« Développement durable »… Expression très à la mode, sur-utilisée, voire galvaudée… mais expression qui, au début de ce 21ème siècle, a probablement un sens. Elle a besoin simplement, tout simplement, d’être expliquée.
Bien souvent, la dernière création à la mode ou la nouvelle invention très « techno » est affublée de ce terme : durable (parce que ce petit mot semble vendeur… Même les comptes en banque deviennent « durables »). Trop souvent, les initiatives économiques se targuent et s’affichent comme étant durables (ce qui veut dire qu’elles ne l’étaient pas !) et désormais, il est de bon ton, pour une collectivité, de dire qu’on fait du développement durable, qu’on est en communion avec l’avenir et qu’on est en osmose avec l’environnement…
Mais soyons clairs, soyons réalistes et soyons honnêtes : le développement durable, c’est un état d’esprit, c’est un comportement et c’est une volonté. Or un état d’esprit, ça ne se décrète pas ; un comportement, ça ne s’invente pas et une volonté, ça met du temps à se forger. Et la notion de développement durable (c'est-à-dire du respect de l’environnement, du respect de l’homme, du respect de l’homme dans son environnement) est fondamentalement contraire aux principes qui gèrent actuellement notre société. Autour de nous, l’exploitation de notre environnement pour faire des profits est une évidence. Chaque jour, la locution « valeur financière » écrase l’expression « valeurs humaines ». A chaque instant, notre système économique montre qu’il n’a pas intérêt à instaurer la durabilité des choses… Et nous sommes tous les acteurs de cette triste comédie : tous responsables et tous coupables parce qu’on nous pousse à consommer, que nous voulons consommer et, surtout, parce que nous aimons consommer.
Nous avons créé une société où tout se consomme et où tout se jette. Et dans une société où l’on considère que tout se jette, donc se remplace, on a la fâcheuse tendance à penser que l’homme, aussi, peut se jeter…
Mais depuis peu, nous commençons à réaliser que tout ne se fabrique pas… Que les ressources de la terre ne sont pas éternelles… Que le climat se modifie… Que la science ne peut pas tout et que, certes, l’homme n’est pas un objet mais qu’à contrario, il n’a pas la puissance d’un dieu…
Quelques exemples parmi d’autres pour illustrer l’impasse vers laquelle nous nous dirigeons. Depuis quelques années, nous sommes très inquiets sur l’avenir de nos polders, de cette zone qui va de Calais à Dunkerque, via Saint-Omer, de cette plaine qui a été gagnée sur la mer et qui est sous le niveau de la mer… Et la tempête Xynthia est venue appuyer nos craintes. Le ministère de l’environnement et les responsables des wateringues viennent de faire faire une étude sur la diminution de nos capacités d’évacuation de l’eau, dans le territoire des Flandres, diminution due à la montée du niveau de la mer. Seul chiffre à retenir : au large de Dunkerque, suite au réchauffement climatique, le niveau de la mer augmente de 0.4 cm à 1 cm par an. De façon inexorable et continue. Cela fait entre 16 cm et 40 cm sur 40 ans, au minimum… Et le phénomène s’accélère…
Deuxième exemple, il est prouvé que si l’on compare la terre aujourd’hui à ce qu’elle était, il y a 600 millions d’années, nous avons perdu 99,9% des espèces végétales et animales. C'est-à-dire que lorsqu’on se targue de protéger la biodiversité, de sauvegarder tel ou tel animal ou d’essayer de garder telle ou telle espèce végétale, on ne raisonne que sur 0,1% de ce qui était notre patrimoine initial. La terre a déjà perdu presque la totalité de ses trésors…Et nous savons que, dans les 50 ans qui viennent, au rythme que nous avons adopté, nous allons perdre encore 50% des espèces actuellement vivantes. Toutes les 10 minutes, une espèce disparait… 150 espèces disparaissent chaque jour !
Dernier exemple enfin. Le baril de pétrole évolue actuellement entre 70 et 150 dollars, selon la période de fièvre économique. Certains parlent de bientôt 170 mais des chercheurs américains viennent de sortir une étude très sérieuse affirmant qu’un baril à 800 ou 1000 dollars n’était pas inconcevable… Quand nous serons en période de pénurie. Et avec pour conséquences : disparition de 95% des compagnies aériennes, fin de l’urbanisation autour des communes et retour des gens en centre ville, coup d’arrêt à la mondialisation et avènement, enfin, de toutes les nouvelles énergies. Je vous laisse le soin d’imaginer l’avenir et quelles sont les personnes qui, malgré tout, s’en sortiront!!!
Et c’est pour parler de ces tristes perspectives que sont organisés, régulièrement des colloques, conférences et sommets : Rio, Copenhague, Nagoya… Avec bien souvent, hélas, des constats d’échec : les intérêts particuliers, les intérêts nationaux et, surtout, les intérêts financiers sont considérés plus importants que la sauvegarde de l’ours blanc, que la persistance de la banquise, que le maintien de la forêt amazonienne et que la survie de l’homme… L’argent est plus important que la beauté ; le profit présent est plus important que le bien-être à venir ; l’égoïsme domine toujours l’utopie.
Ces évolutions sont-elles inexorables ? Peut-on éviter le pire ? N’est-il pas trop tard ? Elu, citoyen, homme… Tous doivent faire leur révolution culturelle, changer leur façon de vivre et savoir inculquer, à nos enfants, un nouvel art de vivre, une nouvelle façon de fonctionner et de se développer. C’est ce qu’on appelle « le développement durable » et c’est pourquoi il nous faut un but, une méthode, une volonté et un espoir.
· Un but parce que léguer à nos enfants une terre pleine de richesses, de diversité et d’avenir, est la plus noble des ambitions. La terre n’est pas qu’un gisement !
· Une méthode parce qu’il faut sortir de ce fonctionnement sociétal basé sur le chiffre, le calcul, le profit. Il nous faut savoir réfléchir, inventer et fonctionner avec de vraies valeurs philosophiques et non plus uniquement avec des critères mathématiques. Les chiffres, les bilans, les budgets nous amènent à ne plus rien faire. Redonnons place aux idées et aux rêves. L’homme et la société ne sont pas que des chiffres !
· Une volonté parce que le changement de comportement de chacun inventera le changement de comportement de tous. Individus, associations, collectivités, sociétés… La dynamique sera collective et le changement sera notre bien commun. La société n’est pas que l’association de solitaires !
· Un espoir enfin. Espoir qu’il n’est pas trop tard, que l’homme saura comprendre et que la nature saura pardonner… La nature est puissante mais elle ne peut pas tout réparer. L’homme a du génie mais il ne sait pas tout réparer. Sachons lier nos destins… Parce que nous n’avons pas le choix.
Voilà ce qu’est le développement durable : changer dans vos têtes pour changer dans votre vie ; avoir de petites idées pour inventer de nouveaux gestes ; accepter aujourd’hui des contraintes pour libérer l’avenir. C’est aussi et avant tout un message d’espérance car nos enfants comprendront… Et, sincèrement, c’est peut-être vexant pour nous, mais les enfants comprennent déjà… eux !
Hervé Poher
Octobre 2010