des collectivités Conseils Généraux, Communes, EPCI ou autres ?
ü Quid des mesures à prendre pour éviter ou atténuer une catastrophe naturelle sachant que dans ce domaine là, le plus dur n’est pas d’avoir des idées, mais bien de trouver un maitre d’ouvrage.
Donc pas de réponse définitive sur notre position future d’autant que les différents scénarii ne nous ont pas été proposés. Ils le seront bientôt, peut-être même dans 48 heures. Et nous aurons l’occasion d’en discuter à nouveau dans cette enceinte, le désengagement de l’Etat et le volontarisme responsable et solidaire du Conseil Général étant souvent des beaux sujets de débats.
Hervé Poher